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Décisions

AMF, 12 janvier 2015, n° SAN-2015-02

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Membres :

Mme Fulgéras, M. Field, M. Millou

Président :

Mme Tric

AMF n° SAN-2015-02

11 janvier 2015

La 2e section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après : « AMF ») :

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 532-9, L. 533-1, L. 533-10, L. 533-11, L. 533-13, L. 533-21, L. 621-9, L. 621-15, et R. 621-38 à R. 621-39-4 ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 143-3, 313-1, 313-2, 313-6, 313-18, 313-19, 313-20, 313-21, 314-2, 314-3, 314-44, 314-46, 314-47, 314-60, 315-66 et 315-73 ;

Vu le règlement de déontologie des OPCVM et de la gestion individualisée sous mandat de l’association française de la gestion financière, notamment ses dispositions 87 et 92 ;

Vu les notifications de griefs adressées le 1er août 2013 à la société Raymond James Asset Management International (ci-après : « RJAMI »), ainsi qu’à son président-directeur général, M. A, et à un de ses gérants de portefeuille, M. B ;

Vu la lettre du président de l’AMF en date du 1er août 2013 transmettant à la présidente de la Commission des sanctions, en application de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, copie des notifications de griefs adressées le 1 er août 2013 à RJAMI, ainsi qu’à MM. A et B ;

Vu la décision de la présidente de la Commission des sanctions du 24 septembre 2013 désignant M. Michel Pinault, membre de la Commission, en qualité de rapporteur ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 27 septembre 2013 informant RJAMI ainsi que MM. A et B, de la nomination de M. Michel Pinault en qualité de rapporteur et leur rappelant la faculté d’être entendus, à leur demande, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier ;

Vu les observations en réponse aux notifications de griefs déposées par RJAMI et M. A, le 26 septembre 2013 ;

Vu les observations en réponse à la notification de griefs déposées par M. B, le 1er octobre 2013 ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 3 octobre 2013 informant RJAMI ainsi que MM. A et B de la faculté qui leur était offerte de demander la récusation du rapporteur dans le délai d’un mois ;

Vu la décision du président de la Commission des sanctions du 13 janvier 2014 désignant M. Guillaume Goulard, membre de la Commission, en qualité de rapporteur ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception des 24 janvier 2014 informant RJAMI ainsi que MM. A et B, de la nomination de M. Guillaume Goulard en qualité de rapporteur et leur rappelant la faculté d’être entendus, à leur demande, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 28 janvier 2014 informant RJAMI ainsi que MM. A et B, de la faculté qui leur était offerte de demander la récusation du rapporteur dans le délai d’un mois ;

Vu le procès-verbal de l’audition de M. B, en date du 10 septembre 2014 ;

Vu les procès-verbaux des auditions de RJAMI et de M. A, en date du 11 septembre 2014 ;

Vu le rapport de M. Guillaume Goulard en date du 14 octobre 2014 ;

Vu les lettres du 15 octobre 2014 remises par porteur, convoquant RJAMI ainsi que MM. A et B à la séance de la Commission des sanctions du 19 novembre 2014, auxquelles était joint le rapport du rapporteur, et informant les mis en cause du délai de quinze jours dont ils disposaient pour présenter des observations en réponse, conformément aux dispositions du III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier, ainsi que de leur droit à se faire assister de tout conseil de leur choix, selon les dispositions du II de l’article R. 621-40 du code monétaire et financier ;

Vu les lettres du 15 octobre 2014 remises par porteur, informant RJAMI ainsi que MM. A et B de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, et du délai de quinze jours dont ils disposaient pour demander la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres, en application des articles R. 621-39-2, R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 19 novembre 2014 :

- le Rapporteur en son rapport ;

- M. Alexis Dupont, représentant le directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- M. Quentin Durand, représentant le Collège de l’AMF ;

- M. A, tant en son nom personnel qu’en sa qualité de président-directeur général de la société RJAMI ;

- M. B ;

- Me Jean-Yves Dupeux, conseil de la société RJAMI et de M. A ;

- Mes Philippe Glaser et Lynda Binaté, conseils de M. B ;

Les personnes mises en cause ayant eu la parole en dernier.

FAITS ET PROCÉDURE

RJAMI est une société de gestion de portefeuille (ci-après : « SGP ») de type 1, agréée depuis 1995, qui exerce trois activités de gestion : la gestion d’OPCVM à vocation générale, la gestion d’OPCVM d’épargne salariale et la gestion sous mandat.

Dans le cadre de ses activités, RJAMI avait par ailleurs conclu, à la date du contrôle de ses activités diligenté par l’AMF, des conventions de placement de fonds auprès de treize SGP. En application de l’article L. 621-9 du code monétaire et financier, le secrétaire général de l’AMF a   décidé le 22 mai 2012, « de procéder à un contrôle du respect par la société RAYMOND JAMES ASSET MANAGEMENT INTERNATIONAL [...] de ses obligations professionnelles ».

La mission de contrôle, réalisée sur place et sur pièces par la direction des enquêtes et des contrôles de l’AMF (ci-après : « DEC »), a donné lieu à l’établissement d’un rapport le 5 février 2013.

Le 1 er mars 2013, le secrétaire général de l’AMF a adressé le rapport de contrôle à RJAMI, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, en lui indiquant qu’elle disposait du délai d’un mois pour formuler ses observations éventuelles, ce dont les deux dirigeants, M. A et Mme [...], ont été informés.

Le 1 er mars 2013, la secrétaire générale adjointe de l’AMF en charge des enquêtes et des contrôles et le directeur des contrôles ont adressé à M. B, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une lettre de synthèse accompagnée d’une note décrivant les manquements potentiels relevés à son encontre dans le cadre de la mission de contrôle, en lui indiquant qu’il disposait du délai d’un mois pour formuler ses observations éventuelles.

Par courriel et courrier par porteur du 6 mars 2013, RJAMI a sollicité la prorogation du délai dont elle disposait pour présenter ses observations, qui ont été déposées, après accord de l’AMF, le 18 avril 2013.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 22 mars 2013, M. B a sollicité la prorogation du délai dont il disposait pour présenter ses observations, qui ont été déposées, après accord de l’AMF, le 17 avril 2013.

