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Décisions

Cass. 1re civ., 6 décembre 2017, n° 16-20.680

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Avocats :

Me Balat, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Montpellier, du 18 mai 2016

18 mai 2016

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 mai 2016), que Mme X... est membre de la société coopérative agricole de vinification d'Embres-et-Castelmaure (la coopérative) ; que, par décision du 9 août 2011, celle-ci l'a sanctionnée pour avoir ignoré l'obligation statutaire de livrer la totalité de ses produits à la coopérative, avant de déclasser, par décision du 26 septembre 2012, une parcelle dont le ban de vendange n'avait pas été respecté par l'intéressée, puis de prononcer, par décision du 10 avril 2013, son exclusion ; que Mme X... a assigné la coopérative en annulation de ces décisions ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la coopérative fait grief à l'arrêt d'annuler la sanction prononcée le 9 août 2011, alors, selon le moyen :

1°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des documents soumis à leur examen ; que l'article 8.8 des statuts de la coopérative prévoit qu'« avant de se prononcer sur la participation aux frais fixes et sur les sanctions prévues aux paragraphes 6 et 7 ci-dessus, le conseil d'administration devra, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, mettre en demeure l'intéressé de fournir des explications » ; que, pour annuler la sanction prononcée par le conseil d'administration le 9 août 2011, la cour d'appel a retenu « que la procédure de sanction a donc bien été mise en marche dès le 20 juillet 2011, sans mise en demeure préalable de fournir des explications, les deux convocations ultérieures ne palliant pas cette entorse initiale aux statuts » ; qu'en statuant ainsi, quand les statuts de la coopérative n'exigent une mise en demeure de fournir des explications qu'avant le prononcé de la sanction et non avant la « mise en marche » de la procédure, la cour d'appel a dénaturé la lettre claire et précise des statuts et violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que, pour délibérer valablement, le conseil d'administration doit réunir au moins la moitié de ses membres en exercice ; que, pour annuler la sanction prononcée par le conseil d'administration le 9 août 2011, la cour d'appel a retenu « qu'en omettant d'indiquer la répartition des votes, le procès-verbal litigieux ne rapporte pas la démonstration suffisante de la légitimité de la sanction prononcée, référence faite au quorum nécessaire de la majorité des membres présents » ; qu'en statuant ainsi, quand le quorum exigé pour que les délibérations du conseil soient valables est indépendant de la répartition des votes, seule la présence d'une majorité des membres du conseil étant requise, la cour d'appel a méconnu l'article R. 524-7 du code rural et de la pêche maritime ;

3°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits clairs et précis produits par les parties à l'appui de leurs prétentions ; que, pour annuler la sanction prononcée par le conseil d'administration le 9 août 2011, la cour d'appel a retenu que « le procès-verbal litigieux ne rapporte pas la démonstration suffisante de la légitimité de la sanction prononcée, référence faite au quorum nécessaire de la majorité des membres présents » ; qu'en statuant ainsi, quand le procès-verbal mentionnait la liste des neufs administrateurs présents, sur quatorze, et permettait ainsi d'établir que le quorum exigé de la majorité des membres présents était atteint, la cour d'appel a dénaturé le procès-verbal de la réunion du 9 août et violé l'article 1134 du code civil ;

4°/ que les copies ou extraits des procès-verbaux des délibérations du conseil d'administration sont valablement certifiés par le président du conseil d'administration ou un ou plusieurs administrateurs habilités à cet effet par le conseil d'administration ; que, pour annuler la sanction prononcée par le conseil d'administration le 9 août 2011, la cour d'appel a retenu « qu'en omettant d'indiquer la répartition des votes, le procès-verbal litigieux ne rapporte pas la démonstration suffisante de la légitimité de la sanction prononcée, référence faite au quorum nécessaire de la majorité des membres présents » ; qu'en exigeant que le procès-verbal rapporte la répartition des voix, la cour d'appel, qui a ajouté une condition que la loi ne prévoit pas, a violé l'article R. 524-6 du code rural et de la pêche maritime ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé, sans en dénaturer le contenu, que le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 9 août 2011 n'indiquait pas la répartition des votes, ce dont elle a exactement déduit qu'au regard de la nécessité d'un vote majoritaire des membres présents, la délibération litigieuse encourait la nullité ; que le moyen, inopérant en sa dernière branche, et qui s'attaque à des motifs erronés mais surabondants en la première, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la coopérative fait grief à l'arrêt de condamner Mme X... à procéder uniquement au remboursement de la somme de 4 410 euros en principal, à la suite de la validation de la décision de déclassement du 26 septembre 2012, alors, selon le moyen, que l'exécution provisoire étant poursuivie aux risques du créancier, celui-ci doit rétablir le débiteur dans ses droits si le jugement est infirmé ; que, dans ses conclusions d'appel, outre l'infirmation du jugement, la coopérative demandait le remboursement des sommes qu'elle avait payées à Mme X... suite à l'annulation par le tribunal du déclassement de la parcelle 1081, décision assortie de l'exécution provisoire ; qu'elle demandait que Mme X... soit condamnée à lui restituer non seulement la différence concernant les acomptes dont Mme X... avait réclamé le remboursement, soit 4 410 euros, mais également l'ensemble des trop-perçus postérieurs, soit un total de 17 043,35 euros ; qu'en se bornant à condamner Mme X... à « rembourser les sommes que lui a remboursées la cave » du chef de l'annulation de la décision du conseil d'administration du 26 septembre 2012, soit 4 410 euros, sans vérifier, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si la coopérative n'avait pas ultérieurement rémunéré Mme X..., au titre de la parcelle litigieuse conformément au classement dans lequel le tribunal l'avait rétablie, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu que, sous le couvert d'un manque de base légale au regard de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des éléments de preuve produits par la coopérative afin de justifier de la rémunération de Mme X... à la suite de l'annulation de la décision de déclassement du 26 septembre 2012 ; qu'il ne peut être accueilli ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la coopérative fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la décision d'exclusion de Mme X..., alors, selon le moyen :

