CA Montpellier, 2e ch., 16 décembre 2008, n° 07/07912
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Jacar (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bachasson
Conseillers :
Mme Plantard, Mme Debuissy
Avoués :
SCP Argellies - Watremet, Me Rouquette
Avocats :
Me Hazan, Me Causse
La société Jacar a été créée le 27 novembre 1997 entre Philippe C. et son épouse Dominique T., Philippe J. et son épouse, Claudine T., pour exploiter un fonds de commerce de débit de boissons à Béziers. La mésentente s'est installée entre les associés, qui a conduit Philippe C. à saisir la juridiction des Prud'hommes d'une demande de paiement de salaires dont il a été débouté par arrêt confirmatif de la cour du 5 novembre 2008, et a conduit la société Jacar à déposer plainte le 27 novembre 2007 contre Philippe C. pour détournement de fonds.
Les époux C. ont invoqué avoir une créance en compte courant et ils ont mis en demeure la société Jacar d'avoir notamment, à régler son montant, par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 février 2007, restée infructueuse. Par acte du 5 mars 2007, ils ont assigné la société en paiement des sommes de 10 607,44 euros à Philippe C., et celle de 10 608,41 euros à Dominique T., son épouse.
Par jugement du 3 décembre 2007, le tribunal de commerce de Béziers a fait droit à cette demande, en assortissant la condamnation des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation, et de l'exécution provisoire, et a débouté la société Jacar de ses demandes de délais ; il a condamné la société Jacar à payer la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Jacar a relevé appel de cette décision et a conclu à :
- la nullité du jugement
- au débouté des époux C.
- au report à deux ans du paiement des sommes dues aux époux C., à compter de la décision à intervenir, de dire que les échéances reportées porteront intérêts à taux réduit et que les intérêts s'imputeront d'abord sur le capital
- subsidiairement, à l'échelonnement du paiement des sommes dues, sur deux ans à compter de la décision à intervenir, et dire que les échéances reportées porteront intérêts à taux réduit et que les intérêts s'imputeront d'abord sur le capital
- la condamnation des époux C. à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les époux C. ont demandé la confirmation du jugement et la condamnation de la société Jacar à leur payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR QUOI
La société Jacar demande la nullité du jugement en vertu de l'article 458 du code de procédure civile, en faisant valoir que l'audience du 3 décembre 2007 à laquelle il a été rendu, ne s'est pas tenue, que les parties n'ont pas été avisées que le jugement serait mis à disposition, et que dans ces conditions il aurait dû être lu publiquement.
Elle verse au débat une motion du tribunal de commerce motivée par le projet de réforme de la carte judiciaire, selon laquelle, l'audience du lundi 3 décembre 2007 sera reportée au 21 janvier 2008 par suite de la décision de l'assemblée générale du tribunal de commerce de suspendre les audiences du contentieux général. Cette motion signifie que les dossiers fixés à l'audience du 3 janvier 2007 ne seront pas plaidés, mais elle n'exclut pas la tenue d'une audience pour assurer le renvoi et prononcer les jugements mis en délibéré à cette date.
La société Jacar soutient encore que la composition du tribunal lors du délibéré n'est pas mentionnée, en violation des articles 447 et 458 du code de procédure civile. Toutefois, il résulte du chapeau du jugement que le tribunal était composé à l'audience du 3 décembre 2007, de D. P., président, et de C. S. et de G. F., en qualité d’assesseurs ; que lors de l'audience du 5 novembre 2007, il était composé de M. P. comme président, et de Mrs D. et L., comme juges. Ces mentions sont claires même si elles ne sont pas présentées sous la forme habituellement utilisée par les tribunaux judiciaires, et excluent toute interprétation, ou déduction.
Le moyen de nullité soulevé est mal fondé et doit être rejeté.
Sur le fond, la société Jacar ne conteste pas la possibilité pour les associés de demander le remboursement de leurs comptes courants d'associés, mais elle soutient que la fragilité de la situation économique de la société, l'atteinte portée à l'affectio societatis et l'intention de nuire des époux C. font obstacle à la demande de paiement immédiat.
Le remboursement immédiat de son compte courant est un droit pour l'associé. La situation financière difficile de la société n'est pas de nature à y faire échec, mais elle peut justifier des mesures d'aménagement du paiement. En l'occurrence, la société a réalisé pour l'exercice 2007-2008, un chiffre d'affaires net de 12 677 euros, à peu près équivalent à celui de l'exercice précédent, et a enregistré une perte de 4 563 euros, supérieure à celle de l'exercice précédent qui était de 2 866 euros. Cette situation pour le moins fragile, peut s'améliorer par le projet d'aménagement d'une zone commerciale à proximité, susceptible de pouvoir favoriser la reprise de l'activité. En tout cas, elle justifie la demande de délais, et non pas de report du paiement à deux années, afin que la société puisse profiter de ce changement sans doute bénéfique, pour pouvoir faire face à son obligation de rembourser les comptes courants d’associés. En revanche, la société Jacar ne justifie pas de l'atteinte à l'affectio societatis par le fait de cette demande, ni de l'intention de nuire des demandeurs qui ont procédé à des actions pour faire valoir leurs droits, sans que pour autant il puisse en être déduit une intention de nuire.
La décision déférée qui a refusé d'accorder des délais de paiement sera réformée sur ce point. La société Jacar n'obtient gain de cause qu'en partie, de sorte qu'elle doit supporter à sa charge la moitié des dépens. L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour
Dit n'y avoir lieu à annulation du jugement.
Réforme la décision déférée du chef de la disposition déboutant la société Jacar de sa demande de délais, et statuant à nouveau :
Dit que la société Jacar pourra se libérer, à l'égard de chacun des époux, par échéances mensuelles égales pendant une période de deux années, la première échéance devant intervenir le 10 du mois suivant la signification, et se poursuivre jusqu'à complet paiement, dans la limite de deux ans.
Dit qu'à défaut de paiement de paiement d'une seule échéance, à l'égard d'un époux ou des deux époux, la totalité des sommes dues deviendra exigible.
Confirme pour le surplus.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Fait masse des dépens, et dit que la société Jacar d'une part, et les époux C. d'autre part, supporteront chacun la moitié des dépens, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.