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Décisions

Cass. com., 4 janvier 2023, n° 21-10.609

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Ducloz

Avocats :

SCP Célice, Texidor, Périer, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Caston

Paris, du 29 déc. 2020

29 décembre 2020

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à Mmes [Y], [G] et [U] [N] et à M. [V] [N] (les consorts [N]) de ce qu'ils reprennent l'instance en leur qualité d'héritiers de [E] [N], décédé le 21 mai 2022.

Jonction

2. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-10.609 et 21-12.515 sont joints.

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 décembre 2020), la société par actions simplifiée Intégrale était détenue à 50 % par [A] [L], son président, à 25 % par [E] [N] et à 25 % par un troisième actionnaire.

4. Le 30 juin 2015, l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société Intégrale a décidé de la réduction à zéro du capital social et de l'augmentation de ce capital par création d'actions nouvelles, avec maintien du droit préférentiel de souscription aux actionnaires. Elle a également pris acte de ce qu'à l'issue de cette opération, [A] [L] était devenu l'actionnaire unique de la société Intégrale.

5. Contestant la régularité de cette opération, [E] [N] a saisi, en référé, le président d'un tribunal de commerce, lequel a, par une ordonnance du 11 septembre 2015, suspendu la quatrième résolution de l'assemblée générale extraordinaire du 30 juin 2015, constatant que [A] [L] avait souscrit à l'intégralité de l'augmentation de capital et était devenu l'actionnaire unique de la société Intégrale, ainsi que les cinquième et sixième résolutions, constatant le nouveau capital social de la société et modifiant en conséquence ses statuts.

6. La société Intégrale prépa a été constituée le 1er octobre 2015, son capital étant détenu à 60 % par la société Intégrale et à 40 % par M. [C], président de la société Intégrale.

7. Par une délibération du 16 novembre 2015 de son actionnaire unique, [A] [L], la société Intégrale a décidé un apport partiel d'actifs portant sur les branches d'enseignement « scientifique » et « économique », au profit de la société Intégrale prépa. Le 10 février 2016, l'assemblée générale de la société Intégrale prépa a approuvé cet apport partiel d'actifs, ainsi que la cession à M. [C] et Mme [J], par la société Intégrale, d'une partie des nouvelles actions qu'elle avait reçues dans la société Intégrale prépa en rémunération de cet apport.

8. [A] [L] est décédé le 4 juillet 2016, en laissant pour lui succéder ses enfants, [S] et [W] [L], lesquels sont devenus associés de la société Intégrale.

9. Par acte du 8 août 2016, [E] [N] a assigné les sociétés Intégrale et Intégrale prépa et M. [C] en annulation de l'apport partiel d'actifs. M. [S] [L] et Mme [W] [L], ainsi que Mme [J], sont intervenus volontairement à l'instance. M. [C] et Mme [J] ont opposé à [E] [N] une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir en raison de la perte de la qualité d'actionnaire de la société Intégrale.

Examen des moyens

Sur les moyens, pris en leur deuxième branche, des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé du moyen

10. Les consorts [N], M. [S] [L], Mme [W] [L] et la société Intégrale font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action de [E] [N] en nullité de l'apport partiel d'actifs de la société Intégrale à la société Intégrale prépa, alors « qu'un coup d'accordéon prenant la forme d'une réduction du capital social à un montant nul suivi d'une augmentation immédiate du capital constitue une opération unique et indivisible, la réduction du capital à zéro ne pouvant produire effet qu'à la condition que les associés procèdent à une augmentation concomitante et effective du capital social ; qu'en relevant, pour dire que l'ordonnance de référé du 11 septembre 2015 n'avait pas eu pour effet de replacer l'actionnariat de la société Intégrale dans l'état où il se trouvait avant le 30 juin 2015, que le juge des référés avait uniquement suspendu les quatrième, cinquième et sixième résolutions, et non les première, deuxième et troisième résolutions constatant la réduction du capital à zéro et actant le seul principe de l'augmentation du capital, quand la suspension des quatrième, cinquième et sixième résolutions, qui réalisaient l'augmentation du capital et en tiraient les conséquences statutaires, avait nécessairement pour conséquence de suspendre la réduction du capital à zéro, l'opération dans son ensemble, et de maintenir [E] [N] dans sa condition d'associé, compte tenu du caractère indivisible de l'opération, la cour d'appel a violé les articles L. 224-2 et L. 225-134 du code de commerce, ensemble les 4, 484 et 488 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 210-2 et L. 224-2 du code de commerce :

11. Il résulte de ces textes que la réduction à zéro du capital d'une société par actions n'est licite que si elle est décidée sous la condition suspensive d'une augmentation effective de son capital amenant celui-ci à un montant au moins égal au montant minimum légal ou statutaire.

12. Pour dire l'action de [E] [N] en nullité de l'apport partiel d'actifs irrecevable, l'arrêt retient que l'ordonnance de référé du 11 septembre 2015 a suspendu les effets de la quatrième résolution de l'assemblée générale de la société Intégrale du 30 juin 2015, portant sur le constat que [A] [L] avait souscrit à l'intégralité de l'augmentation de capital, ainsi que ceux des cinquième et sixième résolutions, en ce qu'elles découlaient de la quatrième, mais a écarté la demande de suspension des effets des première, deuxième et troisième résolutions de cette assemblée générale, lesquelles portent respectivement sur la réduction du capital de la société à zéro, sur l'augmentation du capital social d'une somme de 204 280,32 euros représentant 536 actions à souscrire et à libérer immédiatement en numéraire, et sur le maintien des droits préférentiels de souscription des associés. L'arrêt ajoute qu'en écartant la suspension des effets des première, deuxième et troisième résolutions de l'assemblée générale du 30 juin 2015, le juge des référés n'a pas entendu revenir sur la réduction à zéro du capital social et l'augmentation de capital, ni remettre l'actionnariat de la société Intégrale dans l'état où il se trouvait avant cette assemblée. L'arrêt en déduit qu'au jour où l'instance a été introduite, le 8 août 2016, [E] [N] n'avait pas la qualité d'associé de la société Intégrale.

13. En statuant ainsi, alors qu'elle retenait que l'augmentation du capital de la société Intégrale par la souscription d'actions nouvelles, dont la réalisation avait été suspendue, n'était pas effective, ce dont elle aurait dû déduire que la résolution décidant de la réduction à zéro du capital de la société ne pouvait, sauf à priver cette société de tout capital, légalement produire effet, peu important que la suspension de cette résolution n'ait pas été ordonnée en référé, de sorte que [E] [N] avait conservé, à la date à laquelle il avait introduit son action, la qualité d'actionnaire de la société Intégrale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'action de [E] [N] en nullité de l'apport partiel d'actifs de la société Intégrale à la société Intégrale prépa, l'arrêt rendu le 29 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.