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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 26 janvier 2023, n° 21/01632

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pourcher Pierre (SARL)

Défendeur :

BNP Paribas (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Figuet

Conseillers :

Mme Blanchard, M. Bruno

Avocats :

Me Mihajlovic, Me Petit

T. com. de Vienne, du 11 juin 2020

11 juin 2020

Faits et procédure :

1. La société Pourcher Pierre exerce une activité de menuiserie-charpente. Pour les besoins de son activité, elle a ouvert auprès de la société BNP-Paribas, agence de [Localité 6], le 29 septembre 2011, un compte courant professionnel n°[XXXXXXXXXX01]. La société BNP-Paribas lui a accordé une facilité de caisse le 22 avril 2013 de 5.000 euros, portée à 15.000 euros le 15 juillet 2014, sa validité devant prendre fin le 30 septembre 2015. La société Pourcher Pierre a obtenu, en octobre 2014, que cette facilité de caisse soit portée à 50.000 euros, avec reconduction de sa validité jusqu'au 30 juin 2016.

2. Le 8 décembre 2015, la société BNP-Paribas a informé la société Pourcher Pierre de la dénonciation, au terme d'un délai de 60 jours, du concours consenti. Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 11 février 2016 et reçue le 15 février 2016, elle a confirmé la clôture du compte professionnel de la société Pourcher Pierre au terme d'un délai de préavis d'un mois et a mis en demeure cette dernière de rembourser le solde débiteur du compte de 48.952,98 euros. Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 17 mars 2016, la société BNP-Paribas a confirmé la clôture du compte courant et a mis en demeure la société Pourcher Pierre d'en rembourser le solde débiteur s'élevant à 48.809,20 euros, outre les agios y compris les intérêts au taux conventionnel de base de 9,55 %. La société Pourcher Pierre n'a pas donné suite à cette demande, y compris après une nouvelle mise en demeure du 21 décembre 2016.

3. Le 30 octobre 2017, le président du tribunal de commerce de Vienne a rendu une ordonnance portant injonction de payer, à l'encontre de la société Pourcher Pierre. Cette ordonnance a été signifiée le 30 novembre 2017. La société Pourcher Pierre a, le 28 décembre 2017, formé opposition à cette ordonnance.

4. Par jugement du 11 juin 2020, le tribunal de commerce de Vienne a’ :

- déclaré recevable, mais non fondée l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer rendue sous le numéro 2017IP00698, le 30 octobre 2017’ ;

- condamné la société Pourcher Pierre à payer à la société BNP-Paribas la somme de 48.809,20 euros en principal, au titre du solde débiteur du compte courant professionnel n° 00962 00010098878, outre intérêts au taux contractuel majoré de 9,55 % l'an depuis le 17 mars 2016’ ;

- débouté la société Pourcher Pierre de l'ensemble de ses demandes subsidiaires et reconventionnelles’ ;

- condamné la société Pourcher Pierre à payer à la société BNP-Paribas la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile’ ;

- ordonné l'exécution provisoire, nonobstant appel et sans caution’ ;

- rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties’ ;

- condamné la société Pourcher Pierre aux dépens.

5. La société Pourcher Pierre a interjeté appel de cette décision le 8 avril 2021, en toutes ses dispositions, reprises par sa déclaration d'appel. L'instruction de cette procédure a été clôturée le 13 octobre 2022.

Prétentions et moyens de la société Pourcher Pierre ‘ :

6. Selon ses conclusions remises le 18 février 2022, elle demande à la cour, au visa des articles L 311-8 et L313-2 du code de la consommation, 1147 (ancien), 1231-1 et 1907 du code civil’ :

- de déclarer son appel recevable et bien-fondé’ ;

- de réformer le jugement déféré’ ;

- à titre principal, de dire que l'intimée ne justifie pas avoir fait signer de contrat de facilité de caisse d'un montant de 15.000 euros et 50.000 euros’ ;

- de dire que l'intimée a laissé le découvert de la concluante s'accroître pendant plus d'un mois jusqu'à atteindre la somme de 50.000 euros’ ;

- de juger que l'intimée ne justifie pas avoir respecté les dispositions de l'article L313-12 du code monétaire et financier’ ;

