Décisions
Cass. com., 8 février 2023, n° 21-15.771
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Bélaval
Avocat général :
Mme Henry
Avocat :
SCP Thouin-Palat et Boucard
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 septembre 2020), le 1er octobre 2010, la société Sharmel France (la société Sharmel) a conclu avec la société de droit italien Mirato deux contrats d'importation et de distribution de produits cosmétiques, stipulant une clause compromissoire. Le 26 septembre 2016, à la suite de la résiliation de ces contrats par la société Mirato, la société Sharmel a saisi la chambre de commerce internationale d'une demande d'arbitrage aux fins de voir condamner la société Mirato à lui payer des dommages et intérêts.
2. Par un jugement du 15 mai 2017, un tribunal français a ouvert le redressement judiciaire de la société Sharmel et désigné M. [D] en qualité de mandataire judiciaire.
3. Le 3 juillet 2017, l'acte de mission désignant l'arbitre unique a été signé par les parties et l'arbitre. Soutenant être créancière de la société Sharmel au titre d'un solde de factures impayé, la société Mirato a, le 5 juillet 2017, déclaré une créance à son passif, puis déposé le 29 septembre 2017 un mémoire devant l'arbitre contenant une demande reconventionnelle en condamnation de la société Sharmel à lui payer cette créance.
4. Par une sentence rendue le 17 septembre 2018, l'arbitre a rejeté la demande d'indemnisation de la société Sharmel et l'a condamnée à payer à la société Mirato la somme de 248 548,88 euros, majorée du remboursement des frais d'arbitrage, des frais juridiques et des dépens.
5. Le 15 novembre 2018, le tribunal a arrêté le plan de redressement de la société Sharmel, désignant M. [D] commissaire à l'exécution du plan et le maintenant à ses fonctions de mandataire judiciaire jusqu'à ce qu'il soit définitivement statué sur le passif.
6. Par une ordonnance du 18 mars 2019, le président du tribunal de grande instance de Paris a conféré l'exequatur à la sentence arbitrale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. La société Mirato fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance du 18 mars 2019 et de rejeter sa demande d'exequatur alors « qu'en refusant l'exequatur à la sentence arbitrale du 17 septembre 2018 au motif qu'elle condamnait la société Sharmel France à payer la créance de la société Mirato SpA, quand cette circonstance n'empêchait nullement d'accorder l'exequatur à cette décision uniquement pour sa reconnaissance et son opposabilité en France et à l'effet de permettre à la société Mirato SpA de faire inscrire sa créance sur l'état des créances admises au passif de la société Sharmel France, comme prévu par le juge-commissaire dans son ordonnance du 23 juillet 2018, la cour d'appel a violé les articles 1525 et 1520 du code de procédure civile et L. 622-21 du code de commerce, ainsi que l'ordre public international. »
Réponse de la Cour
9. Le principe de l'arrêt des poursuites individuelles, qui relève de l'ordre public international, interdit, après l'ouverture de la procédure collective du débiteur, la saisine d'un tribunal arbitral par un créancier dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture et impose à ce créancier de déclarer sa créance et de se soumettre, au préalable, à la procédure de vérification des créances.
10. Après avoir constaté que la demande reconventionnelle en paiement de sa créance avait été formulée par la société Mirato devant l'arbitre après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société débitrice, et qu'aux termes de sa sentence rendue le 17 septembre 2018, l'arbitre avait condamné la société Sharmel au paiement de diverses sommes au profit de la société Mirato, l'arrêt en déduit à bon droit que l'ordonnance accordant l'exequatur d'une telle sentence, au mépris du principe d'égalité des créanciers et d'arrêt des poursuites individuelles, ne pouvait être revêtue de l'exequatur sans méconnaître l'ordre public international.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.