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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 20 janvier 2022, n° 20/04801

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mollat

Conseillers :

Mme Rohart, Mme Coricon

Avocats :

Me Ingold, Me Cahn, Me Alho Antunes, Me Guerre, Me Lissowski

TJ Paris, du 2 mars 2020, n° 16/15250

2 mars 2020

Exposé des faits

Exposé des faits et de la procédure

La société GECI AVIATION était une filiale de la société GECI INTERNATIONAL (qui en détenait 87% des parts) dont le PDG est Monsieur B

Elle était côtée sur le marché Alternext de New York et Euronext Paris.

Monsieur O A était PDG de la société GECI AVIATION.

Au sein de la société GECI INTERNATIONAL, la société GECI AVIATION était chargée de la mise en oeuvre deux programmes de construction d'aeronef par le biais de ses deux filiales dont elle détenait 100% des parts: la société Reims Aviation Industries s'agissant de l'avion F-406 et la société Sky Aircraft s'agissant de l'avion Skylander.

La cotation des actions de la société GECI AVIATION a été suspendue à la demande de la société GECI INTERNATIONAL le 7 juin 2012.

Par jugement du 4.10.2012 une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société SKY AIRCRAFT par le tribunal de commerce de BRIEY convertie en liquidation judiciaire par jugement du 16.04.2013.

Par jugement du 10.09.2013 le tribunal de commerce de REIMS a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société REIMS AVIATION INDUSTRIES qui a abouti à un plan de cession de ses actifs par jugement du 24.03.2014 et à la conversion subséquente du redressement judiciaire en liquidation judiciaire sans poursuite d'activité.

Par jugement du 26.02.2014 le tribunal de commerce de BRIEY a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société GECI AVIATION convertie en liquidation judiciaire par jugement du 17.04.2014 suite au plan de cession des actifs de la société REIMS AVIATION INDUSTRIES.

Par actes d'huissier délivrée le 11.10.2016 5 actionnaires, Monsieur I D, Monsieur et Madame C et X J F, Monsieur N F, Monsieur G J ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de PARIS Monsieur O A en sa qualité de dirigeant de la société GECI AVIATION.

Monsieur L autre actionnaire, est intervenu volontairement à la procédure par conclusions d'intervention volontaire du 20.03.2018.

Par jugement en date du 2.03.2020 le tribunal judiciaire a:

- déclaré recevable l'intervention volontaire de Monsieur L

- rejeté les moyens de défense tirés du défaut de fondement juridique et de la prescription de l'action à l'égard de Monsieur O A

- condamné Monsieur A à payer en indemnisation de la perte d'une chance résultant pour les actionnnaires de la diffusion d'informations inexactes, imprécises, ou trompeuses par la société GECI AVIATION dont il était le dirigeant:

* à Monsieur E la somme de 8700 euros

* à Monsieur C F et Madame X J la somme de 2500 euros

* à Madame X J épouse F la somme de 5000 euros

* à Monsieur C F la somme de 600 euros

* à Monsieur P F la somme de 362,50 euros

* à Monsieur G J la somme de 1950 euros

* à Monsieur M L la somme de 5000 euros

- dit que les sommes qui précèdent porteront intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement

- rejeté la demande formée par Monsieur O A au titre du préjudice d'image

- condamné Monsieur O A à payer à chacun des 6 demandeurs de la cause la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné Monsieur O A aux dépens

- ordonné l'exécution provisoire.

Le tribunal a:

- retenu que la critique tirée de fondements juridiques erronés, s'agissant d'une action introduite au visa des articles L 465-1 du code monétaire et financier et de l'article L 632-1 du règlement de l'AMF qui n'étaient plus en vigueur à la date de l'assignation, alors que ces dispositions étaient cités en sus de l'article 1382 devenu 1240 du code civil et L 225-252 du code de commerce, n'était pas opérante, le défendeur ayant pu identifier la nature et l'objet de l'action engagée à son encontre

- rejeté le moyen tiré de la prescription en retenant la date de liquidation judiciaire de la société GECI AVIATION comme point de départ de l'action en responsabilité contre le directeur général qui se prescrit en trois ans, seule la liquidation judiciaire ayant permis aux actionnaires de constater le caractère dont ils soutiennent qu'il était inexact, des informations diffusées entre 2009 et 2012 par Monsieur A

- rejeté l'existence d'informations fausses et trompeuses concernant le programme de financement de l'avion Skylander

- retenu l'existence d'informations fausses et trompeuses concernant le carnet de commandes se rapportant à cet aéronef

- rejeté l'existence d'informations fausses et trompeuses concernant les capacités de production

- rejeté l'existence d'informations fausses et trompeuses concernant les perspectives et objectifs de production

- retenu l'existence d'informations fausses et trompeuses concernant la date de livraison des premiers avions Skylander

- retenu l'existence d'informations fausses et trompeuses concernant les cadences de production et le carnet de commandes de l'avion F-406.

Le tribunal a évalué le préjudice en retenant la perte de chance pour les actionnaires d'avoir pu prendre une décision sur la base d'informations exactes, le préjudice subi consistant en la conservation d'actions aux perspectives prometteuses surévaluées et a donc retenu pour le calculer le cours de l'action au début de l'année 2018.

Enfin le tribunal a rejeté la demande de Monsieur A au titre du préjudice à l'image en retenant que les agissements des actionnaires qui se sont exprimés par voie de presse et par le biais de courriers à l'AMF et qui ont cherché à se réunir en vue d'une action en justice ne présentaient pas de caractère fautif en soi.