Après examen du rapport de contrôle et des observations en réponse de la société, la Commission spécialisée n°2 du Collège de l’AMF, constituée en application de l’article L. 621-2 du code monétaire et financier, a décidé le 21 juin 2013, de notifier à RJAMI, ainsi qu’à MM. A et B, plusieurs griefs relatifs au non-respect de leurs obligations professionnelles.

Les notifications de griefs ont été adressées par le président de l’AMF à RJAMI ainsi qu’à MM. A et B, par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 1 er août 2013.

Les notifications de griefs visant M. B lui reprochent un manquement à ses obligations liées à l’existence d’un conflit d’intérêts, qu’il n’aurait pas mis son employeur RJAMI en mesure d’identifier.

Les notifications de griefs visant RJAMI et M. A, en sa qualité de dirigeant responsable au sens de l’article L. 532-9 du code monétaire et financier, leur reprochent :

- l’absence de contrôle des activités de M. B exercées au profit d’une entité tierce à RJAMI, et potentiellement en situation de conflits d’intérêts dans le cadre de son activité de gérant de portefeuille ;

- la présence d’or entreposé dans les locaux de la SGP en l’absence de toute procédure adéquate ;

- l’absence d’éléments relatifs aux connaissances et à l’expérience en matière d’investissement des clients permettant d’apprécier le caractère adéquat des services fournis ;

- le dépassement des contraintes d’investissement définies dans les mandats de gestion, relatives à l’exposition des portefeuilles aux actions ;

- l’insuffisance des dispositifs de contrôle, tirée de l’existence des manquements ci-dessus exposés.

Les notifications de griefs précisent que si ces faits étaient avérés, ils pourraient donner lieu au prononcé d’une sanction à l’encontre de RJAMI, de M. A et de M. B, sur le fondement de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier.

Conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, le président de l’AMF a, par délégation le 1 er août 2013, transmis la copie des notifications de griefs à la présidente de la Commission des sanctions qui, par décision du 24 septembre 2013, a désigné M. Michel Pinault en qualité de rapporteur, ce dont la société mise en cause ainsi que MM. A et B ont été informés par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 27 septembre 2013, leur rappelant la faculté d’être entendus, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 26 septembre 2013, RJAMI et M. A ont déposé des observations communes en réponse aux notifications de griefs.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 1er octobre 2013, M. B a déposé des observations en réponse à sa notification de griefs.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 3 octobre 2013, les mis en cause ont également été informés qu’ils disposaient du délai d’un mois pour demander, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, la récusation du rapporteur, dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code.

Par décision en date du 13 janvier 2014, le président de la Commission des sanctions a désigné

M. Guillaume Goulard en qualité de rapporteur en remplacement de M. Michel Pinault, appelé à d’autres fonctions au sein de la Commission des sanctions, ce dont RJAMI ainsi que MM. A et B ont été informés par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 24 janvier 2014, leur rappelant la faculté d’être entendus, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 28 janvier 2014, les mis en cause ont également été informés qu’ils disposaient du délai d’un mois pour demander la récusation du rapporteur, dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-2 à R. 621-39-4 du code monétaire et financier.

Le rapporteur a procédé aux auditions des mis en cause les 10 et 11 septembre 2014.

RJAMI, MM. A et B ont été convoqués à la séance de la Commission des sanctions et informés de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance par lettres du 15 octobre 2014 remises par porteur le même jour. Ces lettres mentionnaient le délai de quinze jours dont les mis en cause disposaient pour demander la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres, en application des articles R. 621-39-2 à R. 621-39-4 du code monétaire et financier, la faculté de se faire assister des conseils de leur choix, conformément au II de l’article R. 621-40 du code monétaire et financier, ainsi que le délai de quinze jours dont ils disposaient en application du III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier pour présenter leurs observations en réponse au rapport du rapporteur qui était joint à ces lettres.

MOTIFS DE LA DECISION

I. SUR LE MOYEN DE PROCEDURE SOULEVE PAR M. B

Considérant que M. B fait valoir que l’ordre de mission de contrôle concernait le respect par RJAMI de ses obligations professionnelles et non le respect par d’autres personnes physiques placées sous son autorité de leurs propres obligations ; qu’il soutient qu’il n’y a ni identité de manquements ni indivisibilité des sanctions entre les personnes visées, de sorte que le principe d’individualisation des sanctions et l’absence d’identité des manquements qui lui ont été notifiés avec ceux notifiés à RJAMI font obstacle à ce qu’une procédure de sanction puisse être ouverte à son encontre sur la base d’un rapport de contrôle de la DEC issu d’ordres de mission circonscrits au seul contrôle du respect par RJAMI de ses obligations professionnelles ; qu’il prétend que la mission de contrôle a procédé à une véritable enquête sur ses activités réalisées en sus de son activité salariée sans lui indiquer le but et l’objet réel des investigations menées, alors que de telles investigations étaient inopérantes pour caractériser l’existence d’un manquement de RJAMI à ses obligations, manquement établi par ailleurs ; qu’il affirme que les contrôleurs ont donc excédé leur mission et violé le principe de la loyauté dans la recherche des preuves garantissant le respect du droit à un procès équitable, de sorte que la procédure ainsi menée à son encontre est nulle ;

Considérant cependant, d’une part, que si l’article 143-3 du règlement général de l’AMF prévoit que l’ordre de mission habilitant les contrôleurs de l’AMF à exercer leurs missions « indique notamment l’entité ou la personne à contrôler », il ne fait aucunement obstacle à ce que d’autres personnes que celles qu’il indique soient entendues, contrôlées, et puissent faire l’objet de l’ouverture d’une procédure de sanction ; qu’il en est ainsi, en particulier, lorsqu’à l’occasion d’une mission de contrôle sur le respect des obligations professionnelles d’une société, les contrôles mettent en lumière des éléments personnellement imputables aux dirigeants ou salariés de cette société ; qu’à cet égard le II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier dispose que la Commission des sanctions de l’AMF peut, sur la base d’un rapport de contrôle, prononcer des sanctions à l’égard de toutes les personnes énumérées du a) au g), et notamment les personnes physiques placées sous l’autorité des prestataires de services d’investissement visés par le II de l’article L. 621-9 du code monétaire et financier qui définit les entités ou personnes sujettes au contrôle du respect de leurs obligations professionnelles ;

