Cass. com., 27 mai 2021, n° 19-16.363
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme MOUILLARD
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 5 mars 2018) et les productions, par convention du 16 mars 2012, Mme [T], avocat, a confié à la société par actions simplifiée [N] [F], exerçant l'activité d'expertise comptable, aux droits de laquelle est venue l'association de gestion et de comptabilité de la Loire exerçant sous l'enseigne association CER France Loire (l'association), la tenue de sa comptabilité.
2. Le 25 août 2015, l'association l'a assignée en paiement de ses honoraires.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Mme [T] fait grief à l'arrêt de recevoir l'association en son action, alors :
« 1°/ qu'en cas de contestation par le client ou adhérent des conditions d'exercice de la mission ou de différend sur les honoraires, l'expert-comptable a l'obligation de s'efforcer de faire accepter la conciliation ou l'arbitrage du président du conseil régional de l'ordre avant toute action en justice ; qu'en se bornant à considérer que l'article 159 du décret n° 2012-432 n'ouvre qu'une faculté et ne déroge pas à la compétence de la juridiction de droit commun pour connaître d'une demande en recouvrement d'honoraires formée par un expert-comptable à l'encontre de son client et ne peut faire obstacle au droit qu'a toute personne d'agir en justice, sans rechercher si l'association de gestion et de comptabilité s'était efforcée de faire accepter à Mme [T] la conciliation ou l'arbitrage du président du conseil régional de l'ordre des experts comptables avant toute action en justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 159 du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l'exercice de l'activité d'expertise comptable ;
2°/ qu'en cas de contestation par le client ou adhérent des conditions d'exercice de la mission ou de différend sur les honoraires, l'expert-comptable a l'obligation de s'efforcer de faire accepter la conciliation ou l'arbitrage du président du conseil régional de l'ordre des experts comptables avant toute action en justice ; qu'en retenant que des courriers avaient été échangés entre M. [L] et Mme [T], témoignant de ce qu'un accord avait été trouvé entre les parties, que le conseil de l'association avait adressé des courriers au bâtonnier de l'ordre des avocats de Clermont-Ferrand et qu'un délai pour agir en justice avait été imposé à l'association, motifs impropres à établir les efforts de l'association pour faire accepter la conciliation ou l'arbitrage du président du conseil régional de l'ordre des experts comptables, les juges du fond se sont fondés sur des motifs inopérants, privant leur décision de base légale au regard de l'article 159 du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l'exercice de l'activité d'expertise comptable. »
Réponse de la Cour
4. Après avoir rappelé que l'article 159 du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l'exercice de l'activité d'expertise comptable dispose : « En cas de contestation par le client ou adhérent des conditions d'exercice de la mission ou de différend sur les honoraires, les personnes mentionnées à l'article 141 s'efforcent de faire accepter la conciliation ou l'arbitrage du président du conseil régional de l'ordre avant toute action en justice. La même obligation pèse sur l'expert-comptable qui succède à un confrère dans les conditions prévues à l'article 164 », l'arrêt retient que ce texte, qui n'ouvre qu'une faculté et ne déroge pas à la compétence de la juridiction de droit commun pour connaître d'une demande en recouvrement d'honoraires formée par un expert-comptable à l'encontre de son client, ne peut faire obstacle au droit qu'a toute personne d'agir en justice. Ayant relevé ensuite que la lettre de mission comptable du 16 mai 2012 stipule que les litiges qui pourraient éventuellement survenir entre un membres de l'ordre des experts-comptables et son client pourront être portés, avant toute action judiciaire, devant le président du conseil régional de l'ordre compétent aux fins de conciliation, il en déduit que, pas plus que l'article 159 précité, ce document contractuel n'impose aux parties une conciliation obligatoire préalablement à l'introduction d'une action en justice. Par ces seuls motifs, abstraction faite de ceux, surabondants, critiqués par la seconde branche, la cour d'appel a légalement justifié a décision.
5. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
6. Mme [T] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'association la somme de 5 620,99 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2014, alors :
« 1°/ que si la cession de clientèle civile n'est pas illicite, c'est à condition que soit sauvegardée la liberté de choix du client ; qu'en se bornant à relever que Mme [T] n'aurait pu ignorer la transmission du cabinet [F] parce qu'elle aurait été publiée, qu'elle avait reçu des factures à l'en-tête du cabinet [F] et de CER et qu'une négociation aurait été engagée, de sorte que Mme [T] ne pourrait avoir ignoré que la relation contractuelle initiée avec le cabinet [F] se serait poursuivie par tacite reconduction avec l'association de gestion et de comptabilité de la Loire, sans vérifier, comme elle y était invitée, si la liberté de choix de la clientèle, en particulier de Mme [T], avait été sauvegardée par la cession de clientèle litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ qu'il ne peut y avoir novation par changement de débiteur et/ou changement de créancier sans accord du créancier et du nouveau débiteur ou du débiteur et du nouveau créancier ; qu'en se bornant à relever que Mme [T] n'aurait pu ignorer la transmission du cabinet [F] parce qu'elle aurait été publiée, car dès lors que Mme [T] avait reçu des factures à l'en-tête du cabinet [F] et de CER et qu'une négociation aurait été engagée, de sorte que Mme [T] ne pourrait avoir ignoré que la relation contractuelle initiée avec le cabinet [F] se serait poursuivie par tacite reconduction avec l'association de gestion et de comptabilité de la Loire, sans vérifier, comme elle y était invitée, si Mme [T] avait donné son accord à un changement d'expert-comptable pour l'exécution de la lettre de mission du 6 mai 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1271 du code civil. »
Réponse de la Cour
7. D'une part, il résulte des productions que la transmission de la clientèle de la société par actions simplifiée [N] [F] à l'association a été réalisée dans le cadre de la transmission universelle de son patrimoine à cette entité, intervenue après la réunion de toutes les actions de la dite société en une seule main, celle de l'association, et la décision de celle-ci de dissoudre sa filiale, sans liquidation, conformément aux dispositions de l'article 1844-5 du code civil, alinéa 3. Il s'en déduit que le postulat qui fonde le grief de la première branche, selon lequel la clientèle civile de la société [N] [F] avait fait l'objet d'une cession à l'association, est erroné.
8. D'autre part, l'arrêt retient que Mme [T] a reçu, entre le 30 novembre 2012 et le 8 avril 2014, pas moins de dix factures sous l'en-tête commune du cabinet [F] et de Cer France Loire, qu'elle n'a pas contestées, et qu'elle a, au contraire, engagé avec l'association, en avril 2014, une négociation afin d'apurer son solde de factures de plus de 7 000 euros, acceptant, dans deux lettres du 18 avril 2014, afin « d'en terminer intelligemment », de verser chaque mois 650 euros, ce qu'elle a fait dès le 24 avril suivant. En l'état de ces constatations, faisant ressortir que Mme [T] avait consenti au changement de contractant, la cour d'appel, qui en a déduit que la relation engagée par cette dernière avec le cabinet [F] s'était poursuivie par tacite reconduction, d'année en année, avec l'association, ainsi que cela était prévu dans la lettre de mission du 16 mai 2012, a légalement justifié sa décision.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [T] et la condamne à payer à l'association de gestion et de comptabilité de la Loire - CER France Loire, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un.