Monsieur A a formé appel de la décision le 6.03.2020.

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 13.10.2021, il demande à la cour:

- à titre principal de juger comme prescrite l'action en responsabilité des intimés,

- ou à titre subsidiaire de juger que la société GECI AVIATION et son PDG n'ont pas diffusé d'informations fausses et/ou trompeuses concernant le programme de financement de l'avion Skylander, le carnet de commandes se rapportant à cet aéronef, les capacités de production les perspectives et objectifs de production, la date de livraison des premiers avions Skylander et le carnet de commandes de l'avion F-406

- de juger que la société GECI AVIATION et son PDG ont toujours respecté les exigences de la règlementation boursière, notamment de précision, exactitude et sincérité de l'information diffusée relativement au programme SKYLANDER et ou au F-406

- de juger que les intimés n'établissent pas de faute, ni de préjudice, ni de lien de causalité

- de juger que les intimés n'établissent pas non plus qu'ils auraient acquis ou conservé leurs actions au vu des communications litigieuses, ni qu'ils ont été privés de l'opportunité de mieux investir leur argent

- en tout état de cause de juger que les intimés sont responsables d'un préjudice d'image causé à la société GECI INTERNATIONAL et Monsieur Serge BITBOUL en conséquence

- d'infirmer le jugement dont appel et statuant à nouveau:

- à titre liminiaire, de prononcer l'irrecevabilité de toutes les demandes formulées à son encontre sur le fondement de la prescription

- de débouter les intimés de leurs demandes de production forcée de pièces

- sur le fond

- à titre principal

- de débouter les intimés de leur appel incident et de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions

- de condamner solidairement entre eux les intimés à lui rembourser l'intégralité des sommes qui leur ont été versées par lui en vertu de l'exécution provisoire

- de les condamner solidairement à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour indemniser le préjudice d'image et de réputation de Monsieur O A

- à titre subsidiaire si une quelconque faute, préjudice ou lien de causalité étaient retenus dans la communication liée au programme SKYLANDER ou au F-406 d'infirmer le jugement dont appel en ce que les montants de dommages et intérêts octroyés en première instance sont excessifs s'agissant de l'indemnisation d'une perte de chance, et de diminuer ces derniers à de plus justes montants,

- en tout état de cause de condamner solidairement les intimés à régler à Monsieur O A une somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 et de condamner les intimés aux dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 19.10.2021 les intimés demandent à la cour:

sur la demande de production forcée de pièces:

- d'enjoindre Monsieur O A à transmettre aux intimés le Memorendum of understanding conclu entre GECI AVIATION et AVIAMIST le 30.11.2011

- d'enjoindre Monsieur O A à transmettre aux intimés le dossier d'agrément du Skylander et approuvé par l'EASA sur lequel figure le temps prévu pour obtenir la certification du skylander sur la diffusion d'une information fausse et trompeuse par GECI AVIATION:

- sur la confirmation du premier jugement:

- de constater qu'entre 2009 et 2012 GECI AVIATION a diffusé des informations fausses et trompeuses concernant le carnet de commande du Skylander, la date de livraison du premier Skylander, le carnet de commande du F-406

- de dire et juger que GECI AVIATION a manqué aux exigences d'exactitude et de sincérité sur les informations transmises

- en conséquence de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a donné droit aux prétentions des intimés

- sur l'infirmation du premier jugement:

- de constater qu'entre 2009 et 2012 GECI Y a diffusé des informations fausses et trompeuses concernant le programme de financement u SKYLANDER, les capacités et objectifs de production du SKYLANDER

- de dire et juger que GECI AVIATION a manqué aux exigences d'exactitude et de sincérité sur les informations transmises;

- en conséquence d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les intimés de leurs demandes;

sur le préjudice subi par les intimés:

- de constater que les intimés ont acquis ou conservé leurs actions GECI AVIATION au vu de ces informations fausses et trompeuses diffusées par l'émetteur

- de dire et juger que les intimés ont subi un préjudice personnel financier en ce que les informations fausses et trompeuses les ont privées de l'opportunité de réorienter leur investissement

- en conséquence de confimer le jugement dont appel en ce qu'il a donné droit aux prétentions des intimés sur la réalité de leur préjudice sur la responsabilité de Monsieur A:

- de constater que l'action en responsabilité à l'encontre de Monsieur A n'est pas prescrite

- de dire et juger que Monsieur Z en tant que PDG de GECI AVIATION à l'époque des faits était responsable de la diffusion d'une information inexacte, imprécise et trompeuse par l'émetteur,

- par conséquent:

- de dire et juger Monsieur A responsable du préjudice financier subi par les intimés

- par conséquent:

- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré Monsieur A responsable du préjudice financier subi par les intimés

- sur l'appel incident relatif au quantum de la condamnation d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déterminé un montant de réparation fixé à 0,25 euros par action détenue par les intimés

- et statuant à nouveau:

- de condamner Monsieur O A à payer:

- à Monsieur D une somme de 48.024 euros

- à Monsieur et Madame F une somme de 7500 euros

- à Madame F une simme de 19.200 euros

- à Monsieur F une somme de 2460 euros

- à Monsieur P F une somme de 1290,50 euros

- à Monsieur G J une somme de 7488 euros

- à Monsieur L une smme de 23.000 euros

- sur la demande reconventionnelle de l'appelant, de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté les prétentions de l'appelant tendant à faire condamner les intimés pour préjudice d'image

- en tout état de cause de condamner l'appelant à réparer les préjudices financiers subis par les intimés

- et vu les articles 695 et suivants du code de procédure civile de condamner l'appelant aux dépens et à leur verser à chacun une somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la compétence

Monsieur A soutient que le juge de première instance n'était matériellement pas compétent pour connaitre du présent litige qui relevait du tribunal de commerce.

