CA Toulouse, 3e ch., 19 janvier 2023, n° 21/00804
TOULOUSE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Fonters-Bas (EARL)
Défendeur :
Auto Truck Service Gascogne (SARL), Tociar (SARL), Volvo Trucks France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
C. Beneix-Bacher
Conseillers :
O. Stienne, E. Vet
Avocats :
Me Peyrot, Me Spanghero, Me Abadie, Me Gerault
Suivant déclaration d'achat du 9 septembre 2014, la société Générale d'investissement a vendu à la SAS Volvo Trucks France un véhicule poids-lourd Volvo immatriculé BN- 178-AB.
À cette date, le certificat de situation administrative simple du véhicule ne faisait apparaître aucune particularité : absence de gage et d'opposition.
Par déclaration de cession du 29 septembre 2014, le véhicule a été revendu à M. [K] [J] qui exerce une activité d'achat et de location de véhicules poids lourds.
Le 27 octobre 2014, le véhicule a été déclaré volé par la société SNTPC. La plainte sera classée sans suite le 2 octobre 2018.
Le 30 mars 2015, M. [J] a vendu le véhicule à la SARL Tociar dont il est associé majoritaire.
Le même jour, la SARL Tociar a vendu le véhicule à la SARL Auto Trucks Service Gascogne, spécialisée dans la réparation, l'entretien et la vente de matériel et véhicules poids-lourds utilitaires et légers ainsi que la location de véhicules sans chauffeur.
Selon facture du 18 mars 2015 et déclaration de cession du 27 courant, la SARL Auto Trucks Service Gascogne a cédé le véhicule au GAEC des Quatre Vents aux droits duquel intervient l'EARL Fonters-Bas, qui exerce une activité de polyculture.
Le 31 août 2016, le GAEC des Quatre Vents a adressé à la SARL Auto Trucks Service Gascogne une lettre recommandée avec accusé de réception afin d'obtenir la carte grise du véhicule.
Le 2 février 2018, le conseil de l'EARL Fonters-Bas a mis en demeure la SARL Auto Trucks Service Gascogne de reprendre le véhicule et de lui payer 114 048 € correspondant à la restitution du prix de vente et aux frais engagés.
Le 26 juillet 2018, le conseil de la SARL Auto Trucks Service Gascogne répondait que la société ne pouvait être tenue pour responsable étant elle-même victime d'une plainte pour vol du véhicule.
Par actes des 24, 26 et 27 août 2018, l'EARL Fonters-Bas, venant aux droits du GAEC des Quatre Vents selon acte unique sous-seing-privé du 19 décembre 2016 portant transformation du GAEC en EARL, a fait assigner M. [K] [J], la SARL Tociar, la SARL Auto Truck Service Gascogne et la SAS Volvo Trucks France devant le tribunal de commerce de Toulouse pour obtenir la résolution du contrat de vente du véhicule Volvo litigieux, la reprise par les sociétés Auto Truck Service Gascogne, [K] [J] et la SARLTociar, la restitution du prix de vente et la condamnation solidaire des sociétés Auto Truck Service Gascogne, Volvo Trucks France, Tociar et de M. [K] [J] à lui verser la somme de 36 048 € TTC en remboursement des frais engagés outre la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 19 janvier 2021, le tribunal de commerce de Toulouse a :
- débouté l'EARL Fonters-Bas, la SARL Auto-Truck Service Gascogne, la SAS Volvo Truck France, M. [K] [J] et la SARL Tociar de l'ensemble de leurs demandes,
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'EARL Fonters-Bas, la SARL Auto-Truck Service Gascogne, la SSAS Volvo Truck France, M. [K] [J] et la SARLTociar aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 22 février 2021, l'EARL Fonters-Bas a interjeté appel du jugement, sollicitant sa réformation en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à :
- la reconnaissance du manquement à l'obligation de délivrance conforme de la société Auto-Truck Service Gascogne,
A titre subsidiaire,
- la reconnaissance de l'existence d'un vice caché sur le véhicule Volvo litigieux, le rendant impropre à l'usage auquel il était destiné,
- faire reconnaître que si elle avait eu connaissance d'un tel vice, elle n'aurait pas acquis le véhicule litigieux,
A titre infiniment subsidiaire,
- reconnaître que son consentement a été vicié par les manœuvres dolosives des sociétés Volvo Trucks France et/ou [K] [J] et/ou Tociar et/ou Auto Truck Service Gascogne, et à tout le moins par une erreur sur les qualités substantielles du véhicule Volvo litigieux, déterminante de son consentement,