- de dire que l'intimée a abusivement et sans motif interrompu la facilité de caisse de 50.000 euros, alors que la concluante bénéficiait d'une facilité de caisse à hauteur de 50.000 euros, que le terme de cette facilité de caisse n'était pas venu à expiration et que la concluante ne se trouvait pas dans une situation irrémédiablement compromise’ ;

- de juger que l'intimée a engagé sa responsabilité contractuelle’ ;

- de juger que la faute de la banque entraîne une perte de chance de 80 % de la dette finale, soit un préjudice évalué à la somme de 39.047,20 euros’ ;

- par conséquent, de condamner la société BNP-Paribas à lui payer la somme de 39.047,20 euros à titre de dommages et intérêts’ ;

- d'ordonner la compensation.

7. La société Pourcher Pierre demande, à titre subsidiaire’ :

- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la société BNP-Paribas’ ;

- de constater que la société BNP-Paribas ne verse pas aux débats un décompte expurgé des frais, agios et autres commissions’ ;

- par conséquent, de dire que la société BNP-Paribas ne justifie pas du quantum de sa demande’ ;

- de débouter la société BNP-Paribas de ses demandes’ ;

- à titre très subsidiaire, d'ordonner la substitution au taux conventionnel du taux légal en vigueur au jour de l'émission de l'offre, le remboursement par la société BNP-Paribas des intérêts trop perçus à ce titre et l'établissement d'un nouveau tableau d'amortissement.

8. L'appelante demande enfin, en tout état de cause’ :

- de débouter la société BNP-Paribas de sa demande relative aux intérêts contractuels à hauteur de 9,55 %.

- d'accorder à la concluante des délais de paiement’ ;

- de condamner la société BNP-Paribas à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient’ :

9. - que la société BNP-Paribas lui a accordé une facilité de caisse, qui est une autorisation accordée par la banque permettant une situation débitrice du compte bancaire, afin de remédier à des décalages ponctuels de trésorerie, ainsi que l'a prévu le contrat du 22 avril 2013, stipulant que le compte courant doit redevenir créditeur dans le mois de l'utilisation ; que cependant, l'intimée a laissé le compte courant débiteur pendant plus d'un mois après son utilisation, sans avenant ou nouveau contrat, alors que le contrat initial a également prévu que dans l'hypothèse où l'évolution de l'activité du client justifierait des utilisations d'un montant supérieur et/ou l'octroi d'un crédit à durée déterminée, le client devra alors en informer la banque en vue d'un éventuel réaménagement de ses concours, toute modification apportées au contrat faisant alors l'objet, selon le cas, d'un avenant ou d'un nouveau contrat’ ;

10. - qu'en outre, en laissant le compte courant débiteur plus d'un mois après l'octroi d'une facilité de caisse et en le laissant devenir débiteur jusqu'à atteindre la somme de 50.000 euros, l'intimée a manifestement causé un préjudice à la concluante, qui se voit aujourd'hui réclamer la somme de 48.809 euros, et a commis une faute ; que la banque est tenue d'une obligation de conseil et doit éviter que son comportement soit à l'origine d'un préjudice pour son client’ ; qu'il en est résulté une perte de chance pour la concluante de ne pas atteindre un découvert d'un tel montant’ ;

11. - que la banque a également mis un terme brutal à la facilité de caisse, puisque si on ne peut lui reprocher d'avoir laissé le découvert atteindre 50.000 euros, rien alors ne justifiait la rupture du contrat, une fois son plafond atteint’ ; qu'en acceptant des facilités pendant plusieurs mois, la banque a accepté une véritable ouverture de crédit’ ; qu'une ouverture de crédit ne peut être interrompue avant son terme que dans les cas prévus par l'article L313-12 du code monétaire et financier, soit en cas de comportement grave répréhensible de son bénéficiaire, ou au cas où sa situation s'avérerait irrémédiablement compromise’ ; que l'intimée ne justifie d'aucune de ces conditions et ne pouvait ainsi interrompre le contrat avant son terme le 30 juin 2016, alors qu'elle indique avoir dénoncé la facilité de caisse le 8 décembre 2015’ ; qu'en première instance, l'intimée a reconnu ces faits’ ; qu'elle n'a également pas motivé l'interruption de son concours, alors que le même article prévoit que la banque doit indiquer les raisons de cette interruption’ ;

