CA Paris, Pôle 4 ch. 10, 19 janvier 2023, n° 19/21393
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
JPC (SARL), Syndicat des Copropriétaires (Sté)
Défendeur :
AXA France Iard (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Papin
Conseillers :
Mme Morlet, M. Najem
Avocats :
Me Ebstein, Me Guedj, Me Baradez
Rappel des faits et de la procédure,
Par acte authentique du 27 octobre 2010, la société à responsabilité limitée (SARL) JPC, dont le gérant est M. [C] [F], a acquis un immeuble situé [Adresse 6].
Selon acte authentique du 30 juin 2012, Mme [U] a acquis auprès de la société JPC, un appartement situé en combles, de l8, 3m2 dans cet immeuble moyennant un prix de 77 000 euros net vendeur.
Exposant avoir découvert au cours du mois de septembre 2012, lors des travaux d'aménagement de l'appartement, des traces d'anciens dégâts des eaux et la présence d`infiltrations depuis la toiture, Mme [U] a effectué une déclaration de sinistre auprès de son assureur habitation, qui a diligenté un expert, le cabinet Eurexo.
Cet expert a rendu son rapport définitif le 12 décembre 2012.
Le 30 décembre 2013, Mme [U] a fait constater par huissier l'état de son appartement.
Selon ordonnance de référé du 22 juillet 2014, le président du tribunal de grande instance d'Evry statuant en référé, saisi par Mme [U], a ordonné une expertise judiciaire.
L'expert, M. [O] [P], a déposé son rapport le 31 août 2015.
Sur la foi de ses conclusions, Mme [U] a demandé réparation de son préjudice.
Le 14 octobre 2019, le tribunal de grande instance d'Evry a :
Condamné in solidum la SARL JPC, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice, M. [C] [F] en qualité de syndic bénévole du syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] et la société Axa France IARD en qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires à payer Mme [G] [U] les sommes suivantes :
- 2 049,80 euros HT au titre du coût de réparation des désordres assortie de la TVA en vigueur au jour du présent jugement ;
- 8 000 euros au titre du trouble de jouissance ;
Dit que ces sommes seront majorées des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
Condamné in solidum la SARL JPC, le syndicat des copropriétaires et M. [F] et la société Axa France IARD en qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires à payer Mme [U] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
Condamné in solidum la société JPC, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice, M. [C] [F] en qualité de syndic bénévole du syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] et la société Axa France IARD en qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires à payer Mme [G] [U] les dépens incluant les dépens de l'audience de référé et les frais d'expertise judiciaire ;
Admis les avocats qui peuvent y prétendre et qui en ont fait la demande au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
Ordonné l'exécution provisoire.
M. [C] [F], le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] et la SARL JPC ont interjeté appel de cette décision.
Par leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 17 février 2020, M. [C] [F], le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] et la SARL JPC demandent à la cour de :
Dire les actions de la société JPC, de M. [F] [C] et du Syndicat de copropriété syndicat des copropriétaires du [Adresse 6], représenté par son syndic bénévole, M. [C] [F], recevables, y faire droit et les dire bien-fondés.
Infirmer le jugement rendu le 14 octobre 2019 par le tribunal de grande instance d'Evry,
Statuant à nouveau,
In limine litis :
Vu l'article 1165 du code civil,
Vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile,
Vu les articles 14 et 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965,
Dire et juger que le SDC du [Adresse 6]) et M. [F] [C] pris également en sa qualité de syndic sont tiers au contrat de vente conclu entre la société JPC et Mme [U],
En conséquence,
Mettre hors de cause le SDC du [Adresse 6]) et M. [F] [C] pris également en sa qualité de syndic,
A titre principal :
Vu l'article 1641 du code civil,
Dire et juger que la société JPC n'avait aucune connaissance des désordres antérieurs au transfert de propriété.
En conséquence,
Juger que les conditions de mise en œuvre de l'action en garantie des vices cachés ne sont pas réunies,
A titre subsidiaire :
Vu l'article 1134 du code civil,
Vu l'acte sous seing privé en date du 4 avril 2012,
Vu l'acte authentique de vente en date du 30 juin 2012,
Dire et juger que la société JPC peut se prévaloir du bénéfice de la clause d'exonération de garantie stipulé à l'acte authentique de vente.