- au prononcé de la résolution du contrat de vente du véhicule Volvo litigieux conclu le 18 et 27 mars 2015,
- ordonner la reprise du véhicule Volvo litigieux par les sociétés Auto Truck Service Gascogne, [K] [J] et Tociar et la restitution à son endroit de l'intégralité du prix de vente, soit la somme de 82 000 € TTC,
- la condamnation solidaire des sociétés Auto Truck Service Gascogne, Volvo Truck France, [K] [J] et Tociar à lui rembourser l'intégralité des frais qu'elle a été contrainte d'engager pour l'acquisition du véhicule litigieux ainsi que pour pourvoir à son remplacement, soit la somme de 36 048 € TTC,
- la condamnation solidaire des sociétés Auto Truck Service Gascogne, Volvo Truck France, [K] [J] et Tociar à payer à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts,
- la condamnation solidaire des sociétés Auto Truck Service Gascogne, Volvo Truck France, [K] [J] et Tociar à payer à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamnation solidaire des sociétés Auto Truck Service Gascogne, Volvo Truck France, [K] [J] et Tociar aux entiers dépens de l'instance ainsi que dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné l'EARL Fonters-Bas, à parts égales avec la société Auto Trucks Services Gascogne, la elle se laisse Volvo Trucks France, M. [K] [J] et la SARLTociar, aux entiers dépens. L'E.A.R.L Fonters-Bas, dans ses dernières écritures du 14 novembre2022, demande à la cour au visa des articles 1109 ancien et suivants du code civil, et notamment les articles 1110 et 1116 ancien, 1147, 1604 et 1641 du code civil, R322-4 et 322-5 du code de la route, de : Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté l'EARL Fonters-Bas de l'ensemble de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'EARL Fonters-Bas, à parts égales avec la société Auto Trucks Services Gascogne, la SAS Volvo Trucks France, M. [K] [J] et la SARL Tociar, aux entiers dépens.
Et, statuant à nouveau,
- juger que la société Auto Truck Service Gascogne a manqué à son obligation de délivrance conforme,
- juger, à titre subsidiaire, que le consentement de la société Fonters-Bas a été vicié par les manœuvres dolosives des sociétés Volvo Trucks France et/ou [K] [J] et/ou Tociar et/ou Auto Truck Service Gascogne, et à tout le moins par une erreur sur les qualités substantielles du véhicule Volvo litigieux, déterminante de son consentement,
En conséquence,
- prononcer la résolution et/ou la nullité du contrat de vente du véhicule Volvo litigieux conclu les 18 et 27 mars 2015,
- ordonner la reprise du véhicule Volvo litigieux par les sociétés Auto Truck Service Gascogne, Volvo Truck France, [K] [J] et Tociar, ou à tout le moins par la/les partie(s)qui succombent,à ses/leurs frais exclusifs,
- condamner solidairement les sociétés Auto Truck Service Gascogne, Volvo Truck France, [K] [J] et Tociar ou à tout le moins par la/les partie(s) qui succombent à restituer à la société Fonters-Bas, l'intégralité du prix de vente, soit la somme de 82 000 € TTC,
- condamner solidairement les sociétés Auto Truck Service Gascogne, Volvo Truck France, [K] [J] et Tociar ou à tout le moins par la/les partie(s) qui succombent à rembourser, à la société Fonters-Bas, l'intégralité des frais qu'elle a été contrainte d'engager pour l'acquisition du véhicule litigieux ainsi que pour pourvoir à son remplacement, soit la somme de 36 048 € TTC,
- condamner solidairement les sociétés Auto Truck Service Gascogne, Volvo Truck France, [K] [J] et Tociar ou à tout le moins par la/les partie(s) qui succombent à payer à la société Fonters-Bas, la somme de 5 000 € à titre de justes dommages-intérêts,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
En tout état de cause,
- condamner solidairement les sociétés Auto Truck Service Gascogne, Volvo Truck France, [K] [J] et Tociar ou à tout le moins par la/les partie(s) qui succombent à payer, à la société Fonters-Bas, la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement les sociétés Auto Truck Service Gascogne, Volvo Truck France, [K] [J] et Tociar ou à tout le moins par la/les partie(s) qui succombent aux entiers dépens de l'instance.