12. - que la concluante est bien fondée à invoquer les dispositions du code de la consommation, qui sont expressément visées par le contrat’ ; que le découvert ayant duré plus de 3 mois, il appartenait à la banque de proposer à la concluante une offre préalable de crédit conforme aux dispositions de l'article L 311-8 du code de la consommation’ ; que la concluante est ainsi bien fondée à solliciter, outre le remboursement des frais et commissions versées, la déchéance du droit aux intérêts, l'intimée ne pouvant recevoir que le capital restant dû ;

13. - que la banque ne peut obtenir un intérêt conventionnel, faute d'un contrat le précisant, conformément à l'article 1907 du code civil; que l'obligation concerne tant le taux conventionnel que le taux effectif global’ ; que la précision de ces taux doit être mentionnée dans la convention de convention de compte courant, et non dans le contrat de facilité de caisse’ ; qu'aucun taux n'a été prévu pour les montants de 15.000 et 50.000 euros’ ; que la concluante n'a jamais reçu les relevés concernant les intérêts et les commissions que l'intimée dit lui avoir adressés; que rien ne prouve que la concluante ait accepté les taux conventionnels ;

14. - ainsi, que l'intimée doit produire un décompte expurgé de tous les frais, agios et commissions’ ; qu'elle ne peut pas obtenir un taux majoré de 9,55'% ; que la banque ne produisant pas un tel décompte, elle ne justifie pas du montant de sa créance par application de l'article 1315 du code civil’ ; que sa demande en paiement doit donc être rejetée’ ;

15. - subsidiairement, que la déchéance du droit aux intérêts doit également être prononcée en raison du calcul des intérêts sur une base de 360 jours, et non d'une année civile de 365 et 366 jours, une telle clause étant nulle ;

16. - que la concluante se trouve dans une situation difficile, son bilan 2020 présentant un résultat net comptable de 51.766,54 euros grâce à un PGE de 100.000 euros, qui ne peut servir à régler des dettes antérieures non consécutives à la Covid 19.

Prétentions et moyens de la société BNP-Paribas’ :

17. Selon ses conclusions remises le 27 septembre 2021, elle demande à la cour’ :

- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions’ ;

- En conséquence, de condamner la société Pourcher Pierre à payer à la concluante la somme de 48.809,20 euros en principal, au titre du solde débiteur du compte courant professionnel n° 0096200010098878, outre intérêts au taux contractuel majoré de 9,55 % l'an depuis le 17 mars 2016’ ;

- de débouter la société Pourcher Pierre de l'ensemble de ses demandes subsidiaires et reconventionnelles’ ;

- de condamner la société Pourcher Pierre à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile’ ;

- de condamner la société Pourcher Pierre aux entiers dépens d'appel.

Elle indique’ :

18. - que la facilité de caisse a été accordée pour un montant de 5.000 euros maximum, avec un taux d'intérêts de 2,207 % l'an majoré de 3 points en cas de dépassement’ ; qu'il a été mentionné à titre d'exemple, sur la base du taux conventionnel, un TEG de 3,728'% I'an sur la base d'une utilisation de la totalité de l'ouverture de crédit pendant 30 jours par mois, ou de 3,815 % l'an sur la base d'une utilisation à hauteur de 110 % de l'ouverture de crédit pendant 3 jours’ ; qu'il a été stipulé que cette facilité de caisse est susceptible d'évolution à la demande du client en ce que les conditions générales prévoient que dans l'hypothèse où l'évoIution de l'activité du client justifierait des utilisations d'un montant supérieur et/ou l'octroi d'un crédit à durée déterminée, le client devra alors en informer la banque en vue d'un éventuel réaménagement de ses concours, toute modification faisant l'objet selon le cas, d'un avenant ou d'un nouveau contrat’ ; qu'il ressort de cette stipulation que toute modification non contractualisée laisse subsister les précédentes stipulations de l'acte du 22 avril 2013’ ;

19. - que c'est dans ces conditions que la société Pourcher Pierre a sollicité l'octroi d'une facilité de caisse portée à 15.000 euros, par courrier du 15 juillet 2014, qui lui a été accordée sans modification des conditions financières, mais pour une durée déterminée fixée au 30 septembre 2015, puis que la concluante a accordé, le 24 juillet 2015, une facilité de caisse de 50.000 euros, à un taux d'intérêts de 2 %, également à durée déterminée jusqu'au 30 juin 2016’ ;