Considérant, d’autre part, que pour contrôler le respect par RJAMI de ses obligations, il était indispensable de vérifier quelles étaient les activités de son préposé M. B, qui a été destinataire le 1 er mars 2013 d’une lettre de synthèse accompagnée d’une note décrivant les manquements potentiels relevés à son encontre dans le cadre de la mission de contrôle qui sont sinon identiques à ceux visant RJAMI, du moins connexes ; qu’il a donc été à même de présenter tous les éléments nécessaires à sa défense de sorte qu’aucune atteinte irrémédiable à ses droits ne peut être relevée ;

Considérant en conséquence que le moyen ne peut qu’être écarté ;

II. EXAMEN DES GRIEFS

1. Sur les griefs notifiés à M. B, relatifs à la situation de conflit d’intérêts dans laquelle il se serait trouvé, dans le cadre de ses fonctions de gérant de portefeuille pour le compte de RJAMI

Considérant qu’il est fait grief à M. B, l’un des principaux gérants de portefeuille salarié de RJAMI, d’avoir perçu, en sus de son salaire, des honoraires de conseil financier d’un montant de 217 000 euros pour l’année 2010 et 160 000 euros pour l’année 2011, versés par différentes entités d’un établissement bancaire suisse (ci-après : « banque REYL ») par l’intermédiaire de deux sociétés, B Finance SA et B Finance SARL ; qu’afin de démontrer l’intérêt qu’aurait eu M. B « à investir l’épargne des clients de RJAMI dans des fonds qui [lui] permettaient de percevoir une rémunération versée par REYL ce qui est incompatible avec l’exigence d’indépendance inhérente à l’activité de gérant de portefeuille » compte tenu du fait que « les choix d’investissements ne seraient plus alors guidés par l’intérêt des clients mais en considération d’intérêts [...] personnels », la notification de griefs relève que M. B tirait des relations d’affaires avec le groupe REYL des revenus cinq fois supérieurs à ceux versés par RJAMI, que la quasi-totalité du chiffre d’affaires de la société B Finance SARL, qui a absorbé au cours de l’année 2011 la société B Finance SA dont il était le gérant, était réalisée avec les sociétés de la banque REYL, qu’il avait mis en relation la banque REYL avec certains clients de RJAMI ou avec des personnes rencontrées dans le cadre de ses activités au sein de RJAMI, qu’il assurait la gestion financière des fonds de certains clients de REYL et qu’il demandait régulièrement des informations aux dirigeants de REYL pour connaître le montant des sommes qui devaient lui être rétrocédées ; que la notification de griefs en déduit que M. B se serait ainsi placé en situation de conflits d’intérêts, n’aurait pas permis à la société de gestion de portefeuille qui l’employait d’identifier cette situation de conflits d’intérêts et aurait méconnu les dispositions des articles 314-3 et 313-18 et suivants du règlement général de l'AMF qui lui sont applicables selon les dispositions des articles 315-73 et 313-2 du règlement général de l'AMF ;

Considérant qu’aux termes de l’article 314-3 du règlement général de l'AMF, « le prestataire de services d'investissement agit d'une manière honnête, loyale et professionnelle, avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, afin de servir au mieux l'intérêt des clients et de favoriser l'intégrité du marché. Il respecte notamment l'ensemble des règles organisant le fonctionnement des marchés réglementés et des systèmes multilatéraux de négociation sur lesquels il intervient » ;

Considérant que les articles 313-18 et 313-19 du règlement général de l’AMF dans leur rédaction issue de l’arrêté du 15 mai 2007, sans que l’arrêté du 11 décembre 2013 ne vienne les modifier dans un sens moins sévère, énoncent que « Le prestataire de services d'investissement prend toute mesure raisonnable lui permettant de détecter les situations de conflits d'intérêts se posant lors de la prestation de services d'investissement, de services connexes ou de la gestion d'OPCVM : / 1° Soit entre lui-même, les personnes concernées ou toute personne directement ou indirectement liée au prestataire par une relation de contrôle, d'une part, et ses clients, d'autre part ; / 2° Soit entre deux clients » et que « en vue de détecter, en application de l'article 313-18, les situations de conflits d'intérêts dont l'existence peut porter atteinte aux intérêts d'un client, le prestataire de services d'investissement prend au moins en compte l'éventualité que les personnes mentionnées à l'article 313-18 se trouvent dans l'une des situations suivantes, que celle-ci résulte de la fourniture de services d'investissement ou de services connexes, ou de la gestion d'OPCVM ou de l'exercice d'autres activités : / 1° Le prestataire ou cette personne est susceptible de réaliser un gain financier ou d'éviter une perte financière aux dépens du client ; / 2° Le prestataire ou cette personne a un intérêt au résultat d'un service fourni au client ou d'une transaction réalisée pour le compte de celui-ci qui est différent de l'intérêt du client au résultat ; / 3° Le prestataire ou cette personne est incité, pour des raisons financières ou autres, à privilégier les intérêts d'un autre client ou d'un groupe de clients par rapport aux intérêts du client auquel le service est fourni ; / 4° Le prestataire ou cette personne exerce la même activité professionnelle que le client ; / 5° Le prestataire ou cette personne reçoit ou recevra d'une personne autre que le client un avantage en relation avec le service fourni au client, sous quelque forme que ce soit, autre que la commission ou les frais normalement facturés pour ce service » ;

Considérant que les dispositions combinées des articles 315-73, qui figurent désormais à l’article 315-66, et 313-2 aux termes desquels « Les dispositions des chapitres III, IV et V du présent titre s'appliquent aux personnes concernées mentionnées au II de l'article 313-2. / Les règles adoptées en vertu des chapitres III, IV et V du présent titre par le prestataire de services d'investissement et s'appliquant aux personnes concernées mentionnées au II de l'article 313-2 constituent pour celles-ci une obligation professionnelle. /

Les dispositions des chapitres IV et V du présent titre s'appliquent aux personnes concernées mentionnées au II de l'article 313-2 des succursales établies en France par des prestataires de services d'investissement agréés dans d'autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen » et « [...] II. - Au sens du présent livre, une personne concernée est toute personne qui est : [...] 3° Un salarié du prestataire ou un agent lié du prestataire de services d'investissement », rendent applicables les dispositions des articles 313-18 et 313-19 précités aux salariés de prestataires de services d’investissement ;

