CA Lyon, 6e ch., 19 janvier 2023, n° 20/06202
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Piscines Jpm (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boisselet
Conseillers :
Mme Allais, Mme Robin
Avocat :
Me Rocher
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES
[Z] [V] était propriétaire usufuitier d'une maison d'habitation avec piscine, située [Adresse 2] à [Localité 7], son fils [J] [V] étant nu-propriétaire par l'effet d'une donation consentie le 28 novembre 2003.
La piscine, équipée d'un liner, ne comporte pas de marches d'escalier mais est accessible par une échelle en acier inoxydable.
[Z] [V] a accepté un devis établi le 15 mars 2018 par la SAS Piscines JPM, exerçant sous renseigne Desjoyaux Piscines, pour la fourniture et la pose d'un liner PVC de piscine. Les travaux ont été réalisés en mai 2018 et une nouvelle intervention a eu lieu le 8 août 2018 après constat de la déchirure du liner au niveau des tampons usés de l'échelle en inox.
[J] [V] a hérité de la pleine propriété du bien après le décès de son père survenu le 17 août 2018. Il a vainement demandé à la société Piscine JPM de faire remplacer le liner dans le cadre de la garantie contractuelle.
Se plaignant d'un manquement du pisciniste à son devoir pré-contractuel d'information, mais aussi à son obligation de résultat et à son obligation de devoir de conseil, [J] [V] l'a fait assigner, par acte d'huissier de justice du 18 avril 2019, devant le Tribunal d'instance de Lyon.
Après plusieurs renvois, l'affaire a été retenue à l'audience du 8 juin 2020 du tribunal judiciaire de Lyon.
A cette audience, M. [V] a demandé au tribunal de condamner la société Piscines JPM :
- à procéder à la dépose du liner existant et à son remplacement à ses frais, par un produit identique et similaire à celui mentionné dans le devis du 15 mars 2018, sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification de la décision à intervenir,
- à lui payer la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
- à lui rembourser la somme de 112,50 euros outre intérêts au taux légal à compter du 8 août 2018,
- à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, il a fait valoir :
- que le choix du liner posé semble mal adapté à la piscine à échelle, preuve en étant que moins de trois mois après son installation, elle a présenté une fuite et une déchirure anormale conduisant à une intervention du pisciniste dès le mois d'août 2018, qu'elle a d'ailleurs facturé à son père âgé, alors que le matériel est garanti 10 ans ;
- que la société Piscines JPM aurait dû lui proposer un liner plus résistant, un liner armé 150/100e et non 75/100, adapté aux piscines avec échelle comme la sienne, et ce même si lors de la pose, l'échelle d'accès n'était pas fixée au bassin ;
- que d'ailleurs, lors de la pose, les techniciens de la société Piscines JPM n'ont même pas alerté son père sur le mauvais état des tampons de la piscine et sur leur nécessaire remplacement puisqu'ils prenaient appui sur le liner et allaient entraîner son usure.
La société Piscines JPM a conclu au rejet de toutes les prétentions adverses et à la condamnation de M. [V] à lui payer une indemnité de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle a fait valoir les arguments suivants :
- si son matériel est effectivement garanti pendant 10 ans, cette garantie contractuelle ne couvre pas les déchirures comme en l'espèce ;
- le liner posé était parfaitement adapté, puisque le liner 150/100e est utilisé pour les piscines à usage collectif recevant du public ;
- elle avait été chargée par [Z] [V] uniquement de la pose du liner, et non pas de la dépose ni de la réinstallation de l'échelle d'accès ; elle ne pouvait donc être tenue d'aucune obligation de conseil ou d'information au sujet de cette échelle ;
- après la pose du liner, la piscine était parfaitement étanche et elle a correctement accompli sa prestation ;
- il n'est nullement démontré un vice affectant le liner, ni un quelconque manquement lors de l'exécution, ni même encore un défaut d'information pré-contractuelle.
Par jugement en date du 29 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a débouté M. [V] de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamné à payer à la SAS Piscines JPM la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