M. [K] [J] et la SARL Tociar, dans leurs dernières écritures en date du 10 novembre 2022, demandent à la cour au visa des articles 1147 ancien du code civil et de l'article 1148 du même code de :
In limine litis:
- déclarer irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile, la demande subsidiaire de la société ATS Gascogne de résolution de la vente du véhicule entre la société Tociar et la société ATS Gascogne,
Sur le fond :
- débouter la SARL Fonters-Bas de toutes demandes indemnitaires à l'encontre de M. [K] [J] et la SARL Tociar,
- rejeter pour les mêmes raisons toutes demandes de la SARL Ats Gascogne visant à leur condamnation à la relever et garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, ou encore de condamnations sous astreinte,
Subsidiairement,
- condamner la société Volvo Trucks France à relever et garantir M.[K] [J] et la S.A.R.L Tociar de toutes condamnations pouvant être prononcées à leur encontre en faveur des sociétés Ats Gascogne et Fonters-Bas,
- condamner toutes parties succombantes à verser à M. [K] [J] et la SARL Tociar la somme de 4 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL Auto Truck Service Gascogne, dans ses dernières écritures en date du 8 novembre 2022, demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société Ats Gascogne au paiement des dépens,
- reformer le jugement du 19 janvier 2021 rendu par le tribunal de commerce deToulouse en ce qu'il a condamné la société Auto Truck Service Gascogne au paiement des dépens,
Statuant à nouveau,
- condamner la société Fonters-Bas au paiement d'une somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de Maître Marie-Noëlle Gerault, Avocat au Barreau de Toulouse,
A titre subsidiaire et si la résolution de la vente était néanmoins ordonnée,
- dire que le montant à restituer par la société ATS Gascogne à la société Fonters-Bas sera d'un montant de 38'280 €,
- prononcer la résolution de l'avant du véhicule entre la société Tociar et la société ATS Gascogne,
- condamner la société Tociar à relever et garantir la société Ats Gascogne de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
- condamner solidairement les sociétés Tociar et [K] [J] au paiement d'une somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner solidairement au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de Maître Marie-Noëlle Gerault, Avocat au Barreau de Toulouse.
La SAS Volvo Trucks France, dans ses dernières écritures du 06 août 2021, demande à la cour de :
- juger que la cession par la société VTF du véhicule en cause est intervenue avant le vol qui est à l'origine des difficultés administratives rencontrées par la société Fonters-Bas pour l'obtention de la carte grise du véhicule,
En conséquence,
- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,
- prononcer la mise hors de cause de la société BTF,
- débouter la société Fonters-Bas, ainsi que toute autre partie, de leurs demandes formulées à l'encontre de la société BTF,
- débouter la société Fonters-Bas de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la partie qui succombera à verser à la sociétéVTFune somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
Par ordonnance du 20 avril 2022 la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en résolution pour défaut de délivrance conforme de l'article 1604 du Code civil et de l'action en nullité de la vente pour dol a été rejetée et l'action en garantie des vices cachés a été déclarée prescrite, la SARL Auto Truck Service Gascogne a été condamnée à verser à l'EARL Fonters-Bas la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 novembre 2022.
MOTIFS
Sur les demandes de l'EARL Fonters-Bas :
' contre la SARL AutoTruck Service Gascogne :
L'EARL Fonters-Bas, sur le fondement des articles L 217-4 et L217-5 du code de la consommation d'une part, de l'article 1604 du Code civil d'autre part, fait valoir que la SARL Auto Truck Service Gascogne (ATS Gascogne dans la suite de la décision) qui ne lui a pas remis le certificat d'immatriculation du camion a manqué à son obligation de délivrance. Elle rappelle qu'en qualité de professionnel, la société venderesse avait l'obligation d'effectuer une déclaration d'achat en préfecture et faire établir un certificat d'immatriculation. Elle souligne que le prétendu vol étant intervenu dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, les sociétés ont cédé ultérieurement le véhicule malgré l'absence de certificat de situation administrative faisant mention d'un vol et que malgré le classement de la plainte, elle n'a pas été en mesure d'obtenir un certificat à son nom, l'empêchant de circuler et de s'assurer.