Considérant, en premier lieu, sur la nature des prestations accomplies par M. B, que selon la convention du 1er avril 1993 le liant à la banque Reyl, M. B est chargé, à titre de conseiller indépendant, d’exercer pour le compte de la banque les activités d’analyse et d’étude des marchés obligataires européens, à l’exclusion des obligations libellées en franc suisse, de conseil d’achats, de ventes et d’arbitrages sur lesdits marchés et de conseil et d’assistance dans le domaine des opérations de change sur devises, et par ailleurs, de prospecter de nouveaux clients tant en Suisse qu’à l’étranger ;

Considérant, en fait, qu’il résulte des courriels figurant au dossier de procédure, non couverts par la prescription, que M. B a reçu de Reyl un modèle de lettre d’instruction de transfert accompagné d’une demande « de préciser le correspondant pour que les fonds puissent nous arriver dans les meilleurs délais », qu’il a été destinataire d’une demande de virement d’un client ainsi libellée : «Vire 3k de chez ton frère compte discret », mais aussi d’une demande d’informations ainsi libellée : « Bonjour B, Le virement de mon père est-il arrivé ? Mon virement de 125 k€ est-il passé ? Pouvez-vous me donner le solde de mon compte au 31 12 ? » à laquelle M. B a répondu : « Oui bien arrivé ; 2 798 223 au 31/12 ; 120 000 et non pas 125 000 investis le 30 mars sur les Etats-Unis ; bonne soirée » , que M. B a également transmis à un salarié de la banque Reyl une demande ainsi libellée : « Pierre souhaiterait couvrir à hauteur de 40% son portefeuille, pour se protéger de la baisse de l’euro contre dollar ; merci de l’informer du coût de cette opération (position d’achat de dollar contre euro à 3 mois ou sur 1 mois si le cours est plus intéressant) » ; qu’il résulte également des déclarations d’un client détenant un compte chez Reyl que M. B lui a affirmé représenter Reyl Suisse en France et être rémunéré par Reyl au titre des services qu’il lui rendait, qu’il a servi de contact exclusif pour la transmission au client des informations relatives à son compte détenu à Genève et investi en OPCVM, qu’il a participé à la sélection puis, sur demande du client, au suivi des valeurs sur lesquelles les fonds ont été placés, qu’il a transmis à Reyl pour le compte du client ses ordres de mouvements, que ce client a notamment déclaré « Mon contact pour la gestion de mon compte chez Reyl est M. B à Paris (...) J’ai toujours rencontré M. B rue de la Boétie dans les locaux de RJAMI pour les questions relatives à mon compte chez Reyl », « Le plus souvent il me restitue ces informations oralement et de manière très exceptionnelle par courriel », « Je ne le rémunère pas, il m’a dit qu’il était rémunéré pour cela » ; que dans le cadre des activités qu’il exerçait pour le compte de la banque Reyl, M. B recevait les clients de cette banque dans les locaux de RJAMI, certains clients étant par ailleurs communs auxdeux établissements ; qu’il a servi d’unique intermédiaire entre la banque Reyl et certains de ses clients qui n’avaient aucun contact direct avec elle, pour l’ouverture de comptes, la transmission d’instructions, d’ordres de virements ou d’informations sur des soldes de comptes, qu’il a également donné des conseils sur des placements ;

Considérant que l’activité de M. B pour le compte de la banque Reyl, fondée et dirigée par son demi-frère, excédait donc largement celle de simple présentation de clients potentiels dont il fait état ; qu’il a notamment exercé pour le compte de la banque Reyl des activités de conseil financier et de gestion de comptes en faveur de certains clients ;

Considérant que deux accords de distribution croisée d’OPCVM existent par ailleurs entre RJAMI et la banque Reyl ; que la grande majorité des investissements réalisés par RJAMI dans des fonds de la banque Reyl, entre 87,4% et 98,8% selon les évaluations, a été effectuée par M. B dans le cadre de ses activités de gérant de portefeuille, alors qu’il gérait environ 20% des encours de RJAMI sous gestion privée à l’époque du contrôle de l’AMF ;

Considérant, en second lieu, sur la rémunération de M. B, qu’au titre de l’activité de prospection de nouveaux clients tant en Suisse qu’à l’étranger, la convention du 1er avril 1993 prévoit le versement à son profit d’une commission qui « dépendra du volume des nouveaux comptes apportés », sans qu’aucune formule de calcul ne soit précisée ; que cette commission, versée à une SARL dont

M. B est le gérant, figurait à son poste comptable « honoraires conseil financier » ; qu’ainsi, loin d’être forfaitaire ou discrétionnaire et ne portant que sur la présentation de prospects, comme il est prétendu, la rémunération prévue était bien proportionnée aux comptes apportés par M. B qui était donc directement intéressé au volume d’affaires développé par Reyl ; qu’elle a ainsi varié au fil des années ; que le rapport de contrôle évalue le montant annuel des commissions versées par la banque Reyl au quintuple des sommes perçues par M. B au titre de ses fonctions de gérant chez RJAMI ;

Considérant que M. B était ainsi incité à privilégier ses relations avec la banque Reyl et la souscription de produits de cet établissement pour le compte de clients qu’il gère chez RJAMI, ce qui caractérise l’existence d’une situation de conflit d’intérêts ; que, de fait, M. B a effectivement privilégié les produits de la banque Reyl auprès des clients de RJAMI dont il assure la gestion des intérêts ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en se plaçant dans une situation de conflit d’intérêts sans en avertir son employeur, M. B n’a pas agi « d'une manière honnête, loyale et professionnelle, avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, afin de servir au mieux l'intérêt des clients et de favoriser l'intégrité du marché » ; que cette situation est d’autant moins excusable qu’un précédent rapport de contrôle de l’AMF en date du 30 juin 2009 avait déjà attiré l’attention de M. B sur des risques de conflit d’intérêts liés au cumul de ses activités de conseil en investissements financiers avec celles de gérant salarié de RJAMI et qu’il s’en était suivi plusieurs échanges avec les services de l’AMF en charge du suivi des sociétés de gestion ; que sont ainsi pleinement caractérisés les manquements aux dispositions des articles 313-18, 313-19 et 314-3 du règlement général de l'AMF applicables à M. B en sa qualité de salarié de la société, et par ailleurs membre du conseil d’administration de RJAMI, en vertu des dispositions des articles 315-73 reprises en substance à l’article 315-66, et 313-2 du règlement général de l’AMF.