20. - que le contrat prévoyant que le crédit pourra en tout état de cause et à tout moment, être résilié et/ou le compte courant clôturé à l'initiative de la banque sans que celle-ci ait à motiver sa décision, moyennant un préavis de 60 Jours commençant à courir à compter de la date d'envoi de la lettre recommandée, notifiant l'exigibilité des concours et/ou la clôture du compte courant, c'est dans ces conditions que, par courrier du 8 décembre 2015, la concluante a dénoncé le crédit autorisé sur le compte courant, à l'issu du délai de préavis expirant le 10 février 2016’ ; que par courrier du 11 février 2016, la concluante a prévenu que la clôture juridique du compte interviendra le 12 mars 2016 et a invité la société Pourcher Pierre à rembourser le solde débiteur du compte à hauteur de la somme de 48.952,98 euros’ ; que la concluante a prononcé la clôture du compte par courrier du 17 mars 2016’ ;

21. - concernant la preuve de l'existence de la convention de compte courant, qu'il s'agit d'un contrat consensuel, dont la preuve, en matière commerciale, peut être rapportée par tous moyens selon l'article L110-3 du code de commerce’ ; qu'il n'est pas contestable que la société Pourcher Pierre a signé les cartons d'ouverture et de signature du compte, alors que les relevés ont été édités jusqu'à sa clôture’ ; que la convention de facilité de caisse repose sur le compte professionnel’ ; qu'en conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a dit que les parties ne contestent pas l'existence de ce compte courant’ ;

22. - ainsi que retenu par le tribunal, que la facilité de caisse est susceptible d'évolution à la demande du client’ ; que son augmentation, à la demande de l'appelante, n'a pas été fautive puisqu'elle a été accordée conventionnellement, sans rapport avec le découvert en compte, puisque la société Pourcher Pierre a cessé d'approvisionner son compte pour en provisionner un autre souscrit auprès de la Banque Populaire, suite à l'octroi du PGE ; que la concluante n'a commis ainsi aucune faute contractuelle’ ;

23. - que la concluante n'a pas plus commis de faute délictuelle en laissant s'installer un découvert en compte ayant atteint sur deux ans la somme de 50.000 euros, puisque le lien entre les parties est de nature contractuelle ;

24. - qu'en outre, l'appelante ne peut se prévaloir de sa propre turpitude pour solliciter une indemnité alors qu'elle a volontairement cessé d'approvisionner le compte’ ;

25. - concernant la rupture de la facilité de caisse avant le terme, que les conditions générales ont prévu que le crédit pourra en tout état de cause et à tout moment, être résilié et/ou le compte courant clôturé à l'initiative de la banque sans que celle-ci ait à motiver sa décision, moyennant un préavis de 60 jours commençant à courir à compter de la date d'envoi de la lettre recommandée, notifiant I'exigibiIité des concours et/ou la clôture du compte courant’ ; que la concluante était ainsi libre de rompre le concours avant terme, sous réserve de respecter le préavis, ce qu'elle a fait, et ce qu'a retenu le tribunal de commerce’ ; qu'en outre, la société Pourcher Pierre a commis des manquements graves en dépassant à plusieurs reprises le plafond de 50.000 euros, en juin, août, septembre et octobre 2015, le compte n'étant volontairement plus approvisionné’ ; qu'en tout état de cause, l'appelante n'établit aucun lien de causalité entre ces manquements prétendus et le préjudice qu'elle invoque’ ;

26. - concernant la déchéance du droit aux intérêts, qu'il résulte de l'article L311-1 2° du code de la consommation que la notion de prêt prévu par ce code concerne un emprunteur personne physique, ce qui n'est pas le cas de l'appelante’ ; que la facilité de caisse échappe ainsi au droit de la consommation’ ;

27. - que le taux d'intérêt a été expressément stipulé dans la convention de facilité de caisse, ainsi que le taux effectif global’ ;

28. - que l'appelante a déjà obtenu d'importants délais pendant le cours de l'instance, alors qu'elle n'a procédé à aucun paiement.

29. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION’ :

30. Le tribunal de commerce a retenu que les parties ne contestent pas l'existence d'un compte courant professionnel, ainsi que d'un contrat de facilité de caisse à durée indéterminée pour un montant de 5.000 euros maximum signé le 22 avril 2013. Il a énoncé que ce contrat de facilité de caisse prévoyait que, « dans l'hypothèse où l'évolution de l'activité du client justifierait des utilisations d'un montant supérieur et/ou l'octroi d'un crédit à durée déterminée, le client devra alors en informer la banque en vue d'un éventuel réaménagement de ses concours. Toute modification apportée aux présentes fera alors l'objet, selon le cas, d'un avenant ou d'un nouveau contrat ».

31. Le tribunal a noté que la société Pourcher Pierre, le 15 juillet 2014, a informé la société BNP-Paribas qu'elle renonçait à la facilité de caisse de 5.000 euros au profit d'une facilité de caisse de 15.000 euros, étendue jusqu'au 30 septembre 2015. Avant le terme de l'échéance du 30 septembre 2015, la société Pourcher Pierre a demandé, le 1er octobre 2014, à la société BNP-Paribas, de porter cette facilité de caisse de 15.000 euros à 50.000 euros, sollicitant en outre le 20 juillet 2015 la reconduction de ladite facilité jusqu'au 30 juin 2016. Le tribunal en a retiré que la société BNP-Paribas a accueilli favorablement, à chaque fois, les demandes d'extension de montants et de reports d'échéances émanant de la société Pourcher Pierre, qu'aucune des parties n'a explicitement dénoncé le contrat initial de facilité de caisse, que seuls les montants ont été modifiés pour des durées déterminées et ainsi, que le contrat du 22 avril 2013 s'applique jusqu'à la clôture du compte. Il a ainsi jugé fondées les demandes formées par la société BNP-Paribas relatives au compte courant débiteur.

32. Le tribunal a, en outre, indiqué qu'en acceptant que le découvert atteigne le montant accordé de 50.000 euros, compte tenu des circonstances et notamment de l'octroi d'une facilité de caisse de 50.000 euros, la société BNP-Paribas n'a pas commis de faute, alors qu'il est démontré que la société Pourcher Pierre n'a pas respecté les termes du contrat de facilité de caisse en n'approvisionnant pas son compte courant d'un chiffre d'affaires mensuel supérieur au crédit autorisé.

33. Le tribunal a rappelé que selon l'article L.313-12 alinéa 1 du code monétaire et financier, « Tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit [ ...] consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l'établissement de crédit [...] fournit, sur demande de l'entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption [ ...] ''. Il a indiqué qu'il ressort des pièces versées aux débats d'une part que la société BNP-Paribas a respecté le délai de préavis de soixante jours, prévu par l'article précité, avant d'interrompre son concours par notification écrite, et d'autre part, que la société Pourcher Pierre n'a pas demandé les raisons de l'arrêt du concours consenti ni de la clôture de son compte courant. Il a estimé ainsi régulière et bien fondée la rupture par la banque de son concours financier à la société Pourcher Pierre.

34. Il a indiqué que si la société Pourcher Pierre soutient en outre que la société BNP-Paribas a commis une faute en laissant le compte courant de la société devenir débiteur jusqu'à 50.000 euros pour rompre ensuite la facilité de caisse, la société BNP-Paribas a consenti un délai d'un mois à la société Pourcher Pierre pour rétablir la situation débitrice du compte et a honoré les chèques présentés pendant cette période’ ; que la société Pourcher Pierre ne s'est pas acquittée de l'obligation de paiement lui correspondant. Il en a déduit que la société BNP-Paribas n'a commis aucune faute, et qu'aucune rupture contractuelle abusive ne peut lui être imputée. Il a, en conséquence, débouté la société Pourcher Pierre de sa demande indemnitaire formée à titre subsidiaire, aucun préjudice n'étant établi.

35. Sur la demande formée à titre subsidiaire par la société Pourcher Pierre relative aux intérêts, le tribunal a énoncé que le contrat de facilité de caisse est explicitement rattaché au compte courant professionnel, et qu'elle a agi à des fins professionnelles pour les besoins de son activité, alors qu'il ne s'agit ni d'une personne physique ni d'un non-professionnel. En conséquence, le tribunal a dit que le code de la consommation ne peut lui être appliqué.