1°/ que l'exclusion d'un associé coopérateur peut être prononcée par le conseil d'administration pour des raisons graves ; qu'en retenant, pour juger que l'exclusion était disproportionnée, que le comportement fautif de Mme X... en 2010 avait été sanctionné et que, par conséquent, « la décision d'exclusion ne pouvait valablement se fonder que sur la tentative postérieure de 2012 de cumuler les avantages de la sélection numéro quatre, et du générique pour la vendange récoltée avant le ban », quand c'est précisément la réitération de ce comportement fautif et malhonnête, en dépit d'une première sanction, qui en caractérisait la gravité et justifiait l'exclusion de Mme X..., la cour d'appel a violé l'article R. 522-8 du code rural et de la pêche maritime ;

2°/ que l'exclusion d'un associé coopérateur peut être prononcée par le conseil d'administration pour des raisons graves, sans égard aux inconvénients de l'exclusion pour l'associé coopérateur ; qu'en retenant, pour juger que l'exclusion était disproportionnée, que « les conséquences techniques et familiales » de l'exclusion de Mme X... n'étaient pas « sérieusement contestées », la cour d'appel a ajouté une condition, la proportionnalité entre les fautes reprochées et les conséquences concrètes de l'exclusion, que l'article R. 522-8 du code rural et de la pêche maritime ne prévoit pas et a violé ce texte ;

3°/ que l'exclusion d'un associé coopérateur peut être prononcée par le conseil d'administration pour des raisons graves, sans égard à l'ancienneté de la coopération ; qu'en retenant que l'exclusion prononcée « est disproportionnée eu égard à l'ancienneté de la coopération » ou au regard de « la contribution pendant plus de vingt ans de Mme X... à la vie économique de la cave » et en « l'absence d'impact démontré sur la qualité et la notoriété des vins de la coopérative », quand ces éléments étaient étrangers à la condition de gravité du manquement du coopérateur, seule requise par les textes, la cour d'appel a violé l'article R. 522-8 du code rural et de la pêche maritime ;

4°/ que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer que « les conséquences techniques et familiales » de l'exclusion de Mme X... n'étaient pas « sérieusement contestées », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que, dans ses conclusions, la coopérative soulignait que Mme X... n'établissait pas « le refus d'adhésion d'autres sociétés coopératives auprès desquelles elle pourrait devenir adhérente » et que « la difficulté habituelle pour les caves coopératives étant de garder des adhérents qui rompent sans respect des règles leurs engagements d'activité plutôt que d'accueillir de nouveaux adhérents » ; qu'en se bornant à retenir que « les conséquences techniques et familiales » de l'exclusion de Mme X... n'étaient pas « sérieusement contestées », sans répondre à ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que, dans ses conclusions, la coopérative soulignait que « c'est à tort que Mme X... soutient que la cave la plus proche est à 20 km, alors que la société coopérative de Cascatel est à 12 km de Saint-Jean-de-Barrou et à 8 km d'Embre-et-Castelmaure » ; qu'en se bornant à retenir que « les conséquences techniques et familiales » de l'exclusion de Mme X... n'étaient pas « sérieusement contestées », sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des moyens inopérants, a tenu compte, pour apprécier la gravité du manquement reproché à Mme X..., de son ancienneté au sein de la coopérative et des services rendus à celle-ci, ainsi que de l'absence d'impact sur la qualité et la notoriété de ses produits ; que le moyen, qui s'attaque en ses première, deuxième et quatrième branches à des motifs erronés mais surabondants, ne peut être accueilli pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.