En conséquence,
Dire et juger que la société JPC ne saurait garantir Mme [U] des vices cachés affectant son appartement,
A titre infiniment subsidiaire :
Vu l'article 1134 alinéa 3 du code civil,
Dire et juger que Mme [U] a refusé que la société JPC fasse effectuer divers travaux qui aurait plus mettre fin au litige,
En conséquence,
Débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires
En toute hypothèse,
Condamner Mme [U] à payer à la société JPC, M. [F] [C] et au Syndicat de copropriété syndicat des copropriétaires du [Adresse 6], représenté par son syndic bénévole, M. [C] [F] la somme de 4.000 euros à chacun (soit 12.000 euros) conformément aux dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Claude Ebstein, conformément aux dispositions de l'article 699 de Code de Procédure Civile.
Ils font valoir que le rapport d'expertise de l'assureur est opposable uniquement à Mme [U] et M. [F] ; que le procès-verbal du 30 décembre 2013 ne fait état d'aucun dommage dont la cause proviendrait des parties communes, l'huissier n'ayant pas, au demeurant, la compétence d'un technicien.
Ils considèrent que la responsabilité du syndicat des copropriétaires ne peut être recherchée en l'absence de mise en demeure préalable. Ils soutiennent que Mme [U], après avoir donné son accord pour des travaux, a finalement refusé l'intervention de l'ouvrier de la société JPC.
Ils soutiennent que Mme [U] n'a pas rapporté la preuve que les désordres de son appartement sont tous relatifs aux parties communes ; que le syndicat des copropriétaires doit être mis hors de cause.
M. [F] allègue qu'il est tiers au contrat de vente ; qu'il n'a jamais eu la qualité de promoteur, la cour n'étant pas tenue par la qualification juridique arrêtée par l'expert judiciaire. Il sollicite également sa mise hors de cause en qualité de syndic et considère qu'il n'existait aucun caractère urgent au sens de l'article 18 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965.
Les appelants font valoir que les désordres n'étaient pas apparents lors de la transaction, ainsi qu'il résulte de l'expertise et des allégations de Mme [U]. Ils relèvent que les désordres ont été constatés de manière non contradictoire et plus de trois ans après l'acquisition du bien.
A titre subsidiaire, la SARL JPC se prévaut d'une clause d'exclusion, reprise dans l'acte de vente et soutient qu'à l'époque des faits, son activité n'était pas celle de marchand de biens et qu'elle ne pouvait pas être qualifiée de professionnel de l'immobilier.
A titre infiniment subsidiaire, les appelants considèrent que le manquement de Mme [U] à son obligation de bonne foi lui interdit de demander réparation du préjudice allégué puisqu'un protocole d'accord avait été signé afin que la société JPC effectue des réparations, avant de se rétracter.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 14 mai 2020, Mme [G] [U] demande à la cour de :
Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Evry le 14 octobre 2019, sauf en ce qu'il a :
- limité la condamnation in solidum de la SARL JPC, du syndicat des copropriétaires, de M. [C] [F] en qualité de Syndic et d'Axa France IARD au paiement des sommes de :
- 2 049, 80 euros HT au titre du coût de réparations des désordres,
- 8 000 euros au titre du trouble de jouissance,
- débouté Mme [U] de ses demandes formulées au titre du coût de l'entreposage de sa cuisine et du remboursement des taxes d'habitation exposées,
Et statuant à nouveau :
- Condamner in solidum la société JPC, M. [C] [F], le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 6], pris en la personne de son syndic bénévole M. [C] [F], la société Axa France IARD, au paiement de :
- la somme de 2 367 euros HT, soit 2 603,85 euros TTC, au titre des réfections subsistantes,
- la somme de 7 950 euros correspondant au coût de l'entreposage de la cuisine à raison de 150 euros par mois arrêté en février 2017,
- la somme de 13 716 euros correspondant au montant des dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance de Mme [U]
- la somme de 1 491 euros correspondant au montant des taxes d'habitation 2013, 2014 et 2015,
- le tout portant intérêt au taux légal à compter de la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire du 31 août 2015.
- Condamner in solidum les parties succombantes au paiement la somme de 4 000 euros en application l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.
