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Décisions

AMF, 23 octobre 2008, n° SAN-2009-03

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Membres :

Mme Cohen-Branche, M. Hanus, M. Jalenques de Labeau, M. Thouvenel

Président :

M. Labetoulle

AMF n° SAN-2009-03

23 octobre 2008

La 1ère section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après « AMF »),

Vu le Code monétaire et financier, notamment ses articles L. 621-14 et L. 621-15 dans leur rédaction applicable à l’époque des faits, ainsi que ses articles R. 621-5 à R.621-7, R. 621-38 à R. 621-40 ;

Vu les articles 621-1, 622-1 et 622-2 du Règlement Général de l'AMF dans leur rédaction applicable  à l’époque des faits ;

Vu la notification de griefs adressée le 11 janvier 2008 à M. A ;

Vu les observations écrites en date du 15 février 2008 présentées par Maître Alain LEBOUGRE pour le compte de M. A ;

Vu la décision du 29 février 2008 du Président de la Commission des sanctions désignant

M. Pierre LASSERRE, Membre de la Commission des sanctions en qualité de Rapporteur ;

Vu le rapport de M. Pierre LASSERRE en date du 5 juin 2008 ;

Vu la lettre de convocation, en date du 11 juillet 2008, à la séance de la Commission des sanctions du 23 octobre 2008 à laquelle était annexé le rapport signé du Rapporteur, adressé à M. A ;

Vu les observations en réponse au rapport, en date du 8 août 2008, présentées par Maître Alain LEBOUGRE pour le compte de M. A ;

Vu les observations complémentaires de M. A en date du 21 août 2008 ;

Vu l’audition de M. A par le Rapporteur en date du 11 septembre 2008 ;

Vu le rapport complémentaire de M. Pierre LASSERRE en date du 22 septembre 2008 ;

Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 11 septembre 2008 informant M. A de la composition de la commission des sanctions lors de la séance et de sa faculté de demander la récusation de l’un des membres de ladite commission, en application des articles R. 621-39-2, R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier ;

Vu les observations en réponse au rapport complémentaire en date du 10 octobre présentées par Maître Alain LEBOUGRE pour le compte de M. A ;

La Commission des sanctions

Vu les dernières observations présentées le 22 octobre 2008 par Maître Alain LEBOUGRE pour le compte de M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance du 23 octobre 2008 :

- M. le Rapporteur en son rapport ;

- Mme Catherine LE RUDULIER, Commissaire du Gouvernement, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- M. A ;

- Maître Alain LEBOUGRE, conseil de M. A ;

- M. Jean-Philippe PONS-HENRY, représentant le Collège de l’AMF ;

M. A ayant pris la parole en dernier.

I. FAITS ET PROCEDURE

La société X, dont les titres étaient admis sur le compartiment C de l’Eurolist d’Euronext PARIS, était une société spécialisée, avant sa fusion avec la société Y annoncée le 29 juin 2006, dans la conception et la commercialisation de matériels et de logiciels transactionnels à destination des secteurs de la banque et de la distribution. Son capital était détenu à 50,23 % par M. A, son Président Directeur Général. Entre juin 2003 et février 2005, cette société a été placée sous mandat ad hoc et sa communication a été restreinte. A l’occasion d’un contrôle de la Commission bancaire au sein d’un prestataire, il a été relevé que M. A était intervenu fréquemment sur le titre de la société X pendant le premier semestre 2005, sans que ni l’AMF ni le public n’aient été informés de ces opérations.

Ces faits ont conduit le Secrétaire Général de l’AMF à ouvrir le 8 février 2007 une enquête sur le marché du titre X à compter du 1er juin 2004. Un rapport a été établi par la Direction des Enquêtes et de la Surveillance des Marchés de l’AMF « DESM » en date du 19 novembre 2007.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 11 janvier 2008, le Président de l’AMF, sur décision prise par la Commission spécialisée n° 1 du Collège de l'AMF du 18 décembre 2007, après examen du rapport établi par la DESM, a notifié à M. A les griefs qui lui ont été reprochés, en l’informant, d’une part, de la transmission de la lettre de notification au Président de la Commission des sanctions pour attribution et désignation d’un Rapporteur et, d’autre part, du délai d’un mois dont il disposait pour présenter des observations écrites en réponse aux griefs énoncés dans cette lettre, ainsi que de la possibilité de se faire assister ou représenter de toute personne de son choix et de prendre connaissance et copie des pièces du dossier dans les locaux de l’AMF.

