CA Paris, Pôle 4 ch. 5, 2 février 2023, n° 19/21001
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
SARL OMNI ELEC
Défendeur :
Société YANDALUX GMBH
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Marie-Ange SENTUCQ
Conseillers :
Madame Elise THEVENIN-SCOTT, Mme Alexandra PELIER-TETREAU
Avocat :
SELARL IROISE AVOCATS
La société Omni Elec exploite une centrale photovoltaïque installée sur la toiture d'une salle de sports à [Localité 5] (Vendée).
La salle de sports appartient à la commune et la toiture a été mise à la disposition de la société Omni Elec en vertu d'un bail emphytéotique.
Pour faire construire la centrale, sont notamment intervenues les sociétés Yandalux GmbH, société spécialisée en solutions photovoltaïques basée à [Localité 2] (Allemagne), et Solarcop, société spécialisée dans la réalisation de centrales photovoltaïques en toiture, basée à [Localité 4] (Tarn-et-Garonne).
Les travaux d'installation se sont déroulés au 1er semestre 2010 et la réception est intervenue le 6 septembre 2010.
La société Omni Elec a, par mise en demeure d'avocat en date du 31 janvier 2014, saisi directement la Smabtp d'une demande d'indemnisation relative aux désordres d'étanchéité et au sous-dimensionnement électrique.
La Smabtp n'a pas donné suite à cette mise en demeure.
Au mois d'avril 2014, la société Omni Elec a reçu un courriel de la commune de [Localité 5] appelant son attention, photographies à l'appui, sur la désolidarisation des baguettes périphériques aux panneaux photovoltaïques, désolidarisation due à un problème de boulonnage.
Par acte signifié le 5 juin 2014, la société Omni Elec a alors fait assigner la Smabtp devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir réparer les conséquences des désordres imputables à la société Solarcop en sa qualité d'entrepreneur principal cocontractant de la société Omni Elec.
Par un jugement en date du 13 avril 2015, le tribunal de grande instance de Paris a débouté la société Omni Elec de ses demandes formulées contre la Smabtp au motif notamment que « la SARL Omni Elec ne justifi[ait] pas être liée par un contrat de louage d'ouvrage à Solarcop, qui est dès lors nécessairement intervenue en l'espèce comme sous-traitant de la société Yandalux ».
A défaut de relation contractuelle entre les sociétés Omni Elec et Solarcop, le tribunal a estimé que la société Solarcop n'était responsable vis-à-vis de la demanderesse qu'en cas de faute prouvée, sa responsabilité décennale ne pouvant être mise en jeu par la société Omni Elec. Dans le même temps, le tribunal a considéré que la société Yandalux était « entièrement responsable vis-à-vis du maître d'ouvrage de la bonne et complète exécution des travaux sous-traités, en particulier au titre des malfaçons commises par le sous-traitant ».
Prenant acte de cette décision, la société Omni Elec a mis en demeure la société Yandalux, en sa qualité d'entrepreneur principal, de lui verser la somme de 63 279,23 euros HT aux fins de réparation des désordres constatés par le tribunal de grande instance de Paris .
La société Omni Elec a ensuite fait assigner la société Yandalux devant le tribunal de commerce de Paris afin de voir enfin ses préjudices réparés.
Par jugement du 22 mai 2019, le tribunal de commerce de Paris a :
debouté la société Omni Elec de l'ensemble de ses demandes ;
condamné la société Omni Elec à payer à la société Yandalux Gmbh la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
debouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
ordonné l'exécution provisoire du jugement, en toutes ses dispositions, sans constitution de garantie,
condamné la société Omni Elec aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 182,87 euros dont 30,05 euros de TVA.
Par déclaration du 14 novembre 2019, la société Omni Elec a interjeté appel du jugement, intimant la société Yandalux Gmbh devant la cour d' appel de Paris .