36. Il a retenu que le contrat stipule, sans ambiguïté, les taux d'intérêt devant s'appliquer aux soldes débiteurs du compte courant ainsi que la méthode de calcul et les paramètres utilisés, pareillement pour le taux effectif global, illustré avec un exemple de son mode de calcul’ ; que la société Pourcher Pierre n'a pas contesté les termes de ce contrat ; que la société BNP-Paribas a procédé à l'envoi de relevés trimestriels des agios, frais et commissions de la même manière, par courrier simple’ ; que lesdits relevés mensuels sont bien parvenus à leur destinataire’ ; qu'il ressort des relevés trimestriels d'intérêts et commissions adressés à la société Pourcher Pierre, que cette dernière a été informée du montant des intérêts et des commissions’ ; qu'ainsi, la société BNP-Paribas a respecté ses obligations.

37. Sur les autres demandes, le tribunal a dit qu'il n'y a pas lieu d'accorder des délais de paiement à la société Pourcher Pierre, celle-ci ayant déjà bénéficié de facto, depuis la mise en demeure du 17 mars 2016, de plus de deux années pour s'acquitter de son obligation.

38. La cour constate également que l'existence du compte courant professionnel n'est pas contestée par les parties, alors que s'agissant de deux sociétés commerciales, la preuve de ce contrat est libre. La société BNP-Paribas produit d'ailleurs la fiche d'ouverture de ce compte, même si elle ne verse pas aux débats le contrat lui-même. La convention de facilité de caisse du 22 avril 2013 y est en outre adossée expressément, et a rappelé le numéro du compte professionnel. Enfin, les parties produisent, chacune, des relevés de ce compte.

39. La facilité de caisse a été sollicitée par la société Pourcher Pierre, pour initialement 5.000 euros. Son objet est de permettre le fonctionnement du compte professionnel en position débitrice, dans la limite de l'encours autorisé par la banque. Elle a ainsi un caractère accessoire, et reste liée à la vie du compte courant.

40. Elle a prévu l'application d'un intérêt indexé sur l'indice Euribor 3 mois, majoré de deux points. S'il a été prévu que le calcul des intérêts sera effectué selon «'la méthode des nombres de 360 jours annuels au nombre de jour exacts’ », et non sur une période de 365 ou 366 jours rapportée au nombre de jours pendant lesquels le découvert aura été utilisé, la société Pourcher Pierre est cependant mal fondée à soutenir que cette clause est nulle. Cette stipulation a été acceptée par l'appelante, et il n'est pas justifié d'une différence effective avec un calcul des intérêts opéré sur la base d'une année civile.

41. Si le contrat de facilité de caisse a fait mention des articles L313-3 et suivants du code de la consommation, ce n'est qu'afin de préciser le montant du TEG, et non afin de soumettre le contrat au code de la consommation. A ce titre, selon l'article L311-1 du code de la consommation dans sa version applicable lors de la conclusion du contrat de facilité de caisse, est considérée comme emprunteur ou consommateur, toute personne physique qui est en relation avec un prêteur, dans le cadre d'une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle. Or, l'appelante est une Sarl, et donc une société commerciale. En outre, les articles L313-1 et suivants du code de la consommation alors applicables, relatifs au taux d'intérêts, ne concernent que les prêts à la consommation et les prêts immobiliers. Ces dispositions ne sont pas ainsi applicables à une convention de facilité de caisse accordée à une société commerciale. Il n'est pas fait référence à d'autres dispositions du code de la consommation, notamment aux crédits à la consommation. La société Pourcher Pierre est ainsi mal fondée à invoquer l'article L311-8 du code de la consommation pour soutenir que le découvert ayant duré plus de trois mois, il appartenait à la banque de proposer une offre de crédit conforme à ce texte. Elle ne peut, en conséquence, solliciter de ce chef une déchéance du droit aux intérêts et frais.

42. La société Pourcher Pierre est également mal fondée à soutenir que le taux d'intérêts doit être prévu dans la convention de compte courant, et non dans le contrat de facilité de caisse, puisque, sauf stipulation contraire impliquant alors la précision du taux applicable, une convention de compte courant ne donne pas droit, au profit du titulaire du compte, à la possibilité de laisser ce compte fonctionner en position débitrice.