- Condamner les parties succombantes aux entiers dépens en application l'article 699 du Code civil, dont distraction au profit de la SELARL Guedj Haas-Biri,
Mme [U] soutient que la société JPC est responsable sur le fondement de la garantie des vices cachés (1641 du code civil) ; qu'elle a découvert les vices, invisibles lors de la vente, quelques semaines après son acquisition ; que le Cabinet Eurexo a retenu l'antériorité des dégâts par rapport à la vente et liés à la condensation dans le conduit de fumée non tubé de la chaudière.
Elle souligne qu'il est manifeste que ces désordres constituent des vices cachés portant atteinte à la destination de l'appartement au sens des dispositions légales.
Elle se prévaut de ce que le vendeur professionnel est présumé avoir connaissance des désordres affectant le bien et ne peut se prévaloir d'une clause exonératoire. Elle souligne que le gérant de la société JPC, M. [F], exerce l'activité de marchand de biens depuis 1973 et que la revente de l'immeuble en plusieurs lots démontre suffisamment ce caractère professionnel.
Elle relève qu'il n'est pas justifié de l'objet social antérieurement à la modification faite en 2016.
Elle invoque par ailleurs la responsabilité de M. [F] sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil, compte tenu de travaux importants qui peuvent être qualifiés d'ouvrage.
Elle précise qu'elle n'a pas donné suite au protocole d'accord soumis par la société JPC car les solutions proposées n'étaient pas satisfaisantes et tenaient du bricolage.
S'agissant de la responsabilité du syndicat des copropriétaires assuré par la société AXA, elle soutient que les conclusions de l'expert démontrent l'absence totale d'entretien de l'immeuble, encore étayée par les photographies versées. Elle considère que, comme l'a relevé le tribunal, la compagnie d'assurance ne démontre pas en quoi l'absence d'entretien fait obstacle à tout aléa.
Elle invoque par ailleurs la responsabilité délictuelle de M. [F] en qualité de syndic bénévole dans la mesure où elle considère que ce dernier, bien que connaissant la vétusté de l'immeuble s'est abstenu d'exercer les fonctions visant à en assurer l'entretien.
Elle détaille les préjudices qu'elle expose avoir subis.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 16 avril 2020, la SA Axa France IARD demande à la cour de :
Infirmer le jugement rendu en ce qu'il a :
- Condamné in solidum la SARL JPC, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] représenté par son syndic en exercice M. [C] [F] en qualité de syndic bénévole du syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] et la société Axa France IARD en qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires à payer à Mme [G] [U] les sommes suivantes :
- 2.049,80 euros HT au titre du coût de réparation des désordres assortie de la TVA en vigueur au jour du présent jugement,
- 8.000 euros au titre du trouble de jouissance,
- dit que ces sommes seront majorées des intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
- 2500 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens incluant les dépens de l'audience de référé et les frais d'expertise judiciaire,
Statuant à nouveau,
Constater que les garanties de la compagnie Axa France IARD ne sont pas susceptibles d'être mobilisées en l'espèce.
Débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la compagnie Axa France IARD.
Débouter la société JPC, le Syndicat de copropriété syndicat des copropriétaires du [Adresse 6], représenté par son syndic bénévole, M. [C] [F], et M. [F] [C] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la compagnie Axa France IARD.
Condamner solidairement Mme [U] et la société JPC, le Syndicat de copropriété syndicat des copropriétaires du [Adresse 6], représenté par son syndic bénévole, M. [C] [F], et M. [F] [C] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés directement par Maître Rémy Baradez, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que les appelants ne forment aucune demande contre elle, ce qui interroge sur leurs motivations.
Elle expose que les dommages relevés par l'expert ne revêtent aucun caractère accidentel mais résultent d'un défaut d'entretien et d'un problème structurel, situation connue du syndic.
Elle en conclut qu'en application du contrat d'assurance, les garanties ne sont pas, selon elle, susceptibles d'être mobilisées en l'espèce.
La clôture a été prononcée le 13 avril 2022.