La cour constate cependant que Monsieur A ne tire aucune conséquence juridique de l'argument soulevé qui est donc inopérant.

Sur la prescription

Les intimés ont engagé leur action par acte d'assignation en date du 11.10.2016 à l'encontre de Monsieur A, la société GECI Aviation ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 17.04.2014.

L'action en responsabilité contre le dirigeant d'entreprise se prescrit par trois ans aux termes de l'article L 225-254 du code de commerce, à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation.

Le tribunal judiciaire a écarté la prescription de l'action engagée en retenant que le point de départ de la prescription était le jour du prononcé de la liquidation judiciaire de la société GECI AVIATION le 17.04.2014.

Monsieur A conteste ce point de départ exposant que les communiqués diffusées entre 2009 et 2012 étaient publics, que les intimés avaient connaissance dès avant le 11.10.2013 de l'intégralité des prétendues fautes arguées puisque à cette date toutes les filiales avaient fait l'objet de procédures collectives et la totalité des actifs du pôle aviation avaient été dépréciés dans les comptes de la société GECI AVIATION qui est une holding sans activité, que la date de liquidation judiciaire de la société GECI AVIATION n'est donc pas pertinente puisque l'abandon du programme est intervenu à compter du placement en liquidation judiciaire de la société SKYAIRCRAFT annoncé le 16.04.2013, qu'en outre le 27.09.2013 les sociétés GECI AVIATION et GECI AVIATION annoncaient chacune la dépréciation de la totalité des actifs du pôle aviation dans leurs comptes annuels.

Il conclut qu'il n'est pas démontré que la liquidation judiciaire de la société GECI AVIATION aurait été le révélateur d'une quelconque inexactitude des informations diffusées.

Les intimés soutiennent l'absence de prescription exposant que les faits dommageables ont été dissimulés et ne sont révélés que lors de la liquidation judiciaire de la société GECI AVIATION le 17.04.2014, ou à tout le moins à la date de publication des comptes de l'exercice 2012/2013 soit le 30.11.2013.

Motifs

SUR CE:

Il y a lieu de rappeler que la société GECI AVIATION est une société holding n'ayant pas d'activité industrielle qui regroupe deux filiales développant chacune un programme de construction et commercialisation d'un aeronef: la société REIMS AVIATION INDUSTRIES s'agissant du F-406 et la société SKY AIRCRAFT s'agissant du SKYLANDER.

La société GECI AVIATION est elle même une filiale de la société GECI INTERNATIONAL comme rappelée dans tous les communiqués de presse.

Le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle les actionnaires ont pu avoir connaissance de la fausseté, telle que soutenue par eux, des informations indiquées dans les différents communiqués de presse qui ont été émis par la société GECI AVIATION.

Les demandeurs à l'action en responsabilité ont fondé leur action en responsabilité à l'encontre de Monsieur A sur 6 séries d'allégations fausses contenues dans les communiqués s'agissant: du programme de financement du SKYLANDER, du carnet de commande du SKYLANDER, des capacités de production du SKYLANDER , des perspectives et objectifs de production du SKYLANDER, de la date prévue pour la livraison du SKYLANDER et enfin du carnet de commandes du F-406.

Or, après la suspension des cotations tant de la société GECI INTERNATIONAL que de la société GECI AVIATION le 7.06.2012, suspension qui a fait l'objet d'un communiqué de presse du même jour, la société GECI AVIATION informait par communiqués de presse:

- en date du 4.10.2021 du placement en redressement judiciaire de la société SKY AIRCRAFT par jugement du même jour,

- en date du 16.04.2013 du prononcé de la liquidation judiciaire de la société SKY AIRCRAFT par jugement du même jour.

Le communiqué du 16.04.2013 indique précisément que 'la société Sky Aircraft n'ayant pas réussi à réunir l'ensemble des financements nécessaires au programme SKYLANDER, le président du tribunal de commerce de Briey a décidé de cesser l'activité de la société'.

A la date du 16.04.2013 les actionnaires ont donc eu la possibilité de constater le caractère inexact des informations diffusées entre 2009 et 2012 par la société GECI AVIATION concernant le programme de construction, de financement, de commercialisation et de production de l'avion SKYLANDER puisque la société qui portait la réalisation de ce programme a fait l'objet d'une liquidation judiciaire sans poursuite d'activité et sans cession d'activité, démontrant l'absence de viabilité du programme de construction de l'avion SKYLANDER.

De telle sorte qu'il convient de retenir la date du 16.04.2013 comme point de départ de la prescription concernant la responsabilité du dirigeant s'agissant des informations relatives au programme SKYLANDER diffusées par le biais des communiqués de presse émis.

L'instance ayant été engagée le 11.10.2016 était donc prescrite au jour de l'assignation concernant le programme SKYLANDER.

Les demandeurs, intimés dans la présence instance, ont par ailleurs soulevé également la fausseté des informations concernant le carnet de commandes du F-406.