Par conclusions du 13 février 2020, la société Omni Elec, appelante, demande à la cour , au visa de l'article 143 du code de procédure civile, des articles 455 et 458 du code de procédure civile et des articles 900 et suivants du code de procédure civile, de :
Avant dire droit :
- Ordonner une expertise judiciaire sur le fondement de l'article 143 du code de procédure civileaux fins de déterminer l'imputabilité des désordres affectant la centrale photovoltaïque installée en toiture du gymnase de [Localité 5] ;
En tout état de cause :
1. Annuler le jugement du tribunal de commerce de Paris du 22 mai 2019 pour défaut de motivation ;
Par conséquent, au fond :
- Condamner la société Yandalux GmbH à l'indemniser à hauteur de 83 658,33 euros HT au titre des désordres causés par son sous-traitant la société Solarcop ;
- Condamner la société Yandalux à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Yandalux aux dépens ;
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;
2. Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 22 mai 2019 en ce qu'il l'a :
- déboutée de sa demande tendant à voir condamner la société Yandalux GmbH à l'indemniser à hauteur de 93 658,33 euros HT ;
- condamnée à payer à la société Yandalux Gmbh la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamnée aux dépens de l'instance.
Par conséquent, au fond :
- Condamner la société Yandalux GmbH à l'indemniser à hauteur de 83 658,33 € HT au titre des désordres causés par son sous-traitant la société Solarcop ;
- Condamner la société Yandalux à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Yandalux aux dépens ;
- Ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir.
La société Yandalux, à qui la déclaration d' appel et les conclusions d' appel ont valablement été signifiées par acte du 20 février 2020 conformément à l'article 4 du règlement CE n°1393/2007 du Conseil de l'Union Européenne relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale, n'a pas constitué avocat.
***
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 octobre 2022.
MOTIFS
Sur la demande formée avant-dire droit tendant à la désignation d'un expert judiciaire
La société Omni Elec sollicite la désignation d'un expert pour déterminer l'imputabilité des désordres.
Aux termes de l'article 143 du code de procédure civile, les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible.
En l'espèce, l'action de la société Omni Elec tend à voir engager la responsabilité de la société Yandalux en sa qualité d'entrepreneur principal responsable des désordres causés par son sous-traitant, la société Solarcop.
La solution du litige dépend donc de l'imputabilité des désordres à la société Solarcop.
Ces désordres sont de nature différente puisqu'ils portent d'une part sur l'étanchéité et la solidité de la toiture photovoltaïque et, d'autre part, sur le sous-dimensionnement du disjoncteur et des câbles de l'installation électrique.
Si la détermination de l'imputabilité de ces désordres nécessite effectivement l'examen de l'ensemble de l'ouvrage et, notamment, de la structure d'intégration et de fixation des panneaux, du traitement de l'étanchéité, du câblage des panneaux photovoltaïques et des onduleurs, force est toutefois de constater que les travaux d'installation se sont déroulés au 1er semestre 2010, soit il y a plus de 12 ans.
La cour considère dès lors que l'ancienneté des travaux, à laquelle s'ajoutent les interventions de différents locateurs d'ouvrage sur la toiture durant cette période, font obstacle à l'organisation d'une expertise judiciaire qui aurait dû avoir lieu dans les suites de l'apparition des prétendus désordres.
Il est enfin observé que l'appelante verse aux débats de nombreuses pièces, en ce compris des constats d'huissier, devis, photographies, attestations, procès-verbaux de chantier, procès-verbaux de réception, factures, rapport de techniciens, qui sont de nature à permettre à la juridiction saisie d'appréhender les désordres, les responsabilités et les préjudices, le cas échéant.
La société Omni Elec sera par conséquent déboutée de sa demande formée de ce chef.
Sur la demande d'annulation du jugement pour défaut de motivation
Aux termes de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile, le jugement doit être motivé.
L'article 458 du même code dispose que l'obligation de motivation est prescrite à peine de nullité.
Cette obligation de motivation des décisions de justice oblige le juge à se prononcer en fonction des circonstances particulières du litige qui lui est soumis, de sorte qu'il est interdit de motiver par référence à une autre décision qui n'a pas été rendue au cours de la même instance.