MOTIFS DE L'ARRÊT,
Sur les vices cachés,
Aux termes de l'article 1641 du code civil :
« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. »
Il résulte du rapport d'expertise judiciaire de M. [O] [P] que les désordres suivants ont été constatés :
- une fuite le long des conduits de fumée dans la cuisine ayant engendré une importante dégradation du plâtre (masquée par la faïence et les meubles de cuisine, lors de la vente) ;
- un chevron coupé par la pourriture et la vermine en pied de rampant dans le milieu de la cuisine à gauche en entrant découvert lors d'une recherche de fuite ;
- un affaissement du sol de la pièce principale le long de la cloison de la cuisine (sous une armoire, lors de la vente) ;
- une fuite de plomberie en cuisine côté cloison de la chambre.
L'expert précise que lors de la visite du 13 novembre 2014, la réalité des désordres apparaissait clairement à la suite des déposes effectuées, compte tenu du nouvel aménagement de la cuisine.
Les désordres avaient déjà été relevés suivant rapport d'expertise amiable du Cabinet Eurexo en date du 31 octobre 2012 : l'expert avait noté une infiltration d'eau au travers de la couverture de la copropriété qui avait causé des dommages aux embellissements de l'appartement et que le dégât des eaux est antérieur à la vente, intervenue le 30 juin 2012 ; la déclaration de sinistre étant intervenue le 11 septembre 2012. Il est indiqué que M. [F] a été convoqué mais n'était pas présent lors des opérations d'expertise amiable. Le rapport lui est donc opposable.
Mme [U] justifie également des désordres par un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 30 décembre 2013 qui contient des photographies.
Sont relevées des taches d'humidité sur le mur situé sous la soupente notamment, avec de nombreuses fissures.
Dans la cuisine, l'huissier de justice note la présence de salpêtre. Un des murs de la cuisine est fortement humide.
Il constate encore que la porte palière de l'appartement a gonflé et que la serrure ferme difficilement.
Ce constat atteste de l'étendue des désordres liés à l'humidité.
Par des motifs que la cour adopte intégralement, il ressort de ces éléments que les désordres constatés par l'expert judiciaire sont d'une gravité telle qu'ils ont nécessairement rendu l'appartement impropre à l'usage auquel il était destiné.
Et comme l'a retenu le premier juge, s'agissant de leur caractère caché et antérieur à la vente Mme [U], qui a acquis le bien litigieux le 30 juin 2012, a procédé à une déclaration de sinistre un peu plus de deux mois après son entrée dans les lieux, à la suite de la découverte d'infiltrations lors des travaux d'aménagement de sa future cuisine.
Le cabinet Eurexo, moins d'un mois plus tard, avait considéré que les désordres établis étaient antérieurs à la vente « ce que leur ampleur suffit d'ailleurs à établir » et cet expert découvrait par ailleurs l'affaissement du plancher.
L'expert judiciaire conclut à des désordres liés à des condensations dans le conduit de fumée non tubé de la chaudière gaz de la boucherie située au rez-de-chaussée de l'immeuble.
Cette cause, dont les effets sont progressifs, est nécessairement antérieure à la vente. La chronologie rappelée précédemment (déclaration de sinistre, expertise amiable et constat) atteste de cette antériorité. L'expert a d'ailleurs noté que l'immeuble était fragilisé par la vétusté et que les travaux réalisés pour la vente n'étaient pas tous faits pour durer.
Concernant le caractère caché des vices, requis par les dispositions susvisées, par des motifs que la cour adopte également, l'expert a expressément relevé que les désordres dans la cuisine n'étaient pas apparents au moment de la vente : il a retenu que l'humidité du conduit était masquée par la faïence, les chevrons coupés ont été découverts au moment d'une recherche de fuite, l'affaissement du plancher était caché par le parquet flottant et la présence d'une armoire.
La décision sera confirmée en ce qu'elle a retenu l'existence de vices cachés.
Sur la clause d'exclusion.
Il résulte de l'article 1643 du code civil que le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
Le vendeur professionnel est présumé avoir connaissance des vices de la chose et ne peut pas se prévaloir d'une clause d'exclusion de garantie.
L'acte de vente de l'appartement prévoit (page 7) que l'acquéreur prendra le bien vendu dans l'état où il se trouvera le jour de l'entrée en jouissance sans aucune garantie de la part du vendeur « soit de l'état des constructions, de leurs vices même cachés (...) soit même de l'état de l'immeuble vendu ».