S'agissant de cet avion produit par la société REIMS AVIATION INDUSTRIES le placement en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire de la société SKY AIRCRAFT ne signifiait pas forcément que les informations communiquées concernant l'autre filiale développant un autre programme aéronautique était fausse et en conséquence la mise en redressement puis en liquidation judiciaire de la société SKY AIR CRAFT ne saurait être retenue comme point de départ.

La société REIMS AVIATION INDUSTRIE a été placée en redressement judiciaire le 10.09.2013 mais pour autant cette information n'était pas de nature à laisser penser à la fausseté du carnet de commande de la société concernant le F-406.

Dans un communiqué du 27.09.2013 GECI AVIATION (pièce 59 de l'appelant) concernant les comptes de l'exercice 2011/2012 indique:

Activité 2011/2012

Le pôle aviation a réalisé un chiffre d'affaure de 6,2 millions d'euros contre 7,3 millions réalisé la même période de l'exercice précédent.

Il a été entièrement réalisé par la filiale Reims Aviation Industries à hauteur de 57% pour les activités de service et de 43% pour les ventes d'avions neufs.

(...)

Le chiffre d'affaires 'vente d'avions' est réalisé sur l'avion F 406 n°SN98 de mission commandé en novembre dernier par un client européen, la production de cet avion progresse régulièrement la livraison est prévue au cours de l'exercice 2013-2014.

La société Reims Aviation Industries a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Reims en date du 10.09.2013. Une période d d'observation de 6 mois a été ouverte. En effet la société fait face à des difficultés de trésorerie liées au retard pris dans la livraison du SN 98 et au retard d'encaissement de certaines prestations. Le groupe GECI AVIATION est toujours à la recherche d'un repreneur pour Reims Aviation Industries.(souligné par la cour) Les administrateurs judiciaires avec le concours de GECI AVIATION sont à la recherche de toute solution permettant de conserver cette entreprise dans son implantation locale.

Cependant malgré la cession envisagée et annoncée dans ce communiqué du 27.09.2013 des activités de la société REIMS AVIATION INDUSTRIES par la recherche d'un repreneur, seules la réalisation effective de cette cession et la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire par jugement du 25.03.2014 ainsi que la liquidation judiciaire, en suivant, de la société GECI AVIATION par jugement du 17.04.2014, (cession et liquidations qui ont fait l'objet d'un communiqué en date du 28.04.2014) ont permis aux actionnaires de GECI AVIATION de prendre conscience du caractère éventuellement inexact des informations diffusées entre 2009 et 2012 concernant le carnet de commandes du F-406.

En effet la recherche d'un repreneur ne signifiait pas que les informations concernant le carnet de commande et la chaine de production qui avaient fait l'objet de communiqués de presse étaient sinon fausses tout du moins exagérées mais pouvait signifier, comme l'indique le communiqué du 27.09.2013, que la société, malgré ses réussites industrielles et commerciales, rencontrait des difficultés ne lui permettant pas de poursuivre son activité.

Il y a donc lieu de retenir comme point de départ de la prescription la date du communiqué de presse du 28.04.2014.

A ce titre l'action en responsabilité engagée à l'encontre de Monsieur A, par Monsieur et Madame C et X J F, Monsieur N F, Monsieur G J fondée sur la diffusion de fausses informations concernant le carnet de commandes du F-406, par assignation du 11.102016, n'est pas prescrite.

Par contre l'action de Monsieur L engagée par conclusions d'intervention volontaire du 20.03.2018, soit plus de trois ans après le point de départ du délai de prescription est prescrite dans la mesure où l'introduction d'une instance en justice n'interrompt la prescription qu'à l'égard de celui qui agi.

Sur le carnet de commandes du F-406

Sur le fondement juridique de l'action engagée

L'article L 225-252 du code de commerce (dans sa rédaction applicable au présent litige) dispose qu' outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit par une association répondant aux conditions fixées à l'article L 225-120, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société, à laquelle, le cas échéant, les dommages intérêts sont alloués.

L'article 223-1 du règlement général de l'Autorité des Marchés Financiers dispose que l'information donnée au public par l'émetteur doit être exacte, précise et sincère.

L'article L632-1 du même règlement, dans sa version en vigueur du 1.04.2009 au 14.06.2014 1er alinéa, dispose que toute personne doit d'abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers, y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait du savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses.

Les parties s'accordent sur l'application de l'article 12 c du règlement européen 596/2014 du 16.04.2014 quand bien même il serait postérieur aux faits litigieux, aux dispositions du règlement national de l'AMF.

L'article 12 du réglement européen 596/2014 du 16.04.2014 dispose:

1° aux fins du présent règlement, la notion de 'manipulation de marché' couvre les activités suivantes:

a) (...) b) (...) c) diffuser des informations, que ce soit par l'intermédiaire des médias, dont l'internet, ou par tout autre moyen, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l'offre, la demande ou le cours d'un instrument financier, d'un contrat au comptant sur matières premières qui lui est lié ou d'un produit mis aux enchères sur la base des quotas d'émission, ou fixent ou sont susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d'un ou de plusieurs instruments financiers, d'un contrat au comptant sur matières premières qui leur est lié ou d'un produit mis aux enchères sur la base des quotas d'émission, y compris le fait de répandre des rumeurs, alors que la personne ayant procédé à une telle diffusion savait ou aurait dû savoir que ces informations étaient fausses ou trompeuses;

Il en résulte que, pour engager la responsabilité du dirigeant,

- l'information diffusée doit être fausse ou trompeuse

- elle a du être susceptible de permettre la fixation à un niveau anormal ou artificiel le cours d'un ou plusieurs instruments financiers, en l'espèce le cours de l'action de la société GECI AVIATION,

- la fausseté ou le caractère trompeur de l'information doit avoir été connu de l'émetteur de l'information dont la responsabilité est engagée sur les communiqués sur la rédaction des communiqués

Monsieur A expose que les communiqués de presse étaient préparés en liaison avec la société CEIS qui accompagnait le groupe concernant le développement du programme Skylander.