En l'espèce, le tribunal de commerce a débouté la société Omni Elec de ses demandes aux motifs que, pour l'ensemble des désordres allégués, la responsabilité de la société Solarcop n'était pas avérée, que des pièces versées aux débats la qualité de maître d'oeuvre de la société Yandalux n'était pas démontrée, et que sa responsabilité au titre de la garantie décennale en application de l'article 1792 du code civil ne pouvait être engagée sur des désordres dont il n'était pas prouvé que l'origine provienne des travaux réalisés par la société Solarcop.
Si cette motivation a également, en substance, été celle que le tribunal de grande instance a retenu dans son jugement du 13 avril 2015 rendu entre la société Omni Elec et la Smabtp, l'on ne saurait en déduire que cette référence à une autre décision de justice annulerait le jugement du tribunal de commerce dès lors que cette motivation est bien propre aux circonstances particulières du présent litige.
La demande d'annulation du jugement sera par conséquent rejetée.
Sur la responsabilité de l'entrepreneur principal pour les malfaçons commises par son sous-traitant
L'entrepreneur est contractuellement tenu, vis-à-vis du maître de l'ouvrage, des fautes commises par ses sous-traitants, dès lors que celles-ci ont été démontrées. La faute du sous-traitant engage ainsi la responsabilité de l'entrepreneur principal à l'égard du maître de l'ouvrage.
En l'espèce, la société Omni Elec fait état des désordres suivants qu'il convient d'examiner successivement :
- des fuites dans la toiture photovoltaïque ;
- un sous-dimensionnement du disjoncteur et des câbles y afférents qui a rendu impossible la production d'électricité pendant deux mois ;
- une mauvaise fixation des panneaux photovoltaïques.
Sur le défaut d'étanchéité de la toiture photovoltaïque
Sur la matérialité et l'origine du désordre
Les lettres adressées par la commune à la société Omni Elec font état de nombreuses fuites qui perdurent et de plusieurs fuites dont une importante en toiture de la salle de la Soudinière.
S'agissant de la cause de ces infiltrations, la société Omni Elec soutient qu'elles proviendraient notamment de la pose des câbles de liaison entre les panneaux, Solarcop ayant fait passer ces câbles à travers les bacs en acier.
Un rapport établi par le bureau de contrôle Socotec à la demande de la mairie en juin 2010 relève à cet égard : « Nous avons noté, suite vraisemblablement à une erreur de perçage, des trous dans le bac masqués par des bandes autocollantes ; ces dispositions ne sont pas acceptables pour un ouvrage neuf ».
Le même rapport relève que « L'étanchéité des fixations est assurée par des bandes autocollantes ; ces dispositions ne sont pas acceptables car elles ne permettent pas de garantir une étanchéité satisfaisante dans le temps », et que « Il convient de noter que l'utilisation de joint à la pompe, et, la mise en œuvre de bandes autocollantes en about des faîtières, ainsi qu'au droit de la rencontre entre les 2 bandes de rive de pignon suivant versants sont encore largement utilisées. Ces dispositions ne sont pas acceptables et ne permettent pas de garantir une étanchéité satisfaisante dans le temps ».
Le rapport conclut en ces termes sur la question de l'étanchéité : « De nombreuses anomalies évoquées dans le présent rapport sont constatées au niveau du traitement de l'étanchéité des points singuliers, et des fixations. Ces dispositions ne sont pas acceptables pour un ouvrage neuf ».
Eu égard à ces éléments, la matérialité des désordres affectant l'étanchéité de la toiture est établie. S'agissant des causes de ces désordres, la cour observe qu'elles sont également identifiées par le rapport Socotec en ce que le défaut d'étanchéité provient d'une fixation défaillante.
Sur la qualification des désordres
La société Omni Elec soutient que les réserves ne portaient que sur cinq points d'étanchéité, alors que les fuites se sont généralisées par la suite, de sorte que les vices étaient cachés et que la garantie décennale est applicable.
Selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Les dommages ayant fait l'objet d'une réserve lors de la réception de l'ouvrage ne peuvent relever de la garantie décennale. Toutefois, la garantie décennale est susceptible d'être mise en œuvre dans l'hypothèse où les désordres réservés à la réception ne se sont révélés qu'ensuite dans leur ampleur et leur conséquence, constituant de fait lors de la réception, un vice caché de nature à rendre l'ouvrage, à terme plus ou moins bref, impropre à sa destination dans le délai d'épreuve décennal.
En l'espèce, les travaux effectués par la société Solarcop ont fait l'objet des réserves suivantes au mois de septembre 2010 : « Réfection de 5 points d'étanchéité et vérification des autres points de connexion panneau ' bât. jusqu'au 31 décembre 2010 ». Ces réserves n'ont jamais été levées.
Dès lors que la société Omni Elec ne rapporte pas la preuve que les infiltrations se sont révélées dans toute leur ampleur et leurs conséquences postérieurement à la réception, ces désordres ne sauraient bénéficier de la présomption de responsabilité sollicitée.
L'appelante sera par conséquent déboutée de sa demande fondée sur ce moyen.
Sur le dysfonctionnement du disjoncteur
Sur la matérialité et l'origine du désordre
La société Omni Elec soutient que la station photovoltaïque n'a pu être mise en service le 25 mai 2011 en raison de l'installation par la société Solarcop d'un disjoncteur insuffisamment puissant eu égard à l'énergie produite par les panneaux photovoltaïques.
Le sous-dimensionnement du disjoncteur a été à l'origine d'une panne de la centrale empêchant la production d'électricité et nécessitant une mise en conformité de l'équipement effectuée par l'entreprise EGI.
Il résulte des relevés ERDF pour 2011 que l'absence de production d'énergie a eu lieu pendant des mois de fort ensoleillement, à savoir :
- les derniers jours du mois de mai 2011 ;
- la totalité du mois de juin 2011 ;
- la quasi-totalité du mois de juillet 2011.
Une fois comparés aux relevés ERDF de 2012 et 2013 dûment versés aux débats, ces relevés de 2011 mettent en évidence :
- l'absence de production quasi-totale durant les derniers jours de mai 2011 ;
- l'absence totale de production pendant le mois de juin 2011 ;
- l'absence quasi-totale de production pendant le mois de juillet 2011.
Eu égard à ces éléments, la matérialité des désordres affectant le fonctionnement du disjoncteur est établie. S'agissant des causes de ces désordres, la cour observe qu'elles sont également identifiées en ce que le défaut de puissance provient d'un sous-dimensionnement du disjoncteur.
Sur la qualification des désordres
La société Omni Elec soutient que le sous-dimensionnement du disjoncteur et des câbles a rendu la station à la production d'électricité impropre à sa destination et relève dès lors de la responsabilité décennale de l'entrepreneur.
Il est de principe que le désordre affectant un équipement, même dissociable au sens de l'article 1792-3 du code civil, relève de la responsabilité décennale de l'entrepreneur s'il rend l'ouvrage impropre à sa destination.
En l'espèce, il est valablement prouvé que le sous-dimensionnement du disjoncteur et des câbles y afférents a rendu la centrale photovoltaïque impropre à sa destination de production d'énergie avant que ces éléments soient remplacés au frais de la société Omni Elec, puisqu'il a été fait échec à sa fonction essentielle de production d'électricité pendant les mois de mai, juin et juillet 2011.
Il s'ensuit que la nature décennale de ce désordre est établie et que la présomption de responsabilité de l'article 1792 du code civil est applicable.
Sur l'imputabilité du désordre lié au sous-dimensionnement à la société Solarcop
S'agissant d'une responsabilité sans faute, le constructeur, dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement, ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables. L'imputabilité, qui diffère de la notion d'origine, se rattache aux dommages affectant la partie de l'ouvrage ressortissant à la sphère d'intervention des constructeurs.