Il est fait grief à M. A, alors qu’il était actionnaire majoritaire et Président Directeur Général de la société X, d’avoir, (i) en janvier 2005, « utilisé des informations privilégiées relatives au chiffre d’affaires de X pendant son exercice 2004 et à une estimation de son résultat d’exploitation 2004 » et (ii) d’avoir utilisé « en février et mars 2005, une autre information privilégiée, relative aux comptes consolidés 2004 de la société X ».

Par lettre du 11 janvier 2008, le Président de l’AMF, en application de l’article R. 621-38 du Code monétaire et financier, a informé le Président de la Commission des sanctions de la décision prise par la Commission spécialisée n° 1 du Collège de l’AMF de procéder à la notification de griefs sur le fondement du rapport établi par la DESM de l’AMF.

Le Président de la Commission des sanctions, par une décision du 29 février 2008, a désigné en qualité de Rapporteur M. Pierre LASSERRE ce dont la personne mise en cause a été informée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 7 mars 2008 lui rappelant la possibilité d’être entendue à sa demande, en application de l’article R. 621-39 du Code monétaire et financier.

Le 15 février 2008, Me Alain LEBOUGRE, dans l’intérêt de M. A, a déposé des observations écrites sur les griefs notifiés.

Le 5 juin 2008 M. Pierre LASSERRE a déposé son rapport qui a été adressé le 11 juillet 2008 à M. A par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, portant également convocation à la séance de la Commission des sanctions, le 23 octobre 2008.

Par courrier daté du 8 juillet 2008, Me Alain LEBOUGRE, dans l’intérêt de M. A, a sollicité l’audition de son client et des commissaires aux comptes de X.

Le 8 août 2008, Me Alain LEBOUGRE, dans l’intérêt de M. A, a déposé des observations complémentaires sur les griefs notifiés tandis que M. A a formulé des observations complémentaires le 21 août 2008. Le 11 septembre 2008, M. Pierre LASSERRE a entendu M. A, assisté de Me Alain LEBOUGRE.

Le 22 septembre 2008, M. Pierre LASSERRE a déposé son rapport complémentaire qui a été adressé à M. A par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, rappelant la convocation à la séance de la Commission des sanctions du 23 octobre 2008. Les 10 et 22 octobre 2008, Me Alain LEBOUGRE, dans l’intérêt de M. A, a déposé de nouvelles observations.

M. A a été informé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 11 septembre 2008 de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, lui précisant sa faculté de demander la récusation de l’un des Membres de ladite Commission, en application des articles R. 621-39-2, R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du Code monétaire et financier.

Maître Alain LEBOUGRE a présenté pour le compte de M. A des observations en réponse au rapport complémentaire en date du 10 et du 22 octobre.

II. MOTIFS DE LA DECISION

SUR LES MOYENS DE PROCEDURE

-1- Considérant que le principe de la contradiction, s’il régit la procédure applicable devant la Commission des sanctions, est en revanche sans application aux enquêtes préalables à la notification des griefs ;

-2- Considérant que certaines des pièces dont M. A soutenait qu’elles ne figuraient pas au dossier s’y trouvaient en fait ; que d’autres y ont été versées à l’initiative du Rapporteur ; qu’ainsi et sans qu’il ait lieu de rechercher si ces pièces avaient à figurer au dossier de la procédure devant la Commission des sanctions, aucune irrégularité de procédure ne peut être relevée à ce titre ;

Considérant que la circonstance qu’une conversation téléphonique aurait eu lieu entre un tiers et la personne en charge de l’enquête est en tout état de cause sans influence sur la régularité de la procédure devant la Commission des sanctions dès lors que cette conversation n’a pas servi à fonder la poursuite ;

Considérant que si, dans ses observations présentées la veille de la séance, M. A soutient que d’autres pièces auraient dû être versées au dossier, il ne ressort nullement de ces allégations que, manquant à son devoir de loyauté, l’AMF aurait distrait du dossier des éléments de nature à influer sur l’appréciation, par la Commission des sanctions puis, le cas échéant, par la Cour d’appel, du bien-fondé des griefs retenus ;

