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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 5, 19 janvier 2022, n° 18/19004

PARIS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Sentucq

Conseillers :

Mme Morlet, Mme Lefort

Avocats :

Me Ribaut, SCP Vignet Associés

TGI Auxerre, du 9 juill. 2018, n° 16/011…

9 juillet 2018

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Mme F M a confié à M. H C A J des travaux de réalisation d'une terrasse et d'extension de sa maison située ..., lieudit « Les Déversés » à Saint Bris Le Vineux (89530) pour un montant de 135.535,68 euros TTC selon devis accepté le 26 février 2011.

L'été 2013, M. C A J a abandonné le chantier inachevé, alors que Mme M avait déjà payé la somme de 134.500 euros.

Mme M n'a pas réceptionné le chantier ni payé le solde du prix.

Par acte d'huissier du 24 février 2014, Mme M a fait assigner M. C A J et son assureur, la Maaf Assurances, devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Auxerre aux fins d'expertise, laquelle a été ordonnée par ordonnance de référé du 6 mai 2014.

L'expert, M. E G P, a déposé son rapport le 19 décembre 2015.

Par acte d'huissier du 24 octobre 2016, Mme M a fait assigner M. H C A J devant le tribunal de grande instance d'Auxerre en indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 9 juillet 2018, le tribunal a :

- condamné M. C A J à payer à Mme M la somme de 163.498,64 euros TTC au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel,

- débouté Mme M de sa demande indemnitaire de 15.000 euros, laquelle n'est pas fondée en fait,

- condamné M. C A J au paiement de la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire, mais non le coût du procès-verbal de constat d'huissier, avec distraction,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 26 juillet 2018, M. C A J a fait appel de ce jugement.

Par acte d'huissier en date du 30 juillet 2021, Mme M a fait assigner en intervention forcée la Selarl de mandataires judiciaires D X en qualité de liquidateur judiciaire de M. C A J.

Par conclusions d'appelant n°3 en date du 22 octobre 2021, la Selarl de mandataires judiciaires D X, en qualité de liquidateur judiciaire de M. H C A J demande à la cour de :

- dire que Mme M et M. N ont assuré la maîtrise d'oeuvre du chantier en raison de leur intervention dans la réalisation des travaux et des multiples modifications qu'ils ont apportées aux travaux visés au permis de construire,

- constater l'intervention de l'entreprise Y pour la mise en place du remblai contre le drain vertical sans que la pose de celui-ci n'ait été contrôlée et qu'il a acceptée tacitement,

- dire que la réalisation de la dalle en béton était exclue du marché conclu entre M. C A J et Mme M,

- dire que la reprise de la cheminée n'a pas été facturée par M. C A J,

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu une responsabilité pleine et entière à l'encontre de M. C A J,

- prononcer un partage de responsabilité entre tous les intervenants à l'acte de construction, à savoir Mme M et M. N qui ont assuré la maîtrise d'oeuvre des travaux et les réalisateurs, l'entreprise Y, M. N et M. C A J, et dont la part imputable à ce dernier ne saurait être supérieur à 50%,

- dire que M. C A J sera tenu d'indemniser Mme M à hauteur du pourcentage retenu contre lui,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. C A J au paiement du coût de la dalle en béton à hauteur de 7.067,29 euros alors que celle-ci a été retirée du marché,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. C A J au paiement de la reprise du conduit de cheminée,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme M de sa demande de dommages intérêts,

- déclarer Mme M irrecevable en sa demande formée au titre de la résistance abusive,

En conséquence,

- débouter Mme M de sa demande de fixation au passif de M. C A J des sommes suivantes :

- 163.498,64 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel

- 14.264,30 euros au titre des frais d'expertise

- 15.000 euros au titre de dommages et intérêts contractuels

- 5.000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive,

- débouter Mme M de sa demande formée à son encontre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- dire qu'il ne pourra être fixé au passif de la liquidation judiciaire de M. C A J des dépens comprenant notamment les frais d'expertise que suivant le pourcentage de responsabilité qui sera imputé à M. C A J par la cour.

