Cass. 2e civ., 31 mai 2001, n° 99-11.107
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Borra
Rapporteur :
Mme Borra
Avocat général :
M. Joinet
Avocat :
Me Choucroy
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er décembre 1998) que Mme X... et M. A... soutenant avoir des droits sur des biens corporels détenus par la société MFG Studio (la société) ont été autorisés par une ordonnance sur requête rendue le 13 juin 1995 par un juge de l'exécution à pratiquer une saisie-revendication sur les "archives, accessoires, objets, collections et patrons" leur appartenant et pouvant se trouver dans les locaux de la société ; que la saisie a été pratiquée le 29 juin 1995 et qu'une autre ordonnance du 11 juillet 1995 a autorisé la saisie réelle des biens matériels ayant fait l'objet de la saisie-revendication, a laquelle l'huissier de justice instrumentaire a procédé les 22 et 23 août 1995 ; qu'une ordonnance d'un juge de l'exécution, du 27 juillet 1995, a rejeté la demande de nullité de l'ordonnance du 13 juin 1995 présentée par la société et qu'une autre décision de ce juge du 27 février 1997 a débouté la société de ses demandes d'annulation du procès-verbal de saisie-revendication du 29 juin 1995 et du procès-verbal de saisie-enlèvement des 22 et 23 août 1995 ; que la société a relevé appel de l'ordonnance du 27 juillet 1995 et de la décision du 27 février 1997 ;
Sur le premier et le deuxième moyens réunis :
Attendu que Mme X... et M. A... font grief à l'arrêt, réformant l'ordonnance du 27 juillet 1995, de déclarer nulle l'ordonnance sur requête rendue le 13 juin 1995 et d'ordonner, en conséquence, la restitution à la société, à leur frais, de l'intégralité des biens saisis, alors, selon le moyen :
1 ) qu'en matière de mesures conservatoires, l'article 69 de la loi du 9 juillet 1991 prescrit seulement que le juge doit, à peine de nullité, préciser "l'objet de la mesure autorisée", c'est-à-dire le type de la mesure ordonnée, tandis que l'article 212 du décret du 31 juillet 1992, qui prévoit que le juge précise, à peine de nullité, "la nature des biens sur lesquels elle porte", n'est pas applicable à la saisie-revendication en vertu de l'article 156 de ce même décret ; qu'en considérant cependant que la nullité de l'ordonnance autorisant une mesure conservatoire résultait de ce que le juge devait, à peine de nullité, identifier précisément chacun des biens concernés, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
2 ) que l'article 155 du décret du 31 juillet 1992 ne prévoit pas que l'ordonnance autorisant la saisie-revendication doit, à peine de nullité, désigner "le bien qui peut être saisi ainsi que l'identité de la personne tenue de le délivrer ou de le restituer" ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé cette dernière disposition ;
3 ) qu'en toute hypothèse, l'ordonnance du 13 juin 1995, visant la requête qui sollicite une autorisation de "pratiquer une saisie-revendication par huissier sur les pièces, patrons, collections et objets leur appartenant et se trouvant au siège de MFG Studio" ainsi que les pièces jointes à l'appui de cette requête, parmi lesquelles une liste des objets à saisir, autorisait, comme l'ont admis les juges d'appel, "la saisie-revendication sollicitée dans les locaux de la société MFG Studio sur les pièces, patrons, archives et objets appartenant aux requérants" ;
qu'en déclarant nulle cette ordonnance aux motifs qu'elle serait "rédigée en des termes beaucoup trop généraux et qu'au surplus n'est pas précisée l'identité de la personne tenue de délivrer ou de restituer les biens saisis", la cour d'appel a violé les articles 69 de la loi du 9 juillet 1991 et 212 du décret du 31 juillet 1992 ;
4 ) que la cour d'appel a constaté que la saisie-revendication concernait des biens meubles corporels ; qu'en affirmant néanmoins que la procédure de saisie-revendication diligentée par les consorts Y... serait contraire à l'article 155 du décret du 31 juillet 1992 qui précise que la saisie-revendication ne peut porter que sur des biens meubles corporels, la cour d'appel a violé cette dernière disposition ;
5 ) que la saisie-revendication est ouverte à toute personne apparemment fondée à requérir la délivrance ou la restitution d'un bien ;
qu'en exigeant que les consorts Y... établissent leur droit de propriété sur les biens meubles corporels saisis, la cour d'appel a posé une condition qui n'est pas exigée par l'article 155 du décret du 31 juillet 1992, violant ainsi cette dernière disposition ;
6 ) qu'en tout hypothèse, dans leurs conclusions signifiées le 29 juin 1998, les consorts Y... faisaient valoir que "la cession intervenue le 4 juillet 1991 par jugement du tribunal de commerce de Paris est partielle : sa liste est exhaustive et ne mentionne pas les archives des stylistes, parce que celles-ci leur ont toujours appartenus à titre personnel en mémoire de leur travail passé et pour les collections futures" ; qu'en se bornant à affirmer que la société MFG Studio rapportait la preuve d'être propriétaire des objets saisis... pour les avoir achetés pour un prix non négligeable dans le cadre de la vente du fonds de commerce de MFG Désign le 31 juillet 1991 (en réalité le 4 juillet 1991), sans préciser sur quel élément de preuve elle se fondait, ni procéder à la moindre analyse du plan de cession partielle en date du 4 juillet 1991 ou de la consistance du fonds à cette date, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
7 ) qu'au surplus, le défaut de revendication dans le délai de 3 mois prévu par l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 n'est pas sanctionné par la perte du droit de propriété, mais par son inopposabilité à la procédure ; qu'en décidant du contraire et en affirmant que les consorts Y... auraient perdu, à défaut de revendication dans le délai de 3 mois, tout droit de revendication, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;
Mais attendu qu'il appartient à celui qui sollicite une mesure conservatoire, telle une saisie-revendication, d'établir le caractère apparent du droit qu'il invoque ;
Et attendu qu'appréciant les éléments de preuve soumis à son examen la cour d'appel a souverainement retenu que Mme X... et M. A... ne justifiaient pas d'un droit ou d'un principe de droit au sens de l'article 155, alinéa 1er, du décret du 31 juillet 1992 sur les objets corporels dont ils demandaient la délivrance ou la restitution et alors que la société établissait en être propriétaire, soit pour les avoir acquis dans le cadre de la cession du fonds de commerce de la société "MFG Design", soit pour les avoir acquis ou fait fabriquer depuis à ses frais ;
Que par ces seuls motifs l'arrêt est légalement justifié de ce chef ;
Sur le troisième moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que Mme X... et M. A... font grief à l'arrêt d'annuler le procès-verbal de saisie du 29 juin 1995 et la saisie correspondante ;
Mais attendu que le pourvoi formé contre les dispositions de l'arrêt annulant les décisions sur le fondement desquelles le procès-verbal du 29 juin 1995 avait été dressé et la saisie pratiquée le moyen est inopérant, la saisie étant dépourvue d'objet ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.