CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 1 février 2023, n° 21/01051
PARIS
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
Mme Brun-Lallemand, Mme Depelley
Avocats :
Me Meynard, Me Lefebvre, Me Guyonnet, Me Lanciaux
M. [V] [D] a créé les sociétés Distri Mesnils, Distri Clos Distri Tourville et DistriBarentin afin d'exploiter plusieurs magasins sous les enseignes Cuisinella et Schmidt.
La société Schmidt Groupe (ci-après la société Schmidt) anciennement (SALM) a pour activité l'animation et la gestion de deux réseaux de concessionnaires commercialisant des meubles de cuisine, salle de bains et de rangement sous les enseignes SCHMIDT et CUISINELLA.
Pendant plusieurs années, les quatre sociétés gérées par M.[D] ont été concessionnaires sur la région de [Localité 6], de Cuisinella depuis 2006 pour Distri Barentin, ainsi que depuis 2010 pour Distri Tourville, et de Schmidt depuis 2012 pour Distri Mesnils ainsi que pour t Distri Clos.
Par lettre recommandée du 6 juin 2014, Schmidt résiliait les contrats de concession avec ces 4 sociétés avec effet au 31 décembre 2014.
Le 31 juillet 2014, M. [D] répondait par lettre recommandée :
« Votre résiliation est constitutive d'une rupture brutale ouvrant droit à des dommages et intérêts. Il s'agit d'un abus de droit manifeste de résiliation...en raison de la dépendance économique... »
Le 3 septembre 2014, Schmidt adressait une nouvelle lettre recommandée pour « revoir le délai de résiliation des contrats de concession » au 8 septembre 2014.
Par jugement du tribunal de commerce de Rouen du 14 octobre 2014, les sociétés de M. [D] étaient placées en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire par jugement du 16 décembre 2014.
Par jugement du 22 octobre 2019, la clôture de la liquidation de ces sociétés pour insuffisance d'actif a été prononcée.
Estimant avoir subi un préjudice du fait de la rupture brutale des relations commerciales par la société Schmidt, M. [D] a assigné cette dernière devant le tribunal de commerce d'Arras.
Par jugement du 23 mars 2018, ce tribunal s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Lille-Métropole.
Par jugement du 1er décembre 2020 le tribunal de commerce de Lille-Métropole, saisi par acte de M [D] du 5 juin 2019, a :
Dit que la demande de Monsieur [D] est recevable
Débouté Monsieur [D] de sa demande de réparation au titre de l'art. L 442-6-5 (ancien) du Code de commerce.
Debouté Monsieur [D] de l'ensemble de ses autres demandes fins et conclusions
Débouté la SAS Schmidt Groupe de sa demande de condamner Monsieur [D] au paiement d'une amende civile
Debouté la SAS Schmidt Groupe de sa demande de condamner Monsieur [D] au paiement d'une indemnité pour préjudice moral
Dit ne pas y avoir lieu à exécution provisoire
Condarnné Monsieur [D] à payer à la SAS Schmidt Groupe la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condanmé Monsieur [D] aux entiers dépens, taxes et liquides à la somme de 73.24 euros.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 13 janvier 2021, Monsieur [V] [D] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 20 juillet 2021, M. [V] [D] demande à la Cour de :
Vu l'article L. 442-6 du code de commerce (ancien),
Vu l'article 1382 du Code civil (ancien),
Vu les articles 16, 122, 123, 200 et suivants et 367 du code de procédure civile ;
Vu le principe « nul ne peut se constituer de preuve à soi-même »
Recevoir son appel dans l'instance enrôlée sous le numéro RG 21/01051,
Recevoir son appel incident à l'encontre de la société Schmidt Groupe dans l'instance enrôlée sous le numéro RG 21/01525,
Les déclarer fondés,
Ordonner la jonction des deux procédures d'appel respectivement enrôlées sous les numéros RG 21/01051 et 21/01525,
Infirmer le jugement entrepris du Tribunal de Commerce de Lille-Métropole du 1er décembre 2020 en ce qu'il a :
- Violé le principe du contradictoire,
- Omis de statuer sur sa demande indemnitaire formée au visa de l'article 1382 du Code civile (ancien),
- été Débouté de sa demande de réparation au titre de l'art. L 442-6 I-5° (ancien) du Code de Commerce,
- été Débouté de l'ensemble de ses autres demandes fins et conclusions,
- été Condamné à payer à la SAS Schmidt Groupe la somme de 1 500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
Confirmer le jugement entrepris du tribunal de commerce de Lille-Métropole du 1er décembre 2020 en ce qu'il a :
- Dit que sa demande est recevable ;