Il est cependant précisé que le vendeur ne pourra se retrancher derrière les clauses d'exonération des vices cachés « s'il venait à être considéré comme un professionnel de l'immobilier ou s'il s'était comporté comme tel sans en avoir les compétences requises ».
En premier lieu, la nature même de l'opération immobilière qui portait sur un immeuble acquis en 2010 et sa revente en plusieurs lots est un indice pertinent du caractère professionnel du vendeur, la société JPC.
Cette dernière produit une annonce relative à un changement de son objet social qui devient l'achat en vue de la revente d'immeubles, fonds de commerce notamment. Elle est datée du 2 mai 2016 et donc postérieurement à la vente. Elle ne verse cependant pas de pièces relatives à son précédent objet.
Un extrait du site société.com atteste de cette activité de marchands de bien, la société JPC « [C] [F] » a été immatriculée en 1973, soit il y a près de 50 ans.
C'est à bon droit, par des motifs que la cour adopte, que la société appelante a été considérée comme professionnelle de l'immobilier et partant, que la clause d'exclusion dont elle se prévaut a été écartée.
Sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires.
Aux termes de l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, en son dernier alinéa « le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires ».
Le premier juge a considéré à juste titre qu'il ressortait des éléments du dossier, et notamment des constatations circonstanciées de l'expertise que l'ensemble des désordres affectant l'appartement de Mme [U] était relatif aux parties communes que ce soit le conduit de fumée qui traverse l'ensemble de l'immeuble (pour les infiltrations), la toiture (pour le chevron coupé) ou le plancher (pour l'affaissement).
Il a été relevé qu'il résultait des constatations de l'expert judiciaire que l'immeuble était fragilisé par un état de vétusté, ce qui dénote l'absence d'entretien des parties communes.
La décision sera confirmée en ce qu'elle a retenu la responsabilité du syndicat des copropriétaires.
Sur la responsabilité du syndic bénévole, M. [F]
Le copropriétaire qui subit un préjudice peut mettre en cause la responsabilité du syndic sur le fondement de la responsabilité délictuelle prévue par les dispositions de l'article 1240 du code civil.
Dans le compromis de vente (page 4), M. [C] [F] est présenté comme le syndic bénévole mais dans l'acte authentique de vente, il est au contraire indiqué que la copropriété n'a ni syndic, ni présidents nommés par les copropriétaires. Cependant, M. [F] ne conteste pas expressément cette qualité.
Le syndic a l'obligation de veiller au bon état d'entretien des parties communes et des services et équipements collectifs et il peut voir sa responsabilité engagée pour s'être abstenu de réunir l'assemblée générale afin de faire exécuter les travaux de réparation des désordres constatés dans les parties communes à l'origine des dommages apparus dans les parties privatives.
Par des motifs que la cour adopte, il convient de relever que la copropriété ne fonctionne nullement, des fonds de roulement ou d'avance de trésorerie n'ont pas été prévus et aucune initiative n'a été prise au titre des travaux urgents.
La décision sera confirmée en ce qu'elle a retenu la responsabilité de M. [F] ès qualités.
Sur la faute alléguée de Mme [U].
Les appelantes soutiennent que le comportement de l'intimée est de nature à la priver de son droit à indemnisation, en ce qu'elle a signé un protocole d'accord en date du 18 juillet 2013 aux fins que la société JPC effectue des travaux, avant de refuser l'intervention de l'ouvrier chargé d'y procéder.
Aux termes de cet acte, la société JPC s'engage notamment à supprimer la cause du dégât des eaux, à consolider le plancher de la chambre gracieusement, à boucher le trou situé sous une fenêtre, à réaliser un traitement anti-salpêtre. Les dispositions de l'article 2044 du code civil sont visées s'agissant d'une transaction.
Dans un dire à l'expert en date du 2 décembre 2014, Mme [U] reconnaît qu'elle n'entend pas donner suite au « projet » de protocole d'accord et qu'elle a préféré recourir à une mesure d'expertise judiciaire.
Le protocole ne contient aucune précision sur les modalités et conditions de mise en œuvre de ces travaux et donc aucune garantie de leur bonne exécution, ce qui faisait les dépendre de la seule volonté de la société JPC.