La cour constate qu'il ressort des dires même de Monsieur A que cet accompagnement ne concernait pas le programme F-406 de telle sorte que Monsieur A ne peut valablement soutenir que les informations, comme il le soutient, étaient vérifiées par des organes extérieurs de la société pour dégager toute responsabilité concernant le contenu des communiqués de presse.

sur la teneur des communiqués

Monsieur A soutient l'absence de réunion des conditions permettant d'engager sa responsabilité en faisant valoir que le jugement n'a pas caractérisé en quoi les informations imprécises étaient fausses ou trompeuses, en quoi elles avaient permis de fixer ou était susceptible de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours de l'action et enfin la connaissance avérée ou supposée du caractère faux ou trompeur des informations de la part de l'émetteur.

Plus particulièrement s'agissant du carnet de commande il expose que le tribunal s'est uniquement basé sur la question de la précision de l'information et n'a pas caractérisé les autres conditions.

Il expose que les communiqués de presse, qui ne peuvent être exhaustifs, étaient clairs et en particulier faisait réference à des notions qui avaient été portées à la connaissance des actionnaires s'agissant de la différence entre un protocole d'accord concernant une vente et une vente définitive par la documentation de référence dont ils avaient connaissance, que les chiffres annoncées ne présentaient aucun caractère inexact, imprécis ou trompeur.

Les intimés exposent concernant l'information relative au carnet de commandes de GECI AVIATION que dans un communiqué du 11.08.2009 REIMS AVIATION affirmait avoir engrangé 8 commandes fermes pour le F 406 et que l'utilisation de ces termes ne laissait aucun doute sur la réalité des commandes, qu'ensuite elle a indiqué avoir des prospects, être en cours de négociation et avoir signé des protocoles d'accord avec diverses sociétés, puis annoncait un planning de livraison à compter de fin décembre 2011 d'un avion par trimestre, puis communiquait sur la croissance de son carnet de commande et sur son chiffre d'affaire en indiquant que les avions F-406 étaient en production et livrables.

Ils font valoir que le 21.10.2010 GECI AVIATION était condamné par l'AMF pour diffusion d'informations trompeuses au marché, puis poursuivait ses annonces autour de l'augmentation des commandes, devant assurer la rentabilité et la perennité de la société, qu'au vu de ces informations les actionnnaires n'avaient aucune raison de douter de la fiabilité économique et financière de la société.

Ils soulignent qu'en définitive un seul F-406 a été construit entre 2008 et 2012 et aucun SKYLANDER.

Ils reprennent chaque communiqué pour démontrer son caractère frauduleux soulignant en particulier:

- qu'il n'y a jamais eu de commandes fermes, et qu'en incorporant de simples avant contrats à un chiffre d'affaires GECI AVIATION a semé la confusion dans l'esprit des investisseurs

- que la communication globale de GECI AVIATION sur son carnet de commande est trompeuse, qu'en effet tous les communiqués sont construits sur la même structure: annonce d'un pré accord (non suivie d'une signature concluant la vente) et anticipation sur les conséquences de la vente (malgré l'absence de la signature du contrat de vente), que GECI AVIATION n'a jamais rectifié sa communication ultérieure allant dans ce sens pour indiquer que les avant contrats n'avaient débouché sur aucune vente, ce qui a instillé le doute dans l'esprit des actionnaires tenant pour acquis les annonces liées aux pré accords,

- qu'il s'agit d'informations trompeuses, susceptibles de fixer à un cours anormal le cours de GECI AVIATION,

- que le caractère trompeur desdites informations étaient connu des dirigeants.

SUR CE:

La société REIMS AVIATION INDUSTRIE est une filiale de la société GECI AVIATION.

Dans les faits l'opération en capital s'est structurée de la façon suivante:

GECI INTERNATIONAL a souscrit à la totalité de l'augmentation de capital qui lui était réservé à la suite de l'AG du 8.09.2008 et est donc devenue actionnaire à hauteur de 59,1% de la société REIMS AVIATION INDUSTRIES.

La société REIMS AVIATION a changé de nom pour devenir GECI AVIATION lors de l'AG du 9.03.2010.

La société GECI AVIATION lors de l'AG du 26.03.2010 a apporté à une nouvelle filiale à 100% dénommée REIMS AVIATION INDUSTRIES la branche complète et autonome d'activité du F406.

Il en résulte donc que la nouvelle société REIMS AVIATION INDUSTRIES est la société continuant l'activité exercée par l'ancienne société REIMS AVIATION INDUSTRIES avant son changement de dénomination en GECI AVIATION.

A ce titre cette société pouvait avancer une expérience certaine dans la construction du F-406, puisque par communiqué du 15.03.2011 GECI AVIATION indique que le F-406 sorti des chaines de production est le 97ème construit et le 1er entièrement produit par GECI AVIATION (pièce 20 des intimés), ce qui était de nature à laisser penser aux actionnaires que REIMS AVIATION INDUSTRIES était une société solide et pérenne solidement implantée sur le marché du petit avion de surveillance et ayant réussi à développer son activité de vente d'avions.