Il résulte en l'espèce de la facture adressée à l'entrepreneur principal - la société Yandalux - que la société Solarcop était en charge de l'installation de la centrale photovoltaïque à [Localité 5] pour un montant de 18 446, 90 euros.
Cette mission globale incluait les travaux électriques comme en attestent les pièces suivantes :
- le rapport de chantier de la société Solarcop en date du 10 janvier 2010 ;
- la lettre du Consuel demandant communication à la société Solarcop des 'notes de calcul pour les installations de puissance (côté courant alternatif) supérieure à 36 KVA' ;
- la facture de la société Solarcop de mars 2011 qui porte essentiellement sur l'installation électrique de la centrale.
Il s'ensuit que les désordres qui résultent du sous-dimensionnement du disjoncteur sont imputables au sous-traitant de l'entrepreneur principal, la société Solarcop.
Sur le préjudice indemnisable
Le sous-dimensionnement du disjoncteur et des câbles y afférents a eu pour conséquences :
- d'interdire toute production d'électricité pendant plusieurs mois, d'où un manque à gagner certain pour la société Omni Elec ;
- d'obliger la société Omni Elec à programmer divers travaux électriques rendus nécessaires à la suite du sous-dimensionnement du disjoncteur et des câbles y afférents ;
- d'obliger la société Omni Elec à s'adjoindre les services d'un maître d'ouvrage délégué, la société Omnipartners, pour l'organisation et la supervision du chantier de remise en état de l'installation électrique.
Il est de principe que les dommages consécutifs à un désordre décennal sont inclus dans l'obligation de réparation qui est à la charge de l'entrepreneur.
En conséquence, le préjudice de la société Omni Elec doit être chiffré comme suit :
- Coût HT de divers travaux électriques nécessités par le sous-dimensionnement du disjoncteur et des câbles y afférents, soit 7 740,53 + 1 143,44 = 8 883,97 euros HT ;
- Coût HT de la prestation du maître d'ouvrage délégué pour l'organisation et la supervision du chantier de remise en état de l'installation électrique, soit 2 500 euros.
Soit un total de 11'383,97 euros HT au titre du dysfonctionnement électrique.
La cour observe enfin que le manque à gagner ayant résulté de la non-production de la centrale, soit 38 060,15 euros, sur la base de la moyenne d'un chiffre d'affaires constaté pendant les mêmes mois en 2012 et 2013, ne saurait être indemnisé, dès lors que seule la perte de marge brute constitue un chef de préjudice indemnisable, sauf circonstances exceptionnelles ou particulières, non invoquées en l'espèce. La demande fondée sur le manque à gagner ainsi défini par la société Omni Elec sera par conséquent rejetée.
Sur la dégradation des baguettes fixant la toiture photovoltaïque
Sur la matérialité et l'origine du désordre
Il résulte des pièces versées aux débats, notamment des photographies prises par la commune de [Localité 5] au mois de mars 2014, que plusieurs baguettes fixant les panneaux les uns aux autres se sont désolidarisées de leur support.
En conséquence, les panneaux photovoltaïques concernés n'étaient plus fixés à cette date et menaçaient de glisser, constituant par endroits des 'crevasses'.
Ce désordre procédait des travaux de pose effectués par l'entreprise Solarcop en méconnaissance des règles de l'art, comme l'atteste le rapport Socotec datant de juin 2010 en ces termes :
« Mode de fixation des panneaux :
Les panneaux photovoltaïques sont fixés par l'intermédiaire d'une ossature tubulaire en aluminium parallèle aux pannes fixées sur le bac acier exclusivement (et non au droit des pannes de couverture).
Ce mode de pose direct sur le bac acier est non visé par le DTU n°40-3 relatif aux travaux de couverture en plaques nervurées issues de tôles d'aciers revêtues et relève donc d'une technique de fixations non traditionnelle ».
Dès lors que les baguettes enserrant les panneaux n'étaient pas correctement fixées à la couverture, la responsabilité de la société Solarcop, installateur des panneaux, est acquise.