- Débouté la SAS Schmidt Groupe de sa demande de le condamner au paiement d'une amende civile ;
- Débouté la SAS Schmidt Groupe de sa demande de le condamner au paiement d'une indemnité pour préjudice moral ;
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
Statuant à nouveau,
Déclarer irrecevables les pièces 5 à 8 et 19 versées aux débats par la société Schmidt Groupe,
A titre principal,
Dire et Juger que la résiliation concomitante des quatre contrats de concession Cuisinella et Schmidt opérée par la société Schmidt Groupe engage la responsabilité de la société Schmidt Groupe, au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce (ancien), à son égard,
A titre subsidiaire,
Dire et Juger que la résiliation concomitante des quatre contrats de concession Cuisinella et Schmidt opérée par la société Schmidt Groupe constitue, au visa de l'article 1382 du Code civil (ancien) une faute délictuelle à son endroit,
En toute hypothèse,
Condamner la société Schmidt Groupe à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l'article 123 du Code de procédure civile,
Condamner la société Schmidt Groupe à lui payer la somme de 42 000 euros en réparation de son préjudice né de ses gains manqués,
Condamner la société Schmidt Groupe à lui payer la somme de 821 328 euros en réparation de son préjudice né de la perte de chance d'avoir pu céder les quatre sociétés concessionnaires,
Condamner la société Schmidt Groupe à lui payer la somme de 179 698,41 euros en principal, somme majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2014, au titre de son engagement de caution envers la banque BRED, ce suite à l'arrêt de la Cour d'appel de Douai du 16 mai 2019 ;
Condamner la société Schmidt Groupe à lui payer la somme de 53 592,67 euros avec intérêts au contractuel Euribor +4% l'an à compter du 12 juin 2017 au titre de son engagement de caution envers la banque CREDIT DU NORD outre 1.000 euros au titre des frais de procédure, ce suite au jugement du tribunal de commerce d'Arras, assorti de l'exécution provisoire, du 3 juillet 2019,
Dire et Juger que la campagne de dénigrement orchestrée par la société Schmidt Groupe constitue, au visa de l'article 1382 du Code civil (ancien) une faute délictuelle à son endroit,
Condamner la société Schmidt Groupe à lui payer la somme de 200 000 euros en réparation de son préjudice moral,
L'Autoriser à faire paraître, sur tout support (écrit ou électronique), aux frais de la société Schmidt Groupe, dans la limite de trois parutions (presse locale, presse professionnelle, presse spécialisée dans les réseaux) et pour un montant maximal de 5 000 € H.T par insertion, le communiqué judiciaire suivant :
« Par arrêt du ''''''., la Cour d'appel de Paris a condamné la société SchmidtGroupe au paiement de dommages et intérêts au profit de Monsieur [V] [D] en réparation de ses préjudices personnels nés :
de la résiliation abusive et brutale de quatre contrats de concession CUISINELLA et Schmidt;
d'une campagne de dénigrement menée à son encontre »
Condamner la société Schmidt Groupe à publier le communiqué judiciaire sur les sites internet www.ma.cuisinella/fr et www.home-design.schmidt/fr.
Ces publications auront lieu sous le titre « PUBLICATION JUDICIAIRE », en caractères ARIAL de taille 14 ; ce, pendant deux mois et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
Se réserver la liquidation de l'astreinte.
Débouter la société Schmidt Groupe de son appel, de son appel incident et de toutes ses demandes, fins et prétentions,
Condamner la société Schmidt Groupe à lui verser une somme de 15 000 euros en application de l'article 700 Code de procédure civile,
Condamner la société Schmidt Groupe en tous les dépens de la première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile,
Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 23 septembre 2021 la société Schmidt Groupe demande à la Cour de :
- Recevoir la société Schmidt Groupe en ses présentes écritures et la dire bien fondée,
- Procéder à la jonction des deux procédures d'appel, respectivement enregistrées sous les n°de RG 21/01525 et 21/01051.
- A titre principal, vu les articles 14, 122 et suivants du Code de procédure civile et statuant à nouveau, dire Monsieur [D] irrecevable en son action et sa demande faute d'avoir attrait en la procédure les sociétés DISTRI TOURVILLE, DISTRI MESNILS, DISTRI CLOS et DISTRI BARENTIN et/ou le liquidateur judiciaire désigné aux fins de leur liquidation.