43. La convention de facilité de caisse a également prévu la commission applicable sur le plus fort découvert ainsi que le montant des frais de gestion. Elle a indiqué que la société Pourcher Pierre s'engage à remettre sur le compte courant, pendant toute la durée de la facilité de caisse, un chiffre d'affaires mensuel au moins égal au montant du crédit ainsi autorisé, et à informer la banque de tout élément pouvant avoir une incidence sur sa situation patrimoniale, économique ou financière. Les conditions de la résiliation de la facilité de caisse ont également été précisées, y compris en l'absence de faits imputables à son titulaire, mais alors moyennant un préavis de 60 jours. Il s'agit du rappel de l'article L313-12 du code monétaire et financier.

44. Ce premier concours a été prévu sans durée déterminée. Il a stipulé que si le client désire ultérieurement une augmentation du découvert, il doit le signaler afin qu'un avenant ou un nouveau contrat soit régularisé. A ce titre, la société Pourcher Pierre a sollicité expressément, le 15 juillet 2014, que le montant de la facilité de caisse soit porté à 15.000 euros, jusqu'au 30 septembre 2015. Il ressort également de plusieurs échanges de courriels qu'à compter du mois d'octobre 2014, le montant de l'encours sera porté à 50.000 euros, sur demande de l'appelante. Cette dernière a enfin demandé au mois de juin 2015 la reconduction de cette ouverture pour ce montant, pour une année. La société BNP-Paribas a répondu favorablement à sa demande le 24 juillet 2015, en précisant que le taux d'intérêts reste inchangé, la facilité de caisse venant à échéance le 30 juin 2016.

45. Ainsi qu'énoncé plus haut, les parties ont toutes les deux la qualité de commerçantes, alors que la société Pourcher Pierre est une personne morale, qui a agi pour ses besoins professionnels. Les dispositions du code de la consommation ne sont pas ainsi applicables. Les dispositions du code civil concernant le prêt ne prévoient pas la rédaction d'un écrit à peine de validité du contrat, en dehors du montant des intérêts. La facilité de caisse s'analyse en un contrat de prêt, et l'augmentation de son encours a pu être accordée sans conclusion d'un avenant écrit, alors que le taux d'intérêt initial, de même que les autres conditions écrites, n'ont pas été modifiés. Si le contrat initial a stipulé que si le client désire ultérieurement une augmentation du découvert, il doit le signaler afin qu'un avenant ou un nouveau contrat soit régularisé, il n'a pas été prévu qu'un écrit soit impératif, alors que la preuve d'un accord des parties sur une reconduction de la facilité de caisse, avec une augmentation de l'encours, est rapportée.

46. En conséquence, la société Pourcher Pierre est mal fondée à soutenir que la banque ne justifie pas lui avoir fait signer un contrat de facilité de caisse pour 15.000 euros, encours porté in fine à 50.000 euros, et qu'elle a abusivement laissé fonctionner le compte professionnel en position débitrice pendant plus d'un mois à hauteur de l'encours. Elle ne justifie pas avoir perdu la chance de ne pas atteindre un découvert d'un tel montant, ayant sollicité elle-même l'augmentation de l'encours utilisable. L'examen des relevés du compte professionnel indique d'ailleurs que l'octroi de facilités de caisse était justifié par le fonctionnement normal de ce compte, compte tenu des opérations portées en crédit pour des montants importants. Aucun élément n'indique que la banque aurait dû alerter sa cliente au titre de son devoir de conseil. Il en résulte qu'aucune faute ne peut être retenue contre la société BNP-Paribas au titre de la conclusion de la facilité de caisse, des augmentations de l'encours utilisable, puis des conditions de son utilisation.

47. Concernant les conditions dans lesquelles la convention de compte professionnel et la facilité de caisse ont été résiliées, il résulte de l'article L313-12 du code monétaire et financier que tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l'établissement de crédit ou la société de financement fournit, sur demande de l'entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées.

48. En l'espèce, la société BNP-Paribas a répondu favorablement à la demande de la société Pourcher Pierre le 24 juillet 2015, concernant la reconduction de la facilité de caisse de 50.000 euros, en précisant qu'elle viendrait à échéance le 30 juin 2016. Il s'agit ainsi d'un concours à durée déterminée, devant être respecté par la banque jusqu'à son terme, sauf comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise, ainsi qu'il est dit à la suite de l'article L313-12 du code monétaire et financier.