M. [V] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe de la Cour reçue le 9 novembre 2020.
En ses dernières conclusions du 4 octobre 2021, M. [V] demande à la Cour de statuer comme suit, au visa des articles 1103,1104, 1217 1231-1 et 1231-6 et suivants du code civil et L.217-4 du code de la consommation :
- juger recevable et bien fondé son appel interjeté à I'encontre du jugement rendu le 29 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Lyon ;
- réformer ledit jugement en toutes ses dispositions ;
- débouter la SAS Piscines JPM de ses prétentions, fins et demandes et tout appel incident comme irrecevables ou non fondées ;
- juger recevable et bien fondé l'ensemble des prétentions, fins et demandes dirigées par M. [V] à l'encontre de la SAS Piscines JPM ;
- juger que la SAS Piscines JPM a manqué à son devoir pré-contractuel d'information sur le fondement de l'article 1112-1 du code civil ;
- juger que la SAS Piscines JPM a commis une faute qui engage sa responsabilité contractuelle au titre de la pose du liner facturé le 15 juin 2018 au regard de la défaillance dudit liner et des défauts de résistance de ce dernier et défaut de vérification de I'écheIle devant prendre appui sur ledit liner et de l'absence de pose préalable d'un feutre ;
- juger en tout état de cause que la SAS Piscines JPM engage sa responsabilité et sa garantie due au titre de la garantie légale de conformité prévue par l'article L.247-1 du code de la consommation ou à défaut au titre de sa garantie contre les vices cachés au regard de la défaillance structurelle du liner posé par elle ;
- juger que par ailleurs la SAS Piscines JPM engage sa responsabilité contractuelle au bénéfice de M. [V] ;
- condamner la SAS Piscines JPM d'avoir à procéder à la dépose du liner existant et à son remplacement à ses frais concernant la piscine de la maison appartenant à M. [V], sise [Adresse 4], par un produit identique et similaire à celui mentionné dans le devis du 15 mars 2018 au bénéfice de M. [V], sous astreinte de 75 euros par jour à compter du 15ème jour qui suivra la signification de la décision à intervenir sur l'une ou l'autre des garanties qu'elle doit ;
- condamner la SAS Piscines JPM à payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts au bénéfice de M. [V] en application de l'article 1231-1 du code civil, outre intérêts au taux légal à compter de la décision ;
- condamner la SAS Piscines JPM au remboursement de la somme de 112,50 euros outre intérêt au taux légal à compter du 8 août 2018 à M. [V] ;
- condamner la SAS Piscines JPM à payer la somme de 2 000 euros à titre d'article 700 au bénéfice de M. [V] ;
- condamner la SAS Piscines JPM aux entiers dépens de l'instance d'appel ainsi que ceux de première instance, dont distraction au profit de Maître Alban Barlet, avocat, sur son affirmation de droit en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 25 novembre 2021, la SAS Piscines JPM demande à la Cour de :
- déclarer l'appel formé par M. [V] non fondé ;
- débouter M. [V] de l'intégralité de ses fins et demandes dirigées en cause d'appel à l'encontre de la société Piscines JPM ;
- débouter M. [V] de toutes fins ou prétentions plus amples ou contraires ;
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 29 septembre 2020 ;
y ajouter,
- condamner en cause d'appel M. [V] au versement à la société Piscines JPM d'une juste indemnité de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de procédure, tant de première instance que d'appel, dont distraction au profit de Maître Fabienne Rocher, avocat de la Selarl Montmeat Rocher, sur son affirmation de droit.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La société Piscines JPM est intervenue sur la piscine de M. [V] pour la fourniture et la pose d'un liner rectangulaire bleu clair 75/100ème avec traitement antifongicide, la reprise du ragréage du fond et des parois du bassin étant réalisée par le client, selon devis et facture d'un coût total de 2 631,60 euros.
Le 8 août 2018, soit moins de trois mois après la facturation du 14 mai 2018, la société Piscines JPM est intervenue pour un constat de fuite du liner en raison d'une « déchirure derrière échelle inox, tampon usé », moyennant un coût de 112,50 euros.
Le tribunal a estimé que M. [V] ne démontrait pas que le liner posé ne serait pas conforme à celui qui a été commandé aux termes du devis accepté le 16 mars 2018.
Il ne fournissait, en dehors de deux clichés photographiques sans valeur probante quant à la date ou de lieu de prise de vue, aucun élément permettant d'établir que le liner aurait fait l'objet d'une pose défectueuse, qu'il présenterait des infiltrations ensuite de l'intervention du mois d'août 2018. Il affirmait péremptoirement que le pisciniste aurait dû proposer, en se référant à une capture d'écran du site internet des Piscines Desjoyaux qui évoque deux épaisseurs de liners, un liner dit armé, plus résistant.
Il n'établissait pas que le bassin de la piscine nécessitait un tel liner au regard de ses caractéristiques, et notamment de la présence d'une échelle d'accès.
S'agissant de l'obligation de conseil du professionnel, relevant que le bassin était vidé et l'échelle était démontée, le premier juge a considéré qu'il n'était pas établi que la société Piscines JPM aurait pu alors s'apercevoir de l'état des tampons d'échelle.
M. [V] fait valoir que l'ancien liner, bien qu'usé après plus de dix années de services, ne présentait pas d'usure particulière au droit de l'appui du tampon de l'échelle. Il en déduit que la solidité du liner posé par la société Piscines JPM, déchiré après seulement trois mois d'usage, n'était pas adaptée à une piscine avec échelle. Il en veut pour preuve que la société commercialise un modèle plus solide, autre type de liner dit liner armé, modèle 125/100ème.