- A titre subsidiaire, vu l'article L.442-6 du Code de commerce et statuant à nouveau, dire
Monsieur [V] [D] mal fondé en son action et ses demandes fautes d'avoir entretenu à titre personnel des relations contractuelles directes avec la société Schmidt Groupe.
- En conséquence, confirmer le jugement rendu le 1er décembre 2020 par le tribunal de commerce de LILLE-Métropole,
- A titre très subsidiaire, dire que c'est à bon droit que la société Schmidt Groupe a mis fin aux contrats qui la liaient aux sociétés de Monsieur [V] [D].
- Dès lors, débouter Monsieur [V] [D] de l'intégralité de ses demandes.
- En tout état de cause, condamner Monsieur [V] [D] au paiement de la somme de 20.000 € au titre de l'article 32-1 CPC.
- Condamner Monsieur [V] [D] au paiement de la somme de 50 000 € en réparation du préjudice moral de la société Schmidt Groupe.
- Condamner Monsieur [V] [D] au paiement de la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 CPC.
- Condamner Monsieur [V] [D] en tous dépens.
Par ordonnance du 12 avril, 2022, la jonction des procédures enrôlées sous les RG n° 21/01051 et 21/01525 a été prononcée sous le numéro de RG n° 21/01051.
L'ordonnance de Clôture est intervenue le 20 septembre 2022.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l'action de M.[D]
La société Schmidt Groupe soutient que M. [D] est irrecevable en son action et ses demandes sur le fondement des articles 14, 122 et 123 du code de procédure civile, faute d'avoir assigné le mandataire liquidateur des sociétés Distri Tourville, Distri Mesnils, Distri Clos et Distri Barentin, signataires des contrats de concession alors qu'il n'a plus qualité pour représenter juridiquement les sociétés, n'est pas partie à ces contrats et n'entretiendrait pas avec elle des relations commerciales établies au sens de l'article L 442-6 du code de commerce (ancien).
Elle estime qu'il est incontestable que des relations contractuelles étaient engagées avec les sociétés dirigées par M. [D] mais conteste l'implication contractuelle de ce dernier à titre personnel.
M. [D] rétorque que son action est recevable car il est expressément désigné dans les quatre contrats de concession comme étant la personne en considération de laquelle les contrats ont été conclus et à laquelle plusieurs obligations incombaient notamment, une clause de non-concurrence et une interdiction de cession de ses activités qui s'étend à sa personne physique.
Il ajoute que le moyen d'irrecevabilité soulevé par Schmidt Groupe est dilatoire sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile, en ce qu'il aurait dû être soulevé plus tôt et réclame à ce titre 20 000€ de dommages et intérêts.
Réponse de la Cour
Dans la mesure où M. [D] fonde ses demandes sur la rupture brutale des relations commerciales en vertu de l'article L 442-6, I, 5° (ancien) du code de commerce qu'auraient entretenues avec lui, et non avec ses sociétés, la société Schmidt, M. [D] doit être déclaré recevable en ses demandes.
Aucun caractère dilatoire ne résultant de la fin de non-recevoir soulevée par la société Schmidt, la demande de dommages-intérêts formée à ce titre par M [D] est rejetée.
Sur les demandes de M [D] formées sur le fondement de l'article L 442-6, I, 5°ancien du code de commerce
Sur le caractère établi de la relation commerciale
M. [D] soutient que pour caractériser l'existence d'une relation commerciale établie qui conditionne l'application de l'article L442-6 (ancien) du code de commerce il n'est nullement nécessaire de justifier de l'existence d'un contrat signé entre les parties, la seule existence de relations d'affaires nouées de manière formelle ou informelle suffit. Il fait valoir que les contrats de concession signés entre les sociétés qu'il dirigeait et la société Schmidt en 2006 avec la société Distri Barentin, en 2010 pour les sociétés Distri Tourville et Distri Mesnils et en 2012 pour Distri Clos, le visent expressément.
La société Schmidt rétorque que si les relations commerciales entretenues avec les sociétés Distri Clos, Distri Tourville, Distri Mesnils et Distri Barentin ne sont pas contestées, tel n'est pas le cas de l'existence de relations commerciales avec M. [D], ce qui exclut l'application de L 442-6(ancien) du Code de commerce.
