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Décisions

Cass. com., 21 septembre 2022, n° 23-20.222

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mollard

Rapporteur :

Mme Lion

Avocats :

SARL Cabinet Briard, SCP Foussard et Froger

Versailles, du 17 sept. 2019

17 septembre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 septembre 2019), le 14 novembre 2014, l'administration fiscale a adressé à M. et Mme [I] une proposition de rectification de leur impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des années 2012 et 2013, fondée sur le rehaussement à leur montant nominal de la valeur des comptes courants d'associé détenus par M. [I] dans les sociétés Priam DG3 et Priam Hubert, dont il était le gérant et unique associé.

2. Après rejet de leur réclamation contentieuse, M. et Mme [I] ont assigné l'administration fiscale afin d'obtenir la décharge des impositions réclamées.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. M. et Mme [I] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à leur charge au titre de l'ISF 2012 et 2013, alors « qu'il résulte des dispositions de l'article 758 du code général des impôts que les comptes courants d'associé non bloqués doivent être évalués en fonction de leur valeur probable de recouvrement telle qu'elle peut être déterminée au jour du fait générateur de l'impôt en fonction de la situation financière de la société ; que les époux [I] se sont prévalus de ce que les actifs immobilisés des sociétés Priam DG3 et Priam Hubert étaient uniquement constitués par des immobilisations financières correspondant à l'ensemble des comptes courants détenus par les sociétés Priam DG3 et Priam Hubert dans leurs différentes filiales et de l'impossibilité de liquider ces éléments d'actifs, dès lors que ceux-ci n'étaient que très difficilement liquides ; qu'en fondant exclusivement sa décision sur des éléments insuffisants, tels que l'absence de provision pour dépréciation et les éléments portés au bilan, sans apprécier concrètement les chances de remboursement de la créance de compte courant non seulement au regard de l'état réel de l'endettement des sociétés Priam DG3 et Priam Hubert, mais également au regard des véritables possibilités de liquider les éléments d'actifs, la cour d'appel a entaché sa décision de défaut de base légale au regard de l'article 758 du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 758 du code général des impôts :

4. Il résulte de ce texte que la valeur déclarée d'un compte courant d'associé doit résulter d'une estimation réaliste en fonction des possibilités pour l'associé de recouvrer sa créance, au premier janvier de chaque année concernée, compte tenu de la situation économique et financière réelle de la société, et non des seuls éléments comptables inscrits dans des déclarations fiscales.

5. Pour juger fondées les rectifications relatives à la valeur des comptes courants d'associé détenus par M. [I] dans les sociétés Priam DG3 et Priam Hubert, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que seules les situations respectives de ces sociétés doivent être prises en compte.

6. Il relève, s'agissant de la société Priam DG3, que les créances rattachées aux participations qu'elle détient dans ses filiales n'ont pas fait l'objet de provision pour dépréciation, sauf en ce qui concerne la SCI Grenoble Constantine, et retient que la seule situation d'une de ses filiales, la SCI Bucephal, est insuffisante à caractériser l'irrécouvrabilité de la créance constituée du compte courant détenu dans la holding, compte tenu des capitaux propres de celle-ci, de la valeur de ses actifs et de ses résultats. Il retient encore qu'est également insuffisante l'existence d'une situation nette comptable négative pour l'une des années concernées, dès lors qu'il résulte des éléments portés à ses bilans qu'elle ne se trouve pas dans une situation financière précaire et peut, par la cession de son actif, rembourser ses dettes.

7. Il retient ensuite, s'agissant de l'Eurl Priam Hubert, que compte tenu de son actif immobilisé, de ses capitaux propres, du bénéfice réalisé pour l'année 2013, et du fait qu'elle a pour seule dette le montant de la créance en compte courant, sa situation n'est pas davantage obérée.

8. Il en déduit que les éléments invoqués ne justifient pas l'évaluation des comptes courants de M. [I] à une valeur inférieure à leur valeur nominale, n'étant pas établi que les sociétés Priam DG3 et Priam Hubert aient été en situation de dépôt de bilan ou de difficulté économique réelle.

9. En se déterminant ainsi, sans apprécier concrètement les chances de M. [I] de recouvrer ses créances au regard de la situation financière des sociétés Priam DG3 et Priam Hubert, compte tenu de l'état de leur endettement et de la possibilité de liquider les éléments de leurs actifs, laquelle dépendait de la situation financière de leurs filiales, en l'absence d'autres actifs que les immobilisations financières correspondant aux comptes courants détenus par les sociétés Priam DG3 et Priam Hubert dans leurs différentes filiales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de la direction générale des finances publiques en application des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, l'arrêt rendu le 17 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.