CA Rennes, 1re ch., 31 janvier 2023, n° 20/04973
RENNES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Georges V Atlantique (SNC)
Défendeur :
SCIPAV 2 (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Delière
Conseillers :
Mme Veillard, Mme Brissiaud
Avocats :
Me Apcher, Me Bourges, Me Delalande
EXPOSÉ DU LITIGE
La Sci Scipav 2 est propriétaire d'une maison située [Adresse 2] sur une parcelle cadastrée [Cadastre 6].
En 2016, la Sci Scipav 2 a mandaté la société Arnold Immobilier afin de vendre ce bien.
En exécution de ce mandat, la société Arnold Immobilier a adressé le 30 septembre 2016 un courriel d'information relatif à la mise en vente de ce bien, au groupe Nexity. Il était précisé que ce bien était à vendre au prix de 1.600.000 € HT frais d'agence inclus, et « sans condition ».
Le 21 octobre 2016, la Snc George V Atlantique, société du groupe Nexity, a adressé à la société Arnold Immobilier « une offre d'acquisition foncière» au prix de 1.100.000 €, frais d'agence inclus.
Cette offre, valable pour une durée de 15 jours, a été réitérée par courrier du 2 novembre 2016 dans des termes identiques, avec une validité jusqu'au 30 novembre 2016.
Après qu'une réunion se soit tenue le 17 novembre 2016, regroupant toutes les parties, la Sci Scipav 2 a accepté l'offre le 21 novembre 2016.
Il était convenu que la promesse de vente devait être signée en l'étude de Me [N] le 22 décembre 2016. Un projet de promesse unilatérale de vente a été adressé par le notaire à la Snc George V Atlantique par couriel du 19 décembre 2016.
Par courriel du 20 décembre 2016, la Snc George V Atlantique a sollicité le report du rendez-vous de signature et une nouvelle date a été fixée au 5 janvier 2017.
Le 4 janvier 2017, la Snc George V Atlantique a fait savoir au notaire qu'elle n'entendait pas régulariser la promesse, en expliquant avoir appris à l'occasion d'une réunion organisée le 8 décembre 2016 avec les services de l'urbanisme de la commune d'[Localité 7] qu'il lui serait impossible d'obtenir l'autorisation de réaliser son projet immobilier en raison d'une insuffisance du réseau viaire.
Par lettre recommandée du 6 janvier 2017, la Sci Scipav 2 a mis en demeure la Snc George V Atlantique de respecter ses engagements.
La Snc George V Atlantique n'ayant pas obtempéré et une issue amiable n'ayant pu être trouvée, la Sci Scipav 2 a, par acte d'huissier en date du 10 mai 2017, fait assigner la Snc George V Atlantique devant le tribunal de grande instance de Nantes aux fins de voir dire que la vente est parfaite.
Par jugement du 29 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Nantes a :
-Dit que l'offre d'achat émise le 21 octobre 2016, réitérée le 2 novembre 2016 par la Snc George V Atlantique, et acceptée le 21 novembre 2016 par la Sci Scipav 2 vaut conclusion du contrat de vente selon les termes suivants :
« - VENDEUR :
La société civile immobilière 'Scipav 2", société civile immobilière au capital de 990,30 €, représentée par [M] [T], [C] [Y] et [K] [T], domiciliés [Adresse 3], dont le siège social est situé [Adresse 3], identifiée sous le numéro de Siren 384 784 005 et immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nantes, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège de la société.
- ACQUEREUR :
La Snc George V Atlantique, société en nom collectif, au capital de 8.000 €, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de la Ville de Paris, sous le numéro 433 946 423, dont le siège social est à [Adresse 1], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège de la société.
-IMMEUBLE VENDU :
Ville et Commune d’ [Localité 7] (Loire Atlantique),
Une maison à usage d'habitation située [Adresse 2],
Comprenant :
- Au rez-de-chaussée : Hall d'entrée ouvert sur le salon-séjour avec cheminée, cuisine aménagée, vestiaire et WC avec lave-mains, cage d'escalier,
- Au premier étage : Coursive desservant une suite parentale avec chambre, une salle de bain et un dressing, une chambre avec une salle d'eau privative avec WC,
- Au deuxième étage : mansardé, dégagement avec placard sous pente, WC, salle de bain, douche indépendante, deux chambres, un espace bibliothèque,
-Au sous-sol, buanderie/ chaufferie avec système pour la piscine, cave, atelier, garage avec portail électrique,
- Jardin avec piscine et carport.
Le tout cadastré Section [Cadastre 5], pour une contenance totale de 18 a 20 ca,
Tel que ledit immeuble se comporte sans exception ni réserve.
