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Décisions

Cass. com., 19 juin 2019, n° 17-28.804

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Avocats :

Me Le Prado, SCP Richard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 12 sept. 2017

12 septembre 2017

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte du 4 novembre 2011, MM. L... et S... E... et Mmes K... et F... E... (les consorts E...) ont cédé à la société Findis l'intégralité des actions qu'ils détenaient dans le capital de la société E... Holding ; que par acte du même jour, ils lui ont consenti une garantie de passif, dont la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté (la caisse) s'est, par acte du 20 décembre 2011, rendue caution solidaire, dans la limite de 250 000 euros ; que la société Findis a mis en oeuvre la garantie de passif, par plusieurs lettres recommandées avec accusé de réception, puis a assigné en paiement les consorts E... ainsi que la caisse, par actes des 19 et 20 décembre 2013 ; que ceux-ci ont opposé l'irrecevabilité de la demande pour non-respect de la clause prévoyant une « phase précontentieuse dans le règlement amiable des litiges », stipulée dans la garantie ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la société Findis fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes tendant à voir condamner les consorts E... à lui payer diverses sommes au titre des appels en garantie alors, selon le moyen, que la clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable, non assortie de conditions particulières de mise en oeuvre, n'institue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s'imposant à celui-ci ; qu'en décidant néanmoins que l'article 12 de la garantie de passif du 4 novembre 2011, qui prévoyait que les parties devaient tenter de trouver une solution amiable soit par elles-mêmes, soit par l'intermédiaire d'un tiers, mais ne précisait pas la procédure à suivre si les parties étaient en désaccord sur la voie à emprunter, constituait une clause de conciliation préalable à la saisine du juge, pour en déduire que son non-respect caractérisait une fin de non-recevoir qui s'imposait au juge, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève que l'article 12 de la convention de passif prévoit que « si certaines clauses du présent contrat ne peuvent être respectées, totalement ou partiellement, ou s'il y a divergence d'interprétation et désaccord, les parties tenteront de trouver une solution amiable dans un délai d'un mois du fait générateur soit entre elles, soit par l'intermédiaire d'un tiers nommé par M. le président du tribunal de commerce de Lille statuant en la forme des référés et sans recours possible, à moins que les parties ne le désignent d'un commun accord. », que « Toute contestation, divergence, interprétation ou désaccord devra faire l'objet d'une notification en les conditions stipulées à l'article 10 ci-dessus » et que « La date de réception de la lettre recommandée avec accusé de réception ou la date de présentation, si cette dernière n'est pas retirée par son destinataire, fera courir le délai d'un mois », et qu'il précise que « La présente clause n'est pas une clause d'arbitrage mais elle est une phase précontentieuse dans le règlement amiable de la difficulté intervenue » et qu'« À défaut d'accord amiable sur le litige les opposant au terme du délai d'un mois précité, le litige sera soumis par la partie la plus diligente au tribunal de commerce de Lille.» ; qu'il retient que cette clause contenant l'obligation d'une tentative préalable de règlement amiable prévoit des conditions particulières de sa mise en oeuvre puisque le tiers doit être désigné, soit d'un commun accord entre les parties, soit par le président du tribunal de commerce en la forme des référés ; qu'en cet état, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la clause litigieuse instituait une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont le défaut de mise en oeuvre constituait une fin de non-recevoir ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur ce moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes de la société Findis, l'arrêt retient que c'est à tort que cette société soutient que l'article 12 de la convention prévoyant le recours préalable à un mode amiable ne s'applique pas au présent litige, celui-ci étant consécutif à la demande d'un tiers, situation régie par l'article 5.5.3 qui ne prévoit pas le recours préalable à un mode amiable de règlement des litiges, puisque cet article ne vise que les instances en justice initiées par un tiers, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, de sorte qu'il ne s'applique pas ;

Qu'en statuant ainsi, en relevant d'office le moyen tiré de ce que l'article 5.5.3 ne s'appliquait que dans l'hypothèse où des instances en justice auraient été initiées par des tiers, de sorte qu'il ne serait pas applicable au litige, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes formées par la société Findis à l'encontre de la caisse, l'arrêt retient qu'elle n'a pas respecté la procédure de conciliation préalable résultant de l'article 12 de la garantie de passif du 4 novembre 2011 ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Findis, qui soutenait que la fin de non-recevoir tirée du non-respect de la clause de conciliation préalable et obligatoire ne constitue pas une exception inhérente à la dette que la caution peut opposer, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.