La SARL ATS Gascogne, qui considère que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables, oppose que la vente de véhicule entre professionnels n'impose pas de faire établir un nouveau certificat d'immatriculation à chaque cession et qu'ainsi les cessionnaires professionnels successifs n'ont pas été informés de l'existence de la plainte pour vol et ne pouvaient donc soupçonner une difficulté d'immatriculation du véhicule et qu'au surplus, la plainte s'est révélée être une fausse déclaration. En tout état de cause, que la situation a été régularisée et que les immatriculations successives depuis l'acquisition du véhicule par [K] [J] sont effectuées depuis le 30 novembre 2020, ce dont l'appelante a été immédiatement informée. Elle précise avoir tenté de contacter l'appelante en vain aux fins d'établissement de ces formalités et considère qu'elle fait preuve de mauvaise foi et être seule responsable de l'absence d'immatriculation du véhicule depuis 18 mois.
Elle souligne que l'acquéreur a attendu trois ans pour s'inquiéter de l'obtention de la carte grise tout en utilisant le véhicule sans difficulté ; qu'ainsi son immobilisation et donc sa non-conformité ne sont pas démontrées, de même que l'impossibilité d'assurer le véhicule, au regard du courrier de refus qui n'est daté que du 6 juin 2019, alors que le véhicule était certainement assuré auparavant.
Elle invoque enfin la force majeure rendant impossible l'immatriculation du véhicule.
En vertu de l'article L 211-3 du code de la consommation applicable aux contrats conclus entre le 13 juin 2014 et le 1er juillet 2016, les dispositions de l'article L 211-4 et suivants du même code relatifs à l'obligation de délivrance, sont applicables aux relations contractuelles entre le vendeur agissant dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale et l'acheteur agissant en qualité de consommateur, défini à l'article préliminaire du même code comme étant «toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.».
En l'espèce, la qualité de consommateur ne peut être retenue au bénéfice du GAEC des Quatre Vents, personne morale agissant au surplus dans le cadre de son activité professionnelle.
Les articles 1604 et suivants du code civil obligent le vendeur à délivrer une chose conforme à l'usage auquel elle est destinée et aux spécifications convenues entre les parties, le défaut de conformité consistant en une différence entre la chose promise au contrat et la chose délivrée qui est une obligation de résultat pour laquelle la bonne ou la mauvaise foi du vendeur est sans incidence.
En application des dispositions de l'article 1615 du Code civil, l'obligation de délivrer la chose qui incombe au vendeur comprend ses accessoires et tout ce qui est destiné à son usage perpétuel. Ainsi, le vendeur d'un véhicule automobile doit remettre à l'acquéreur les documents administratifs relatifs au véhicule vendu, faute de quoi il ne satisfait pas à son obligation de délivrance, faute d'avoir remis à l'acquéreur les documents administratifs accessoires de la vente, indissociables de l'usage normal de la chose.
En application de l'article 1610 du code civil, le choix entre la résolution de la vente et l'indemnisation du préjudice consécutif au défaut de conformité appartient à l'acquéreur.
En l'espèce, il est constant que l'appelante ne critique pas les caractéristiques mécaniques du véhicule mais exclusivement l'impossibilité pour elle de le faire immatriculer. Elle produit un document signé le 27 mars 2015 d'elle seule, intitulé « mandat à un professionnel de l'automobile pour effectuer les formalités d'immatriculation auprès du ministère de l'intérieur », mandat donné à la SARL ATS Gascogne. Au regard de ces éléments, la réception du camion sans réserve ne peut être reprochée au GAEC. De plus, peu importe que l'EARL n'ait engagé la présente instance que par acte du 24 août 2018, l'action n'étant pas prescrite.
