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Décisions

Cass. com., 11 mai 2017, n° 15-22.173

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Ohl et Vexliard

Paris, du 01 juill. 2015

1 juillet 2015

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, que, le 27 février 2014, un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, décidé d'effectuer une visite domiciliaire du bureau de M. Y..., avocat, afin de rechercher la preuve de sa participation à l'une des infractions définies par l'article L. 465-1 du même code, et que celui-ci a relevé appel de cette décision, rectifiée le 5 mars 2014, ainsi qu'exercé un recours contre le déroulement des opérations effectuées le 10 mars 2014 ;

Attendu que pour rétracter la décision et annuler les opérations de visite et saisies, le premier président retient qu'il n'est ni démontré ni même allégué que la requête ait été notifiée et remise en copie à l'occupant des lieux, bien qu'il ressorte des articles 495 et 16 du code de procédure civile qu'une copie de la requête doit être laissée, avec l'ordonnance sur requête, à la personne à laquelle elle est opposée ; qu'il ajoute qu'il appartient au juge de faire observer le principe de la contradiction et que les dispositions propres à l'autorisation de visite domiciliaire du code monétaire et financier ne sauraient déroger aux principes directeurs de la procédure, notamment au respect du principe de la contradiction ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, qui prévoit seulement la notification de la décision du juge des libertés et de la détention, déroge au code de procédure civile, en sorte que les dispositions de l'article 495 de ce dernier code ne sont pas applicables lors du déroulement de la visite, le principe de la contradiction ne s'appliquant qu'à l'occasion du recours exercé contre cette décision, le premier président a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 1er juillet 2015, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Versailles ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer la somme de 3 000 euros à l'Autorité des marchés financiers ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour L'Autorité des marchés financiers.

En ce que l'ordonnance attaquée a ordonné la « rétractation » des ordonnances des 27 février et 5 mars 2014, a annulé en conséquence les opérations de visite et de saisies effectuées le 10 mars 2014 au bureau de M. Patrick Y... ainsi que les trois procès-verbaux établis à cette occasion et a ordonné la restitution de l'ensemble des originaux et copies des pièces saisies ;