-3- Considérant que le rapport initial du Rapporteur avait été rédigé et signé le 5 juin 2008 alors que M. A n’avait pas donné suite à l’indication - à lui rappelée par lettre du Rapporteur en date du 7 mars 2008 -, de ce qu’en vertu de l’article R. 621-39 du Code monétaire et financier il avait la possibilité, sur sa demande, d’être entendu par ce Rapporteur ; que si ce rapport n’a été transmis à M. A que le 11 juillet 2008, soit après la demande d’audition formulée le 8 juillet, cette circonstance ne peut être utilement invoquée pour mettre en cause la régularité de l’établissement du rapport du 5 juin 2008 ; que par ailleurs, après avoir procédé à l’audition de M. A, le Rapporteur a rédigé un rapport complémentaire ;

-4- Considérant que s’il résulte des dispositions de l’article R. 621-39 du Code monétaire et financier que le Rapporteur « peut s’adjoindre le concours des services de l’Autorité des marchés financiers », et si, par suite, la participation active d’un membre des services de l’Autorité des marchés financiers à l’audition d’un mis en cause par le Rapporteur n’entache pas d’irrégularité la procédure suivie, il n’en découle pas que la personne mise en cause puisse mettre en œuvre à l’encontre de ce membre des services la procédure prévue pour les seuls Membres de la Commission des sanctions par les articles R. 621-39-2 et suivants du Code monétaire et financier ; qu’ainsi M. A n’est manifestement pas fondé à soutenir, que faute d’avoir été informé de la désignation et de l’identité du membre des services qui, en l’espèce a assisté le Rapporteur, il a été privé de la faculté d’user à l’égard ce membre des services de la procédure prévue par les articles précités du Code monétaire et financier ; qu’au surplus et en tout état de cause M. A n’avance aucun motif de nature à justifier une demande de récusation ;

-5- Considérant que lors de son audition par le Rapporteur, M. A a expliqué les raisons pour lesquelles il avait sollicité l’audition des commissaires aux comptes ; qu’eu égard notamment à la teneur de ses propos et, dès lors qu’il appartient au Rapporteur et, ensuite, à la Commission des sanctions d’apprécier, dans le respect du principe de loyauté de l’instruction devant la Commission des sanctions, la suite à donner à des demandes relatives à l’audition de tiers, la circonstance qu’en l’espèce le Rapporteur n’a pas accédé à cette demande d’audition et n’a pas non plus donné suite à la demande de confrontation entre l’ancien Directeur Général délégué de X et M. A, que celui-ci n’a d’ailleurs présentée que lors de son audition, n’est pas de nature à vicier la procédure ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les divers moyens et arguments visant à contester la régularité de la procédure ne peuvent qu’être écartés ;

SUR LES GRIEFS

1. Sur le grief tiré de l’utilisation en janvier 2005 d’une information privilégiée relative au chiffre d’affaires 2004 de la société X et à l’estimation du résultat d’exploitation consolidé 2004 de cette société

a) Sur l’existence d’une information privilégiée

Considérant qu’une information privilégiée est, selon l’article 621-1 du Règlement Général de l’AMF, « une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers qui leur sont liés » ;

Considérant que selon ces mêmes dispositions de l’article 621-1 du Règlement Général de l’AMF, « une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés » ; que l’article 621-1 du Règlement Général de l’AMF ajoute qu’une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement ;

Considérant qu’en l’espèce les informations relatives au chiffre d’affaires 2004 de la société X et à l’estimation de son résultat d’exploitation consolidé 2004, publiées le 19 janvier 2005, étaient précises et non publiques avant cette date ; que le montant du chiffre d’affaires annuel 2004 de la société X, évalué à 27,3 millions d’euros lors du communiqué du 19 janvier 2005, était au-dessus des perspectives annoncées le 12 octobre 2004 - entre 26 et 27 millions d’euros - et en augmentation de 13,4 % sur un an ; que surtout le résultat d’exploitation consolidé 2004 annoncé le 19 janvier 2005 comme étant de « l’ordre de 6 % » de son chiffre d’affaires, soit 1,6 million d’euros, était très supérieur aux attentes et aux perspectives annoncées le 12 octobre 2004, la société s’étant bornée à indiquer par communiqué du 12 octobre 2004 que, « sauf évènement exceptionnel, le résultat d’exploitation et la capacité d’autofinancement consolidés devraient être positifs et confirmer le redressement du groupe » ;