2. Sur les griefs notifiés à RJAMI et à son président-directeur général M. A, relatifs à la situation de conflit d’intérêts dans laquelle se serait trouvé M. B, dans le cadre de ses fonctions de gérant de portefeuille Considérant qu’il est fait grief à RJAMI et à M. A, alors qu’ils ne pouvaient ignorer l’existence de relations d’affaires entre M. B et la banque Reyl, de ne pas avoir mis en place et maintenu opérationnelles des politiques, procédures et mesures adéquates visant à détecter tout risque de non-conformité aux obligations professionnelles, de n’avoir entrepris aucune diligence de manière à en vérifier la nature exacte et de ne pas avoir mis en œuvre une procédure de gestion de conflit d’intérêts appropriée et de procédure destinée à y mettre un terme, en violation des dispositions des articles L.

533-10 du code monétaire et financier et 313-1 et 313-18 à 313-21 du règlement général de l’AMF; que les notifications de griefs relèvent également qu’en l’absence de contrôle portant sur les activités de son gérant, RJAMI n’a pas été en mesure de s’assurer que celui-ci se conformait à la règlementation applicable et notamment à la disposition 92 du code de l’Association française de la gestion financière (ci-après « AFG ») ; qu’en laissant en toute connaissance de cause une grande latitude à ce salarié lui permettant d’entretenir des relations financières avec le groupe Reyl, RJAMI n’aurait pas agi conformément aux exigences de professionnalisme attendues des prestataires de services d’investissement, en méconnaissance des dispositions des articles L. 533-1 et 314-3 du règlement général de l'AMF ;

Considérant que l’article L. 533-10 du code monétaire et financier applicable à l’époque des faits, prévoit que « les prestataires de services d’investissement doivent (...) prendre toutes les mesures raisonnables pour empêcher les conflits d’intérêts de porter atteinte aux intérêts de leurs clients (...) » ; que l’article 313-1 du règlement général de l'AMF précise que « Le prestataire de services d'investissement établit et maintient opérationnelles des politiques, procédures et mesures adéquates visant à détecter tout risque de non-conformité aux obligations professionnelles mentionnées au II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ainsi que les risques en découlant et à minimiser ces risques » ; que l’article 313-18 du règlement général de l’AMF précise quant à lui que « Le prestataire de services d’investissement prend toute mesure raisonnable lui permettant de détecter les situations de conflits d’intérêts se posant lors de la prestation de services d’investissement (...) » ; que l’article 313-19 du règlement général de l’AMF précise les situations potentiellement porteuses de risques de conflits d’intérêts que le prestataire de services doit, a minima, prendre en compte, et notamment celle où le prestataire ou une personne placée sous son autorité « (...) reçoit ou recevra d’une personne autre que le client un avantage en relation avec le service fourni au client, sous quelque forme que ce soit, autre que la commission ou les frais normalement facturés pour ce service » ; que l’article 313-20 du règlement général de l’AMF dispose que « Le prestataire de services d’investissement établit et maintien opérationnelle une politique efficace de gestion des conflits d’intérêts (...) » ; que l’article 313-20 du règlement général de l’AMF dispose que « (...) La politique en matière de gestion de conflits d’intérêts mise en place conformément à l’article 313-20 doit en particulier : 1° identifier (...) les situations qui donnent ou sont susceptibles de donner lieu à un conflit d’intérêts comportant un risque sensible d’atteinte aux intérêts d’un client (...), à l’occasion de la fourniture d’un service d’investissement (...) » ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 533-1 du code monétaire et financier : « les prestataires de services d'investissement agissent d'une manière honnête, loyale et professionnelle, qui favorise l'intégrité du marché » ; que l’article 314-3 du règlement général de l'AMF énonce que « le prestataire de services d'investissement agit d'une manière honnête, loyale et professionnelle, avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, afin de servir au mieux l'intérêt des clients et de favoriser l'intégrité du marché. Il respecte notamment l'ensemble des règles organisant le fonctionnement des marchés réglementés et des systèmes multilatéraux de négociation sur lesquels il intervient » ; que la disposition 92 du code de déontologie de l’AFG approuvé par le Collège de l’AMF, précise qu’ « Un gérant ne doit jamais faciliter par son intervention, le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme, la fraude fiscale ou le transfert illicite de capitaux vers l’étranger » ;

Considérant que M. A s’était engagé à l’issue du contrôle de 2009 à mettre fin à la situation conflit d’intérêts résultant de liens d’apporteur d’affaires entre la banque Reyl et l’une des sociétés de M. B dédiée à l’exercice de ses activités de conseil en investissements financiers (ci-après : « CIF ») ; que la personne à laquelle les fonctions de responsable de la conformité et du contrôle interne de RJAMI avait été déléguées a reconnu de son côté avoir eu accès aux documents financiers de ladite société, dans lesquels étaient expressément mentionnés l’existence, le montant et l’origine des commissions perçues de la part de la banque Reyl, qui représentaient environ le quintuple de celles reçues en sa qualité de gérant de portefeuille ; que pourtant, les mis en cause n’ont jamais cherché à connaître la nature exacte des nouvelles relations d’affaires unissant M. B à la banque Reyl et n’ont pas mentionné cette situation dans le registre des conflits d’intérêts potentiels ; qu’ils ont affirmé avoir pensé que l’abandon du statut de CIF par la société de M. B en 2010 avait mis fin à toute situation potentiellement porteuse de risque de conflit d’intérêts, sans vérifier à aucun à moment si M. B ne poursuivait pas après cette date ses activités pour le compte de la banque Reyl ;