Aux motifs que l'article L. 621-12 du code monétaire et financier dispose « Pour la recherche des infractions définies aux articles L 465-1, L 465-2 et L 465-2-1 et des faits susceptibles d'être qualifiés de délit contre les biens et d'être sanctionnés par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en application de l'article L 621-15, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter peut, sur demande motivée du secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers, autoriser par ordonnance les enquêteurs de l'autorité à effectuer des visites en tous lieux ainsi qu'à procéder à la saisie de documents et au recueil, dans les conditions et selon les modalités mentionnées aux articles L 621-10 et L 621-11, des explications des personnes sollicitées sur place.
Lorsque les locaux visités sont situés dans le ressort de plusieurs juridictions et qu'une action simultanée doit être menée dans chacun d'eux, une ordonnance unique peut être délivrée par l'un des juges des libertés et de la détention compétents.
Le juge doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'Autorité de nature à justifier la visite. Il désigne l'officier de police judiciaire chargé d'assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement. Lorsque les opérations ont lieu en dehors du ressort de son tribunal de grande instance ; le juge des libertés et de la détention saisi peut se déplacer sur les lieux quelle que soit leur localisation sur le territoire national.
L'ordonnance mentionnée au premier alinéa fait mention de la faculté pour l'occupant des lieux ou son représentant de faire appel à un conseil de son choix. L'exercice de cette faculté n'entraîne pas la suspension des opérations de visite et de saisie. Le délai et la voie de recours sont mentionnés dans l'ordonnance.
L'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal prévu aux onzième et douzième alinéas du présent article. En l'absence de l'occupant des lieux ou de son représentant, l'ordonnance est notifiée, après la visite, par lettre recommandée avec avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l'avis. A défaut de réception, il est procédé à la signification de l'ordonnance par acte d'huissier de justice. Une copie de l'ordonnance est adressée par lettre recommandée avec avis de réception à l'auteur présumé des délits mentionnés à l'alinéa premier.
L'ordonnance mentionnée au premier alinéa est exécutoire au seul vu de la minute. Cette ordonnance est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué dans le ressort de laquelle le juge a autorisé la mesure. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat. Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, cet appel doit être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou à compter du 1er janvier 2009 par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter soit de la remise, soit de la réception, soit de la signification de l'ordonnance. Cet appel n'est pas suspensif. Le greffe du tribunal de grande instance transmet sans délai le dossier de l'affaire au greffe de la cour d'appel où les parties peuvent le consulter. L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure civile. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours.
La visite s'effectue sous l'autorité et le contrôle du juge qui l'a autorisée. Il peut se rendre dans les locaux pendant l'intervention. A tout moment, il peut décider la suspension ou l'arrêt de la visite.
La visite ne peut être commencée avant six heures ou après vingt et une heures ; dans les lieux ouverts au public, elle peut également être commencée pendant les heures d'ouverture de l'établissement. Elle est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant ; en cas d'impossibilité, l'officier de police judiciaire requiert deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de l'Autorité.
Les enquêteurs de l'Autorité, l'occupant des lieux ou son représentant et l'officier de police judiciaire peuvent seuls prendre connaissance des pièces avant leur saisie.
L'officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale. L'article 58 de ce code est applicable.
Lorsque la visite domiciliaire est effectuée dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile, dans les locaux d'une entreprise de presse ou de communication audiovisuelle, dans le cabinet d'un médecin, d'un notaire, d'un avocat ou d'un huissier, les dispositions des articles 56-1, 56-2 ou 56-3 du code de procédure pénale, selon les cas, sont applicables.
Le procès-verbal de visite relatant les modalités et le déroulement de l'opération est dressé sur-le-champ par les enquêteurs de l'Autorité. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé. Le procès-verbal et l'inventaire sont signés par les enquêteurs de l'Autorité et par l'officier de police judiciaire ainsi que les personnes mentionnées au sixième alinéa du présent article ; en cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal. Si l'inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents saisis sont placés sous scellés. L'occupant des lieux ou son représentant est avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés qui a lieu en présence de l'officier de police judiciaire ; l'inventaire est alors établi.
Le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé la mesure connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie autorisées en application du premier alinéa. Le procès-verbal et l'inventaire rédigés à l'issue de ces opérations mentionnent le délai et la voie de recours. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat. Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, ce recours doit être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée par pli recommandé ou à compter du 1er janvier 2009 par voie électronique au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter de la remise ou de la réception soit du procès- verbal, soit de l'inventaire. Ce recours n'est pas suspensif. L'ordonnance du premier président est susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure civile. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours.
Les originaux du procès-verbal de visite et de l'inventaire sont, dès qu'ils ont été établis, adressés au juge qui a délivré l'ordonnance ; une copie de ces mêmes documents est remise à l'occupant des lieux ou à son représentant, ou en leur absence, adressée par lettre recommandée avec avis de réception à l'occupant des lieux et le cas échéant à la personne visée par l'autorisation donnée dans l'ordonnance mentionnée au premier aliéna du présent article qui pourrait avoir commis une infraction ou un fait mentionnés au même premier alinéa. A défaut de réception, il est procédé à la signification de ces documents par acte d'huissier de justice. Ces documents mentionnent le délai et la voie de recours.
Les pièces et documents qui ne sont plus utiles à la manifestation de la vérité sont restitués à l'occupant des lieux. » ; que l'article 495 du code de procédure civile dispose par ailleurs que l'ordonnance sur requête doit être motivée et que copie de la requête et de l'ordonnance doit être laissée à la personne à laquelle elle est opposée ; qu'en outre l'article 16 dudit code rappelle le principe du contradictoire qu'il appartient au juge de faire observer et d'observer lui-même ;
qu'il ressort du procès-verbal de transport, de notification et remise d'ordonnance en date du 10 mars 2014 que seules les ordonnances des 27 février et 5 mars 2014 ont été notifiées et remises en copie à l'occupant des lieux et qu'il n'est ni démontré, ni même allégué que les requêtes ont été également notifiées et remises en copie ; qu'il convient de relever que l'ordonnance initiale du 27 février 2014 et l'ordonnance rectificative du 5 mars 2014 sont rendues au visa de chacune des requêtes ayant saisi le juge des libertés et de la détention et se réfèrent expressément aux « motifs y exposés » ; que les dispositions propres à la procédure d'autorisation de visite domiciliaire pour la recherche des infractions prévues aux articles L. 465-1, L. 465-2 et L. 465-2-1 du code des marchés financiers et des faits susceptibles d'être qualifiés de délits contre les biens et d'être sanctionnés par l'AMF en application de l'article L. 621-15 dudit code, ne sauraient déroger aux principes directeurs de la procédure tels que rappelés ci-dessus et notamment au principe du contradictoire ; qu'en effet les exigences essentielles de la contradiction doivent être mises en oeuvre dès l'exécution de la décision, afin d'assurer l'information complète de l'occupant des lieux où se déroule la visite domiciliaire et de permettre à celui-ci d'apprécier de façon éclairée l'opportunité d'exercer un recours ; que cette exigence implique de porter à la connaissance de l'intéressé l'ensemble des motifs par lesquels le juge s'est déterminé, que ces motifs résultent de l'ordonnance elle-même ou le cas échéant, de la requête à laquelle l'ordonnance peut, comme en l'espèce, se référer expressément ; qu'en effet, en ce cas, les motifs de la requête sont réputés adoptés par le juge et la requête doit donc être notifiée et remise comme l'ordonnance elle-même ; qu'à défaut de remise d'une copie de chacune des requêtes à l'origine des deux ordonnances entreprises, la violation des dispositions de l'article 495 du code de procédure civile entraîne la rétractation des ordonnances ayant fondé les opérations de visite et de saisies et emporte l'annulation par voie de conséquence de ces opérations (ordonnance attaquée, p. 6 et 7) ;