Considérant, il est vrai, que M. A invoque un « communiqué » daté du 2 décembre 2004 qui indique que le groupe X maintient « ses précédentes estimations d’un chiffre d’affaires consolidé 2004 compris entre 26 et 27 millions d’euros » et « prévoit de dégager pour l’exercice en cours un résultat d’exploitation consolidé de l’ordre de 1,7 million d’euros » ;

Mais considérant qu’ainsi que M. A en est d’ailleurs convenu lors de la séance de la Commission des sanctions, il n’est pas établi que ce « communiqué » - dont, à la différence des communiqués des 12 octobre 2004, 19 janvier 2005 et 23 mars 2005, aucune trace n’a été trouvée ni sur le site Internet de l’AMF ni d’ailleurs sur d’autres sites – ait été diffusé ; qu’il ne peut dès lors en être tenu compte ;

Considérant que les informations relatives au chiffre d’affaires 2004 de la société X et à l’estimation de son résultat d’exploitation consolidé 2004, publiées le 19 janvier 2005, étaient susceptibles d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés, cette amélioration significative de la situation financière de la société X étant une information qu’un investisseur raisonnable aurait été susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement ; que d’ailleurs, le cours du titre a progressé de 22,37 % dans la journée du 19 janvier 2005, date à laquelle ces informations ont été rendues publiques ;

Considérant par suite qu’avant leur publication le 19 janvier 2005 les informations relatives au chiffre d’affaires 2004 de la société X et à l’estimation de son résultat d’exploitation consolidé 2004, étaient, dans tous leurs éléments, privilégiées au sens de l’article 621-1 du Règlement Général de l’AMF ;

b) Sur la détention et l’utilisation d’une information privilégiée

Considérant qu’en application de l’article 622-1 du Règlement Général de l’AMF, « toute personne mentionnée à l’article 622-2 doit s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée qu’elle détient en acquérant ou en cédant, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés » ; que le manquement tiré de l’utilisation d’une information privilégiée est caractérisé par le simple rapprochement chronologique entre la détention de l’information et son utilisation ;

Considérant en premier lieu que M. A, lors de son audition par les enquêteurs, a indiqué qu’au cours de la période sous mandat ad hoc, c'est-à-dire pendant la période ici en cause, « les reportings [concernant l’évolution de l’activité commerciale et financière] étaient très précis (trésorerie, carnet de commandes, facturation, encaissement) et assez fréquents, hebdomadaires ou bimensuels et transmis aux personnes intéressées » ; que le Directeur Général délégué de la société X à l’époque des faits a indiqué, lors de son audition par les enquêteurs de la DESM, qu’« il existait (…) un tableau de bord hebdomadaire du chiffre d’affaires qui m’était communiqué d’une façon hebdomadaire mais que je demandais quotidiennement dans les quinze jours précédant la fin de semestre. Nous étions plusieurs à recevoir par mail ces documents dont M. A » ; qu’il a ajouté : « on établissait une fois par mois une situation comptable du mois précédent. Cette situation était disponible entre le 15 et le 22 du mois M + 1 (…). M. A disposait des mêmes informations que les miennes, selon le même calendrier » ; que M. A ne conteste pas avoir reçu par courriel ces tableaux de bord, mais conteste seulement avoir pu les analyser de façon à en apprécier la portée ; que la circonstance que M. A - qui présidait en droit et en fait la société X - n’apparaissait pas en public, du fait de sa maladie, pour ne pas prendre le risque d’inquiéter les actionnaires, ne l’empêchait pas de disposer des informations privilégiées en cause ; que s’il a indiqué en audition avoir, à partir de 2004, « un peu levé le pied pour de graves problèmes de santé » et que « de ce fait, je n’étais quasiment pas au bureau entre les mois de mai et décembre 2004 », le manquement reproché est intervenu en janvier 2005 ; qu’au surplus, tant lors de son audition que devant la Commission des sanctions M. A a précisé avoir acheté des titres X, à compter du mois de janvier 2005, sur la base d’une valeur théorique de l’action, estimée par lui autour de 20 euros, calculée en appliquant un PER de l’ordre de 18 à cetteprévision de 1,7 millions d’euro ;

