Décisions
Cass. com., 8 février 2023, n° 21-19.330
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Barbot
Avocats :
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SARL Cabinet Briard
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 10 juin 2021), un jugement du 28 mars 2017, publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales le 12 avril suivant, a mis en sauvegarde le Gaec du Petit Champ (le Gaec).
2. Conformément à l'article L. 622-6 du code de commerce, le Gaec a remis au mandataire judiciaire Ia liste de ses créanciers, sur laquelle figurait la société Coopérative Bourgogne (la Coopérative).
3. La créance de la Coopérative a été contestée par le Gaec, qui a fait valoir que le seul fait que ce créancier apparaisse sur la liste des créanciers ne valait pas déclaration de créance faite par le débiteur pour le compte du créancier, au sens de l'alinéa 3 de l'article L. 622-24 du code de commerce.
4. Le Gaec a bénéficié d'un plan de sauvegarde, la société Jean-Jacques Deslorieux étant nommée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La Coopérative fait grief à l'arrêt de dire qu'elle ne rapporte pas la preuve de la réception de sa déclaration de créance par le mandataire judiciaire, de dire que la liste des créanciers remise à ce mandataire par le Gaec ne vaut pas déclaration de créance faite pour son compte par le débiteur et de rejeter sa demande d'admission de créance, alors « que le débiteur qui a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, en précisant l'identité de son créancier et le montant de la créance, est présumé avoir déclaré cette créance pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas adressé la déclaration de créance ; que pour considérer que la déclaration faite par le GAEC du Petit Champ ne pouvait valoir déclaration de créance faite par le débiteur pour le compte du créancier, l'arrêt attaqué retient que la liste des créanciers remise à la SCP Deslorieux, datée du 28 mars 2017, ne comportait ni l'indication des sommes à échoir et la date de leur échéance, ni la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance était éventuellement assortie, ni les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'était pas arrêté ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant constaté que la liste des créanciers remise par le débiteur au mandataire judiciaire comportait "dans la colonne des créanciers fournisseurs la mention de la Coopérative Bourgogne du Sud, de l'adresse de celle-ci et d'un montant dû estimé, échu et à échoir, de 422 493 euros", ce dont elle aurait dû déduire que les éléments essentiels de cette créance, à savoir son titulaire et son montant, avaient été portés à la connaissance du mandataire, ce qui valait déclaration de créance du GAEC du Petit Champ pour le compte de la Coopérative Bourgogne du Sud, la cour d'appel a violé les articles L. 622-24 et R. 622-5 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 622-24, alinéa 3, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 12 mars 2014 :
6. Il résulte de ce texte que la créance portée à la connaissance du mandataire judiciaire par le débiteur, dans le délai fixé à l'article R. 622-24 du code de commerce, fait présumer de la déclaration de sa créance par son titulaire, mais seulement dans la limite du contenu de l'information fournie au mandataire judiciaire par le débiteur.
7. Pour rejeter la demande d'admission de sa créance formée par la Coopérative, l'arrêt énonce, d'abord, que, selon l'article R. 622-5, alinéa 3, du code de commerce, pour l'application du troisième alinéa de l'article L. 622-24 susvisé, toute déclaration faite par le débiteur, dans le délai fixé par le premier alinéa de l'article R. 622-24 du même code, doit comporter les éléments prévus aux deux premiers alinéas de l'article L. 622-25 du même code et, le cas échéant, ceux prévus par le 2° de l'article R. 622-23 de ce code. Ensuite, après avoir constaté que la liste des créanciers du 28 mars 2017 remise par le Gaec à son mandataire judiciaire comporte, dans la colonne des créanciers fournisseurs, la mention de la Coopérative, de l'adresse de celle-ci et d'un montant dû estimé, échu et à échoir de 422 493 euros, l'arrêt retient que cette liste ne comporte l'indication ni des sommes à échoir et de la date de leur échéance, ni de la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie, ni des modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cependant qu'il n'est pas établi que le débiteur aurait fourni d'autres informations au mandataire judiciaire. L'arrêt en déduit que cette déclaration faite par le Gaec ne peut valoir déclaration de créance faite par le débiteur pour le compte du créancier.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la liste des créanciers remise par le Gaec à son mandataire judiciaire comportait le nom de la Coopérative créancière ainsi que le montant de la créance de cette dernière, ce qui valait déclaration de créance effectuée par le débiteur pour le compte du créancier, dans la limite de ces informations, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables l'appel principal formé par le Gaec du Petit Champ et l'appel incident formé par la société Coopérative Bourgogne, l'arrêt rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.