Contraint de faire reprendre les baguettes pour éviter un sinistre, la société Omni Elec a fait intervenir l'entreprise Favreau qui a réalisé des travaux du 19 janvier au 10 février 2015. Dans son compte-rendu de chantier, l'entrepreneur a fait les observations suivantes concernant les fixations posées par la société Solarcop :
« - les rails alu fixés sur la couverture Tôle, supports de panneaux solaires ne sont pas continus.
- Les rails ont été posés avec des intervalles variables de 800 mm à 1 000 mm '''''' (Dans ce cas des vis à bascule INOC ont été mis en œuvre [par FAVREAU]) ;
- Des vis non appropriées ont été posées (Vis Acier ; Trop long ; Filetages incorrects, etc)
- De nombreuses Vis posées et factices '''''' (Fixées dans aucune matière) ;
- Contrôle des vis existantes, soit remplacées ou ajoutées en parallèle ;
- VIS INOX 5.5 X 38 MIS EN 'UVRE QTE 4500 U ;
- Cornières + Vis mis en œuvre au faîtage pour blocage des panneaux en parties hautes (Absence totale de fixations hautes). »
La matérialité du désordre est donc établie et ses causes sont clairement identifiées.
Sur la qualification du désordre
Selon l'article 1792 du code civil précité, les vices compromettant la solidité de l'ouvrage engagent la responsabilité décennale du constructeur.
En outre, cette présomption de responsabilité s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert, c'est-à-dire lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage.
En l'espèce, la dégradation des baguettes de fixation entraînait la désolidarisation de certains panneaux photovoltaïques, qui n'étaient plus assujettis et risquaient par conséquent de glisser. Outre que cette dégradation des baguettes de fixation compromettait la solidité de l'ouvrage, elle ne pouvait qu'aggraver les problèmes d'étanchéité déjà mentionnés.
Le désordre relève donc de la responsabilité décennale.
Sur l'imputabilité des désordres liés aux fixations à la société Solarcop
Il résulte de la facture adressée à l'entrepreneur principal - la société Yandalux - que la société Solarcop était en charge de l'installation de la centrale photovoltaïque à [Localité 5] pour un montant de 18 446, 90 euros.
De même, le procès-verbal de réception 'monteur' signé par la société Solarcop établit que le sous-traitant était en charge de la pose et de la fixation des panneaux photovoltaïques.
Il s'ensuit par conséquent que les désordres qui résultent de la fixation des panneaux sont imputables au sous-traitant, la société Solarcop.
Sur le préjudice indemnisable
Il ressort de la facture et de la preuve de son paiement que le coût de reprise des baguettes de fixation a été facturé 12 784,21 euros HT, soit 15 341,05 euros TTC, par l'entreprise Favreau.
En conséquence de l'engagement de la responsabilité de son sous-traitant, la société Yandalux sera donc condamnée à verser à la société Omni Elec la somme de 12 784,21 euros au titre de la désolidarisation des panneaux.
Sur l'indemnisation finale due par la société Yandalux à la société Omni Elec en réparation des préjudices subis
Il résulte de ce qui précède que la société Yandalux, en sa qualité d'entrepreneur principal responsable des désordres causés par son sous-traitant, la société Solarcop, sera condamnée au versement à la société Omni Elec, de la somme totale de 24'168,18 euros HT (11'383,97 + 12 784,21).
Sur les demandes accessoires
Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Yandalux, partie perdante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d' appel , ainsi qu'à payer à la société Omni Elec la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour ,
Déboute la société Omni Elec de sa demande d'expertise judiciaire ;
Déboute la société Omni Elec de sa demande d'annulation du jugement ;
Infirme le jugement ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- condamne la société Yandalux à payer à la société Omni Elec la somme de 24'168,18 euros au titre de son préjudice ;
- condamne la société Yandalux aux dépens de première instance et d' appel et à payer à la société Omni Elec la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.