D'ailleurs, par courrier recommandé du 31 août 2016, le GAEC des Quatre Vents adressait à la SARL ATS Gascogne une « ultime relance pour édition de carte grise » rappelant l'engagement de la venderesse « en qualité d'agent professionnel Volvo » à faire établir une nouvelle carte grise et que malgré « bon nombre de relances » et après entretien avec la gendarmerie, il n'avait toujours eu aucune réponse. Il concluait qu'à défaut de réception de la carte grise dans le délai de 15 jours, il engagerait une procédure en annulation de la vente.
Enfin, il importe peu que depuis le 30 novembre 2020 l'immatriculation du camion par l'EARL Fonters- Bas soit possible, alors que son acquisition remonte au 18 mars 2015.
Il résulte des pièces de procédure pénale produites que le 10 avril 2015, M.[K] [J] s'est rendu à la gendarmerie de [Localité 9] en raison de la difficulté du GAEC à faire immatriculer le camion. Des recherches sur le véhicule ont révélé que le 27 octobre 2014, M. [S] [X], gérant de la société SMTPS a déposé plainte pour le vol du camion, objet du litige. La gendarmerie a contacté [S] [X] qui a reconnu avoir fait une fausse déclaration de vol. Selon copie de la carte grise jointe à la procédure, le camion était la propriété de la SARL Soreau depuis le 16 mai 2013.
La carte grise remise au fur et à mesure des ventes aux parties du présent litige mentionne, depuis le 1er septembre 2014, la société Générale d'investissement comme propriétaire et un véhicule ne pouvant avoir deux cartes grises au nom de deux propriétaires différents, il convient d'en déduire que la carte grise produite dans le cadre du dossier pénal n'était plus d'actualité lors de la déclaration de vol.
M. [J] a affirmé que le véhicule ne pouvait être en possession de la société SMTPS en octobre 2014 et justifié l'avoir donné lui-même en location à la société TFR à cette date. Quoi qu'il en soit du dossier pénal classé le 2 octobre 2018, cette fausse déclaration de vol a entraîné une inscription du camion au fichier des véhicules volés empêchant les formalités administratives afférentes à sa vente d'être effectuées.
L'article R 322-4 du code de la route dispose : « En cas de changement de propriétaire d'un véhicule soumis à immatriculation et déjà immatriculé, l'ancien propriétaire doit effectuer, dans les quinze jours suivant la cession, une déclaration au ministre de l'intérieur l'informant de cette cession et indiquant l'identité et le domicile déclarés par le nouveau propriétaire. Avant de remettre le certificat d'immatriculation à ce dernier, l'ancien propriétaire doit le barrer et y porter d'une manière très lisible et inaltérable la mention : « vendu le... /... /... » ou « cédé le... /.. /.... » (date de la cession), suivie de sa signature, et, sauf en cas de vente ou de cession à un professionnel de l'automobile, remplir le coupon ou, à défaut, découper la partie supérieure droite de ce document lorsqu'il comporte l'indication du coin à découper.
II. L'ancien propriétaire effectue la déclaration mentionnée au I soit directement par voie électronique, soit par l'intermédiaire d'un professionnel de l'automobile habilité par le ministre de l'intérieur.
III. En cas de cession à un professionnel de l'automobile, ce dernier effectue une déclaration d'achat dans les quinze jours suivants la transaction, soit directement par voie électronique, soit par l'intermédiaire d'un professionnel de l'automobile habilité par le ministre de l'intérieur.
IV. Lorsqu'un professionnel de l'automobile propriétaire d'un véhicule déjà immatriculé le revend à un non professionnel de l'automobile, il remet à l'acquéreur le certificat d'immatriculation sur lequel sont portées les mentions prévues au I, accompagné du récépissé de la déclaration d'achat en sa possession et remplit, s'il existe, le coupon de ce certificat d'immatriculation.
V. Dans chacun des cas définis aux alinéas précédents, la remise du certificat d'immatriculation doit être accompagnée d'un certificat, établi depuis moins de quinze jours par le ministre de l'intérieur, attestant à sa date d'édition de la situation administrative du véhicule. Celle-ci précise l'existence ou non d'un gage ainsi que toute opposition au transfert du certificat d'immatriculation du véhicule ou au transfert de la propriété du véhicule.».
De plus, ainsi que le relèvent les parties professionnelles de la vente de véhicules, il est d'usage que les loueurs de véhicules revendent parfois très rapidement leurs véhicules et que les documents administratifs ne soient pas, en cas de vente entre professionnels, immédiatement fournis.