Il y a lieu de préciser que la condamnation le 21.10.2010 par l'AMF de GECI AVIATION pour diffusion d'informations trompeuses, à laquelle font référence les intimés, concerne une période antérieure à l'entrée au capital de la société de GECI INTERNATIONAL et ne concerne donc pas Monsieur A mais les dirigeants en poste avant lui dont il a pris la suite. Cette condamnation ne peut donc lui être reprochée comme démontrant l'existence de diffusion de fausses informations de sa part.

Il ressort des communiqués établis entre 2009 et 2011 concernant la production du F-406 qu'un seul communiqué est en relation avec la livraison d'un avion s'agissant du communiqué de presse du 15.03.2011 (pièce 20 des intimés) qui informe du premier vol du F406 n°97, avion commandé par le ministère de la défense tunisien.

Le communiqué du 27.09.2013 qui informe sur les comptes 2011/2012 et les difficultés rencontrées par la société, indique pour sa part que la société fait face à des difficultés de trésorerie liées au retard pris dans la livraison du SN 98.

Entre la souscription à l'augmentation du capital en 2008 qui a permis à GECI INTERNATIONAL de devenir l'actionnaire majoritaire de REIMS AVIATION INDUSTRIES devenue ensuite GECI AVIATION et la liquidation judiciaire de GECI AVIATION le 17.04.2014 seuls deux communiqués font donc état de la construction de F-406 s'agissant des deux communiqués sus indiqués. Et il ressort de ces deux communiqués que seuls 2 avions ont été construits.

Or il y a lieu de rappeler les différents communiqués de presse diffusés de 2009 à 2012 faisant état de ventes du F-406, pour un nombre plus important, s'agissant:

- du communiqué du 1.07.2009 émis à la fois par REIMS AVIATION et par GECI INTERNATIONAL (pièce 4 des intimés) aux termes duquel il est indiqué: Le salon du Bourget 2009 terminé le 21 juin dernier a été un grand succès, avec notamment l'annonce de la prise de commandes fermes de 6 avions F406- NG (souligné en gras par la cour)

- du communiqué du 11.08.2009 émis à la fois par REIMS AVIATION et par GECI INTERNATIONAL (pièce 5 des intimés) et qu'il n'y a pas lieu d'écarter comme l'a fait le tribunal puisque faisant partie de la communication de REIMS AVIATION dont le nom sera modifié en GECI AVIATION en 2010, aux termes duquel il est indiqué: Un effort commercial sans précédent a été mené depuis le début de l'année, et qui aboutit au salon du Bourget par une série de commandes fermes d'avions F406. Ainsi Reims Aviation a engrangé 8 commandes fermes et options pour son avion F 406 (souligné en gras par la cour):

- 1 commande ferme pour 1 avion de cartographie pour le ministère de la défense tunisien en coopération avec IGN France International, filiale ingénierie de l'Institut Géographique National. Cet avion doit être livré début 2010

- 2 commandes fermes et une option pour des avions en version commuter pour des opérateurs privés en Australie

- 4 commandes fermes pour des versions garde côtes pour un opérateur malaisien.

- du communiqué du 5.04.2010 de GECI AVIATION (pièce 2 des intimés) aux termes duquel il est indiqué que le F406 a été commandé à 7 exemplaires à l'occasion du dernier salon du Bourget

- du communiqué du 28.07.2010 de GECI AVIATION (pièce 8 des intimés) aux termes duquel il est indiqué: l'exercice 2008/2009 a enregistré les premières signatures de commandes d'appareils neufs F 406 depuis 2006. Reims Aviation Industries a notamment démarré la production de 3 appareils livrables en 2010 et 2011 (souligné en gras par la cour). La société s'est aussi mobilisée en vue d'accroitre la cadence de production jusqu'à 10 avions par an et a par ailleurs renforcé sa supply chain avec des encours de fabrication.

- du communiqué du 15.11.2010 de GECI AVIATION (pièce 11 des intimés) qui indique concernant Reims Aviation:

L'entreprise est aujourd'hui mobilisée autour de la montée en cadence de la production pour répondre aux besoins des commandes nouvelles, notamment les 3 avions destinés à un client chinois, livrables fin 2011 et durant l'année 2012, (souligné en gras par la cour) qui constituent la première phase d'un protocole d'accord portant sur un total de 10 avions F-406.

(...)

Reims Aviation, leader européen de la surveillance aéroportée légère, annonce un portefeuille commercial de 220 avions F-406 dont 17 font l'objet d'accords formels avec des clients ou la forme de commandes fermes, Memorandum of Undesrtsanding (protocole d'accord) ou Letter of Intent (lettre d'intention).

Ces accords formels comprennent notamment la commande ferme de trois avions F-406 (souligné en gras par la cour) pour la Chine, premier volet du protocole d'accord signé en juillet dernier et portant sur un total de 10 avions F-406 et livrables en 2011,2012 et 2013.

- du communiqué du 9.12.2010 de GECI AVIATION (pièce 19 des intimés) indiquant que Reims Aviation Industries, filiale de GECI Aviation a lancé la production du 100ème F 406 dans son usine de Reims Prunay, destiné à un client chinois et qui fait partie d'un Memorandum of Undesrtsanding de 10 appareils, qui sera configuré en version commuter avec une livraison prévue pour fin 2011.

(...)

