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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 8 février 2023, n° 20/14328

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Century 21 France (SAS)

Défendeur :

Fortis Immo (SARL), Fortis Immo Transaction (SAS), Team France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun-Lallemand

Conseillers :

Mme Dallery, Mme Depelley

Avocats :

Me Bernabe, Me Helwaser, Me Vignes, Me de Groote, Me Etevenard, Me Bensoussan

T. com. Paris, du 21 sept. 2020, n° 2019…

21 septembre 2020

La SAS Century 21 (ci-après Century 21) est une société exploitant le premier réseau de franchise d'agences immobilières et de cabinets d'administration de biens en France par le nombre d'agences.

La société Fortis Immo (ci-après Fortis Immo), détenue par les conjoints [S] et dirigée par Madame [Y] [S], exerce son activité dans le domaine des transactions immobilières et de la gestion immobilière. La société Fortis Immo transaction (ci-après FIT) vient aux droits de la société Fortis Immo.

La société Team France (ci-après Team France) représente l'enseigne [V] [D] qu'elle exploite en France en master franchise. [V] [D], qui n'était pas active sur le marché français avant 2016, est le n° 1 mondial de l'immobilier en nombre d'agents, volume de ventes et chiffre d'affaires.

Fortis Immo a, en 1993, adhéré au réseau Century 21 pour une première agence située [Adresse 3]. Elle a ensuite ouvert dans le centre de [Localité 13] 4 autres agences, toutes sous contrats de franchise Century 21 signés entre 2014 et 2017. Elle a apporté l'activité "transaction immobilière" à FIT par contrat d'apport partiel d'actif du 9 mai 2019.

Durant l'année 2019, Madame [S] a évoqué avec Century 21 la possibilité de ne pas renouveler le contrat de franchise pour l'agence située au [Adresse 3]. Il lui a été répondu que le non-renouvellement pour cette agence conduirait nécessairement à la sortie anticipée du réseau Century 21 des 4 autres agences Fortis Immo.

Par courrier du 12 mars 2019, Fortis Immo a résilié le contrat de franchise du 29 janvier 2014 en précisant qu'elle « avait bien compris (...) qu'il ne lui sera pas possible de continuer la relation concernant les contrats de la [Adresse 2], lesquels seront résiliés par ricochet à la même date ».

Le 31 août 2019, Fortis immo a tombé les enseignes et elle s'est acquittée en septembre 2019 des pénalités de départ du réseau Century 21.

Les sociétés Fortis Immo et FIT ont adhéré au réseau [V] William (Team France), ainsi que l'établit un constat d'huissier du 29 octobre 2019.

Century 21 a mis en demeure les sociétés Fortis Immo, FIT et Team France de suspendre cette affiliation, en vain.

Par acte du 8 novembre 2019, elle a saisi le Tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir la cessation des relations commerciales entre Fortis Immo, FIT et Team France et le versement d'une indemnité contractuelle pour violation de la clause de non-affiliation.

Par jugement du 21 septembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société Fortis Immo Transaction de sa demande visant à être mise hors de cause ;

- dit que les agences immobilières sont des commerces de détail pour l'application des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de commerce ;

- dit que l'article 17 Non-affiliation tel que rédigé dans chacun des contrats de franchise conclus avec Fortis Immo doit être déclaré nul et réputé non-écrit, car contrevenant aux dispositions d'ordre public de l'article L. 341-2 du code de commerce ;

- débouté la société Century 21 de l'intégralité de ses demandes ;

- dit que la société Century 21 ne s'est pas rendue coupable de procédure abusive ;

- débouté les sociétés Fortis Immo, Fortis Immo transaction et Team France de leurs demandes en dommages-intérêts ;

- débouté la société Team France de sa demande de publication sous astreinte du présent jugement ;

- condamné la société Century 21 à verser aux sociétés Fortis Immo, Fortis Immo Transaction et Team France la somme de 20.000 euros chacune ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société Century 21 aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 116,74€ dont 19,24 € de TVA.

Le 9 octobre 2020, la société Century 21 a interjeté appel de la décision.

Vu les dernières conclusions de la société Century 21, appelantes, déposées et notifiées le 12 octobre 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu les articles 1104, 1240,1184 du code civil,

Vu l'article 1161 du code civil,

Vu les articles 1188 et 1190 du code civil,

Vu les articles L341-1 et L342-2 du code de commerce,

Vu les articles L151-1 et L236-20 du code de commerce,

Vu le contrat de franchise entre la société Century 21 France et la société Fortis Immo du 8 mars 2017 en son article 17 - clause de non-affiliation,

- juger recevable l'action de la société CENTURY 21 France, aucune transaction n'ayant été conclue ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit non valide la clause de non-affiliation contractuelle Century 21 ;

- juger que les articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de commerce tels qu'issus de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ne sont pas applicables aux contrats conclus avant sa date d'application ;

- juger qu'en tout état de cause ces articles ne sont pas applicables aux agences immobilières qui ne peuvent être qualifiées de commerce de détail :

- juger que le contrat de franchise conclu le 8 mars 2017 entre la société Century 21 France et la société Fortis Immo s'applique à tous les établissements de la société Fortis Immo ;

- juger, dans le cas où les articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de commerce s'appliqueraient aux agences immobilières, et seraient applicables aux contrats conclus avant sa date d'application, que la clause de non-affiliation du contrat de franchise en date du 8 septembre 2017 est valide pour répondre aux 4 conditions cumulatives exigées par lesdits articles à savoir :

- être indispensable à la protection du savoir-faire substantiel, secret et identifié de la société Century 21 ;

A titre subsidiaire, dans où la Cour estimerait trop large le champ des personnes tenues par l'obligation de non-affiliation contractuelle, dire et déclarer non écrite la clause en ce qu'elle s'applique « aux ayants cause du Franchisé à titre universel ou particulier à toute personne physique ou morale ayant à un moment quelconque de l'exécution du contrat exercé des fonctions dans ou pour la société franchisée ou détenu plus de 10 % du capital de cette société » ;

- concerner les services en concurrence avec ceux qui font l'objet du contrat de franchise Century 21 ;

- être limitée aux locaux à partir desquels le franchisé exerce son activité pendant la durée du contrat soit [Adresse 3] (1er) ; [Adresse 2]) ; [Adresse 2]) ; [Adresse 2]), locaux qui constituent le siège social et les succursales de la société Fortis Immo et qui exercent leur activité sous les mêmes cartes professionnelles Transactions Immobilières CPI 75012015000001984 et Gestion Immobilière CPI75012015000001984 ;

- avoir une durée d'un an après la cessation des relations contractuelles et être proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur ;

- A TITRE SUBSIDIAIRE, dans le cas où il y aurait lieu de faire application de tous les contrats antérieurs conclus entre la société Century 21 France et la société Fortis Immo :

- Juger que les contrats conclus antérieurement à celui du 8 mars 2017 sont antérieurs à l'entrée en vigueur des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de commerce issus de la loi du 6 août 2015 et sont régis par les textes et la jurisprudence en vigueur à la date de leur conclusion ;

- Juger qu'en tout état de cause la limitation territoriale au département se justifie par la nature du savoir-faire transmis au franchisé qui peut être exploité sans être attaché à des locaux et à la nature de la clause de non-affiliation qui autorise le franchisé à continuer son activité sans s'affilier à un réseau concurrent et ce d'autant que les agences immobilières en réseau ne dépassent pas 25 % du nombre d'agences mobilières en France ;

A TITRE ENCORE PLUS SUBSIDIAIRE, la Cour exerçant son pouvoir de réfaction d'une clause réputée non écrite, limiter l'application de la clause aux locaux dans lesquels est exploitée l'agence immobilière, à savoir le siège social et les différents établissements ou succursales en activité ([Adresse 3] ; [Adresse 2] ; [Adresse 2] ; [Adresse 2])

- Juger que la société Century 21 France a un intérêt légitime à protéger son savoir-faire secret, substantiel et identifié ;

- Juger que la clause de non-affiliation contractuelle Century 21 est proportionnée aux intérêts légitimes de la société Century 21 France ;

- Juger que la société Fortis Immo a violé ses engagements contractuels en s'affiliant.

Dès la fin de son contrat de franchise avec le réseau [V] [D] exploitée en France par la société Team France au mépris de la clause de non-affiliation ;

- Juger que la société Fortis Immo Transaction sera tenue aux engagements pris par la société Fortis Immo du fait de l'opération de scission ;

- Juger que les sociétés Fortis Immo, Fortis Immo Transaction et Team France seront tenus solidairement au paiement de l'indemnité contractuelle de 50 000 € par mois soit pendant un an du 1 er septembre 2019 au 31 août 2020 ;

- Condamner solidairement les sociétés Fortis Immo, Fortis Immo Transaction et Team France à payer à la société Century 21 France l'indemnité contractuelle prévue à l'article 17 du contrat de franchise d'un montant de 50 000 € par mois pendant 12 mois soit la somme de 600 000 € ;

- Condamner in solidum les sociétés Fortis Immo, Fortis Immo Transaction et Team France à payer à la société Century 21 France une somme de 100 000 € de dommages et intérêts pour déstabilisation du réseau et atteinte à l'image de marque ;

- Débouter les sociétés Fortis Immo, Fortis Immo Transaction et Team France de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- Ordonner le remboursement des sommes versées au titre de l'article 700 du code de procédure civile du fait de l'exécution provisoire ordonnée par application de l'article 561 du code de procédure civile ;

- Condamner in solidum les sociétés Fortis Immo, Fortis Immo Transaction et Team France à payer à la société Century 21 France une somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Bernabe, avocat aux offres de droit.

Vu les dernières conclusions des sociétés Fortis Immo et Fortis Immo Transaction, déposées et notifiées le 9 mars 2021 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu les articles L. 341-1, L. 341-2 du code de commerce,

Vu les articles L. 442, L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-4-1, L. 442-6, L. 442-7 et L. 442-8 nouveaux du code de commerce et l'article L.442-6 ancien du code de commerce ;

Vu l'article L. 330-3 du code de commerce ;

Vu le règlement d'exemption n° 330/2010 du 20/04/2010 ;

Déclarer la société Century 21 France mal fondée en son appel ;

- Faisant droit à l'appel incident et statuant à nouveau :

Vu l'existence d'un accord de résiliation valant transaction au sens des dispositions de l'article 2044 et 2052 du code civil,

1/ Déclarer la société Century 21 France irrecevable en ses demandes, subsidiairement confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Century 21 France de toutes ses demandes ;

2/ Condamner la société Century 21 France à payer à la société Fortis Immo et à la société Fortis Immo Transaction à chacune d'elle, la somme de 100 000 € à titre d'indemnité en réparation du préjudice résultant de la procédure particulièrement abusive et injustifiée dirigée à leur encontre ;

- Confirmer le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant :

La condamner à payer à chacune d'entre elles la somme de 20 000 € à titre d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.

La condamner aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire,

Constater le caractère manifestement excessif de la clause pénale invoquée par la société Century 21 France ;

Débouter la société Century 21 France de l'ensemble de ses demandes formées tant à l'encontre de la société Fortis Immo qu'à l'encontre de la société Fortis Immo Transaction en paiement des sommes de 150.000 € à titre d'indemnité contractuelle pour violation de la clause de non-affiliation, outre 50 000 € par mois jusqu'à la cessation des relations contractuelle entre les sociétés Fortis Immo, Fortis Immo Transactions et la société Team France ;

La condamner aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions de la société Team France, déposées et notifiées le 5 octobre 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vus les articles L. 341-1, L. 341-2, L. 442, L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7, L. 442-4-1 et L. 442-8 nouveaux et L. 442-6 ancien du code de commerce,

Vu l'article L. 330-3 du code de commerce,

Vus les articles 1182 et 1184 du code civil,

Vu le règlement d'exemption n° 330/2010 du 20 avril 2010,

Vue la jurisprudence,

- Constater la nullité des clauses restrictives de concurrence contenues dans les contrats Century 21 ;

- Déclarer irrecevable la demande de Century 21 tendant à la modification par la Cour des clauses restrictives de concurrence des contrats Century 21 ;

Subsidiairement la rejeter ;

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Team France de sa demande reconventionnelle ;

- Recevoir l'appel incident de la société Team France limité à sa demande de réparation de son préjudice ; le déclarer fondé ;

- Condamner la société Century 21 France à payer à la société Team France la somme de 20 000 € en réparation de son préjudice moral et celle de 30 000 € en réparation de son préjudice commercial ;

- La débouter de toutes ses demandes, ou, à titre très subsidiaire au cas ou par impossible, son appel serait déclaré fondé, limiter à une somme symbolique l'indemnisation de l'appelante ;

- La condamner à payer à la société Team France la somme de 30 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

MOTIVATION

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

Sur l'existence d'un accord de résiliation valant transaction.

Exposé du moyen :

Fortis Immo et FIT font état d'un accord de résiliation amiable, qui contiendrait des concessions réciproques (non-renouvellement des contrats de franchise pour l'ensemble des agences des sociétés intimées et paiement des indemnités de résiliation anticipée contre absence d'objection à la poursuite de l'activité sous l'enseigne [V] [D]). L'accord n'aurait pas été formalisé par écrit mais les échanges de courriers et les factures finales (pièces Fortis Immo n° 24 et 25) constitueraient un commencement de preuve par écrit. Ce concours de volonté ferait, en application des articles 2044 et 2052 du code civil, obstacle à l'action en justice engagée par Century 21.

Team France ajoute que durant l'été 2019, lorsqu'il a été mis fin à l'ensemble des contrats de franchise en cours à la demande de Century 21, Mme [S] n'était pas conseillée et qu'elle n'a pas osé demander l'écrit que Century 21 aurait dû proposer.

Century 21 répond avoir seulement, au cours des échanges, exigé l'application des clauses contractuelles (articles E10 et 15-3). Elle considère que seule la date de sortie du réseau a été négociée.

Réponse de la Cour :

La Cour constate, en premier lieu, que le contrat de franchise signé en 2014 pour la rue Molière expirait le 1er février 2019 et qu'il a été amiablement poursuivi jusqu'au 30 mars 2019 puis jusqu'à la fin aout 2019, essentiellement pour des questions de reprise des données informatiques.

Il est par ailleurs justifié du règlement par Fortis Immo et FIT des redevances des deux activités (gestion et transaction) jusqu'en août 2019 ainsi que, en septembre 2019, des indemnités de résiliation.

Il peut être relevé, enfin, que la facture n° 5191671 du 3 septembre 2019 émise par Century 21 France est intitulée "facture redevance transaction".

La Cour observe, en second lieu, qu'il ressort des mails échangés entre les parties (pièces Fortis Immo n° 11 à 14) que les points discutés à l'époque portent sur les indemnités de résiliation anticipée, d'une part, et la date de sortie et l'étendue de la résiliation, d'autre part, et non pas sur la clause de non-affiliation.

Il s'ensuit qu'à supposer que les mails dont s'agit et les factures ensuite dressées caractérisent une transaction, celle-ci ne porte pas sur le point aujourd'hui en litige.

Or, en application de l'article 2049 du code civil, les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris.

La fin de non-recevoir tendant à déclarer Century 21 irrecevable en sa demande n'est donc pas constituée.

Sur la validité de la clause post-contractuelle de non-affiliation des contrats de franchise.

L'article 17 du contrat de franchise du 1er janvier 2014 portant sur l'agence du [Adresse 3], complété par l'avenant du 19 septembre 2014 (lequel accorde une extension du contrat de franchise au site situé du [Adresse 6] et renvoie, en son article 11, à cet article 17), est rédigé comme suit :

« ARTICLE 17 - CLAUSE DE NON-AFFILIATION :

Afin de protéger le caractère secret, substantiel et identifié du savoir-faire de la franchise CENTURY 21, les parties conviennent de stipuler la présente clause de non-affiliation dans les termes suivants :

Dans le cas de cessation pour quelque cause que ce soit du contrat de franchise, le Franchisé s'engage expressément à ne pas s'affilier, adhérer ou participer de quelque manière que ce soit à une chaîne concurrente du Franchiseur, ou en créer une lui-même, et plus généralement à se lier à tout groupe : organisme ou entreprise directement ou indirectement concurrent du Franchiseur.

Cette interdiction sera effective pour une durée d'UN AN pour le ou les départements dans lequel le Franchisé a son agence et ses succursales éventuelles.

Il est ainsi clairement accepté que la présente clause ne fait pas obstacle pour l'ancien Franchisé à la poursuite de son activité en tant que commerçant indépendant dès lors qu'il n'adhère pas à un réseau quelconque tel que défini ci-dessus.

La présente interdiction est applicable aux ayants-cause du Franchisé à titre universel ou particulier à toute personne physique ou morale ayant à un moment quelconque de l'exécution du contrat exercé des fonctions dans ou pour la Société franchisée ou détenu plus de 10 % du capital de cette Société.

Le Franchisé se porte fort du respect de ces obligations par les personnes désignées ci-dessus et se constitue solidairement responsable avec elles de toute violation de l'interdiction stipulée au présent article.

Cette obligation de non-affiliation ne donnera aucun droit à une indemnité au bénéfice du Franchisé car elle résulte de la nature même du contrat.

Toute violation par le Franchisé de la présente obligation sera sanctionnée par une indemnité de 1.000 € (mille euros) par mois pendant toute la durée de l'infraction. Le paiement de cette indemnité ne porte pas atteinte au droit pour la société Century 21 France de poursuivre le Franchisé en paiement du préjudice pécuniaire et commercial effectivement subi et de faire ordonner sous astreinte la cessation de l'activité prohibée. »

Les contrats du 8 janvier 2015 (accordant à Fortis Immo la franchise Century 21 pour l'agence située rue Poissonnière), du 2 décembre 2015 (l'accordant pour l'agence située [Adresse 7]) et du 8 mars 2017 (l'accordant pour l'agence située [Adresse 2]) contiennent en leur article 17 cette même clause, sous réserve des points suivants :

- la pénalité contactuelle prévue au dernier alinéa est portée à 10 000 euros dans les contrats portant sur les agences de la [Adresse 2] et à 50 000 euros dans le contrat portant sur l'agence de la rue Mandar ;

- le 3e alinéa de l'article 17 du contrat du 8 mars 2017 (rue Mandar) est rédigé comme suit : « cette interdiction [d'affliation, d'adhésion ou de participation de quelque manière que ce soit à une chaine concurrente du franchiseur] sera effective pour une durée d'un an pour le ou les locaux dans lequel le franchisé a son agence et ses succursales éventuelles ».

Sur l'applicabilité des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de commerce.

Exposé du moyen :

Century 21 fait valoir, tout d'abord, que les articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de commerce ne sont pas applicables aux agences immobilières puisque ces dernières n'exploitent pas un commerce de détail. Elle renvoie au rapport parlementaire du 29 novembre 2018 sur l'évaluation de la loi du 6 aout 2015 qui a évoqué les possibles difficultés d'interprétation juridique en lien avec cette notion, qui ne fait pas l'objet d'une définition légale. Elle estime qu'il faut en conséquence se référer au contenu des lignes directrices de l'Autorité de la concurrence de 2013 relatives au contrôle des concentrations (§80) et à la définition que donne l'INSEE du commerce de détail, laquelle ne vise pas les agences immobilières qui font l'objet d'une rubrique à part. Elle soutient que les agences immobilières, comme les agences de travail temporaire (sur lesquelles a porté l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 27 janvier 2021 n° 19/3581) sont des activités de service sans vente de marchandises. Elle ajoute que le législateur a limité le domaine d'application de la loi dans la mesure où il heurte la liberté commerciale et qu'il n'y a pas de raison d'étendre son domaine.

Elle conteste, ensuite, que ces articles, qui ont été créés en 2015, soient applicables aux contrats conclus antérieurement. Elle soutient enfin que le contrat de franchise conclu le 8 mars 2017 entre la société Century 21 France et la société Fortis Immo s'applique à tous les établissements de la société Fortis Immo. Ce contrat se serait substitué aux contrats précédents et seules ses clauses seraient applicables.

Fortis Immo et FIT demandent, d'une part, la confirmation du jugement en ce qu'il à considérer les articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de commerce sont applicables aux agences immobilières. Elles soutiennent, d'autre part, que le contrat de franchise conclu le 8 mars 2017 ne concerne que les locaux situés [Adresse 2], l'activité des autres établissements de Fortis Immo ayant fait l'objet de contrats de franchise distincts.

Team France estime que les parties ont posé un principe de spécialité des contrats de franchise conclus entre elles, chaque contrat ne concernant qu'une seule agence et chaque agence étant régie par un contrat. Si l'agence de la [Adresse 15] dispose d'une agence satellite (celle du [Adresse 6]), l'agence de la rue Mandar n'a pas de succursale.

Réponse de la Cour :

S'agissant en premier lieu du champ d'application de l'article L. 341-2 du code de commerce, il est renvoyé aux contrats visés à l'article L. 341-1 du même code.

La Cour relève que cet article vise les contrats conclus, d'une part, par une personne morale mettant à disposition les services mentionnés au premier alinéa de l'article L. 330-3, à savoir un nom commercial, une marque ou une enseigne commune, tel que le contrat de franchise et, d'autre part, toute personne exploitant, pour son compte ou pour le compte d'un tiers, un magasin de commerce de détail, ayant pour but commun l'exploitation de ce magasin et comportant des clause susceptibles de limiter la liberté d'exercice par cet exploitant de son activité commerciale.

Il s'ensuit que sont concernés par l'article L. 341-2 du code de commerce les contrats de franchise ayant pour objet l'exploitation d'un magasin de commerce de détail.

La notion de « magasin de commerce de détail » est visée par le législateur dans divers articles du code de commerce, tels que l'article L. 430-2 II relatif aux concentrations ou à l'article L. 752-1 relatif à l'équipement commercial, mais sans en donner aucune définition juridique ni procéder à un quelconque renvoi à une catégorie d'activité particulière, telle que celle de commerce de détail de l- INSEE.

A défaut de précision juridique sur la notion de "magasin de commerce de détail", il appartient à la Cour d'interpréter celle-ci au regard de la finalité de l'article L. 341-2 pour en déterminer son champ d'application.

Cet article, ainsi que l'article L. 341-1, a pour objet la protection de la liberté d'exercice de l'activité commerciale dans les réseaux de distribution commerciale, ce qui implique que la notion de « magasin de commerce de détail » ne peut être interprétée en un sens restrictif, telle que la seule vente de marchandises comme soutenu par Century 21. Par ailleurs, l'article L. 341-2 admet une exception au principe d'interdiction des clauses ayant pour effet, après l'échéance ou la résiliation des contrats visés à l'article L. 341-2, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale, en se référant aux notions de « bien et services », de « terrains ou locaux » d'exploitation de l'activité, et de protection « du savoir-faire » transmis dans le cadre du contrat.

Il s'ensuit que pour l'application de ce texte, et dans le cadre des contrats de franchise susceptibles de comporter des clause limitant la liberté d'exercice de l'activité commerciale, il ne peut être fait de distinction entre les activités de vente de bien ou de services, dès lors que cette activité s'exploite dans un « magasin », à savoir le local ou le terrain porteur de l'enseigne ou du signe de ralliement et dans lequel va se rendre le client final pour consommer le bien ou service proposé suivant un savoir-faire particulier.

Au cas présent, la Cour relève, à l'instar du tribunal de commerce, que la société Century 21 exploite un réseau de distribution commerciale de services immobiliers, étant observé que l'activité de transaction immobilière consiste en substance, en la mise en relation entre un acheteur et un vendeur d'un bien immobilier, suivant un savoir-faire particulier transmis dans le cadre du contrat de franchise. La Cour constate par ailleurs, qu'en l'espèce, si les pièces contractuelles utilisent très généralement le terme « agence » pour décrire l'activité du franchisé, certains documents visent des « points de vente » (avenants du 29 mars 2014 et 19 septembre 2014), et les contrats de franchise versés aux débats font mention, à plusieurs reprises à la « qualité de commerçant indépendant » du franchisé (article 11-A, article 17...).

En conséquence, les dispositions de l'article L. 341-2 du code de commerce sont applicables aux contrats de franchise signés entre les parties.

S'agissant, en second lieu, de l'application de l'article L. 341-2 du code de commerce dans le temps, la Cour constate, tout d'abord, que cette disposition a été créée par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, laquelle dispose, dans son article 31-II, qu'elle s'applique à l'expiration d'un délai d'un an à compter de sa promulgation.

Or la loi nouvelle ne peut, sauf rétroactivité expressément stipulée par le législateur, inexistante en l'espèce, remettre en cause la validité d'une clause contractuelle régie par les dispositions en vigueur à la date où le contrat a été passé (Cass. com., 16 février 2022, n° 20-20.429).

La Cour retient, ensuite, qu'il ressort des documents contractuels versés aux débats (pièces Fortis Immo n° 3 à 8) les clauses majeures suivantes :

- Le contrat de franchise du 29 janvier 2014 vise expressément les locaux de la rue Molière, puis par avenant du 29 du même jour, Century 21 France accepte le maintien du calcul dérogatoire de la redevance proportionnelle et autorise, pour l'appréciation du franchissement du seuil de dégressivité, la consolidation du chiffre d'affaires de l'ensemble des points de vente détenus par le franchisé au 1er avril 2008, à savoir ceux de la [Adresse 2] et ceux du [Adresse 7].

Par un second avenant du 19 septembre 2014, les parties conviennent ensuite de l'extension du contrat de franchise au nouveau site situé [Adresse 6], lequel est considéré comme "agence satellite", le franchisé devant s'acquitter à ce titre d'un droit d'entrée d'un montant de 6 250 euros HT.

- Les contrats de franchise du 8 janvier 2015 (accordant sans redevance initiale à Fortis Immo la franchise Century 21 pour l'agence située rue Poissonnière), du 2 décembre 2015 (l'accordant pour l'agence située [Adresse 7]) et du 8 mars 2017 (l'accordant pour l'agence située [Adresse 2]) portent exclusivement sur les locaux en question, avec une déclinaison distincte.

Ainsi, le DIP est mentionné comme ayant été communiqué respectivement les 10 novembre 2014, 17 juillet 2015 et 5 octobre 2016 ; l'activité exclusive vise un périmètre différent - transaction résidentielle en gestion locative pour la [Adresse 2], gestion locative exclusivement pour le [Adresse 7] ; la durée du contrat de 5 ans court à compter respectivement du 1er février 2015, 1er novembre 2015, 1er novembre 2017. En outre, ainsi qu'il a déjà été exposé, la pénalité contractuelle est d'un montant différent et l'alinéa 3 de l'article 17 du contrat du 8 mars 2017 lui est spécifique.

Ces trois contrats se sont donc nécessairement, substitués aux dispositions de 2014 s'agissant de trois sites ([Adresse 2] ; [Adresse 7] ; [Adresse 2]).

Il s'en déduit que seul le site du 60 bd Sébastopol rentre (suite à l'avenant du 29 janvier 2014, lequel n'a pas été soumis à modification postérieure) dans la catégorie des "agences satellites".

Il peut être observé, en complément, que lorsque les parties ont engagé des pourparlers en 2019, date de l'expiration du contrat signé en 2014, il n'a pas alors été soutenu que le dernier contrat (conclu en 2017 pour 5 ans) entre Century 21 France et Fortis Immo s'appliquait à tous les établissements des époux [S].

La Cour retient, en conséquence, qu'il convient de se référer à la loi applicable aux dates de signature de chacun des contrats de franchise.

Il s'ensuit que seul le contrat de franchise du 8 mars 2017 a été conclu sous l'empire de la loi nouvelle (l'article L. 341-2 du code de commerce).

Sur la validité de la clause de non-affiliation des contrats conclus en 2014 et 2015.

Exposé du moyen :

Century 21 rappelle que son savoir-faire est secret, substantiel et identifié, et que ces qualifications ne sont pas contestées par les intimées. Elle estime que la clause de non-affiliation est proportionnée à l'objet du contrat de franchise qui a la protection du savoir-faire et l'intérêt légitime du franchiseur.

Elle soutient, tout d'abord, que la clause litigieuse vise les personnes qui ont connu le savoir-faire de la franchise, et qu'une clause encore plus extensive, puisque s'appliquant à tous les associés, a été validée par la cour d'appel de Paris dans l'arrêt n° 19/3581 du 27 janvier 2021. Elle fait valoir, ensuite, critiquant sur ce point la motivation du tribunal, qu'il importe peu que le contrat de franchise comporte une clause de confidentialité, les deux clauses n'ayant pas la même finalité et se complétant. Le risque encouru est le pillage du savoir-faire, étant observé que sur les vidéos publicitaires, une des conseillères commerciales de [V] [D] fait état de l'analyse comparative de marché, que Century 21 estime être outil très performant de son réseau, et que [V] [D] reprend également le thème des "journées carrière- et la collecte de jouets pour Noël".

Century 21 soutient, ensuite, que le tribunal s'est mépris sur le sens de la clause, qui d'une part ne peut être assimilé à une clause d'enseigne, et d'autre part ne prive pas le franchisé du droit de céder son fonds de commerce.

Elle prétend, de surcroît, que la référence à des locaux est totalement inadéquate pour les réseaux d'agences immobilières dont l'activité n'est pas statique et s'exerce principalement en dehors des locaux, sur un rayon de plusieurs kilomètres- et soutient que la limitation territoriale au département retenue en l'espèce est valide.

Elle rappelle à cet égard que la cour d'appel de Paris a dans un arrêt du 14 décembre 2016 (n° 14/14207) validé une clause de non-réimplantation dans un périmètre de 30 km autour du fonds pour le franchisé, que dans un arrêt du 19 juin 2019 (n° 18/152), elle a reconnu valable la clause de non affiliation limitée à la commune d'Athis-Mons et que dans l'arrêt du 13 janvier 2021 (n° 19/1975), elle a validé une clause de non concurrence visant le territoire des 12e et 13e arrondissements de Paris et le département du Val-de-Marne à l'exception de quelques communes précisément nommées.

Elle considère enfin que dans l'hypothèse où la clause aurait un champ trop large, il appartient à la Cour de procéder à sa réfaction en limitant son application au franchisé personne morale et à ses associés signataires du contrat de franchise et aux seuls locaux dans lesquels la franchise est exploitée. En effet, le juge a le pouvoir, afin de maintenir l'économie du contrat et le principe de la liberté contractuelle, de dire que seule la stipulation incriminée doit être réputée non écrite.

Fortis Immo et FIT, après avoir rappelé que la franchise Century 21 présente la particularité de n'assurer à ses affiliés aucune exclusivité de secteur, lequel est remplacé par le concept de "zone d'influence", font valoir qu'avant l'entrée en vigueur de la loi du 6 aout 2015, la jurisprudence a subordonné la validité des clauses de non-affiliation post-contractuelles au respect de 4 conditions cumulatives (limitation dans le temps, limitation dans l'espace, nécessaire protection des intérêts légitimes du bénéficiaire et proportionnalité à l'objet du contrat) et que ces principes sont appréciés strictement, sous peine de nullité des clauses ne répondant pas à ces conditions (Cass. Com., 8 juin 2017, n° 15-27.146). La cour d'appel de Paris fait donc application de ces principes posés par l'article 5 du règlement d'exemption n° 330/2010 du 20 avril 2010, les critères d'appréciation des clauses en droit national étant identiques à ceux du règlement, lequel fournit un guide d'analyse utile (CA Paris 5-4, 3 octobre 2018, n° 16/05817 et 16/11454).

Fortis Immo et FIT soutiennent qu'en l'espèce, les clauses de non-affiliation stipulées par Century 21 dans ses contrats de franchise ne respectent pas les conditions de validité édictées par la jurisprudence et ce notamment quant au périmètre géographique desdites clauses qui étendent l'interdiction à des locaux autres que ceux concernés par le contrat. Elles considèrent que cette clause ne poursuit en pratique d'autre objectif que celui de forcer à demeurer dans le réseau Century 21 France. Elles ajoutent, s'agissant de l'interdiction de concurrence visant toute personne physique ou morale ayant exercé des fonctions dans ou pour la société franchisée, que sauf à ce que tout salarié ou tout sous-traitant, tout prestataire, prenne lui-même un tel engagement préalablement à toute relation contractuelle, ce qui est irréaliste, le franchisé ne peut se porter fort d'une telle obligation indirecte. Elles font aussi observer, s'agissant de l'interdiction aux associés ayant détenu plus de 10 % du capital de s'affilier à un autre réseau, que le critère de pourcentage retenu est totalement arbitraire puisqu'un associé ayant détenu moins de 10 % peut avoir eu accès au savoir-faire alors même qu'un associé ayant des participations plus importantes peut ne pas y avoir accès. Elles en concluent, au regard de l'évolution des pratiques professionnelles de l'immobilier (et notamment l''inter-cabinets) que la clause de non-affiliation telle qu'elle est rédigée ne vise pas la protection d'un savoir-faire mais constitue une tentative de restriction de concurrence.

Team France, se référant au point 86 des Lignes directrices de la Commission européenne relatives à la notion d'affectation du commerce fait valoir, tout d'abord, que Century 21 est une enseigne internationale notoire et que la clause restrictive de concurrence litigieuse rend plus difficile aux entreprises d'autres Etats membres la pénétration du marché. Elle en déduit que l'article 5.3 a et B du règlement d'exemption n° 330/2010 du 20 avril 2010 est applicable en l'espèce, même si ni Century 21 France, ni [V] [D] ne disposent pas d'une part de marché supérieure à 30 %. Elle ajoute qu'en toute hypothèse, les règles posées par cet article servent de guide à la jurisprudence française, qui prévoit exactement les mêmes exigences pour la clause, à peine de nullité.

Team France recense les causes de nullité suivantes, comme n'étant pas indispensables ni même nécessaire à la protection du savoir-faire ;

- l'interdiction de concurrence à l'encontre de "toute personne physique ou morale ayant exercé des fonctions dans ou pour- la société franchisée",

- l'interdiction de concurrence à l'encontre du cessionnaire du fonds, cette interdiction engendrant selon elle un déséquilibre significatif entre les parties au contrat et constituant en toute hypothèse une clause d'enseigne nulle,

- l'interdiction de concurrence à l'encontre de 'toute personne physique ou morale ayant détenu plus de 10 % du capital- de la société franchisée,

- l'interdiction de « se lier à tout groupe, organisme ou entreprise directement ou indirectement concurrent du franchiseur », en ce qu'il interdit tout mode de fonctionnement collaboratif portant pratiqué par presque tous les agents immobiliers, y compris ceux du réseau Century 21.

Elle fait aussi valoir que la clause est nulle car elle va au-delà de la durée d'un an retenue par la jurisprudence en ce qu'elle peut être opposée à toute personne ayant exercé des fonctions dans ou pour la société franchisée alors qu'elle aurait cessé ses relations avec le franchisé bien avant la fin du contrat de franchise. Elle soutient de plus que la clause est nulle en ce que son assiette territoriale est insuffisamment limitée, alors même que l'on est en région parisienne où la densité des agences immobilières est la plus forte.

Elle fait valoir, enfin, que le savoir-faire de [V] [D] est assez éloigné de celui de Century 21 puisqu'il concerne la gestion des relations entre les agents qui opèrent dans un Market Center, leur gestion de carrière, leur mode de rémunération, des parcours apprentissages spécifiques, des programmes de coaching ou le concept architectural de Market Center.

Réponse de la Cour :

Les clauses de non-concurrence post-contractuelles, auxquelles sont assimilées les clauses qui ont pour effet de restreindre la liberté du franchisé, à l'instar des clauses de non-réaffiliation, peuvent être considérées comme inhérentes à la franchise dans la mesure où elles permettent d'assurer la protection du savoir-faire transmis qui ne doit profiter qu'aux membres du réseau et de laisser au franchiseur le temps de réinstaller un franchisé dans la zone d'exercice de l'activité.

Ces clauses et celles de confidentialité ont des objets distincts dans la mesure où la clause de non-affiliation vise à empêcher la communication du savoir-faire et à préserver le caractère secret, tandis que la clause de confidentialité vise à interdire l'exploitation du savoir-faire. Le franchiseur peut donc, sans enfreindre le principe de proportionnalité, prévoir les deux types de clause pour protéger son savoir-faire.

La clause de non-affiliation doit cependant restée proportionnée à l'objectif qu'elle poursuit.

Une clause de non-affiliation, en ce qu'elle porte atteinte au principe de la liberté du commerce, doit être justifiée par la protection des intérêts légitimes de son créancier (quant à la protection du savoir-faire transmis et à la faculté de concéder à un autre franchisé la zone d'influence concernée) et ne pas porter une atteinte excessive à la liberté de son débiteur, c'est-à-dire être limitée quant à l'activité, l'espace et le lieu qu'elle vise. Elle doit de surcroît, au regard de la mise en balance de l'intérêt légitime du créancier de non-affiliation et de l'atteinte qui est apportée au libre exercice de l'activité professionnelle du débiteur de non-affiliation, être proportionnée. Elle ne doit donc pas porter une atteinte disproportionnée aux intérêts du débiteur, outrepassant la nécessaire protection du savoir-faire du créancier.

Il n'est pas démontré que la clause figurant à l'article 17 des contrats signés le 29 janvier 2014, le 8 janvier 2015 et le 2 décembre 2015 figure dans tous les contrats de franchise Century 21 France, et qu'elle est susceptible d'affecter la totalité du territoire français, partie substantielle du marché de l'Union européenne. Pour autant, la non-application du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 relatif à l'exemption de certaines catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées ne change pas les critères d'appréciation de la clause en droit national, qui sont identiques à ceux du règlement, lequel fournit un guide d'analyse utile.

En l'espèce, et en premier lieu, cette clause, par son étendue géographique (limitation territoriale au(x) département(s) dans lequel le franchisé a son agence et ses succursales éventuelles) est disproportionnée par rapport aux intérêts légitimes du franchiseur et porte une restriction excessive à la liberté d'exercice de la profession d'agent immobilier, une interdiction d'exercer l'activité identique dans un périmètre beaucoup plus restreint s'avérant au cas présent suffisante pour éviter tout risque de concurrence (en raison de l'affiliation à un réseau concurrent du franchiseur) entre les enseignes ayant une activité identique ou similaire aux agences en franchise.

La circonstance que ne soit pas contesté le savoir-faire de Century 21 (lequel au terme des écritures du franchiseur porte notamment sur des méthodes de prospection, de gestion, d'organisation, de commercialisation ; des campagnes de publicité ; des actions de recrutement ; des stages de formation ; la mise en place de structures destinées à faciliter l'intégration du franchisé au réseau ; l'institution de normes de qualité : le renforcement de la cohésion et de la coopération entre les franchisés ; un système de fichiers partagés ; la réalisation d'économies notamment par la sélection de fournisseurs agréés) ne suffit pas à rendre cette clause licite au regard de la restriction territoriale litigieuse. Il est constant que le tissus des agences est particulièrement dense à [Localité 13] et le franchiseur ne démontre pas en quoi ce savoir-faire nécessite une protection à l'échelle du département.

En deuxième lieu, n'est pas non plus proportionnée à la protection du franchiseur l'interdiction d'affiliation à un réseau concurrent imposée « à toute personne physique ou morale ayant à un moment quelconque de l'exécution du contrat exercé des fonctions dans ou pour la société franchisée », cette prohibition ayant, par son libellé, vocation à concerner tout salarié, tout sous-traitant et tout prestataire ayant collaboré avec le franchisé, quelques soit la nature (activité immobilière ou non) et la durée de cette collaboration, laquelle a pu cesser bien avant la fin du contrat de franchise. La clause impose de surcroît au franchisé de se porter fort du respect de cette obligation (article 17, 4e paragraphe).

En troisième lieu, est disproportionnée l'interdiction à tout ayant cause, à titre universel ou particulier-de Fortis Immo ou FIT, et donc y compris l'acquéreur du fonds de commerce, d'exercer une activité d'agent immobilier avec le support d'un autre réseau, d'autant que le tribunal a justement observé, dans la décision attaquée, qu'il était apparu lors des débats qu'environ 50 % des agences immobilières en France sont exploités en réseau, réduisant de facto de façon considérable le nombre des successeurs susceptibles d'être intéressés par l'achat du fonds.

La Cour retient en conséquence, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres causes de nullité soulevées, que la clause de non-affiliation figurant à l'article 17 des contrats de franchise conclus en 2014 et 2015 portes, dans ses paragraphes 2, 3 et 4 une atteinte excessive à la liberté du franchisé, laquelle outrepasse la protection des intérêts légitimes du franchiseur.

Il n'est pas permis au juge, lorsque les termes d'une disposition contractuelle sont clairs et précis, de dénaturer les obligations qui en résultent et de modifier les stipulations qu'elles renferment.

Century 21 n'est donc pas fondée à solliciter la modification par voie judiciaire de la clause litigieuse.

La décision attaquée, qui annule l'article 17 des contrats de franchise des 29 janvier 2014, 8 janvier 2015 et le 2 décembre 2015 sera en conséquence confirmée pour ces motifs substitués.

Sur la validité de la clause de non-affiliation du contrat du 8 mars 2017.

Exposé du moyen :

Century 21 fait valoir que la clause de non-affiliation du contrat de franchise est valide au regard de l'article L. 341-2 du code de commerce, les quatre conditions de validité posées par l'article étant selon elle remplies.

Fortis Immo et FIT répondent, tout d'abord, que le contrat de franchise du 8 mars 2017 a été consenti exclusivement pour les locaux situés au [Adresse 2] (cette agence n'ayant pas de succursales), que la clause de non-affiliation qu'il contient porte interdiction d'affiliation pour une durée d'un an de ce seul local, et que le bail de cette agence a été résilié suite au départ du réseau Century 21.

Ils demandent confirmation de la décision attaquée en soutenant que la clause contenue dans ce contrat de 2017 est rédigée en substance de la même façon que les précédentes et qu'elle est nulle pour les raisons déjà exposées, la loi Macron se situant dans le prolongement de la jurisprudence antérieure.