Par conclusions du 28 octobre 2021, Mme F M demande à la cour de :

- débouter la Selarl François Carlo, ès qualités de liquidateur de M. C A J de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris des chefs des condamnations prononcées à l'encontre de M. C A J,

Vu l'évolution du litige, ajoutant au jugement :

- fixer au passif de M. C A J les sommes suivantes :

- 163.498,64 euros au titre de l'indemnisation du préjudice matériel,

- 14.264,30 euros au titre des frais d'expertise,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire de 15.000 euros, et statuant à nouveau :

- fixer au passif de M. C A J la somme de 15.000 euros au titre des dommages et intérêts contractuels dont il est redevable à son égard,

Y ajoutant,

- fixer au passif de M. C A J la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive,

- condamner la Selarl François Carlo, ès qualités de liquidateur de M. C A J, au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur la responsabilité de M. C A J et le partage de responsabilité

Pour retenir la responsabilité contractuelle de M. C A J en totalité, le tribunal a considéré que Mme M apportait la preuve de l'existence des désordres au vu du rapport d'expertise, que la responsabilité devait, en l'absence de réception, être examinée au regard du droit commun des obligations contractuelles, qu'il ressortait de l'expertise que les désordres devaient être imputés en totalité à l'entreprise C A J en raison de carences d'exécution du lot gros oeuvre, d'erreurs de conception et d'exécution des ouvrages et qu'il ne ressortait pas du dossier que l'intervention de Mme M ou de M. I ait revêtue les caractères de la force majeure et conduit aux inexécutions reprochées à M. C A J.

La Selarl François Carlo, en qualité de liquidateur judiciaire de M. C A J, sollicite un partage de responsabilité avec Mme M et M. O B fait valoir que Mme M n'a chargé M. C A J que de travaux de maçonnerie, sur des plans qu'elle lui a fournis, et s'est réservée les travaux de terrassement et de tranchées des fondations, réalisés par son compagnon, M. N, que c'est le couple qui a assuré la maîtrise d'oeuvre du chantier de sorte qu'il a subi leurs instructions. Elle précise que non seulement Mme M et M. N ont assuré la maîtrise d'oeuvre en apportant des modifications substantielles au projet, mais ils ont en outre participé personnellement aux travaux et ont fait intervenir des entreprises tierces sans concertation avec M. C A J ni coordination, de sorte que la responsabilité de ce dernier ne peut être pleine et entière. Elle ajoute que celui-ci a également subi des préjudices du fait de manquements imputables exclusivement à Mme M, qui engage sa responsabilité. Elle estime que la part de responsabilité de M. C A J ne saurait être supérieure à 50%.

Mme M fait valoir que les travaux de reprise chiffrés par l'expert à 143.426 euros sont consécutifs à des erreurs de structure de l'entreprise C A J, étant rappelé que selon l'expert, la solidité de l'immeuble est largement compromise et l'effondrement toujours possible en raison d'importantes insuffisances structurelles et conclut que ce sont bien les travaux réalisés par M. C A J, sans respect des règles de l'art, qui ont entraîné les désordres constatés, étant rappelé que le dimensionnement du plancher relevait bien de la mission de celui-ci. Elle approuve le tribunal d'avoir retenu la responsabilité pleine et entière de M. C A J. Sur le partage de responsabilité invoqué par l'appelant, elle conteste être intervenue comme maître d'oeuvre et avoir donné des instructions à M. C A J qui n'en rapporte d'ailleurs pas la preuve et qui, en qualité de professionnel, n'a pas à suivre les instructions de ses clients mais doit respecter son obligation de conseil et d'information et son obligation de résultat de réaliser un ouvrage conforme aux règles de l'art. Elle ajoute que le fait que M. N ait creusé les fondations n'est pas de nature à exclure la responsabilité de M. C A J qui a réceptionné ces travaux de tranchées en coulant les fondations.