Afin de faire face à cette demande du marché Reims Aviation Industries s'organise pour augmenter sa capacité de production et passer à 6 avions sur l'exercice 2010/2011, 10 l'année suivante, 12 dès 2013/2014 puis 14 à compter de l'exercice 2015/2016.

- du communiqué du 17.11.2011 de GECI AVIATION (pièce 13 des intimés) indiquant:

Suite au protocole d'accord signé avec un client chinois en juillet 2010, portant sur un total de 10 avions, la première commande de trois F-406 devrait prochainement être mise en vigueur par le versement attendu de l'acompte. (souligné en gras par la cour)

Selon les communiqués établis entre 2009 et 2011 la société REIMS AVIATION INDUSTRIES a donc obtenu:

- 6 commandes fermes au salon du bourget 2009

- 3 commandes fermes d'un client chinois en juillet 2010 et s'organisait pour augmenter sa chaine de production pour passer à 6 avions construits en 2010/2011.

En utilisant le terme de commandes fermes GECI AVIATION a laissé croire à ses actionnaires que ces commandes étaient réelles et donnaient lieu au versement d'acomptes et à la mise en construction des avions commandés.

Or suite au salon du Bourget 2009 un seul avion a été réellement construit s'agissant de celui acquis par le ministère de la défense tunisien alors que 6 commandes avaient été annoncés.

Aucun des avions acquis par le client chinois en juillet 2010 n'a été mis en production.

Un seul autre avion, s'agissant du n°98 a été mis en production pour un client européen.

En annonçant des commandes fermes, sans que celles ci ne correspondent à une quelconque réalité, Monsieur A en qualité de dirigeant de la société GECI AVIATION et à ce titre parfaitement informé de l'état du carnet de commande de la société et de l'activité de construction de celle ci, a commis une faute s'agissant de la diffusion d'informations qu'il savait fausse et de nature à tromper la perception par les actionnaires et les investisseurs de la situation réelle, s'agissant de l'activité présente et à venir, de la société.

Il a donc engagé à l'égard des actionnaires sa responsabilité.

Sur le préjudice

Monsieur A conclut au fait que l'évaluation retenue par le tribunal est critiquable, le jugement n'expliquant pas quelles seraient les justifications objectives et vérifiables qui fondent le fait d'avoir retenu une indemnisation de 0,25 euros par action, que par ailleurs ce prix d'achat des actions intègre des frais d'intermédiaire qui auraient été de toutes les façons réglés si les intimés avaient investi leur argent dans d'autres valeurs boursières, qu'enfin le montant d'indemnisation retenu apparait sans commune mesure avec l'indemnisation normalement octroyée dans le cadre d'un préjudice lié à une perte de chance.

Il souligne que l'indemnisation ne prend pas en compte des éléments objectifs déterminants faisant valoir qu'une demande de suspension de la côte des titres GECI AVIATION et GECI INTERNATIONAL avait été annoncée le 25.01.2012 et que les intimés avaient donc toute latitude pour effectuer des arbitrages sur leurs titre jusqu'au 7 juin 2012 c'est à dire décider de les conserver ou de les céder, que par ailleurs ils maintiennent une confusion permanente en ne précisant pas la nature exacte de leur préjudice: acquisition ou conservation des actions.

Les intimés exposent qu'aucun élément dans la communication financière de GECI AVIATION ne laissait présager que la situation financière était désespérée et qu'elle était proche du dépôt de bilan, que par un communiqué du 7 juin 2012 le groupe GECI informait qu'elle suspendait la cotation des titres de GECI INTERNATIONAL et de GECI AVIATION et que les actionnaires de GECI AVIATION ne pouvaient alors plus céder leurs actions.

Ils exposent que la Cour de Cassation reconnait le préjudice lié à la conservation de l'action et indiquent que GECI AVIATION en diffusant massivement et en permanence une information fausse et trompeuse sur son activité aéronautique entre 2007 et 2012 a amené les intimés à faire le choix de conserver leurs titres jusqu'à sa suspension;

Ils font valoir qu'il n'y a jamais eu de reprise de cotation puisque la société GECI AVIATION a été définitivement radiée en avril 2014 et qu'ils ne pouvaient donc pas vendre leurs actions à 0,25 euros.

Ils exposent que l'argument qui leur est opposé s'agissant du fait qu'ils ont conservé leur action après la suspension du cours de bourse alors qu'ils auraient pu céder leurs titres ne peut prospérer dans la mesure où si ils ont conservé leurs actions c'est en raison des informations inexactes, imprécises et trompeuses produites par la société et où par ailleurs le motif invoqué pour justifier la suspension du cours de bourse était une diffusion confidentielle sur le programme SKYLANDER.

SUR CE:

La diffusion de fausses informations sur le carnet de commandes du F-406 a directement influé sur le cours de l'action de la société en laissant croire au marché boursier que la société était en pleine croissance commerciale et développait son outil de production.

Cette fausse information a faussé la perception par les intimés de la situation de la société GECI AVIATION et les a amené à conserver des titres dont ils se seraient défaits si ils avaient eu connaissance de la réelle situation de la société au titre des commandes effectuées.

Le préjudice qui en est résulté est une perte de chance pour les actionnaires d'avoir pu céder leurs actions lorsque la société faisait encore l'objet d'une cotation.

Contrairement à ce que soutiennent les intimés cette indemnisation ne peut égaler 100% de leur perte dans la mesure où si une information sincère avait été diffusée le cours de l'action aurait baissé au regard du développement moins prometteur qu'aurait présenté la société GECI AVIATION.