Réponse de la Cour
L'article L 442-6, I, 5° du code de commerce dispose qu'engage sa responsabilité et s'oblige à réparer le préjudice causé, celui qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages de commerce, par des accords interprofessionnels.
La relation commerciale, pour être établie au sens des dispositions de l'article précité dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.
Or, en l'espèce, s'il a existé des relations commerciales établies entre les quatre sociétés créées par M. [D] et la société Schmidt, il ne peut s'en déduire l'existence de relations commerciales établies entre M. [D] et la société Schmidt, peu important à cet égard que M [D] ait été le représentant légal de ces sociétés au moment de la signature des contrats, que l'article 2 mentionne que le contrat a été conclu en conséquence de la participation à son exécution de M.[D] en tant qu'intervenant et animateur de la société concessionnaire, stipule en son article 3 une obligation de non-concurrence applicable au concessionnaire personne physique, ou encore que l'article 13 mentionne que M. [D] reconnaît expressément que l'exclusivité et la zone de chalandise qui lui est concédée ne valent que pour la marque qu'il exploite, puisqu'en effet le flux d'affaires n'existait qu'entre les sociétés de M [D] et la société Schmidt.
A cet égard, il sera relevé ainsi que le fait valoir la société Schmidt sans être contredite que les commandes étaient passées auprès de Schmidt Groupe (anciennement SALM) par les sociétés de M. [D], que les marchandises ainsi commandées étaient livrées auprès de ces dernières, que les factures émises en raison de ces livraisons étaient adressées au nom de ces sociétés, le paiement en étant effectué par ces dernières, tandis que le prix de vente de ces marchandises auprès des consommateurs était encaissé par les sociétés de M. [D],
Il s'ensuit que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [D] de ses demandes dirigées contre la société Schmidt fondées sur la rupture brutale des relations commerciales établies, étant observé que la violation alléguée par les premiers juges du principe de la contradiction, n'est pas sanctionnée par l'infirmation du jugement.
A titre subsidiaire sur l'action en responsabilité civile délictuelle
Sur la recevabilité de l'action de M [D]
M. [D] soutient que si la Cour devait juger que les conditions d'application de l'article L 442-6 du code de commerce n'étaient pas réunies à son égard, faute d'entrenir des relations commerciales établies avec le concédant, il reste néanmoins fondé à agir au visa de l'article 1382 ancien du code civil et d'engager une action en responsabilité délictuelle, en réparation des préjudices personnels subis du fait des fautes commises par la société Schmidt Groupe.
A cet égard, il fait valoir qu'en vertu du principe posé par la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 6 octobre 2006 en assemblée plénière, il peut invoquer, en sa qualité de tiers au contrat sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la rupture brutale et abusive de la relation commerciale que ses sociétés entretenaient avec la société Schmidt puisque ce manquement lui a causé un préjudice personnel et distinct. Il invoque aussi la campagne de dénigrement orchestrée par la société Schmidt à son encontre.
La société Schmidt Groupe répond que M.[D] est irrecevable en ses demandes puisque les sociétés Distri Tourville, Distri Mesnils Distri Clos et Distri Barentin ne sont pas présentes en la cause pour discuter la bonne ou la mauvaise exécution du contrat et qu'à titre personnel, M. [D] ne dispose pas du droit d'agir contre un contrat auquel il n'est pas partie. Elle ajoute que la résiliation du contrat était justifiée par les multiples fautes commises.
Réponse de la Cour
Le tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Cass A.P. 6 mai 2006 n°05-13.255 et 13 janvier 2020 n°17-19.963).
De même, un tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la rupture brutale d'une relation commerciale dès lors que ce manquement lui a causé un préjudice (Cass Com. 6 septembre 2011 n°10-11.975).
Dès lors, M. [D] est recevable sur le fondement de l'article 1382 ancien, devenu 1240 du code civil, en ses demandes de dommages-intérêts en réparation des préjudices qu'il aurait subis en sa qualité de tiers aux contrats de concession, par le fait fautif que constitue la résiliation fautive et/ou abusive concomitante alléguée de ces contrats opérés par la société Schmidt, peu important que le liquidateur des quatre sociétés de concession, n'ait pas été appelé dans la cause.
A cet égard, la société Schmidt se prévaut à tort de l'article 14 du code de procédure civile qui dispose que 'Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée' alors qu'aucune demande n'est présentée contre les sociétés liquidées.