Aux termes de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction en vigueur à la date du contrat, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

L'entrepreneur est tenu à une obligation de résultat quant à la prestation qu'il s'est engagé à fournir.

M. H C A J ne conteste pas sa responsabilité mais demande qu'elle soit partagée avec Mme M, maître de l'ouvrage (et M. N, qui n'est pas partie au litige).

La cause étrangère visée à l'article 1147, comme cause d'exonération totale ou partielle de l'entrepreneur, peut en effet être la faute de la victime.

Il résulte du rapport d'expertise que les murs du sous-sol sont fissurés ' mais les remblais périphériques ont été réalisés par l'entreprise Y à la demande du maître d'ouvrage ' et reposent sur des planchers qui n'ont pas été dimensionnés pour supporter de telles charges, et que les structures du sous-sol sont posées sur des fondations non vérifiées. Selon l'expert, les travaux de reprise qui s'imposent sont consécutifs à des erreurs de structure de l'entreprise de J ; la solidité de l'immeuble est largement compromise et surtout l'effondrement reste possible en raison d'importantes insuffisances structurelles. Il impute ces désordres en totalité à M. C A J.

L'expert insiste sur la désorganisation du chantier qui nécessitait l'autorité d'un maître d'oeuvre et l'intervention d'un bureau d'études de structure, et conclut que les désordres sont imputables à l'erreur de conception et l'erreur d'exécution des ouvrages, rappelant que le risque d'effondrement est avéré du fait des sous dimensionnements de la construction.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, le seul fait que Mme M n'ait pas pris un maître d'oeuvre et ait fait des demandes modificatives en cours de chantier même importantes, comme la suppression de deux murs porteurs, ne suffit pas à lui conférer la qualité de maître d'oeuvre. Mme M, qui indique être directrice d'hôpital, n'est pas notoirement compétente dans ce domaine.

Dès lors qu'aucun maître d'oeuvre n'intervient sur le chantier, il appartient à l'entrepreneur, en sa qualité de professionnel, d'assurer la direction du chantier et de conseiller le maître d'ouvrage non professionnel sur les travaux et les modifications demandées.

Le fait pour le maître d'ouvrage de ne pas recourir à un maître d'oeuvre n'est pas fautif dès lors qu'il appartenait à l'entrepreneur, professionnel du bâtiment, de le conseiller en ce sens. M. C A J s'est engagé à réaliser une terrasse et à construire une extension de maison sans émettre aucune réserve quant à la nécessité de recourir à un maître d'oeuvre. De même, en cours de chantier, il n'a pas non plus jugé utile de conseiller à Mme M de prendre un maître d'oeuvre. C'est donc vainement que M. C A J invoque le désordre régnant sur l'organisation du chantier du fait de l'intervention de plusieurs entreprises sans coordination.

D'ailleurs selon l'expert, « l'immixtion du maître d'ouvrage, qui pourrait paraître fautive du point de vue de l'entrepreneur, n'a pas amené l'entreprise à de bonnes réactions techniques. Il en va donc de la compétence de l'entreprise à maîtriser son chantier et...son maître d'ouvrage. » Il convient à cet égard de préciser que l'immixtion fautive du maître d'ouvrage n'est caractérisée qu'à la double condition qu'elle émane d'une personne notoirement compétente et qu'elle soit la cause directe des dommages, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Par ailleurs, le fait que le compagnon de Mme M, M. N, ait participé personnellement aux travaux en réalisant le terrassement et les tranchées des fondations qu'elle s'était réservée, ainsi que les drains périphériques, ne saurait non plus établir qu'il et/ou elle se soient comportés en maîtres d'oeuvre, étant souligné que cette intervention de M. N n'est pas la cause directe des dommages.

