Cass. 3e civ., 24 mars 1993, n° 91-11.690
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauvois
Rapporteur :
M. Douvreleur
Avocat général :
M. Mourier
Avocats :
SCP Boré et Xavier, SCP Defrénois et Levis
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 31 janvier 1991), que la société Langon-Moléon a vendu, le 7 novembre 1975, à la société Doux et Trouillot une partie du terrain dont elle était propriétaire, en stipulant que le surplus serait grevé d'une servitude consistant dans l'interdiction de la vente de carburants et d'huiles et de l'entretien des véhicules ; qu'elle a, par la suite, sur la partie demeurée sa propriété, consenti un bail à construction à la société Plageco qui y a aménagé un supermarché avec une " station-service " assurant la vente de carburants, d'huiles et de produits d'entretien des véhicules ;
Attendu que la société Plageco fait grief à l'arrêt de lui interdire toutes les activités visées dans l'acte du 7 novembre 1975, alors, selon le moyen, d'une part, qu'aux termes de l'article 637 du Code civil, auquel ne déroge pas l'article 686, une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire ; que, dans ses conclusions d'appel, la société Plageco a fait valoir que la clause d'interdiction de construire et d'exploiter dans les lieux un commerce pour l'automobile vise seulement la protection contre la concurrence et la commodité du fonds de commerce exploité par la société Doux et Trouillot et est directement et exclusivement stipulée au profit de ce fonds de commerce, entité mobilière de l'immeuble sur lequel il est exploité ; que la juridiction du second degré, qui s'est contentée d'affirmer que le droit, constitué au bénéfice de cette société, doit être considéré comme directement attaché aux biens immeubles qu'il concerne et énumérés dans l'acte du 7 novembre 1975, sans s'expliquer sur l'interposition du fonds de commerce de la société Doux et Trouillot, ayant pour effet d'écarter l'existence d'un rapport réel entre deux immeubles constitutifs d'une servitude au sens de l'article 637, n'a pas donné une base légale à sa décision au regard des textes susvisés ; d'autre part, que pour qualifier une convention de servitude ou d'obligation personnelle, les juges du fond doivent rechercher si elle est établie à la charge ou au profit d'un immeuble ou bien à la charge ou au profit d'une personne déterminée ; que dans ses conclusions d'appel, qui ont été délaissées, la société Plageco a encore fait valoir que la clause d'interdiction profite au fonds de commerce de station-service et ventes d'automobiles qui est le prolongement de la personne morale commerçante, la société Doux et Trouillot ; qu'ainsi, la juridiction du second degré a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'interdiction faite à l'acquéreur d'un fonds de l'affecter à un usage déterminé pouvant constituer une charge pour un héritage au profit d'un autre et revêtir ainsi le caractère d'une servitude établie par le fait de l'homme, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions, a légalement justifié sa décision en retenant que le droit constitué au bénéfice du fonds dominant, non contraire à l'ordre public, était attaché aux biens immeubles énumérés dans l'acte ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.