Considérant par suite que M. A, en sa qualité de Président Directeur Général, membre des organes d’administration et de direction de l’émetteur, la société X, ne pouvait pas ne pas détenir les informations privilégiées en cause ;

Considérant en second lieu que sur la période allant du 10 janvier 2005 au 17 janvier 2005, M. A a acheté 4 868 actions X, à un cours moyen de 5,71 euros, pour un montant brut de 27 820,20 euros et a revendu 3 738 actions le 1er février 2005 ;

Considérant par suite que le manquement est constitué en tous ses éléments ;

2. Sur le grief tiré de l’utilisation d’une information privilégiée relative, en février et mars 2005, aux comptes consolidés 2004 de la société X

a) Sur l’existence d’une information privilégiée

Considérant que, par communiqué du 23 mars 2005, la société X a indiqué au marché la réalisation d’une forte progression du résultat d’exploitation consolidé s’établissant à 3,1 millions d’euros (soit 11,3 % du chiffre d’affaires) ; que selon la notification de griefs, cette information, connue de M. A, constituait une information privilégiée ;

Considérant que le 14 février 2005 des comptes de la société X’ ont été examinés au cours d’une réunion à laquelle assistait M. A et dont il a indiqué, lors de son audition, qu’elle avait pour objet d’arbitrer des provisions dans la perspective de « donner une nouvelle dynamique de communication et de résultat à la société pour redonner confiance au marché » ; que la certitude de l’information n’étant pas un élément constitutif du manquement, la nature prévisionnelle de l’information donnée lors de cette réunion du 14 février n’est pas de nature à lui enlever son caractère de précision ; que dès lors que la société X’, filiale à 100 % de la société X, représentait une partie significative du résultat d’exploitation consolidé, il était possible de déduire des informations la concernant les conséquences qu’elles auraient sur le résultat d’exploitation consolidé de la société X ; qu’il importe peu à cet égard que l’impact de la parité euro/dollars sur les comptes 2004 n’ait pas été connu avec précision à cette date, dès lors que l’information privilégiée concerne, non les résultats définitifs, mais les résultats prévisionnels tels qu’ils pouvaient être appréhendés à l’issue de la réunion du 14 février 2005, et étant relevé au surplus que cet impact sur les comptes ne pouvait qu’être positif ;

Considérant que la société X ayant seulement annoncé au public, le 19 janvier 2005, un résultat d’exploitation consolidé « de l’ordre de 6 % » (du chiffre d’affaires), soit 1,6 millions d’euros, l’information relative à l’amélioration des comptes consolidés 2004 imputable pour l’essentiel à la filiale X’ n’était pas publique avant le 23 mars 2005, jour de la publication d’un communiqué mentionnant que « la maîtrise des marges, conjuguée à la poursuite de la maîtrise des coûts de fonctionnement, a permis de réaliser une forte progression du résultat d’exploitation consolidé qui s’établit à 3,1 M € (soit 11,3 % du chiffre d’affaires) » ;

Considérant que l’information en cause était susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du titre, l’amélioration de la situation financière de la société X étant une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement ; que d’ailleurs le cours a progressé de 58,25 % le 29 mars 2005, premier jour où la cotation a pu reprendre à la suite de la publication du communiqué du 23 mars 2005 ;

Considérant par suite que l’information relative à l’amélioration des comptes consolidés 2004 de la société X - imputable pour l’essentiel à la filiale X’ -, publiés le 23 mars 2005 et qui ont été examinés lors d’une réunion sur les provisions le 14 février 2005, était bien, dans tous ses éléments, privilégiée au sens de l’article 621-1 du Règlement Général de l’AMF ;

b) Sur la détention et l’utilisation d’une information privilégiée

Considérant qu’il n’est pas discuté que M. A a assisté à la réunion du 14 février 2005 au cours de laquelle des comptes relatifs à la société X’, qui étaient décisifs pour l’appréciation du résultat d’exploitation consolidé de la société X, ont été examinés, de sorte qu’il détenait l’information privilégiée en cause ;