Sur la demande de dommages-intérêts
L'intention dilatoire de la société Schmidt pour avoir soulevé tardivement cette fin de non-recevoir n'étant pas établie, la demande de dommages-intérêts présentée par M. [D] sur le fondement de l'article 123 du code de procédure civile est également rejetée.
Sur le fond
S'agissant de la rupture brutale des relations commerciales établies, si l'existence de relations commerciales entre les sociétés Schmidt et les sociétés Distri Clos, Distri Tourville, Distri Mesnils et Distri Barentin ne sont pas contestées, il appartient à M. [D] d'étabir le fait fautif de rupture brutale par la société Schmidt des relations avec ces sociétés qui lui aurait causé un préjudice.
En l'espèce, la société Schmidt a résilié les contrats de concession conclus avec les quatre sociétés par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juin 2014 avec effet au 31 décembre suivant, 'suite à nos différents échanges sur la qualité de traitement des consommateurs de la marque que vous distribuez', ce avant de ramener ce préavis au 8 septembre 2014 par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 septembre 2014., « compte tenu de la récente aggravation de votre attitude, principalement par :
- l'accumulation de factures impayées,
- de nombreux dossiers consommateurs non traités,
- de la fermeture sans information préalable de l'un de vos magasins,
- du non-paiement des salaires à vos équipes,
- du non-paiement des prestations de pose à vos partenaires ».
La société Schmidt produit notamment de nombreuses plaintes de clients de ces sociétés en 2013 et 2014 (pièces 5 à 8), quant à la réalisation des cuisines commandées (produits non conformes à la commande, commandes incomplètes, chantiers non terminés, non-conformités...).
Aucun motif ne justifie d'écarter ces pièces des débats, qui ne sont pas des attestations de clients, étant observé que la pièce 19 (attestation du directeur juridique de la société Schmidt) est dépourvue de valeur probante, nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même.
Ces faits qui portent atteinte à l'image de la marque Schmidt et Cuisinella, sont d'une gravité suffisante par leur ampleur et leur répétition pour justifier la résiliation du contrat de concession aux torts de ces sociétés ainsi que la rupture des relations commerciales établies sans préavis pour mettre un terme à ces mécontentements.
En conséquence, M. [D] ne justifie pas d'un fait fautif de rupture brutale des relations commerciales établies avec les sociétés de M [D] et/ou de rupture fautive des contrats de concession par la société Schmidt, sur le fondement de la responsabilité délictuelle lui ayant causé un dommage.
M [D] est ainsi débouté de ses demandes en réparation des préjudices personnels qu'il invoque au titre de ses gains manqués, de la perte de chance d'avoir pu céder les quatre sociétés cessionnaires, de son engagement de caution envers la banque Bred et envers la banque Crédit du Nord.
S'agissant du dénigrement, il sera observé que les articles de presse (pièce 13 de l'appelant) produits ne visent pas à déstabiliser un concurrent.
La demande de M [D] à ce titre ne peut qu'être rejetée.
Le sens de l'arrêt conduit au rejet de la demande de publication d'un communiqué judiciaire.
Sur les demandes de la société Schmidt Groupe
Sur la procédure abusive
C'est par des motifs justes et pertinents que la Cour adopte que le tribunal a rejeté la demande de la société Schmidt au titre de la procédure abusive.
Il sera seulement observé qu'aucun élément en cause d'appel ne permet de revenir sur cette appréciation.
Sur le préjudice moral
L'existence d'un préjudice moral subi par la société Schmidt qui fait valoir que les relations contractuelles entre elle et M. [D] se sont poursuivies durant plusieurs années sans qu'aucun incident ne permette à l'une ou à l'autre des parties de douter de la loyauté de l'autre, et avoir été profondément atteint par les manoeuvres de M [D], n'est cependant pas établi. La demande de dommages-intérêts formée à ce titre doit être rejetée.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
M. [D] qui succombe en ses demandes, est condamné aux dépens de première instance et d'appel.
Il est débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer sur ce fondement à la société Schmidt la somme supplémentaire en cause d'appel de 5 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Statuant dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement ;
Y ajoutant,
Déclare M [D] recevable mais non fondé en ses demandes sur le fondement de l'article 1240 du code civil (anciennement 1382) ;
Le déboute de ses demandes ;
Le condamne aux dépens d'appel et à payer à la société Schmidt Groupe la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande.