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Décisions

Cass. com., 3 mars 2009, n° 08-14.491

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

Me Blanc, SCP Gatineau et Fattaccini

Paris, du 4 mars 2008

4 mars 2008

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 mars 2008), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 6 février 2007, pourvoi n° Z 05-20.811), que la société Générix, dont les actions ont été admises en 1998 aux négociations sur le second marché d'Euronext Paris, édite et commercialise un progiciel de gestion du même nom ; que par contrat du 21 décembre 2001, la société Générix a cédé à la société Euriware le droit de sous-concéder le progiciel Générix à un client final, pour le prix hors taxes de 1 160 000 euros enregistré en chiffre d'affaires et en résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2001 ; que par une nouvelle convention du 7 février 2002, les sociétés Générix et Euriware sont convenues que cette dernière bénéficierait, dans le cas où elle n'aurait trouvé aucun client avant le 31 décembre 2002, d'un avoir égal au prix de cession ; qu'en exécution de cette convention, la société Générix a émis, à la fin de l'exercice 2002, un avoir de 1 400 000 euros correspondant au montant du prix toutes taxes comprises qui a été comptabilisé en déduction du chiffre d'affaires de cet exercice ; que les commissaires aux comptes de la société Générix ayant signalé à la Commission des opérations de bourse (la COB) l'existence d'une difficulté liée au traitement comptable de ces conventions et une enquête ayant été ouverte sur l'information financière de la société Générix, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (l'AMF), par décision du 6 janvier 2005, a retenu que l'information communiquée au public par M. X..., qui avait dirigé la société Générix jusqu'au 31 octobre 2002, n'était ni exacte, ni précise, ni sincère et a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 50 000 euros, alors, selon le moyen :

1°/ qu'au titre des garanties d'un procès équitable applicables à la procédure de sanction exercée par l'Autorité des marchés financiers, tout accusé a le droit d'obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge, et plus largement, de toute personne dont le témoignage lui paraît utile à la manifestation de la vérité ; qu'en l'espèce, M. X..., dont la demande d'audition de témoins devant la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers n'avait pas été prise en compte -ainsi qu'il résulte de l'arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 6 février 2007 ayant cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 20 septembre 2005- sollicitait l'audition de trois témoins devant la cour d'appel de renvoi, notamment aux fins de contredire les déclarations de l'expert-comptable de la société Générix, M. Y..., qui affirmait qu'il n'aurait pas certifié les comptes de la société pour l'exercice 2001 s'il avait alors eu connaissance de la convention du 7 février 2002 ; qu'en se fondant précisément sur ces déclarations de l'expert-comptable de la société Générix pour sanctionner M. X..., après avoir refusé de procéder aux auditions réclamées par l'accusé, et permis ainsi que la procédure se déroule sans qu'aucun de ses témoins aient jamais été entendus, y compris celui n'ayant pas même attesté par écrit, seuls les témoins choisis par les enquêteurs ayant été auditionnés, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 et 6 § 3, d) de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ qu'en se bornant à affirmer que le dossier de la procédure, la consultation de M. Z... et l'attestation écrite de M. A... constituaient des éléments suffisants lui permettant d'apprécier les manquements imputés au requérant, pour rejeter la demande d'auditions formulée, sans cependant caractériser que ces pièces avaient le même objet que l'audition orale des témoins à laquelle souhaitait procéder M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 § 1 et 6 § 3, d) de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu qu'il appartient au juge de décider, au regard du contenu du dossier, de la nécessité ou de l'opportunité d'entendre les témoins dont l'audition est demandée ; qu'ayant relevé qu'elle trouvait dans le dossier de la procédure et dans les pièces produites par M. X... des éléments suffisants pour apprécier les manquements reprochés à celui-ci, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir l'inutilité des auditions sollicitées et n'avait pas, dès lors, à faire la recherche visée par la seconde branche, a statué à bon droit et légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que seul méconnaît les dispositions de l'article 632-1 du règlement général de l'AMF le dirigeant de société qui diffuse des informations qu'il sait ou aurait dû savoir inexactes, imprécises ou trompeuses sur les instruments financiers émis par voie d'appel public à l'épargne ; que le dirigeant de société doit donc uniquement s'assurer de la réalité des informations qu'il diffuse concernant tout fait établi susceptible, s'il est connu, d'avoir une influence sur le cours des titres émis par la société ; qu'en revanche, nulle obligation ne pèse sur lui d'informer le public de la simple possibilité de réalisation, dans le futur, d'un fait susceptible d'influer sur le cours des titres émis par la société, tant que cet événement ne s'est pas réalisé, ou que sa probabilité de réalisation demeure faible, sous peine d'induire en erreur le public ; qu'en l'espèce, il était constant qu'une vente définitive du droit de sous-concéder le progiciel Générix avait été consentie par la société Générix à la société Euriware le 21 décembre 2001 moyennant le prix de 1 163 890 euros HT, lequel avait été comptabilisé dans le chiffre d'affaires de cette société au titre de l'exercice 2001 ; que le 7 février 2002, un nouvel accord prévoyait que la société Euriware pourrait bénéficier de la faculté d'obtenir un avoir d'un montant de 1 163 890 euros HT dans le cas où elle n'aurait trouvé aucun client avant la date du 31 décembre 2002 ; qu'il n'existait donc en février et mars 2002, date de diffusion des communiqués reprochés à M. X... et visant les résultats enregistrés par la société Générix au cours de l'exercice 2001, qu'une simple possibilité que la société Générix pourrait avoir à émettre un avoir au bénéfice de la société Euriware, cette hypothèse dépendant des débouchés trouvés par la société Euriware et qualifiée de simple "risque" par la cour d'appel, ne pouvant en tout état de cause se réaliser que le 31 décembre 2002 au plus tôt ; qu'en déduisant que M. X... aurait dû informer le public dès le mois de février 2002, de cette simple éventualité d'émission d'un avoir en ce qu'elle était susceptible de remettre en cause le montant du chiffre d'affaires comptabilisé en 2001, sans même caractériser qu'il était prévisible dès cette date que la société Euriware exigerait l'émission d'un tel avoir au 31 décembre 2002, la cour d'appel a violé l'article 632-1 du règlement général de l'AMF du 25 novembre 2004 ;