En outre, c'est en vain que M. C A J fait valoir que les travaux de terrassement et de réalisation des tranchées par M. N ne respectaient pas les cotes d'implantation du permis de construire de sorte que les poutres commandées sur la base de ces cotes étaient trop courtes et qu'il a dû en commander de nouvelles après avoir relevé les cotes réelles des terrassements. En effet, comme l'indique l'expert en réponse, les plans du permis de construire n'ont pas vocation à être des plans d'exécution et il appartenait à l'entreprise C A J, chargée du gros oeuvre, de vérifier les cotes avant la commande.

L'appelant ne peut pas non plus reprocher à Mme M d'avoir décidé de supprimer deux murs porteurs puisqu'une telle décision impliquait nécessairement de la part de l'entrepreneur de ré étudier la stabilité de la construction, au besoin en prenant un bureau d'études, ce qu'il n'a pas fait d'après l'expert. Il convient de rappeler qu'en sa qualité de professionnel, M. C A J était tenu d'un devoir de conseil à l'égard du maître d'ouvrage, de sorte qu'il devait lui expliquer les conséquences de sa demande modificative.

Enfin, c'est également à tort que M. C A J, qui a posé un drain vertical à l'envers, invoque la part de responsabilité de l'entreprise Y, qui a remblayé les terres contre ce drain vertical sans vérifier sa conformité, alors que cette dernière n'a jamais été mise en cause. En outre, l'expert indique avec raison que dans la mesure où M. C A J a accepté de réaliser le drainage, non prévu à son devis, en cours de chantier, il devait respecter les règles de l'art.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour approuve le tribunal d'avoir retenu la responsabilité contractuelle pleine et entière de M. C A J.

II. Sur le montant du préjudice matériel

Le tribunal a condamné M. C A J à payer à Mme M la somme totale de 163.498,64 euros au titre du préjudice matériel, en reprenant les montants retenus par l'expert.

M. C A J ne conteste que la somme de 7.067,29 euros au titre de la moins-value pour non-réalisation de la dalle en béton et le coût de la reprise du conduit de cheminée, soit 750 euros. S'agissant de la dalle en béton, il explique qu'il ne l'a pas exécutée car elle avait été retirée du marché et qu'elle n'apparaît d'ailleurs pas sur sa facture. S'agissant du conduit de cheminée, il fait valoir également que cette prestation ne figure sur aucune facture.

Mme M fait valoir que le dallage lui a été facturé et qu'elle l'a payé, de sorte que l'expert a retenu une moins-value de 7.067,29 euros, et que l'expert a estimé la reprise du conduit de cheminée à la somme de 750 euros.

Il ressort de la comparaison entre le devis de l'entreprise J C, produit par Mme M, et la facture récapitulative produite par M. C A J que d'une part, la dalle en béton n'a effectivement pas été facturée à Mme M et d'autre part, la facture présente un solde à payer malgré le paiement par Mme M de la somme totale de 134.500 euros. Il n'y a donc pas lieu de retenir cette moins-value, Mme M n'ayant rien payé en trop.

En revanche, la reprise du conduit de cheminée correspond à la réparation d'un préjudice et non à une prestation facturée ou non. L'expert l'a estimée à la somme de 750 euros. C'est à juste titre que le tribunal a retenu ce montant.

Dès lors, le préjudice matériel de Mme M doit être fixé à la somme totale de 156.431,35 euros. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné M. C A J à payer à Mme M la somme de 163.498,64 euros.

L'appelant étant désormais en liquidation judiciaire, la cour ne peut en tout état de cause qu'infirmer la condamnation, et statuant à nouveau, constater la créance indemnitaire de Mme M à l'égard de M. C A J au titre de son préjudice matériel et en fixer le montant à la somme de 156.431,35 euros TTC.

III. Sur les demandes de dommages intérêts (appel incident de Mme M)

Sur la demande en paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages intérêts

Le tribunal a débouté Mme M de sa demande de dommages intérêts fondée sur l'article 1147 ancien du code civil au motif qu'elle n'indiquait pas quel était le poste de préjudice à indemniser et n'alléguait aucun fait propre à fonder sa prétention.