En l'espèce, si la SARL ATS Gascogne était un professionnel de l'automobile, tel n'était pas le cas du GAEC des Quatre Vents aux droits duquel intervient l'appelante.
En conséquence, la société devait remettre au GAEC le certificat d'immatriculation, accompagné du récépissé de la déclaration d'achat et d'un certificat, établi depuis moins de quinze jours, attestant à sa date d'édition de la situation administrative du véhicule et précisant l'existence ou non d'un gage ainsi que toute opposition au transfert du certificat d'immatriculation du véhicule ou au transfert de la propriété du véhicule.
Tel n'a pas été le cas en l'espèce. En conséquence, en ne remettant pas au GAEC qui n'était pas un professionnel de l'automobile, les pièces devant être considérées comme des accessoires du véhicule au sens de l'article 1615 du code civil, la SARL ATS Gascogne a manqué à son obligation de délivrance.
Aux termes des dispositions de l'article 1218 du Code civil : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.
Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1.».
En l'espèce, il appartenait à la SARL ATS Gascogne en sa qualité de professionnel et alors qu'elle vendait le véhicule à un non professionnel de l'automobile de s'assurer avant la vente de l'absence d'obstacle (vol, gage, opposition) à l'établissement de la carte grise en demandant un relevé de situation administrative du véhicule, précaution dont elle ne justifie pas. Il convient de souligner que son obligation de vigilance était renforcée par le mandat qui lui avait été donné par l'acquéreur d'effectuer les formalités d'immatriculation, ce qu'elle n'a pas contesté. Enfin, la carte grise qui lui avait été remise n'étant pas au nom de la société qui lui avait vendu le véhicule, sa vigilance devait être renforcée, puisqu'aucun élément extérieur à ces documents administratifs ne pouvait légitimement la garantir de l'absence d'obstacle à l'établissement de la carte grise au nom du GAEC.
Ainsi, la SARL ATS Gascogne ne justifie pas s'être heurtée à un événement échappant à son contrôle ne pouvant être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat.
En conséquence, la SARL ATS Gascogne a manqué à son obligation de délivrance et il doit être fait droit à la demande en résolution de la vente de l'EARL Fonters-Bas, par infirmation du jugement déféré.
La SARL ATS Gascogne considère que la résolution de la vente ne peut entraîner la restitution intégrale du prix alors que le véhicule a été utilisé pendant plusieurs années dans des conditions qu'elle ignore et qui ont pu générer une perte de valeur et considère que le remboursement ne peut être admis qu'à hauteur de 38 280 €.
Cependant, aucune décote du véhicule due à la vétusté ne peut pas être réclamée par le vendeur en cas de résolution de la vente, celle-ci entraînant la remise des parties dans la situation dans laquelle elles se trouvaient à la conclusion du contrat.
En conséquence, la SARL ATS Gascogne devra reprendre le véhicule à ses frais exclusifs et verser à l'EARL Fonters-Bas 82 200 € TTC.
L'EARL Fonters-Bas sollicite la somme de 36 048 € TTC correspondant aux frais engagés pour pourvoir au remplacement du véhicule litigieux.
La SARL ATS Gascogne considère qu'il n'est pas justifié de l'immobilisation du véhicule pendant les périodes concernées par les factures produites, ni de la nécessité de disposer d'un camion de remplacement alors que le refus d'assurance ne date que du 12 février 2021 et que le 31 août 2018, son assureur a accepté de couvrir le camion.
L'article 1611 du Code civil prévoit que le vendeur doit être condamné aux dommages-intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur du défaut de délivrance au terme convenu.
L'EARL produit :
facture Clovis Location du 5 mai 2017 pour 648 €,
facture Avi Location du 26 juin 2017 pour 4 200 €,
facture d'achat d'un camion du 11 août 2017 moyennant 31 200 €.
Le courrier recommandé adressé le 31 août 2016 par le GAEC des Quatre Vents à la SARL ATS Gascogne indiquait : « Sachez que nous ne pouvons actuellement pas prendre le risque de circuler avec un véhicule sans carte grise, ce camion étant hors-la-loi auprès des autorités compétentes et notre assureur refusant de reconduire la couverture de ce camion. ».