Considérant que le défaut de mise en place par RJAMI d’un dispositif et de contrôles pratiques lui permettant d’identifier et de gérer une possible situation de conflits d’intérêts de son gérant M. B constitue un manquement aux dispositions des articles L. 533-10 du code monétaire et financier, et 313-1, 313-18, 313-19, 313-20 et 313-21 du règlement général de l’AMF ; que cette carence est constitutive à tout le moins d’un manque de professionnalisme dans le service par RJAMI des intérêts de ses clients, caractérisant un manquement à l’obligation professionnelle visée aux articles L. 533-1 du code monétaire et financier et 314-3 du règlement général de l’AMF ;

Considérant qu’en revanche, à défaut pour les notifications de griefs et le rapport de contrôle d’établir des actes de blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme ou de transfert illicite de capitaux vers l’étranger, le manquement tiré de la violation de la disposition 92 du code de déontologie de l’AFG n’est pas suffisamment caractérisé et sera écarté ;

3. Sur les griefs relatifs au non-respect par RJAMI de ses obligations professionnelles relatives à l’achat d’or, à la connaissance de ses clients, ainsi qu’au respect de l’exposition des mandats au risque actions et à l’insuffisance du dispositif de contrôle de RJAMI

Sur les griefs relatifs à l’achat d’or pour le compte d’une cliente Considérant que les notifications de griefs relèvent qu’un cambriolage intervenu dans la nuit du 24 au 25 mars 2012 a révélé que RJAMI entreposait dans ses locaux de l’or pour le compte de ses clients ; que les vérifications menées par la mission de contrôle ont montré que M. B a procédé à deux achats successifs d’or à la demande expresse d’une cliente, sous forme de pièces puis d’un lingot, et les a entreposés dans les locaux de RJAMI pendant plusieurs mois ; que ces éléments démontreraient un- 10  manquement à l’obligation professionnelle visée à l’article L. 533-21 du code monétaire et financier, qui « (...) interdit aux sociétés de gestion de portefeuille de recevoir de leurs clients des dépôts de fonds, de titres ou d’or » ;

Considérant qu’il résulte des éléments mis au jour par la mission de contrôle, confirmés par les déclarations de RJAMI et de M. A, que l’ordre d’acquérir 65 Napoléons, 65 Croix Suisse et 55 Souverains a été donné le 17 mai 2010 par une cliente en mandat sous gestion à M. B qui est allé retirer les pièces le 31 mai 2010 avant de les placer dans le coffre de la société de gestion ; que la même cliente a également adressé un courrier le 29 novembre 2010 à M. B afin que celui-ci retire un lingot d’or et le place dans le coffre-fort situé dans les locaux de RJAMI ; que le manquement aux obligations de l’article L. 533-21 du code monétaire et financier est ainsi objectivement caractérisé ;

Sur les griefs relatifs à l’absence d’éléments de connaissance des clients Considérant que les notifications de griefs reprochent à RJAMI et à M. A des manquements aux dispositions relatives à la connaissance de l’expérience, des connaissances financières, des objectifs et de la situation financière de ses clients avant de leur fournir les services de gestion de portefeuille, telles qu’elles sont prévues par les articles L. 533-13 du code monétaire et financier, 314-44, 314-46 et 314-47 du règlement général applicables à l’époque des faits ; Considérant qu’aux termes de l’article L. 533-13 du code monétaire et financier « I. -En vue de fournir le service de conseil en investissement ou celui de gestion de portefeuille pour le compte de tiers, les prestataires de services d'investissement s'enquièrent auprès de leurs clients, notamment leurs clients potentiels, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d'investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d'investissement, de manière à pouvoir leur recommander les instruments financiers adaptés ou gérer leur portefeuille de manière adaptée à leur situation. / Lorsque les clients, notamment les clients potentiels, ne communiquent pas les informations requises, les prestataires s'abstiennent de leur recommander des instruments financiers ou de leur fournir le service de gestion de portefeuille pour compte de tiers. / II. -En vue de fournir un service autre que le conseil en investissement ou la gestion de portefeuille pour le compte de tiers, les prestataires de services d'investissement demandent à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, des informations sur leurs connaissances et leur expérience en matière d'investissement, pour être en mesure de déterminer si le service ou le produit proposés aux clients ou demandés par ceux-ci leur conviennent. / Lorsque les clients, notamment les clients potentiels, ne communiquent pas les informations nécessaires ou lorsque les prestataires estiment, sur la base des informations fournies, que le service ou l'instrument ne sont pas adaptés, les prestataires mettent en garde ces clients, préalablement à la fourniture du service dont il s'agit. / III. -Les prestataires de services d'investissement peuvent fournir le service de réception et transmission d'ordres pour le compte de tiers ou le service d'exécution d'ordres pour le compte de tiers sans appliquer les dispositions du II du présent article, sous les conditions suivantes : / 1. Le service porte sur des instruments financiers non complexes, tels qu'ils sont définis dans le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ; / 2.

Le service est fourni à l'initiative du client, notamment du client potentiel ; / 3. Le prestataire a préalablement informé le client, notamment le client potentiel, de ce qu'il n'est pas tenu d'évaluer le caractère approprié du service ou de l'instrument financier ; / 4. Le prestataire s'est conformé aux dispositions du 3 de l'article L. 533-10 » ;

Considérant que l’article 314-44 du règlement général de l'AMF énonce qu’« en application du I de l'article L. 533-13 du code monétaire et financier, le prestataire de services d'investissement se procure auprès du client toutes les informations lui permettant d'avoir une connaissance suffisante des faits essentiels le concernant et de considérer, compte tenu de la nature et de l'étendue du service fourni, que la transaction qu'il entend recommander ou le service de gestion de portefeuille qu'il envisage de fournir satisfait aux critères suivants : / 1° Le service répond aux objectifs d'investissement du client ; / 2° Le client est financièrement en mesure de faire face à tout risque lié à la transaction recommandée ou au service de gestion de portefeuille fourni et compatible avec ses objectifs d'investissement ; / 3° Le client possède l'expérience et les connaissances nécessaires pour comprendre les risques inhérents à la transaction recommandée ou au service de gestion de portefeuille fourni » ; que l’article 314-46 prévoit que : « Les renseignements concernant la situation financière du client doivent inclure des informations, dans la mesure où elles sont pertinentes, portant sur la source et l'importance de ses revenus réguliers, ses actifs, y compris liquides, investissements et biens immobiliers, ainsi que ses engagements financiers réguliers » et que l’article 314-47 énonce que « les renseignements concernant les objectifs d'investissement du client doivent inclure des informations, dans la mesure où elles sont pertinentes, portant sur la durée pendant laquelle le client souhaite conserver l'investissement, ses préférences en matière de risques, son profil de risque, ainsi que le but de l'investissement » ;