Or, l'expert judiciaire a relevé (page 9) :
« Dans cette affaire il y une grande négligence de M. [F] tant pour l'état du bien mis en vente que pour les travaux de remise en état où il a été utilisé des ouvriers ou envoyé une entreprise peu qualifiée, en effet, si les fuites de couverture ont été supprimées celle consécutive aux condensats le long des conduits de fumée n'a pas été supprimée. Pour la réparation de couverture sur le milieu du rampant en remplaçant une ou deux tuiles l'ouvrier ne prévoyait pas de signaler le chevron défectueux et s'apprêtait à refermer la trémie, pour l'affaissement de plancher dans la chambre, l'injection de mousse expansive n'aurait pas réglé le problème et à terme aurait provoqué la chute de la sous-face plâtre à l'étage en dessous et peut être un accident ».
Au regard de ces conclusions, Mme [U] apparaissait parfaitement fondée à ne pas laisser la société JPC procéder à la réparation des désordres et à attendre les résultats de l'expertise judiciaire elle n'a pas commis de faute à ce titre, contrairement à ce que soutiennent les appelants.
Sur les préjudices
Mme [U] réclame les sommes suivantes :
- 2 603, 85 euros TTC au titre des réfections subsistantes ;
- 7 950 euros au titre du coût de l'entreposage de la cuisine ;
- 13 176 euros au paiement des dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance ;
- 1491 euros correspondant au montant des taxes d'habitation 2013, 2014 et 2015.
Avec intérêts au taux légal à compter du 31 août 2015, correspondant à la date du dépôt du rapport d'expertise.
Sur les réfections subsistantes,
L'expert a retenu un devis DELCROS ARNAUD pour 1 149, 80 euros HT au titre du chevron et du plancher. En ce qui concerne une petite fuite de plomberie un devis de la même entreprise pour 308, 25 euros est visé. Pour le renforcement du chevron, l'expert évoque la « fermeture » de la trémie du rampant et les raccords de plâtre et précise que les parties ont accepté son estimation à hauteur de 1 000 euros TTC (soit 909, 09 euros HT).
C'est à juste titre que le tribunal n'a pas retenu la réclamation au titre de la fuite de plomberie en ce qu'il n'est pas démontré qu'elle soit antérieure à la vente.
C'est donc la somme HT de 2058, 89 euros (1149, 80+909, 09) qui sera retenue, soit 2264, 78 euros TTC et non les 2049 euros HT fixés en première instance.
Sur le coût de l'entreposage de la cuisine,
Mme [U] expose qu'elle se trouvait en possession d'une cuisine fabriquée sur mesure, en dépôt chez Cuisine Elite, qu'elle s'est vue contrainte de faire entreposer à ses frais.
Les premiers juges ont considéré qu'il n'était pas démontré que la cuisine était restée stockée chez cette société, ni que cette dernière lui ait facturé la somme de 7 950 euros.
Cependant, l'intimée, outre les éléments afférents à la commande de la cuisine produit une facture en date du 4 février 2017 (sa pièce 24) afférente aux frais de stockage de la cuisine d'octobre 2012 à février 2017 pour un montant mensuel de 150 euros.
Compte tenu des désordres affectant les lieux, des opérations d'expertise, l'installation d'une nouvelle cuisine était impossible. Il en résulte que Mme [U] est bien fondée à solliciter le remboursement de ces frais, dument justifiés en leur principe.
Cependant, comme l'a relevé le jugement déféré, à compter du dépôt du rapport d'expertise, eu égard au montant modique des réparations qu'il restait à réaliser, rien ne s'opposait à que la demanderesse puisse procéder aux travaux et prendre possession des lieux, la date de février 2017 ne correspondant à aucun évènement documenté.
Dès lors, seule la période d'octobre 2012 à août 2015 inclus (35 mois) sera retenue soit 5 250 euros TTC (150X35).
La décision déférée sera par conséquent infirmée en ce qu'elle a rejeté intégralement la demande à ce titre.
Sur le préjudice de jouissance,
L'expertise a retenu un préjudice de jouissance à raison de 366 euros par mois.
Les infiltrations ont été découvertes en septembre 2012. Dès octobre 2012, le Cabinet Eurexo a relevé la dangerosité de l'appartement.
