Cass. com., 25 octobre 1983, n° 82-13.595
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Perdriau
Avocat général :
M. Galand
Avocats :
Me Ryziger, Me Odent
SUR LE PREMIER MOYEN DU POURVOI N° 82 13 595 ET SUR LE PREMIER MOYEN DU POURVOI INCIDENT, QUI SONT IDENTIQUES : ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE (ROUEN, 25 FEVRIER 1982) QUE LA SOCIETE ANONYME "CHAPELLE DARBLAY" AYANT ETE MISE EN REGLEMENT JUDICIAIRE AINSI QU'UNE DE SES FILIALES, LA SOCIETE "C G ENERGIE", 85 DE SES CREANCIERS L'ONT ASSIGNEE, EN MEME TEMPS QU'ILS ONT ASSIGNE LES SYNDICS ET UN CERTAIN NOMBRE DE PERSONNES PHYSIQUES OU MORALES, DONT LA SOCIETE "C G ENERGIE", POUR QUE, SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 145 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, UNE MESURE D'INSTRUCTION DETERMINE LES CAUSES DE LA CESSATION DE SES PAIEMENTS ET LES RESPONSABILITES EVENTUELLEMENT ENCOURUES, QUE LE PREMIER JUGE A DECLARE CES CREANCIERS IRRECEVABLES COMME NE JUSTIFIANT, NI DE L'URGENCE, NI D'UN INTERET DISTINCT DE CELUI DE LA MASSE, MAIS QUE, SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE D'UN ADMINISTRATEUR DE LA SOCIETE "CHAPELLE DARBLAY", IL A PRESCRIT UNE EXPERTISE AUX MEMES FINS QUE CELLE QUI ETAIT SOLLICITEE, ET QUE LES 85 CREANCIERS ONT INTERJETE APPEL DE L'ORDONNANCE POUR FIGURER AUX OPERATIONS COMME PARTIES ;
ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET D'AVOIR DECLARE RECEVABLE L'ACTION DESDITS CREANCIERS SANS EXAMINER S'IL Y AVAIT URGENCE ALORS, SELON LES POURVOIS, QUE SI L'ARTICLE PRECITE AUTORISE LE PRESIDENT D'UNE JURIDICTION, S'IL EXISTE UN MOTIF LEGITIME DE CONSERVER OU D'ETABLIR AVANT TOUT PROCES LA PREUVE D'UN FAIT DONT POURRAIT DEPENDRE LA SOLUTION D'UN LITIGE, A ORDONNER DES MESURES D'INSTRUCTION LEGALEMENT ADMISSIBLES, IL NE DISPENSE PAS CE MAGISTRAT, LORSQU'IL STATUE EN REFERE, DE RECHERCHER SI LA CONDITION D'URGENCE, QUI JUSTIFIE LE RECOURS AU REFERE, EXISTE EN L'ESPECE ;
QU'EN DECIDANT LE CONTRAIRE, LA COUR D'APPEL A VIOLE LES ARTICLES 145 ET 872 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE ;
MAIS ATTENDU QUE, LORSQU'IL STATUE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 145 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, LE JUGE DES REFERES N'EST PAS SOUMIS AUX REGLES EXIGEES PAR L'ARTICLE 872 DUDIT CODE ;
QUE LA COUR D'APPEL A DONC RETENU A JUSTE TITRE QU'ELLE N'AVAIT PAS A RECHERCHER S'IL Y AVAIT URGENCE ;
QUE LES MOYENS SONT DES LORS SANS FONDEMENT ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DU POURVOI N° 82 13 596 : ATTENDU QU'IL EST DE PLUS REPROCHE A L'ARRET D'AVOIR RECU L'ACTION DES CREANCIERS ALORS, SELON LE POURVOI, QUE LE SYNDIC AYANT SEUL QUALITE POUR AGIR AU NOM DE LA MASSE, LA COUR D'APPEL, EN NE RECHERCHANT PAS SI LE PREJUDICE SUBI PAR CHACUN DES CREANCIERS DEMANDEURS ET LE FAIT SUR LEQUEL REPOSAIT LEUR ACTION SE DISTINGUAIENT DE CEUX QUE POUVAIT INVOQUER TOUT AUTRE CREANCIER COMPRIS DANS LA MASSE, N'A PAS DONNE DE BASE LEGALE A SA DECISION AU REGARD DE L'ARTICLE 13 ALINEA 1ER DE LA LOI DU 13 JUILLET 1967 ;
MAIS ATTENDU QU'APRES AVOIR RETENU QU'IL N'ENTRAIT PAS DANS SA MISSION D'APPRECIER LA RECEVABILITE DE L'ACTION AU FOND DANS L'EVENTUALITE DE LAQUELLE LA RECHERCHE OU LA CONSERVATION D'ELEMENTS DE PREUVE LUI ETAIT DEMANDEE, ET APRES AVOIR FAIT RESSORTIR QUE CHACUN DES CREANCIERS POUVAIT AVOIR SUBI LE PREJUDICE QU'IL INVOQUAIT ET QUE L'ENSEMBLE DE CES PREJUDICES INDIVIDUELS POUVAIT ETRE DISTINCT DU DOMMAGE EPROUVE COLLECTIVEMENT PAR LA MASSE, LA COUR D'APPEL DEVAIT SEULEMENT S'ASSURER QUE LESDITS CREANCIERS JUSTIFIAIENT D'UN MOTIF LEGITIME A FAIRE ETABLIR LES CIRCONSTANCES DANS LESQUELLES LA SOCIETE "CHAPELLE DARBLAY" ET SA FILIALE AVAIENT CESSE LEURS PAIEMENTS ;
QUE LE MOYEN EST DONC MAL FONDE ;
SUR LE SECOND MOYEN DU POURVOI N° 82 13 595 ET SUR LE SECOND MOYEN DU POURVOI INCIDENT, CHACUN PRIS DANS SES TROIS BRANCHES QUI SONT IDENTIQUES : ATTENDU QU'IL EST ENFIN FAIT GRIEF L'ARRET D'AVOIR ACCUEILLI LA DEMANDE DES 85 CREANCIERS ALORS, SELON LES POURVOIS, D'UNE PART, QUE L'ARTICLE 145 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE NE PERMET D'ORDONNER UNE MESURE D'INSTRUCTION QU'AFIN DE CONSERVER OU DE REUNIR LES ELEMENTS DE PREUVE RETENUS PAR UNE PARTIE A UN LITIGE EVENTUEL ;
QU'EN L'ESPECE, LES JUGES DU FAIT AYANT CONSTATE QU'IL N'EST PAS DISCUTE QUE LES CREANCIERS ONT REGULIEREMENT PRODUIT AU PASSIF ET QU'ILS N'ENTENDENT DONC PAS EXERCER UNE ACTION QUELCONQUE A L'ENCONTRE DES PERSONNES MORALES EN REGLEMENT JUDICIAIRE, SEULES CONCERNEES PAR LA SUSPENSION DES POURSUITES INDIVIDUELLES, ET QUE L'ACTION QU'ILS POURRAIENT EVENTUELLEMENT ENTREPRENDRE NE POURRAIT ETRE EVENTUELLEMENT DIRIGEE QUE CONTRE DES TIERS, PARMI LESQUELS SANS DOUTE LES DIRIGEANTS SOCIAUX AUXQUELS L'ARTICLE 35 DE LA LOI DU 13 JUILLET 1967 NE S'APPLIQUERAIT PAS, N'ONT PU, SANS VIOLER L'ARTICLE 145 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, DECLARER L'ACTION DES CREANCIERS RECEVABLE A L'ENCONTRE DES REPRESENTANTS LEGAUX ET DES SYNDICS DES SOCIETES "CHAPELLE DARBLAY" ET "C G ENERGIE" ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE LA PARTIE QUI AGIT EN VUE D'OBTENIR QUE SOIT ORDONNEE UNE MESURE D'INSTRUCTION AU VU DE L'ARTICLE 145 SUSVISE DOIT JUSTIFIER D'UN MOTIF LEGITIME ;
QUE SEUL LE SYNDIC A QUALITE POUR AGIR AU NOM DE LA MASSE EN REPARATION DU PREJUDICE RESULTANT POUR L'ENSEMBLE DES CREANCIERS DES FAUTES QUI ONT PU CONCOURIR A LA CREATION DE LA SITUATION QUI A MENE A LA CESSATION DES PAIEMENTS ;
QUE LES CREANCIERS NE SONT AUTORISES A AGIR INDIVIDUELLEMENT QU'AU CAS DE CARENCE DES SYNDICS OU DANS LE CAS OU ILS JUSTIFIENT D'UN PREJUDICE DISTINCT DE CELUI CAUSE A LA MASSE ;
QU'EN DECIDANT QUE DES CREANCIERS, AYANT PRODUIT AU PASSIF D'UN REGLEMENT JUDICIAIRE ET SE TROUVANT DONC DANS LA MASSE, ETAIENT RECEVABLES A DEMANDER UNE MESURE D'INSTRUCTION TENDANT A DETERMINER LES CONDITIONS DANS LESQUELLES LA SOCIETE "CHAPELLE DARBLAY" AVAIT ETE CONDUITE A SOLLICITER L'OUVERTURE D'UNE PROCEDURE COLLECTIVE, AFIN DE LEUR PERMETTRE DE DECIDER D'ENTREPRENDRE OU DE S'ABSTENIR D'ENTREPRENDRE UNE INSTANCE EN RESPONSABILITE DEVANT LES JUGES DU FOND, SANS RECHERCHER SI LES SYNDICS AVAIENT OU NON OMIS D'AGIR ET SI LES CREANCIERS QUI AVAIENT DEMANDE QUE SOIT ORDONNEE UNE MESURE D'INSTRUCTION JUSTIFIAIENT D'UN PREJUDICE DISTINCT DE CELUI DE LA MASSE, LA COUR D'APPEL N'A PAS CARACTERISE L'EXISTENCE D'UN INTERET LEGITIME AU SENS DE L'ARTICLE 145 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE ET PAR LA, PRIVE SON ARRET DE BASE LEGALE, ET ALORS, ENFIN, QU'UNE MESURE D'INSTRUCTION NE PEUT ETRE ORDONNEE EN VERTU DE L'ARTICLE 145 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE QUE POUR CONSERVER ET ETABLIR AVANT TOUT PROCES LA PREUVE DE FAITS DONT POURRAIT DEPENDRE LA SOLUTION D'UN LITIGE ;
QUE LES MESURES ORDONNEES EN VERTU DE CE TEXTE DOIVENT ETRE DE NATURE A FACILITER L'ADMINISTRATION DE LA PREUVE, ET NON POINT DE NATURE A PERMETTRE A UNE PARTIE DE PRENDRE PARTI SUR L'INTRODUCTION D'UNE ACTION ;
QU'EN ORDONNANT UNE MESURE D'INSTRUCTION PORTANT SUR LES CONDITIONS DANS LESQUELLES LA SOCIETE "CHAPELLE DARBLAY" AVAIT ETE CONDUITE A SOLLICITER L'OUVERTURE D'UNE PROCEDURE COLLECTIVE, EN RETENANT QUE LA PREUVE DE CES CONDITIONS POUVAIT SEULE PERMETTRE AUX CREANCIERS DEMANDEURS DE DECIDER D'ENTREPRENDRE OU DE S'ABSTENIR D'ENTREPRENDRE UNE INSTANCE EN RESPONSABILITE DEVANT LES JUGES DU FOND, SANS RECHERCHE ORDONNEE ETAIT DE NATURE A FACILITER LA SOLUTION D'UN LITIGE, AU CAS OU UNE PROCEDURE SERAIT INTRODUITE, LA COUR D'APPEL A EN REALITE VIOLE L'ARTICLE 145 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE ;
MAIS ATTENDU, EN PREMIER LIEU, QUE LE GRIEF RELATIF A LA DISTINCTION DES INTERETS INDIVIDUELS DES CREANCIERS ET DE L'INTERET COLLECTIF DE LA MASSE A ETE PRECEDEMMENT ECARTE ;
ATTENDU, EN DEUXIEME LIEU, QUE L'ARRET A FAIT A BON DROIT RESSORTIR QUE LA DEMANDE D'EXPERTISE AVAIT VALABLEMENT ETE PRESENTEE A L'ENCONTRE DES DEUX SOCIETES EN REGLEMENTS JUDICIAIRES ET DES SYNDICS, LA SITUATION DESDITES SOCIETES ET SON EVOLUTION NE POUVANT ETRE CONNUE QU'A L'AIDE DES DOCUMENTS DETENUS PAR CES DEFENDEURS ;
ATTENDU, EN DERNIER LIEU, QU'EN ENONCANT QUE "L'IMPORTANCE DE L'ENTREPRISE DEFAILLANTE ET LA PUBLICITE DONNEE AUX EFFORTS D'INVESTISSEMENTS DONT ELLE AVAIT BENEFICIE N'ONT PU QUE FAIRE APPARAITRE A CHAQUE CREANCIER SURPRENANT, SINON SUSPECT, LE SOUDAIN DEPOT DE BILAN DE LA SOCIETE "CHAPELLE DARBLAY", LA COUR D'APPEL A CARACTERISE LE MOTIF LEGITIME QUI S'ATTACHAIT A L'OBTENTION D'ELEMENTS DE PREUVE DONT LES CREANCIERS DEMANDEURS NE POUVAIENT ALORS DISPOSER ;
QU'AINSI, ET ABSTRACTION FAITE DE LA CONSIDERATION SURABONDANTE CRITIQUEE PAR LA TROISIEME BRANCHE, ELLE A LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION ;
D'OU IL SUIT QUE LES POURVOIS NE SONT FONDES EN AUCUNE DE LEURS BRANCHES ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LES TROIS POURVOIS FORMES CONTRE L'ARRET RENDU LE 25 FEVRIER 1982 PAR LA COUR D'APPEL DE ROUEN.