1°/ Alors qu'aux termes de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, lesquelles, exclusivement, régissent les visites et saisies effectuées sur autorisation du juge des libertés et de la détention par l'Autorité des marchés financiers, seule l'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite ; qu'en statuant comme il l'a fait sous couvert de la méconnaissance prétendue des dispositions de l'article 495 du code de procédure civile, inapplicables en la cause, l'auteur de l'ordonnance attaquée les a violées par fausse application ;

2°/ Alors que satisfait pleinement aux exigences de la contradiction et du respect des droits de la défense la communication à la partie qui le demande de la requête et des pièces dont il est fait état ; qu'en statuant comme il l'a fait sous couvert encore des « exigences essentielles de la contradiction » sans répondre au moyen des écritures de l'AMF par lequel il était fait valoir que la copie de la requête puis celles des pièces d'appui avaient été adressées à M. Y... à première demande de son conseil, l'auteur de l'ordonnance attaquée n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'il a violé ;

3°/ Alors en outre qu'en statuant comme il l'a fait motifs pris que les exigences essentielles de la contradiction impliqueraient de porter à la connaissance de l'intéressé l'ensemble des motifs par lesquels le juge s'est déterminé, que ces motifs résultent de l'ordonnance elle-même ou le cas échéant, de la requête à laquelle l'ordonnance peut, comme en l'espèce, se référer expressément sans procéder à la moindre analyse de ces motifs, ni préciser en quoi ceux de la requête auraient ajouté à ceux de l'ordonnance ni a fortiori en quoi la circonstance qu'ils n'aient pas été portés à la connaissance de l'intéressé dès l'exécution de la décision était de nature à l'empêcher d'apprécier de façon éclairée l'opportunité d'exercer un recours contre l'ordonnance, l'auteur de l'ordonnance attaquée n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, ensemble le principe du respect des droits de la défense ;

4°/ Et alors enfin, qu'en statuant comme il l'a fait, cependant qu'ayant formé dans le délai utile un recours contre les ordonnances litigieuses et eu accès à l'intégralité du dossier au greffe de la cour d'appel, ainsi que le prévoit l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, pour soutenir ces recours, M. Y... ne pouvait en tout état de cause se faire grief de l'absence de notification des requêtes, l'auteur de l'ordonnance attaquée n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, ensemble le principe du respect des droits de la défense.