L'expert a noté que Mme [U] n'a pas pu habiter dans son logement. Sur la base de la valeur locative, l'expert a retenu une base mensuelle de 18 à 22 euros le m2, soit 20 X 18, 30 = 366 euros, qui apparaît conforme à la réalité dudit préjudice.
Les premiers juges ont repris cette base mais ils ont relevé qu'à compter du rapport d'expertise, compte tenu du montant modique des travaux restant à exécuter, rien ne s'opposait à ce que Mme [U] puisse y procéder et reprendre possession des lieux.
Ils ont fixé le préjudice de jouissance à la somme de 8 000 euros, somme qui revêt un caractère forfaitaire.
Il y donc a lieu de retenir la période d'octobre 2012 à août 2015 inclus soit la somme de 12 810 euros au titre de ce préjudice (366 X 35 mois).
Sur la taxe d'habitation,
Mme [U] aurait eu, en tout état de cause, à payer cette taxe.
La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande.
Sur la garantie de la société AXA France, en qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires
Les premiers juges ont retenu que l'assureur ne démontrait pas en quoi l'absence d'entretien par le syndicat des copropriétaires faisait obstacle à tout aléa.
La société AXA France Iard se prévaut d'une stipulation contractuelle aux termes de laquelle :
« Aux termes de l'article 1964 du code civil :
Le contrat d'assurances garantit un risque aléatoire et par conséquent la survenance d'un des risques assurés dépend par nature d'un évènement incertain.
Ainsi, n'entre ni dans l'objet ni dans la nature du contrat, l'assurance des dommages ou responsabilités ayant pour origine un défaut d'entretien ou de réparation incombant à l'assuré, caractérisé, et connu de lui. » (mots en gras du contrat - page 19 des conditions générales)
Une telle clause, qui prive l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque, constitue une clause d'exclusion de garantie.
Pourtant, elle ne se réfère nullement à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées. Elle ne présente donc pas le caractère formel et limité et ne peut ainsi recevoir application en raison de son imprécision.
La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a retenu que l'assureur était tenu aux côtés de son assuré, le syndicat des copropriétaires.
Sur l'obligation à la dette
La société JPC, le syndicat des copropriétaires, M. [F] ès qualités et la société AXA France Iard seront condamnés in solidum à payer à Mme [U] les sommes suivantes :
2 264, 78 euros TTC au titre du coût de la remise en état ;
5 250 euros TTC au titre du coût de l'entreposage de la cuisine ;
12 810 euros au titre du préjudice de jouissance ;
Et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt qui fixe les créances à cette hauteur ;
Sur les demandes accessoires,
Les condamnations prononcées en première instance au titre des dépens (y compris en ce qu'ils incluent la procédure de référé et les frais d'expertise) et des frais irrépétibles seront confirmées.
A hauteur d'appel, la société JPC, M. [F] ès qualités, le syndicat des copropriétaires et son assureur, la société AXA France Iard seront condamnées, in solidum, aux dépens (avec distraction) et au paiement de la somme globale de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement publiquement par mise à disposition de la décision au greffe.
Confirme la décision déférée sauf en ce qu'elle a rejeté la demande au titre du coût de l'entreposage de la cuisine, sur le quantum des sommes allouées au titre du préjudice de jouissance et de la réparation des désordres et sur le point de départ des intérêts légaux ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne in solidum la société JPC, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice, M. [C] [F] en qualité de syndic bénévole du syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] et la société Axa France IARD en qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires à payer à Mme [G] [U] les sommes suivantes :
- 2 264, 78 euros TTC au titre du coût de la remise en état ;
- 5 250 euros TTC au titre du coût de l'entreposage de la cuisine ;
- 12 810 euros au titre du préjudice de jouissance ;
Et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Condamne in solidum la SARL JPC, le syndicat des copropriétaires et M. [F] et la société Axa France IARD en qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires à payer à Mme [U] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
Condamne in solidum la société JPC, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice, M. [C] [F] en qualité de syndic bénévole du syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] et la société Axa France IARD en qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires aux dépens d'appel ;
Dit que les dépens pourront être recouvrés par la Selarl Guedj Haas-Biri, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;