Mme M, qui demande l'infirmation du jugement sur ce point, explique que l'inexécution du contrat lui a causé un préjudice, puisqu'elle ne peut plus disposer de sa maison depuis l'ouverture du chantier, qu'elle était dans l'impossibilité de joindre l'entrepreneur qui a abandonné le chantier et qu'elle a dû faire constater l'abandon du chantier, faire appel à une autre entreprise et solliciter une mesure d'expertise judiciaire. Elle ajoute que les travaux de reprise n'ont jamais pu débuter, M. C A J ne respectant pas l'exécution provisoire ordonnée.

M. C A J estime que Mme M doit supporter une partie de son préjudice.

Cependant, aucun partage de responsabilité n'a été retenu.

L'expert a considéré que le préjudice moral n'était pas de sa compétence. Il s'est prononcé sur la demande d'indemnité locative et a estimé qu'il était difficile de se plaindre d'un retard dans la mesure où il n'y avait pas de délai contractuel ni de planning, étant rappelé que l'organisation du chantier a manqué de l'autorité d'un maître d'oeuvre.

Toutefois, même si aucun délai d'exécution n'a été convenu, il est constant que M. C A J a abandonné le chantier au cours de l'été 2013 en laissant à Mme M un ouvrage dangereux en raison du risque d'effondrement. En outre, il n'est pas contesté que les travaux de reprise préconisés par l'expert dans son rapport datant de décembre 2015 n'ont toujours pas été exécutés.

Mme M a au minimum subi un préjudice de jouissance imputable exclusivement à M. C A K entre l'été 2013 et l'été 2018, jusqu'au jugement assorti de l'exécution provisoire, soit cinq ans.

La somme de 15.000 euros demandée en réparation de son préjudice apparaît donc justifiée au vu des éléments du dossier.

Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme M de sa demande indemnitaire de 15.000 euros et statuant à nouveau, de constater la créance indemnitaire de Mme M à l'égard de M. C A J et d'en fixer le montant à la somme de 15.000 euros.

Sur la demande de dommages intérêts pour résistance abusive

C'est à juste titre que M. C A J invoque l'irrecevabilité de cette demande nouvelle en appel, en application de l'article 564 du code de procédure civile.

Très surabondamment, cette demande serait en tout état de cause mal fondée, Mme M ne justifiant pas d'un abus de l'appelant dans l'exercice de son droit de se défendre en justice.

La demande sera déclarée irrecevable.

IV. Sur les demandes accessoires

Compte tenu de la présente décision et de la liquidation judiciaire de M. C A J, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné aux dépens et au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles, et de constater la créance de Mme M au titre des dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise dont le montant est fixé à 14.264,30 euros, ainsi que sa créance au titre des frais irrépétibles et d'en fixer le montant à 2.500 euros.

Il y a lieu également de condamner la Selarl François Carlo, en qualité de liquidateur judiciaire de M. C A J, qui succombe en grande partie en son appel, aux entiers dépens d'appel.

Il n'est en outre pas inéquitable de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme M et de condamner la Selarl François Carlo, en qualité de liquidateur judiciaire de M. C A J, à lui payer la somme de 3.000 euros pour ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME le jugement rendu le 9 juillet 2018 par le tribunal de grande instance d'Auxerre en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

CONSTATE la créance de Mme F M à l'égard de M. H C A J et en FIXE le montant aux sommes de :

- 156.431,35 euros TTC en réparation du préjudice matériel,

- 15.000 euros à titre de dommages intérêts,

- 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- 14.264,30 euros au titre des frais d'expertise judiciaire, outre les dépens de première instance,

DECLARE irrecevable la demande de dommages intérêts de Mme F M pour résistance abusive,

CONDAMNE la Selarl de mandataires judiciaires D X, en qualité de liquidateur judiciaire de M. H C A J, à payer à Mme F M la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en compensation de ses frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE la Selarl de mandataires judiciaires D X, en qualité de liquidateur judiciaire de M. H C A J, aux entiers dépens d'appel.