Considérant que sur un échantillon représentant la moitié des clients de RJAMI, les contrôleurs ont constaté que près d’un tiers des dossiers était dépourvu du moindre élément de connaissance du client, et que moins d’un dossier sur dix possédait un questionnaire complet ; que ces chiffres ne sont pas contestés par RJAMI et M. A ;

Considérant que les mis en cause ont précisé avoir, depuis 2008, systématiquement soumis des questionnaires de connaissance aux nouveaux clients de RJAMI, tout en procédant pour les anciens à une mise à jour au gré des rencontres avec leurs gérants ; que la mise en place d’un tel procédé ne permet de justifier ni l’absence de tout élément de connaissance des clients pour près d’un tiers de l’échantillon analysé ni les lacunes constatées ;

Considérant que l’absence de traçabilité des actes de connaissance des clients caractérise les manquements aux dispositions des articles L. 533-13 du code monétaire et financier et 314-44, 314-46 et 314-47 du règlement général de l’AMF ;

Sur les griefs relatifs au non-respect des ratios d’exposition au risque actions dans les mandats

Considérant que les notifications de griefs reprochent encore à RJAMI et à M. A le non-respect des contraintes d’exposition des mandats au risque actions, constaté par les contrôleurs ; que ces constatations établiraient, selon elles, l’existence des manquements de RJAMI d’agir de manière professionnelle, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent, afin de servir au mieux les intérêts de ses clients, ainsi que le prévoient les articles L. 533-11 du code monétaire et financier et 314-3 du règlement général de l’AMF, ainsi que la disposition 87 du règlement de déontologie des OPCVM et de la gestion individualisée sous mandat de l’AFG, approuvée par le collège de l’AMF ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 533-11 du code monétaire et financier « lorsqu'ils fournissent des services d'investissement et des services connexes à des clients, les prestataires de services d'investissement agissent d'une manière honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des clients » ; que l’article 314-3 du règlement général de l'AMF prévoit que « le prestataire de services d'investissement agit d'une manière honnête, loyale et professionnelle, avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, afin de servir au mieux l'intérêt des clients et de favoriser l'intégrité du marché. Il respecte notamment l'ensemble des règles organisant le fonctionnement des marchés réglementés et des systèmes multilatéraux de négociation sur lesquels il intervient » ; que la disposition 87 du règlement de déontologie des OPCVM et de la gestion individualisée sous mandat de l’AFG mentionne que « Dans la gestion des mandats qui lui sont confiés et en conformité avec les objectifs des mandants, le gérant se doit d’appliquer, lorsqu’elles existent, les orientations d’investissement et les instructions en matière de sélection des risques préconisés par le gestionnaire » ;

Considérant que les calculs du rapport de contrôle, non contestés par les mis en cause, portant sur plus de 200 comptes gérés, montrent que le profil de gestion n’a pas été respecté par RJAMI pour 10,8% à 12,5% des mandats analysés, avec un taux de surexposition moyen de 17% du montant des actifs sous gestion, selon les dates auxquelles les vérifications ont été effectuées, entre fin décembre 2011 et fin juin 2012 ;

Considérant que les mis en cause ont fait valoir l’existence d’effets de marché pouvant entraîner des dépassements ponctuels d’exposition des comptes concernés au risque actions, et le faible volume d’encours de certains comptes, de nature à favoriser de tels dépassements ; que ces arguments ne sont toutefois pas de nature à justifier des dépassements pour plus de 10% des mandats analysés, à hauteur de 17% des actifs en moyenne ;

Considérant, dès lors, que le manquement aux dispositions de l’article L. 533-11 du code monétaire et financier et 314-3 du règlement général de l’AMF est établi ;

Considérant que l’AMF a étendu le respect du règlement de déontologie des OPCVM et de la gestion individualisée sous mandat de l’AFG à l’ensemble des professionnels de la gestion le 15 décembre 2009, en application des dispositions de l’article 314-2 du règlement général de l’AMF aux termes duquel « Quand, après avis de l'Association française des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, l'AMF estime opportun d'appliquer à l'ensemble des prestataires de services d'investissement tout ou partie des dispositions du code en cause, elle fait connaître cette décision en la publiant sur son site » ; que le manquement au respect de la disposition 87 du règlement de déontologie des OPCVM et de la gestion individualisée sous mandat de l’AFG est ainsi également constitué ;

Sur l’insuffisance du dispositif de contrôle de RJAMI

Considérant que, selon les notifications de griefs, les manquements précédemment relevés démontrerait l’existence d’anomalies dans le fonctionnement de RJAMI non identifiées et auxquelles il n’aurait pas été remédié ; que serait ainsi établi un manquement aux dispositions de l’article 313-1 du règlement général de l’AMF qui prévoit que « Le prestataire de services d’investissement établit et maintient opérationnelles des politiques, procédures et mesures adéquates visant à détecter tout risque de non-conformité aux obligations professionnelles mentionnées au II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier ainsi que les risques en découlant et à minimiser ces risques (... ) », ainsi qu’un manquement aux dispositions de l’article 313-2 du règlement général de l’AMF qui prévoit que « I. Le prestataire de services d’investissement établit et maintient opérationnelle une fonction de conformité efficace exercée de manière indépendante et comprenant les missions suivantes : 1° Contrôler et, de manière régulière, évaluer l’adéquation et l’efficacité des politiques, procédures et mesures mises en place en application de l’article 313-1, et des actions entreprises visant à remédier à tout manquement du prestataire de services d’investissement et des personnes concernées à leurs obligations professionnelles mentionnées au II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier ; (...) » ;

Considérant que les mis en cause ont fait valoir que les dysfonctionnements visés par les notifications de griefs ne peuvent être retenus comme une défaillance générale du système de contrôle de RJAMI ;