Le tribunal a retenu pour évaluer le préjudice des intimés le cours de l'action au début de l'année 2018 mais a ce titre a commis une erreur puisque la société GECI AVIATION, contrairement à la société GECI INTERNATIONAL n'a jamais fait l'objet d'une nouvelle cotation puisqu'elle a été placée en liquidation judiciaire.

Contrairement à ce que soutient Monsieur A les actionnaires n'ont pas été informés préalablement à la suspension de la cotation de celle ci et n'avaient aucune possibilité en conséquence de vendre leurs titres avant ladite suspension.

En particulier le communiqué de presse du 25.01.2012 dont il est fait état à ce titre (pièce 110 de l'appelant), outre le fait qu'il n'a été émis que par H K, ne fait état d'aucune suspension de cotation prolongée mais indique uniquement que les comptes des sociétés GECI INTERNATIONAL et GECI AVIATION seraient publiés à l'issue des conseils d'administration du 31.01.2012 et que la cotation des valeurs reprendra le lendemain mercredi 1er février 2012.

Pour évaluer le préjudice des actionnaires il convient de retenir qu'aux termes du communiqué de presse en date du 27.09.2013 (pièce 59 de l'appelant) les résultats étaient les suivants en 2011/2012:

Le pôle aviation a réalisé un chiffre d'affaires de 6,2 millions d'euros contre 7,3 millions d'euros réalisé la même période de l'exercice précédent.

Il a été entièrement réalisé par la filiale Reims Aviation Industries à hauteur de 57% pour les activités de service et de 43% par les ventes d'avions neufs.

Au regard du nombre extrémement restreint d'avions vendus: 2 au lieu de 9 entre 2009 et 2011 le chiffre d'affaire de la société REIMS AVIATION INDUSTRIES était amené à se réduire ce qui était de nature à avoir une incidence sur le cours de l'action de GECI AVIATION.

Il résulte du relevé de PEA de Monsieur L au 31.12.2012 que la dernière cotation du titre de GECI AVIATION était de 0,61 euros.

Au regard des éléments concernant l'activité de la société GECI AVIATION telle que décrite ci dessous l'évaluation par le tribunal d'un préjudice à hauteur de 0,25 euros par action, soit 40% de la dernière cotation apparait proportionnée et sera retenue.

Il résulte des pièces versées aux débats la réalité du nombre des actions détenues par les intimés s'agissant de:

- 34.800 actions détenues par Monsieur E

- 10.000 actions détenus par Monsieur et Madame F

- 20.000 actions détenus par Mme X F

- 3000 actions détenus par Monsieur C F

- 1450 actions détenus par P F

- 7800 actions détenues par Monsieur G J.

Il convient en conséquence de confirmer la décision concernant les préjudices allouées.

Sur la demande reconventionnelle en remboursement des sommes versées

Les condamnations ayant été confirmées dans leur principe et leur montant concernant Monsieur I D, Monsieur et Madame C et X J F, Monsieur N F, et Monsieur G J la demande de remboursement des sommes versées en exécution du jugement est rejetée

La prescription ayant été retenu concernant l'action engagée par Monsieur M L il convient de condamner ce dernier à rembourser à Monsieur A la somme de 5000 euros allouée par jugement.

Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts

Monsieur A demande la réparation de son préjudice d'image en faisant valoir que les intimés ont entrepris une véritable campagne de médiatisation de leur action à son encontre qui lui a causé un préjudice.

Les intimés concluent à la confirmation du jugement entrepris qui a débouté Monsieur A de cette demande.

Les éléments versés aux débats ne permettaient pas de caractériser l'existence d'une campagne de dénigrement ainsi que soutenue par Monsieur A à son encontre, pouvant être qualifiée de fautive, le fait que les intimés aient exprimé leurs griefs par voie de presse et par le biais de courriers à l'Autorité des marchés financiers ne pouvant leur être reprochés.

Il convient donc de débouter Monsieur A de sa demande à ce titre.

Sur les autres demandes

Il est inéquitable de laisser les intimés supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer leur défense et il convient en conséquence de leur allouer la somme de 10.000 euros à ce titre.

Monsieur A est condamné aux dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de PARIS sauf en ce qu'il a écarté la prescription de l'action engagée par Monsieur et Madame C et X J F, Monsieur N F, Monsieur G J et Monsieur M L concernant les communiqués de presse relatifs aux griefs articulés au titre du programme SKYLANDER et sauf en ce que qu'il a écarté la prescription de l'action engagée par Monsieur M L concernant les communiqués de presse relatifs aux griefs articulés au titre du programme F-406,

Et statuant à nouveau

CONSTATE la prescription de l'action en responsabilité engagée par Monsieur I D, Monsieur et Madame C et X J F, Monsieur N F, Monsieur G J et Monsieur M L à l'encontre de Monsieur A au titre de la diffusion de fausses informations concernant le programme SKYLANDER

CONSTATE la prescription de l'action en responsabilité engagée par Monsieur M L à l'encontre de Monsieur A au titre de la diffusion de fausses informations concernant le programme F-406

Et y ajoutant

Condamne Monsieur M L à rembourser à Monsieur O A la somme de 5000 euros allouée par le tribunal judiciaire de PARIS en indemnisation,

Condamne Monsieur O A à verser à Monsieur I D, Monsieur et Madame C et X J F, Monsieur N F, Monsieur G J la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Monsieur A aux dépens.