Il ajoute que le manuel d'installation de la piscine précise que le liner doit être protégé du béton brut par un feutre, ce qui n'a pas été fait par la société Piscines JPM mais est bien prévu sur un devis qu'il a demandé à la société Réseau Océazur. Les anciens liners étaient renforcés par du plomb, ce qui n'a plus cours pour les liners actuellement commercialisés.
Il soutient que la société Piscine JPM ne prouve pas que la déchirure a été provoquée par les tampons de l'échelle mais que, si c'est le cas, il lui appartenait de prendre en considération l'adéquation de ce matériel, dont elle ne pouvait pas ignorer l'existence au vu de la configuration de la piscine.
La société Piscines JPM répond que le modèle posé est parfaitement adapté au type de la piscine, le modèle 125/100ème étant destiné aux piscines recevant du public ou subissant un usage intensif.
La pose d'un feutre n'est pas exigée par la norme NT T54-802 et ne concerne que le radier (fond) et non les parois de la piscine, ce qui est d'ailleurs le cas pour le devis Océazur. Au surplus, la pose d'un feutre ne protégerait pas d'une déchirure.
Elle est intervenue, tant pour la prise des cotes que pour la pose du liner, sur le bassin à l'état de béton brut, le précédent liner ayant déjà été enlevé pour ragréage. Ses deux techniciens attestent de ce qu'il n'y avait pas d'échelle sur place.
Sur ce, cette unique déchirure, survenue dans des circonstances inconnues, n'est pas démonstratrice d'une fragilité particulière du revêtement du seul fait qu'elle a été constatée dans les mois suivants la pose du liner. Pouvant provenir de multiples causes, elle ne saurait démontrer une inadéquation intrinsèque du modèle de liner au type de bassin et à l'usage familial auquel il est destiné.
S'il était besoin, l'article 10.1 de la norme AFNOR NT 54-802 rappelle qu'en dépit des bonnes propriétés mécaniques du PVC-P, les liners ne sauraient résister à des agressions extérieures, en particulier les chocs mécaniques par objets contondants et les frottements anormaux.
En conséquence, M. [V] n'établit pas un défaut de conformité du bien, au sens de l'article L.217-4 du code de la consommation, non plus qu'un vice caché affectant le liner.
Par ailleurs, les conditions générales contractuelles ne sont pas versées aux débats. Il ressort néanmoins de la documentation de la société des Piscines Desjoyaux que sa garantie contractuelle de 10 ans s'applique expressément aux seules soudures.
Si la notice de construction de la piscine prévoit la pose d'une « moquette mur et fond », la nécessité de la pose d'un feutre sur les parois n'est pas établie. D'ailleurs, ainsi que l'a relevé l'intimée, la surface de feutre de 43 m² prévue dans le devis de la société Océazur montre que ce revêtement est destiné au seul radier, la surface totale de liner étant de 84 m². Quoiqu'il en soit, il ne peut être sérieusement soutenu qu'un doublage par un feutre aurait permis d'éviter la déchirure.
Le libellé de la facture d'intervention du 8 août 2018 et l'emplacement de la déchirure laissent supposer que l'usure d'au moins un des tampons de l'échelle pourrait être à son origine, bien que les tampons figurant sur les clichés produits par M. [V] n'apparaissent pas particulièrement défectueux.
En admettant néanmoins que l'état de l'échelle soit la cause de la déchirure, il ressort des propres indications de M. [V] que l'ancien liner présentait un état d'usure générale sans particularité au niveau de l'emplacement de l'échelle. Il s'en déduit que son père n'avait pas évoqué avec le pisciniste un quelconque problème de ce chef, de sorte que l'installateur n'avait aucun motif à vérifier l'échelle, dont il n'est pas démontré qu'elle était restée sur les lieux.
Etant rappelé que la société Piscine JPM n'était pas chargée d'une mission de remise en état et en service de la piscine, mais d'une prestation ponctuelle de fourniture et pose du liner, après intervention de tiers pour l'enlèvement du liner ancien et le ragréage de la maçonnerie.
Dans ces conditions, le manquement allégué par M. [V] de la société Piscine JPM à son devoir de conseil n'est pas démontré, tant en ce qui concerne le choix du modèle de liner et l'absence de feutre que l'état de l'échelle.
Au regard de ces éléments, M. [V] ne peut qu'être débouté de ses demandes ; le jugement déféré mérite entière confirmation sur ce point et en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
M. [V], partie perdante, supporte les dépens d'appel, conserve la charge des frais irrépétibles qu'il a exposés et doit indemniser la société Piscines JPM de ses propres frais à hauteur de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 29 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Lyon ;
Condamne [J] [V] aux dépens d'appel ;
Condamne [J] [V] à payer à la SAS Piscines JPM la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.