Cass. 3e civ., 4 juillet 2001, n° 99-14.784
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauvois
Rapporteur :
M. Guerrini
Avocat général :
M. Guérin
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Me Le Prado, SCP de Chaisemartin et Courjon
Sur le premier moyen :
Vu l'article 686 du Code civil, ensemble l'article 1134 de ce Code ;
Attendu qu'il est permis aux propriétaires d'établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds, et pourvu que ces services n'aient d'ailleurs rien de contraire à l'ordre public ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 17 février 1999), que les consorts Y... ont vendu un terrain à la société civile immobilière (SCI) Les Cayres, selon acte du 4 octobre 1990, portant acceptation par la société acqueresse de l'interdiction, faite aux divers commerçants qui viendraient à s'installer sur le terrain vendu, de fabriquer ou vendre du pain et de la pâtisserie, dans leur forme artisanale et ce, quel que soit le type de commerce qui y serait exercé ; qu'après avoir édifié sur ce terrain un immeuble comprenant des locaux à usage commercial, la SCI Les Cayres l'a revendu à la SCI Mazars, par un acte reproduisant cette même clause ; que cette société a donné en location-gérance un fonds de commerce à la société à responsabilité limitée (SARL) LSF, qui y exploitait un supermarché ; que les consorts Y..., invoquant le non-respect de la clause d'interdiction, ont assigné les sociétés Les Cayres, Mazars et LSF pour obtenir la cessation de ce prétendu manquement et la réparation de leur préjudice ; que la SARL Y... et fils est intervenue à l'instance ;
Attendu que pour déclarer nulle la stipulation litigieuse et débouter les consorts Y... de leur demande, l'arrêt, ayant relevé que l'interdiction édictée à l'acte du 4 octobre 1990 n'était pas constitutive d'une servitude, en l'absence de détermination du fonds dominant, l'interdiction étant stipulée " pour le respect de la mémoire de M. X... Y... ", retient qu'une convention, dite de non-concurrence, interdisant, sans limitation de temps, l'exercice d'une activité commerciale définie est licite si elle est restreinte à un lieu déterminé, qu'il s'agit, cependant, dans ce cas toujours d'une servitude établie par le fait de l'homme attachée à un fonds dans l'intérêt d'un autre fonds, et que faute d'avoir déterminé un fonds dominant bénéficiaire de la clause de non-concurrence, cette clause est nulle ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'interdiction faite à l'acquéreur d'un fonds immobilier de l'affecter à un usage déterminé peut revêtir le caractère d'une obligation personnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 février 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.