Si malgré les protestations de son adversaire, l'EARL ne produit pour justifier du refus de garantie de son assureur qu'un courrier daté du 6 juin 2019, il n'en demeure pas moins que le camion ne pouvait régulièrement être mis en circulation par son propriétaire en l'absence de carte grise.
De plus, le GAEC a présenté ses premières protestations en 2016, sans succès puisque la SARL ATS Gascogne ne justifie pas d'une réponse antérieure au 2 février 2018.
En conséquence, elle doit être condamnée à verser à l'appelante 4 848 € correspondant aux frais de location d'un camion alors que celui objet du présent litige ne pouvait légalement circuler. Par contre, les frais engagés pour le rachat d'un autre camion n'ont pas à être assumés par la SARL ATS Gascogne et la demande à ce titre doit être rejetée.
Enfin, l'EARL Fonters-Bas sollicite 5 000 € sur le fondement de l'article 1147 du Code civil au motif que le comportement de ses adversaires a entraîné l'impossibilité d'utiliser le véhicule acquis.
Cependant, outre qu'il résulte de la photographie qu'elle produit du compteur du camion qu'il a effectué 17 940 km postérieurement à son acquisition, l'EARL a été indemnisée du montant correspondant à la location d'un camion de substitution et elle ne justifie pas d'une perte résultant d'un refus de contrat en raison de cette immobilisation. En conséquence, à défaut pour elle de justifier de la réalité de son préjudice, sa demande de dommages-intérêts complémentaires doit être rejetée.
contre la SAS Volvo Trucks France, M. [J] et la SARL Tociar :
La SAS Volvo Trucks France rappelle avoir acquis le véhicule le 5 septembre 2014 et l'avoir revendu à M. [J] le 29 septembre 2014 alors qu'il n'a été déclaré volé que le 27 octobre 2014 et considère qu'elle ne peut donc être tenue pour responsable des préjudices subis par l'EARL.
M. [J] et la SARL Tociar font valoir qu'ils ne pouvaient avoir aucune suspicion alors que le certificat de situation administrative du véhicule du 9 septembre 2014 ne porte mention d'aucun gage ou opposition. Ils soulignent que seule la déclaration de vol abusive présentant les caractéristiques d'une cause étrangère a empêché l'immatriculation du camion.
Il convient tout d'abord de rappeler qu'en cas de résolution d'une vente, la restitution du prix perçu par le vendeur est la contrepartie de la chose remise par l'acquéreur et ainsi, seul celui auquel la chose est rendue doit restituer à celui-ci le prix qu'il en a reçu. En conséquence, la demande en remboursement présentée contre la SAS Volvo Trucks France, M. [J] et la SARL Tociar doit être rejetée, par confirmation du jugement déféré.
À ce stade de la procédure, il convient de préciser qu'il est d'usage entre professionnels de la vente de véhicules que le vendeur ne transmette que dans les quinze jours de la vente à l'acheteur les documents administratifs afférents au véhicule vendu et il n'est pas exceptionnel que des loueurs de véhicules procèdent à leur revente, éventuellement à bref délai. Ainsi une société peut acquérir un véhicule auprès d'un autre professionnel de la vente de véhicules sans que ce dernier lui ait remis la carte grise et bien que ce document désigne une société tierce comme propriétaire.
Il est constant que la SAS Volvo Trucks France a vendu le véhicule à M.[K] [J] un mois avant la déclaration de vol ayant entraîné l'impossibilité de faire établir une carte grise et que le relevé de situation administrative du véhicule établi le 9 septembre 2014, soit 20 jours avant la vente ne portait aucune mention. En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes présentées à l'encontre de la SAS Volvo Trucks France.
M. [J] et par la suite la SARL Tociar dont M. [J] est l'actionnaire majoritaire ne pouvaient légitimement douter de la régularité administrative du véhicule au regard du relevé de situation qui avait été remis par la SAS Volvo Trucks France qui avait elle-même acquis le véhicule du titulaire de de la carte grise. Enfin, la SARL Tociar a revendu le véhicule à un professionnel, la SARL ATS Gascogne à laquelle a été remise une carte grise qui n'était pas au nom de la venderesse et à laquelle il appartenait de procéder à toute vérification en sollicitant un relevé de situation administrative alors qu'elle-même envisageait, au regard de la date de la facture antérieure à sa propre acquisition, de vendre le camion à un non-professionnel de la vente de véhicules.