49. Or, par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 décembre 2015, la société BNP-Paribas a dénoncé la convention de compte courant, avec un préavis expirant le 10 février 2016. Cette lettre n'a concerné que le compte courant, et non la facilité de caisse. Celle-ci étant adossée à ce compte professionnel, elle a ainsi un caractère accessoire, permettant seulement le fonctionnement du compte courant en position débitrice. D'ailleurs, par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 février 2016, la société BNP-Paribas a confirmé la dénonciation du compte professionnel, et a demandé le paiement du solde de ce compte, et non de la facilité de caisse.

50. Le compte professionnel a été ouvert dans les livres de la société BNP-Paribas sans terme. Il était ainsi à durée indéterminée. Il en résulte que par application de l'article L313-12 du code monétaire et financier, la société BNP-Paribas pouvait en prononcer la résiliation, sous respect d'un préavis égal à au moins 60 jours, préavis respecté en l'espèce.

51. Il en résulte que la seule résiliation du compte professionnel, entraînant par effet de conséquence celle de la facilité de caisse, n'est pas abusive. Si la société Pourcher Pierre invoque le fait que cette résiliation est intervenue sans motif, l'article L313-12 précité indique, concernant un concours à durée indéterminée, que dans le respect des dispositions légales applicables, l'établissement de crédit ou la société de financement fournit, sur demande de l'entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées. Or, en la cause, la société Pourcher Pierre ne justifie pas avoir sollicité les raisons de la résiliation du compte professionnel, et accessoirement, de la convention de facilité de caisse. L'appelante ne produit pas d'autre élément concernant une rupture abusive de la relation contractuelle. Elle ne peut ainsi qu'être déboutée de l'intégralité de ses demandes principales.

52. Concernant la demande de la société Pourcher Pierre portant sur les intérêts et les frais, il a été indiqué plus haut qu'ils ont été prévus dans la convention de facilité de caisse. A défaut d'avenant sur ces points, ils sont restés inchangés jusqu'à la résiliation du compte professionnel.

53. A ce titre, la société Pourcher Pierre produit elle-même les relevés du compte professionnel, qu'elle a annotés, et la cour constate que les intérêts et commissions ont été portés au débit du compte. Cette production de relevés annotés par l'appelante indique qu'elle les a bien reçus. Elle n'invoque ni ne justifie d'aucune réclamation effectuée auprès de la société BNP-Paribas concernant les frais et les intérêts prélevés ponctuellement, en fonction de la situation du compte, et il a été dit plus haut que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables en raison de la qualité des parties. Le tribunal de commerce a d'ailleurs dressé un tableau précis et pertinent des intérêts et commissions prélevés trimestriellement.

54. Il en résulte que la société Pourcher Pierre ne peut également qu'être déboutée de sa contestation concernant ces frais et intérêts. La société BNP-Paribas rapporte ainsi la preuve de sa créance, dans son principe et dans son montant. Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu'il a condamné la société Pourcher Pierre à payer à l'intimée la somme de 48.809,20 euros en principal.

55. S'agissant enfin de la demande subsidiaire concernant la substitution du taux conventionnel par le taux légal et l'octroi de délais de paiement, il résulte du bilan de l'exercice 2020 de la société Pourcher Pierre que cet exercice a été bénéficiaire pour 51.766,54 euros. La société Pourcher Pierre dispose de plus de 80.000 euros de réserves. Elle a bénéficié d'un PGE de 100.000 euros, de 100.000 euros de subventions allouées par le Fonds de Solidarité, et de 17.500 euros de remboursement de chômage partiel. Elle ne justifie pas d'élément justifiant ces prétentions.

56. Il résulte de ces motifs que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions soumises à la cour. La société Pourcher Pierre, succombant en son appel, sera condamnée à payer à la société BNP-Paribas la somme complémentaire de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles L313-12 du code monétaire et financier, L110-3 du code de commerce, L311-1 et suivants (anciens) du code de la consommation ;

Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;

y ajoutant’ ;

Condamne la société Pourcher Pierre à payer à la société BNP-Paribas la somme complémentaire de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile’ ;

Condamne la société Pourcher Pierre aux dépens exposés en cause d'appel’.