Cass. 3e civ., 11 octobre 2000, n° 98-22.562
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauvois
Rapporteur :
Mme Fossaert-Sabatier
Avocat général :
M. Baechlin
Avocats :
SCP Piwnica et Molinié, SCP Boré, Xavier et Boré, SCP Célice, Blancpain et Soltner
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 8 septembre 1998), que la société civile immobilière de l'Ebeaupin (la SCI), propriétaire d'un terrain sur lequel sont implantés des bâtiments industriels, a réalisé une seconde tranche de travaux d'aménagement d'aires de stationnement et de manoeuvres, dont elle a confié l'exécution à la société Hervé sous la maîtrise d'oeuvre de M. X..., architecte ; que, se plaignant de divers désordres, la SCI a assigné ces derniers en réparation ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de laisser à sa charge une part de responsabilité, alors, selon le moyen, "1 ) que le maître de l'ouvrage ne peut se voir imputer une part de responsabilité dans la survenance de désordres que si sa compétence technique est établie ;
qu'en se bornant à constater que la SCI avait fait réaliser un premier parking sur le site sans caractériser en quoi ce seul fait pouvait lui conférer la compétence requise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1782 du Code civil ; 2 ) que le maître de l'ouvrage ne peut également se voir attribuer une part de responsabilité que s'il a commis une faute ou délibérément accepté un risque ; que l'état du sol relevant des vérifications auxquelles doivent impérativement procéder le maître d'oeuvre et l'entrepreneur et imposant des réserves expresses et précises de leur part en cas de défaut, le maître de l'ouvrage profane ne commet pas de faute en ne les informant pas de sa composition dont il ignorait l'importance pour les travaux à effectuer ; qu'en qualifiant ce simple manque d'information, de surcroît en l'absence de toute réserve expresse des hommes de l'art, de faute, la cour d'appel a violé les articles 1135, 1147 et 1792 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la SCI, qui avait effectué le remblai, en avait dissimulé la composition aux constructeurs, qu'elle avait refusé de faire l'étude de sol préconisée par le maître d'oeuvre, l'estimant inutile, et qu'elle avait opté pour la solution d'un revêtement bi-couche au lieu d'un revêtement bitumineux, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1792 du Code civil, ensemble l'article 1149 de ce Code ;
Attendu que pour limiter l'indemnisation de la SCI à la remise en état de l'ouvrage en fonction du seul coût du marché initial, l'arrêt retient que l'expert a évalué le coût d'une chaussée telle qu'elle aurait dû être faite dès le début mais qu'il en résulterait un embellissement des aires et que, le matériau de fond de forme ayant été mis en place par la SCI, c'est par la seule faute de celle-ci que la solution consistant à compenser les travaux initiaux n'est pas satisfaisante ;
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que l'étude de sol effectuée à la demande de l'expert démontrait que seule la réfection totale était de nature à éviter les déformations à long terme en raison des insuffisances des couches de fondation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a limité l'indemnisation de la SCI à la remise en état de l'ouvrage en fonction du seul coût du marché initial et ordonné une expertise pour évaluer sur cette base les travaux à réaliser, l'arrêt rendu le 8 septembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.