Considérant que les défaillances de RJAMI en matière de contrôle du respect des mandats au regard de l’exposition au risque actions, de traçabilité de la bonne connaissance des clients à travers les questionnaires de connaissance, ou de l’achat et de l’entreposage d’or, sont établies par les éléments du dossier et l’existence même des manquements précédemment relevés ; que ces défaillances, sans prouver une inefficacité générale du dispositif de contrôle de RJAMI, établissent l’inefficacité des contrôles sur ces trois points de vérification et démontrent que RJAMI a manqué à ses obligations résultant des articles 313-1 et 313-2 du règlement général de l’AMF;

SANCTION ET PUBLICATION

Considérant qu’en sa qualité de prestataire de services d’investissement, la société de gestion RJAMI était tenue à l’ensemble des obligations professionnelles prévues par les textes ci-dessus visés ; qu’aux termes de l’article 313-6 du règlement général de l’AMF, « La responsabilité de s’assurer que le prestataire de services d’investissement se conforme à ses obligations professionnelles mentionnées au II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier incombe à ses dirigeants et, le cas échéant, à son instance de surveillance » ;

Considérant que les dispositions combinées des articles 315-73 qui figurent désormais à l’article 315-66 et 313-2 aux termes desquels « Les dispositions des chapitres III, IV et V du présent titre s'appliquent aux personnes concernées mentionnées au II de l'article 313-2. / Les règles adoptées en vertu des chapitres III, IV et V du présent titre par le prestataire de services d'investissement et s'appliquant aux personnes concernées mentionnées au II de l'article 313-2 constituent pour celles-ci une obligation professionnelle. /

Les dispositions des chapitres IV et V du présent titre s'appliquent aux personnes concernées mentionnées au II de l'article 313-2 des succursales établies en France par des prestataires de services d'investissement agréés dans d'autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen » et « [...] II. - Au sens du présent livre, une personne concernée est toute personne qui est : [...] 3° Un salarié du prestataire ou d'un agent lié du prestataire de services d'investissement » rendent applicables les dispositions des articles 313-18 et 313-19 précités aux salariés de prestataires de services d’investissement ;

Considérant que les manquements relevés sont par nature imputables à RJAMI ; que ces manquements sont également imputables à M. A, président-directeur général de RJAMI et dirigeant responsable au sens de l’article L. 532-9 du code monétaire et financier, en application des dispositions de l’article 313-6 du règlement général de l'AMF précitées ; que les manquements aux dispositions des articles 313-18 et 313-19 sont imputables à M. B en sa qualité de salarié de la société, et par ailleurs membre du conseil d’administration de RJAMI ;

Considérant que ces manquements sont susceptibles de donner lieu au prononcé d’une sanction l’encontre des mis en cause sur le fondement du a) du II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier en ce qui concerne RJAMI et sur le fondement du b) du II du même article en ce qui concerne son président directeur général, M. A et de son préposé, M. B ;

Considérant qu’aux termes du III de ce même article, dans sa version, issue de la loi du 4 août 2008, les sanctions applicables sont « (...) l'avertissement, le blâme, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis » ; qu’une sanction pécuniaire peut être prononcée, soit à la place soit en sus de ces sanctions, sans pouvoir excéder 10 millions d'euros ou le décuple du montant des profits éventuellement réalisés pour ce qui concerne RJAMI, et 300 000 euros ou le quintuple des profits éventuellement réalisés pour ce qui concerne MM. A et B ; que la loi du 22 octobre 2010 a eu pour effet de porter à 100 millions d’euros le maximum encouru par RJAMI ;

Considérant que le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits qui en ont éventuellement été retirés, en tenant compte de la situation de la personne mise en cause ;

Considérant qu’il y a lieu de prendre en compte, pour l’appréciation de la sanction, le fait que l’attention du mis en cause avait été attirée dès 2009 par l’AMF sur les risques de conflits d’intérêts entre sa fonction de gérant salarié au sein de RJAMI et l’existence d’une rémunération perçue par ailleurs au titre de ses activités de CIF ainsi que le fait qu’il n’a pas informé son employeur de son activité réelle; que compte tenu de sa situation personnelle, il sera prononcé un avertissement et une sanction pécuniaire d’un montant de 60 000 euros (soixante mille euros) à son encontre ;

Considérant que les manquements retenus à l’encontre de RJAMI sont variés et résultent de sa négligence devant une situation dont elle tirait avantage ; que cependant, aucun gain important à son profit ni aucun préjudice à l’égard de ses clients ne sont établis ; que RJAMI a pris, dès la réception du rapport de contrôle de l’AMF, des mesures visant à remédier aux dysfonctionnements mis en évidence par les notifications de griefs ; qu’il sera également tenu compte de sa situation financière ; qu’il sera prononcé une sanction pécuniaire d’un montant de 110 000 euros (cent dix mille euros) à son encontre ;

Considérant que pour l’appréciation des sanctions à prononcer à l’encontre de M. A, il y a lieu de tenir compte du fait qu’il occupait à l’époque de la réalisation des manquements, en plus de ses fonctions de président-directeur général, les fonctions de responsable de la conformité et du contrôle interne de RJAMI ; qu’il sera prononcé une sanction pécuniaire d’un montant de 25 000 euros (vingt-cinq mille euros) à son encontre ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-15, V, du code monétaire et financier, « la décision de la commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. Toutefois, lorsque la publication risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause, la décision de la commission peut prévoir qu'elle ne sera pas publiée » ;

Considérant que la publication de la présente décision ne risque ni de perturber gravement les marchés financiers ni de causer un préjudice disproportionné aux mis en cause ; qu'elle sera donc décidée ;

PAR CES MOTIFS,

Et après en avoir délibéré sous la présidence de Mme Marie-Hélène Tric, par Mme Anne-José Fulgéras, MM. Bernard Field et Lucien Millou, membres de la 2ème section de la

Commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance,

DECIDE DE :

- prononcer à l’encontre de la société Raymond James Asset Management International une sanction pécuniaire d’un montant de 110 000 euros (cent dix mille euros) ;

- prononcer à l’encontre de M. A une sanction pécuniaire d’un montant de 25 000 euros (vingt-cinq mille euros) ;

- prononcer à l’encontre de M. B un avertissement et une sanction pécuniaire d’un montant de

60 000 euros (soixante mille euros) ;

- publier la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers.