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Décisions

Cass. 3e civ., 5 juillet 1995, n° 93-18.021

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

Mme Borra

Avocat général :

M. Weber

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Boré et Xavier, Me Baraduc-Benabent, SCP Coutard et Mayer

Chambéry, 2e sect., du 18 mai 1993

18 mai 1993

Sur les trois premiers moyens du pourvoi principal, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 18 mai 1993), que, dans la nuit du 12 au 13 février 1986, un incendie dont l'origine et le point de départ sont restés indéterminés a détruit un immeuble appartenant à la société Savoy hôtel et dont une partie avait été donnée en location aux époux Y... ;

que la propriétaire a demandé à son assureur, la compagnie Abeille assurances, de l'indemniser pour la perte des embellissements effectués par les locataires ;

que ceux-ci, qui avaient formé la même demande auprès de leur assureur, la compagnie Assurances générales de France (AGF), ont fait opposition entre les mains de la compagnie Abeille assurances au paiement d'une indemnité au profit de la société Savoy hôtel ;

que la propriétaire a demandé réparation du préjudice causé par cette opposition et qu'elle a, en outre, avec son assureur, sollicité la condamnation de la compagnie AGF et des époux Y..., à les indemniser de toutes les conséquences de l'incendie en invoquant la responsabilité des locataires ;

Attendu que la société Savoy hôtel fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées contre la Compagnie AGF, la compagnie Abeille assurances et contre les époux Y..., alors, selon le moyen, "1 ) que le bail stipulait que le preneur était tenu de laisser à la fin de la location les lieux loués dans l'état où ils se trouveront avec toutes les améliorations, travaux utiles, embellisements qu'il aurait pu y faire sans préciser le moment auquel jouait le droit d'accession du bailleur ;

qu'en décidant qu'il n'y a pas lieu de répondre aux moyens des parties relatifs à la nature mobilière ou immobilière des éléments corporels détruits au cours de l'incendie pour lesquels l'indemnité était réclamée et au véritable propriétaire de ces éléments compte tenu des dispositions figurant au bail conclu le 5 octobre 1983 entre la SARL Savoy hôtel et les époux Y..., la cour d'appel, qui a dénaturé les stipulations claires et précises du bail, a violé l'article 1134 du Code civil ;

2 ) qu'il résulte des dispositions des articles 1722 et 1741 du Code civil que le bail est résilié de plein droit en cas de destruction de la chose louée en totalité par cas fortuit ou même par la faute de l'une des parties ;

qu'en décidant que la fin de la location est intervenue postérieurement au sinistre, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

3 ) que la notification de résiliation du bail du 6 mars 1986 stipule nettement que ledit bail se trouve résilié de plein droit à compter du 13 février 1986, date de l'incendie ;

qu'en fixant la fin de la location au 6 mars 1986, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte de notification de la résiliation et, par suite, a violé derechef l'article 1134 du Code civil ;

4 ) qu'il résulte des dispositions des articles 1722 et 1741 du Code civil que le bail est résilié de plein droit en cas de destruction de la chose louée en totalité par cas fortuit ou même par la faute de l'une des parties ;

qu'en retenant que la fin de la location est intervenue postérieurement au sinistre, soit le 6 mars 1986, alors qu'elle est intervenue le jour du sinistre, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel n'a pas rejeté une demande d'indemnité pour perte des embellissements, qui n'avait pas été formée contre la Compagnie AGF, par la société Savoy hôtel ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que les embellissements, qui avaient seulement vocation à devenir la propriété du bailleur, en fin de bail, appartenaient aux locataires lors du sinistre, la cour d'appel, qui a constaté que ces embellissements avaient été détruits dans l'incendie, en a justement déduit, abstraction faite d'un motif surabondant, que le propriétaire ne pouvait prétendre à aucune réparation de ce chef et que l'opposition au paiement de l'indemnité faite entre les mains de son assureur ne lui avait causé aucun préjudice ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi provoqué :

Attendu que la société Savoy hôtel et la compagnie Abeille assurances font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes formées contre les époux Y... et la compagnie AGF, alors, selon le moyen, "1 ) qu'en retenant que le bailleur occupait une partie de l'immeuble loué sans rechercher si sa jouissance était semblable à celle d'un locataire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1733 et 1734 du Code civil ;

2 ) que, dans ses conclusions d'appel, la SARL Savoy hôtel avait exposé que le locataire avait l'obligation, aux termes du bail, de faire son affaire personnelle et de prendre à sa charge tous les travaux nécessaires à la condamnation des issues de la partie louée avec la partie non louée et que dans la mesure où il n'a pas respecté cette clause, il était responsable du préjudice que sa carence pouvait entraîner vis-à -vis du bailleur ;

qu'en s'abstenant de répondre à ce chef des conclusions qui était de nature à avoir une incidence sur l'issue du litige, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences posées par l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 ) qu'il n'y a pas occupation du propriétaire lorsque des locaux occupés par le bailleur sont contigus mais distincts de ceux occupés par le locataire ;

qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'hôtel exploité par M. Y... était distinct du bâtiment prétendument occupé par la société Savoy hôtel ;

d'où il suit qu'en déclarant que le bailleur occupait lui-même une partie de l'immeuble loué, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles 1733 et 1734 du Code civil ;

4 ) qu'en déduisant l'occupation par le bailleur de l'immeuble loué du seul fait qu'il existait des portes faisant communiquer l'hôtel exploité par M. Y... au bâtiment occupé par la société Savoy hôtel, sans relever une occupation effective du bailleur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1733 et 1734 du Code civil ;

5 ) qu'en faisant résulter l'occupation par le bailleur de l'immeuble loué du fait que les combles étaient communs au propriétaire et au locataire des murs, sans relever les conditions d'occupation effective desdits lieux par le bailleur, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard des articles 1733 et 1734 du Code civil" ;

Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que la société Savoy hôtel s'était réservée une partie de l'immeuble dans lequel elle exerçait le commerce de loueur de chambres et studios meublés, que de nombreuses portes non condamnées permettaient la libre circulation à chaque niveau, avec les locaux donnés à bail et que les combles étaient communs, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que le propriétaire occupait lui même une partie de l'immeuble incendié, a, sans avoir à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, légalement justifié sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.