Considérant qu’en dépit de son obligation absolue d’abstention, M. A a recommencé à acheter des titres X- à partir du 15 février, lendemain de cette réunion ; que sur la période allant du 15 février 2005 au 23 mars 2005, M. A a acheté 6 811 actions X, à un cours moyen de 12, 14 €, pour un montant de 82 686 € et les a revendues à partir du 29 mars 2005 ; que le manquement est, par suite, constitué, peu important que M. A ait acheté des titres X à partir du 15 février 2005, non, comme il le prétend, en raison des informations recueillies lors de la réunion du 14 février 2005, mais en considération des informations antérieurement communiquées au marché ;

III SUR LA SANCTION ET LA PUBLICATION DE LA DECISION

Considérant en premier lieu que l’article L. 621-15 II du Code monétaire et financier en vigueur à l’époque des faits disposait que « la commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l'encontre des personnes suivantes (…) ; c) Toute personne autre que l'une des personnes mentionnées au II de l'article L. 621-9, auteur des pratiques mentionnées au I de l'article L. 621-14 » ; que l’article L. 621-14, I disposait que « le collège peut, après avoir mis la personne concernée en mesure de présenter ses explications, ordonner qu'il soit mis fin aux pratiques contraires aux dispositions législatives ou réglementaires, lorsque ces pratiques sont de nature à porter atteinte aux droits des épargnants ou ont pour effet de fausser le fonctionnement du marché, de procurer aux intéressés un avantage injustifié qu'ils n'auraient pas obtenu dans le cadre normal du marché, de porter atteinte à l'égalité d'information ou de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts ou de faire bénéficier les émetteurs ou les investisseurs des agissements d'intermédiaires contraires à leurs obligations professionnelles. Ces décisions peuvent être rendues publiques ».

Considérant en deuxième lieu qu’aux termes de l’article L. 621-15, III dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, les sanctions applicables aux « personnes mentionnées au c du II » –c’est-à-dire à toute personne autre que l'une des personnes mentionnées au II de l'article L. 621-9, auteur des pratiques mentionnées au I de l'article L. 621-14 précité – sont « une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au Trésor public. Le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements » ;

Considérant qu’en l’espèce il y a lieu, pour déterminer le quantum de la sanction à prononcer à l’encontre de M. A, de tenir compte notamment d’une part de la gravité particulière de l’utilisation par un Président Directeur Général d’une information privilégiée, concernant la société qu’il préside, et, d’autre part, des plus-values réalisées, évaluées, dans la notification de griefs, à un montant non contesté de 165 363 euros ; qu’il sera fait une juste appréciation de l’ensemble des circonstances de l’espèce en fixant à 450 000 euros la sanction pécuniaire encourue ;

Considérant en troisième lieu que l’article L. 621-15, V du Code monétaire et financier dispose que « la commission des sanctions peut rendre publique sa décision dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne, à moins que cette publication ne risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées » ; que, par ces dispositions, le législateur a entendu permettre à la commission de tenir compte des exigences d’intérêt général relatives à la loyauté du marché, à la transparence des opérations et à la protection des épargnants qui fondent son pouvoir de sanction ainsi que de l’intérêt qui s’attache pour la sécurité juridique de l’ensemble des opérateurs à ce que ceux-ci puissent, en ayant accès à ses décisions, connaître son interprétation des règles qu’ils doivent observer ;

Considérant qu’alors que la publication de la présente décision n’est pas de nature à causer à la personne mise en cause un trouble manifestement disproportionné avec les manquements relevés à son encontre et qu’un intérêt général s’attache à la bonne connaissance de règles importantes pour le fonctionnement du marché et susceptibles d’intéresser de nombreux intervenants sur le marché, il y a lieu de faire usage des dispositions précitées du V de l’article L. 621-15 précité;

PAR CES MOTIFS,

Et après en avoir délibéré sous la présidence de M. Daniel LABETOULLE, par  Mme Marielle COHEN-BRANCHE, MM. Jean-Claude HANUS, Guillaume JALENQUES de LABEAU et Joseph THOUVENEL, Membres de la 1ère section de la Commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance,

DECIDE DE :

- prononcer une sanction pécuniaire de 450 000 € (quatre cent cinquante mille euros) à l’encontre de M. A ;

- publier la présente décision au « Bulletin des annonces légales obligatoires », ainsi que sur le site  Internet et dans la revue de l’Autorité des marchés financiers.