Team France fait valoir que l'article L. 341-2 du code de commerce est une résultante du droit européen et de la jurisprudence française et qu'il prévoit exactement les mêmes exigences pour la clause, à peine de nullité, étant observé que dans le cas présent les causes de nullité sont multiples. Elle ajoute que le Conseil constitutionnel ayant dans sa décision n° 2015-715 DC du 5 aout 2015 indiqué que le législateur, en adoptant les articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de commerce, a "poursuivi un intérêt général", la nullité encourue est absolue.

Réponse de la Cour :

L'article L. 341-2 du code de commerce, en vigueur depuis le 6 aout 2016, dispose :

I. Toute clause ayant pour effet, après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite.

II. Ne sont pas soumises au I du présent article les clauses dont la personne qui s'en prévaut démontre qu'elles remplissent les conditions cumulatives suivantes :

1° Elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux qui font l'objet du contrat mentionné au I ;

2° Elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l'exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat mentionné au I ;

3° Elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat mentionné au I ;

4° Leur durée n'excède pas un an après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1.

La Cour retient, en premier lieu, que le tribunal a, à raison, dans la décision attaquée, constaté que l'engagement de non-affiliation querellé ne porte que sur les activités de service immobiliers objets du contrat de franchise, et que la clause est donc conforme aux dispositions de l'article L. 341-2, II- 1e du code de commerce.

La Cour constate, en deuxième lieu, que la clause de non affiliation du contrat de l'agence de la rue Madar du 8 mars 2017 contient des dispositions analogues à celles dès les contrats précédents, mais qu'elle mentionne, en conformité avec l'article L. 341-2, II- 2e du code de commerce : « cette interdiction sera effective pour une durée d'un an pour le ou les locaux dans lequel le franchisé a son agence et ses succursales éventuelles ».La restriction de concurrence est donc limitée au seul lieu d'exercice de l'activité.

La Cour retient, en troisième lieu, que les conditions visées au 3° de l'article L. 341-2, II du code de commerce ne sont pas remplies.

En effet, pour les motifs déjà exposés s'agissant des contrats de 2014 et 2015, l'interdiction d'affiliation à un réseau concurrent imposée « à toute personne physique ou morale ayant à un moment quelconque de l'exécution du contrat exercé des fonctions dans ou pour la société franchisée », d'une part, et à « tout ayant cause, à titre universel ou particulier », d'autre part, n'est pas indispensable à la protection du savoir-faire du franchiseur et porte une atteinte excessive au libre exercice de l'activité du franchisé.

Or l'article L. 341-2, II du code de commerce dispose expressément que les conditions qu'il énonce sont cumulatives.

La Cour retient en conséquence, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres causes de nullité soulevées, que la clause post-contractuelle de non-affiliation figurant à l'article 17 du contrat de franchise du 8 mars 2017 restreint la liberté d'exercice de l'activité commerciale et doit doit donc, en application de l''article L. 341-2, I du code de commerce être réputée non écrite.

Il s'en suit que la décision attaquée, qui répute non écrit l'article 17 du contrat de franchise du 8 mars 2017, comme contrevenant aux dispositions d'ordre public de l'article L. 341-2 du code de commerce, sera confirmée pour ces motifs substitués.

Sur les autres demandes de la société Century 21.

Le sens de l'arrêt commande de débouter Century 2 de ses autres demandes, lesquelles supposaient la validité de la clause post-contractuelle de non-affiliation des contrats de franchise.

Sur les demandes reconventionnelles des sociétés Fortis Immo, FIT et Team France

Exposé du moyen :

Fortis Immo et Fit font valoir que l'attitude de Century 21 procède de l'abus de droit. Il lui appartenait de respecter les dispositions d'ordre public de la loi Macron et de mettre en conformité les contrats si elle entendait se prévaloir d'une clause de non-affiliation licite. Les sociétés Fortis Immo et FIT sollicitent la condamnation de Century 21 au paiement de la somme de 100 000 € à titre de dommages-intérêts.

La société Team France soutient que l'action engagée visait à la déstabiliser. Alors que Century 21 connaissait la nullité de sa clause, elle en a fait une disposition dissuasive en tablant sur le caractère particulièrement élevé de l'indemnité mensuelle (50 000 €, alors que le chiffre d'affaires moyen d'une agence immobilière est de l'ordre de 30 000 euros par mois). La société Team France demande réparation du préjudice moral par ricochet qu'elle a dû subir pour le lancement de sa franchise en France du fait de cette procédure. Elle sollicite aussi la réparation de préjudice moral à hauteur de 20 000 € et de son préjudice commercial à hauteur de 30 000 €.

La société Century 21 répond qu'elle n'était pas informée du projet d'affiliation de la société Fortis Immo au réseau [V] [D]. Elle observe que par ailleurs, le tribunal de commerce a à l'évidence apprécié de manière inexacte le droit applicable. Enfin et en tout état de cause, aucun préjudice moral et financier ne lui parait démontré.

Réponse de la Cour :

Si Century 21 s'est méprise sur l'étendue de son droit, elle n'a pas fait dégénérer en abus son droit à l'exercice de leur action en justice.

Team France ne justifie pas, en outre, des préjudices qu'elle allègue avoir subis.

Il n'y a en conséquence pas lieu de faire droit aux demandes reconventionnelles formulées.

Sur les frais irrépétibles et les dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Fortis Immo, FIT et Team France les frais irrépétibles d'appel qu'elles ont contraintes d'exposer pour faire valoir leurs droits devant la Cour.

Century 21 sera en conséquence condamnée, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, à verser à Fortis Immo et FT, chacune, la somme de 15 000 euros et à Team France la somme de 20 000 euros.

Century 21, qui succombe en toutes ses prétentions, sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 septembre 2020 en ses dispositions qui lui sont soumises ;

Y ajoutant,

Condamne la société Century 21 France aux dépens d'appel ;

Condamne la société Century 21 France à verser à la société Fortis Immo la somme supplémentaire de 15 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la société Century 21 France à verser à la société Fortis Immo Transaction la somme supplémentaire de 15 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la société Century 21 France à verser à la société Team France la somme supplémentaire de 20 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.