Il convient en conséquence de rejeter les demandes de l'EARL Fonters-Bas à l'encontre de M. [J] et de la SARL Tociar à défaut pour elle de démontrer une quelconque faute, par confirmation du jugement déféré.
Sur les demandes en garantie :
La SARL ATS Gascogne considère que la résolution de la vente intervenue avec l'EARL Fonters-Bas doit entraîner celle intervenue avec la SARL Tociar puisqu'elle n'a pas pu procéder à la régularisation du document administratif en raison du fait que la SARL Tociar et M. [J] n'avaient pas procédé à la régularisation de ce document et que si les formalités nécessaires avaient été effectuées cela «aurait conduit à la diffusion rapide de l'information d'impossibilité d'immatriculation, ce qui [l'aurait] incitée à renoncer à l'acquisition».
De leur côté, M. [K] [J] et la SARL Tociar font valoir que la demande subsidiaire de la SARL ATS Gascogne en résolution de la vente est irrecevable comme nouvelle et que le fait générateur de la plainte qui a bloqué les procédures d'immatriculation est antérieur à l'acquisition du véhicule par M. [J] qui doit en conséquence être relevé et garanti par la SAS Volvo Trucks France.
La cour constate que la SARL ATS Gascogne n'a pas répondu au moyen tiré de l'irrecevabilité de sa demande en résolution de vente.
En vertu de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office « les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».
Si l'article 565 du code de procédure civile prévoit que les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, tel n'est pas le cas en l'espèce puisqu'en première instance et jusqu'à ses dernières conclusions du 28 octobre 2022, la SARL ATS Gascogne n'avait pas sollicité cette résolution.
En conséquence, cette demande doit être déclarée irrecevable.
Enfin, la SARL ATS Gascogne sollicite la garantie de la SARL Tociar qui, avec M. [J], sollicitent celle de la SAS Volvo Trucks France.
Cependant, la SAS Volvo Trucks France a vendu le camion avant la fausse déclaration de vol et ne peut être concernée par une quelconque garantie.
De plus, ainsi qu'il a été dit, il appartenait à la SARL ATS Gascogne de solliciter à tout le moins un relevé de situation administrative du véhicule lors de l'achat. En conséquence, les demandes de relevé et garantie doivent être rejetées.
Sur les demandes annexes :
Au regard de la solution du litige, le jugement déféré sera infirmé et la SARL ATS Gascogne condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande de faire droit à la demande de l'EARL Fonters-Bas au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 2 500 € contre la seule SARL ATS Gascogne et de rejeter les demandes des intimés à ce titre.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine :
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté l'EARL Fonters-Bas de ses demandes en paiement d'une somme de 31 200 € TTC pour l'acquisition d'un véhicule et de celle de 5 000 € à titre de dommages-intérêts, et l'a condamnée aux dépens,
Statuant à nouveau pour le surplus et y ajoutant :
Déclare irrecevable la demande de la SARL Auto Truck Service Gascogne en résolution de la vente intervenue avec la SARL Tociar,
Prononce la résolution de la vente intervenue le 27 mars 2015 entre la SARL Auto Truck Service Gascogne et l'EARL Fonters-Bas,
Ordonne la reprise du véhicule Volvo immatriculé BN- 178-AB par la SARL Auto Truck Service Gascogne et à ses frais exclusifs,
Condamne la SARL Auto Truck Service Gascogne à verser à l'EARL Fonters-Bas 82 200 € TTC en remboursement du prix de vente du camion,
Condamne la SARL Auto Truck Service Gascogne à verser à l'EARL Fonters-Bas 4 048 € au titre des frais de location de véhicules,
Rejette la demande de la SARL Auto Truck Service Gascogne d'être relevée et garantie par la SARL Tociar,
Rejette la demande de la SARL Tociar et de M. [K] [J] d'être relevés et garantis par la SAS Volvo Truck France,
Condamne la SARL Auto Truck Service Gascogne à verser à l'EARL Fonters-Bas 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL Auto Truck Service Gascogne aux dépens de première instance et d'appel.