Cass. 1re civ., 7 décembre 2022, n° 21-19.345
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Volkswagen Group France (SA), Volkswagen Bank (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Rapporteur :
Mme Robin-Raschel
Avocats :
SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, Me Goldman
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 27 avril 2021), le 17 février 2010, la société Volkswagen Bank a consenti à M. [B] un contrat de location avec option d'achat portant sur un véhicule automobile qui a été livré le 22 avril 2010.
2. Le 1er avril 2014, M. [B] a levé l'option d'achat.
3. Par lettres des 16 novembre 2015, 29 avril et 12 septembre 2016, la société Volkswagen Group France a informé M. [B] de l'ouverture d'une enquête sur des équipements d'automobiles à moteurs diesel destinés à tromper les mesures anti-pollution et de la nécessité de mettre à jour un logiciel dont son véhicule était équipé.
4. Les 19 et 20 décembre 2016, M. [B] a assigné les sociétés Volkswagen Bank et Volkswagen Group France en résolution du contrat pour défaut de délivrance conforme et, subsidiairement, en nullité et en indemnisation pour erreur sur les qualités substantielles et pratique commerciale trompeuse. Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La société Volkswagen Bank fait grief à l'arrêt de déclarer M. [B] recevable et fondé dans ses actions tendant à l'anéantissement du contrat et en annulation corrélative de la levée de son option d'achat, de dire que le défaut de conformité constaté justifie une action en indemnisation du préjudice subi et de déclarer les sociétés, société Volkswagen Bank et société Volkswagen Group France responsables in solidum d'un préjudice immatériel total évalué à 4 000 euros, alors « que toute décision de justice doit être motivée à peine de nullité ; que les motifs inintelligibles équivalent au défaut de motifs ; qu'en retenant, pour écarter la prescription quinquennale des actions exercées par M. [B], après avoir considéré que les courriers adressés à ce dernier par la société Volkswagen group France en date des 16 novembre 2015, 29 avril 2016 et 12 septembre 2016, sont « effectivement postérieurs de plus de 5 ans à la date de livraison du bien ; pour écarter le moyen de prescription, il faut pouvoir estimer que la prescription n'a pas commencé à courir à la livraison mais postérieurement », qu' « il y a donc bien reconnaissance non seulement d'une non-conformité de la chose vendue à la commande, mais aussi une situation juridique irrégulière au regard de l'administration, ainsi que la reconnaissance par la société venderesse, filiale du constructeur, de la nécessité d'y remédier pour se conformer à la loi ; en raison de la non-conformité à la réglementation, le constructeur se trouve en situation administrative irrégulière permanente depuis la mise en circulation ; il a l'obligation de réparer tant que dure cette irrégularité constitutive de fraude civile ; concernant l'obligation de réparer les conséquences de la non-conformité de la vente, le délai de prescription n'a donc jamais commencé à courir avant la première lettre du 16 novembre 2015 », la cour d'appel s'est prononcée par une motivation inintelligible, et a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. M. [B] conteste la recevabilité du moyen qui porte sur les motifs de la cour d'appel relatifs à la prescription de l'action. Il soutient que ce moyen est irrecevable en ce qu'il serait incompatible avec les conclusions d'appel de la société Volkswagen Bank laquelle, d'une part, avait demandé la confirmation du jugement ayant déclaré recevable comme non prescrite l'action fondée sur l'erreur, d'autre part, n'avait pas contesté la recevabilité de l'action en nullité fondée sur la pratique commerciale trompeuse.
7. Cependant, la société Volkswagen Bank demandait à la cour d'appel de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de M. [B] fondées sur le défaut de délivrance conforme.
8. Le moyen, qui n'est pas incompatible avec la thèse développée en appel, est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.
10. Pour déclarer recevables les demandes de M. [B] tendant à l'anéantissement du contrat, après avoir rappelé les dispositions prévues à l'article 2224 du code civil, l'arrêt retient qu'il résulte des lettres des 16 novembre 2015, 29 avril et 12 septembre 2016, postérieures de plus de cinq ans à la date de la livraison du véhicule, une reconnaissance de la non-conformité technique au regard des émanations de gaz, laquelle peut provoquer une non-conformité administrative équivalent à la reconnaissance d'une illégalité civile, ainsi qu'une reconnaissance de la nécessité d'y mettre fin. Il retient encore que le constructeur a l'obligation de réparer tant que dure cette irrégularité constitutive d'une fraude civile et que, concernant cette obligation de réparer, le délai de prescription n'a jamais commencé à courir avant le 16 novembre 2015. Il ajoute que, s'agissant d'une obligation de faire, les lettres valent en toute hypothèse renonciation unilatérale et irrévocable à invoquer la prescription quinquennale et que, s'agissant du préjudice immatériel subi, la prescription trouve à s'appliquer en se plaçant à la date des courriers informant l'acquéreur, l'indemnisation ne pouvant être réclamée que pour la période de cinq ans ayant précédé la première lettre soit depuis le 16 novembre 2010, le locataire devenu acquéreur étant irrecevable à réclamer un préjudice immatériel pour la période d'une durée de l'ordre de cinq mois, écoulée entre le 22 avril 2010 date de la livraison, et le 16 novembre 2010, date du premier courrier révélant la non-conformité.
11. En statuant ainsi, par des motifs inintelligibles équivalant à un défaut de motifs, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation du chef du dispositif qui déclare M. [B] recevable et fondé en ses actions tendant à l'anéantissement du contrat et à l'annulation corrélative de la levée de son option d'achat s'étend aux chefs de dispositif qui dit que le défaut de conformité constaté ne justifie pas l'anéantissement du contrat et que seule l'action en indemnisation est fondée, rejette en conséquence la demande en restitution du véhicule à la société Volkswagen Bank, déclare celle-ci et la société Volkswagen Groupe France « VGF » responsables in solidum d'un préjudice immatériel total évalué à 4 000 euros, leur enjoint de payer les dépens et de payer in solidum à M. [B] une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.
13. La cassation de l'arrêt rendu le 27 avril 2021 entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt rendu le 7 décembre 2021. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Annule en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 décembre 2021, entre les mêmes parties, par cette même Cour ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.