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Décisions

Cass. crim., 21 mars 2012, n° 11-83.813

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Nocquet

Avocat :

SCP Monod et Colin

Papeete, du 21 avr. 2011

21 avril 2011

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 321-1, 432-12 et 432-17 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Z..., investi d'un mandat électif public, coupable de prise illégale d'intérêts et Mme X..., sa compagne, coupable de recel de sommes qu'elle savait provenir d'une prise illégale d'intérêts et de les avoir respectivement condamnés, le premier à une peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis, et d'avoir prononcé à son encontre, à titre de peine complémentaire, l'interdiction des droits civils, civiques et de famille pendant une durée d'un an, et, la seconde à une peine d'amende de 6 000 000 CFP ;

" aux motifs qu'il n'est pas contesté que M. Z..., président de la commission permanente de l'assemblée de la Polynésie française, a participé directement à l'embauche de sa compagne, Mme X..., en qualité de directrice de cabinet, en signant le contrat de travail ; qu'il est reproché à Mme X... d'avoir été recrutée pour l'exercice d'une fonction pour laquelle elle n'avait pas de compétence particulière, d'avoir été très peu présente à son travail et de n'avoir pas réalisé de travail effectif ; qu'en ce qui concerne les compétences de Mme X..., il est établi qu'elle est titulaire du brevet élémentaire et n'a aucun autre diplôme, qu'elle exerce les fonctions de gérante de sociétés de son concubin et qu'elle a reconnu devant les enquêteurs qu'elle n'avait ni le niveau ni les compétences pour exercer les fonctions de directeur de cabinet ; qu'en ce qui concerne son activité, la secrétaire de l'assemblée, après avoir affirmé que Mme X... n'était présente que trois fois par mois, a déclaré que celle-ci était bien présente dans le cadre de sa mission et accompagnait son mari dans ses voyages ; que le chauffeur de M. Z... a déclaré que Mme X... était présente tous les jours de la semaine ; que les enquêteurs ont constaté que Mme X... avait effectué des déplacements à Hong-Kong et en Australie alors qu'elle n'était pas en congés autorisés ; qu'en ce qui concerne son activité, Mme X... a déclaré qu'elle n'avait pas les compétences nécessaires pour exercer des fonctions de directrice de cabinet mais qu'elle a toutefois affirmé qu'elle avait fourni un travail effectif sans expliquer concrètement en quoi il consistait ; que les prévenus font valoir, d'une part, que les faits tels qu'ils sont qualifiés dans la citation, à savoir l'embauche par un représentant de l'assemblée de la Polynésie française d'un membre de sa famille, ne constituent pas une infraction et, d'autre part, qu'il n'est pas établi que l'embauche de Mme X... n'aurait pas eu de contrepartie ; qu'en l'espèce, il ressort des éléments du dossier que M. Z... savait, lorsqu'il a signé le contrat d'embauche de sa compagne, comme directeur de cabinet, que celle-ci n'avait pas les capacités pour remplir cette mission, et l'enquête a permis de le vérifier, celle-ci n'ayant fourni aucun travail effectif en cette qualité ; qu'il est, en conséquence, établi que l'embauche a été faite sans contrepartie de travail et l'infraction est constituée ;

" 1) alors que le délit de prise illégale d'intérêts n'est constitué qu'autant que le prévenu a pris sciemment un intérêt dans une opération dont il avait, au moment de l'acte, la charge d'assurer l'administration ou la surveillance ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations des juges que Mme X... était la gérante des sociétés perlières de M. Z..., fonction qui implique de solides compétences en matière de gestion financière, management et relations publiques ; qu'en affirmant pour déclarer M. Z... coupable de prise illégale d'intérêts qu'il est établi que ce dernier, président de la commission permanente de l'Assemblée de Polynésie française, savait lorsqu'il avait signé le contrat d'embauche de sa compagne, Mme X..., en qualité de directrice de cabinet, que celle-ci n'avait pas les capacités pour exercer cette fonction, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles précités ;

" 2) alors que la compétence pour exercer une fonction est indépendante du travail effectivement fourni ; qu'en l'espèce, pour déclarer M. Z... coupable de prise illégale d'intérêts, la cour d'appel s'est bornée à affirmer qu'il savait lorsqu'il a signé le contrat d'embauche de sa compagne comme directeur de cabinet, que celle-ci n'avait pas les capacités pour remplir cette mission et l'enquête a permis de le vérifier, celle-ci n'ayant fourni aucun travail effectif en cette qualité ; qu'en déduisant l'absence de compétences de Mme X... à exercer les fonctions de directrice de cabinet du président de l'assemblée du seul fait que cette dernière n'aurait pas exercé de travail effectif, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des dispositions précitées ;

" 3) alors qu'en affirmant que l'enquête avait permis de vérifier que Mme X... n'avait fourni aucun travail effectif en qualité de directrice de cabinet, fonction pour laquelle elle avait été embauchée, quand il ressortait de l'enquête que Mme X... était présente à son poste plusieurs jours par mois et qu'elle accompagnait le président de la commission dans tous ses déplacements, soit hors soit à l'intérieur du territoire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les dispositions précitées ;

" 4) alors que le délit de recel de prise illégal d'intérêts est un délit intentionnel ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont constaté que Mme X... était présente à son poste plusieurs jours par mois et qu'elle suivait le président de la commission permanente dans tous ses déplacements ce dont il ressort qu'elle effectuait un travail de directrice de cabinet ; qu'en retenant, pour déclarer Mme X... coupable de recel de sommes provenant du délit de prise illégale d'intérêts, que la prévenue avait déclaré qu'elle n'avait pas eu les compétences pour exercer la fonction de directrice de cabinet quand l'appréciation de ses compétences par la salariée ne suffit pas à établir son intention de bénéficier indûment du salaire qu'elle percevait, la cour d'appel n'a pas suffisamment justifié sa décision au regard des articles précités " ;

Attendu que, pour déclarer M. Z..., président de la commission permanente de l'assemblée de Polynésie française, coupable de prise illégale d'intérêts pour avoir recruté Mme X... en qualité de directrice de son cabinet, et cette dernière coupable de recel, l'arrêt relève que l'embauche a été faite sans contrepartie de travail de la part de la prévenue, qui était la concubine de M. Z... et n'avait pas les capacités pour remplir cette mission ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations, procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel, qui a caractérisé les délits en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.