2°/ que le caractère imprécis ou trompeur des informations divulguées doit s'apprécier à la date de divulgation desdites informations ; que pour retenir que M. X... aurait dû, aux mois de février et mars 2002, informer le public de l'existence d'un risque d'émission au profit de la société Euriware d'un avoir d'un montant de 1,16 million d'euros résultant de la convention du 7 février 2002, la cour d'appel a relevé que ce risque n'était pas purement théorique, dans la mesure où il s'était effectivement réalisé le 26 novembre 2002, relevant que "les négociations de Euriware avec son client final n'ayant pas abouti, Euriware a demandé à Générix, par courrier du 26 novembre 2002, en application de l'article 2 de la convention du 7 février 2002, d'établir un avoir pour l'intégralité du montant du contrat, déduction faite de la partie de la licence éventuellement revendue d'ici le 31 décembre 2002 et qu'à cette date, Générix a établi un avoir de 1,16 million d'euros et comptabilisé, sur exercice antérieur, une déduction de 1,4 million d'euros correspondant au montant du contrat, toutes taxes comprises" ; qu'en se plaçant ainsi à une date postérieure à celle à laquelle avaient été communiquées les informations concernant le chiffre d'affaires 2001 de la société, pour en apprécier la précision, l'exactitude et la sincérité, la cour d'appel a violé l'article 632-1 du règlement général de l'AMF du 25 novembre 2004 ;

Mais attendu qu'après avoir reproduit les indications chiffrées figurant dans les communiqués des 12 février et 11 mars 2002 et relevé que ces mêmes chiffres avaient été repris dans les publications faites au BALO les 15 février et 14 juin 2002 ainsi que dans les notes d'opérations visées par la COB les 24 mai et 8 juillet 2002, l'arrêt retient que le contrat du 7 février 2002 comportait des stipulations remettant en cause le contenu du contrat du 21 décembre 2001 et rendait pour le moins très incertaine la réalisation du chiffre d'affaires correspondant enregistré ; que l'arrêt relève encore que si M. X... soutient, pour justifier le traitement comptable de l'opération, que le risque d'échec de celle-ci était "tout à fait théorique", force est de constater que cette appréciation s'est trouvée formellement démentie par les faits ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, appréciant la qualité de l'information comptable à l'époque de la publication des communiqués incriminés, a exactement déduit que faute d'avoir été complète et d'avoir fait référence aux clauses du contrat du 7 février 2002 qui remettait en cause la comptabilisation du chiffre d'affaires correspondant à la vente à la société Euriware du droit de sous-concéder le progiciel Générix, l'information ainsi communiquée au public était inexacte, imprécise et trompeuse ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.