- PRIX :
Le prix convenu est de 1.100.000 € (un million cent mille euros)
- EFFET RELATIF
La Sci Scipav 2 est propriétaire de l'immeuble vendu pour en avoir fait l'acquisition en vertu d'un acte au rapport de Maître [P] [I], Notaire à [Localité 4] en date du 13 janvier 2014, publie au service de la Publicité Foncière de Nantes, 2ème Bureau, le 22 janvier 2014, Volume 2014 P n°1048 »,
-Condamné la Snc George V Atlantique à payer à la Sci Scipav 2 la somme de 1.100.000 €, avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2017, ceux-ci pouvant eux-mêmes être capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil,
-Dit que la publicité de la présente décision auprès du deuxième bureau du service de la Publicité Foncière de Nantes sera réalisée par la partie la plus diligente,
-Débouté la Snc George V Atlantique de toutes ses demandes,
-Débouté la Sci Scipav 2 du surplus de ses demandes,
-Condamné la Snc George V Atlantique à payer à la Sci Scipav 2 la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
-Condamné la Snc George V Atlantique aux entiers dépens, qui comprendront la taxe de publicité foncière et les frais afférents à la vente et qui pourront être recouvrés directement par la Selarl CDK Avocats (Me Marc Delalande) conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Suivant déclaration au greffe du 15 octobre 2020, la Snc George V Atlantique a interjeté appel de toutes les dispositions de ce jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 5 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, la SNC George V Atlantique demande à la cour de :
-Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Nantes en date du 29 septembre 2020,
Statuant à nouveau :
-Débouter la Sci Scipav 2 de toutes ses demandes fins et conclusions,
-Dire et juger que la Sci Scipav 2 a manqué à son devoir d'information pré-contractuelle au sens de l'article 1112-1 du Code civil et à son obligation générale de former et d'exécuter le contrat de bonne foi au sens des articles 1104 et 1602 du Code civil,
-Condamner la Sci Scipav 2 à régler à la Snc George V Atlantique la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier,
-Condamner la Sci Scipav 2 à régler à la Snc George V Atlantique la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-Condamner la Sci Scipav 2 au règlement des entiers dépens de première instance et d'appel.
En cause d’appel, la Snc George V Atlantique ne poursuit plus la nullité de l'offre d'achat du 2 novembre 2016 acceptée le 21 novembre 2016 sur le fondement du dol et subsidiairement de l'erreur sur la substance.
Exposant que le tribunal aurait gravement dénaturé la nature de son engagement, elle fait désormais valoir que la « proposition de valorisation » émise suivant courrier du 2 novembre 2016 et acceptée par la Sci Scipav 2 le 21 novembre 2016 ne constitue pas une offre contractuelle d'achat mais seulement un engagement à régulariser une promesse unilatérale de vente sous conditions suspensives. Par conséquent, elle estime que le courrier du 2 novembre 2016 portant la signature des gérants de la Sci Scipav 2 2 ne saurait, à quelque titre que ce soit, consacrer un accord sur la chose et sur le prix au sens de l'article 1589 du Code civil ouvrant droit à demande de réitération forcée de la vente.
Elle ajoute qu'il n'a jamais été question de renoncer à toutes conditions suspensives, en ce qu'il était bien précisé dans son courrier du 2 novembre 2016 qu'elle entendait conditionner son engagement à la réalisation des conditions suspensives usuelles telle que l'absence de servitude d'urbanisme empêchant la réalisation de l'opération.
Or, considérant que le bien objet de la vente était effectivement grevé d'une servitude d'urbanisme liée à l'insuffisance du réseau viaire, la Snc George V Atlantique soutient que dans l'hypothèse où elle se serait pliée à la sommation de la Sci Scipav 2 de régulariser la promesse unilatérale de vente, il est évident qu'elle n'aurait jamais levé l'option, que la vente ne se serait donc pas faite et qu'au surplus, elle n'aurait été redevable d'aucune indemnité d'immobilisation, à défaut de réalisation de la condition suspensive tenant à l'absence de servitude d'urbanisme.
La Snc George V Atlantique fait encore valoir qu'il est inenvisageable de la condamner à une vente forcée dès lors qu'il existe un doute sur l'identité du candidat à l'acquisition entre la société Nexity et la Snc George V Atlantique.
S'agissant de sa demande reconventionnelle en dommages-et-intérêts, la Snc George V Atlantique indique qu'elle n'est pas nouvelle en cause d'appel et qu'elle est donc parfaitement recevable. Elle soutient que la Sci Scipav 2 a gravement manqué à ses obligations de bonne foi et d'information précontractuelle, en s'abstenant de l'informer des refus systématiques d'autorisation de construire opposés par la Mairie d'[Localité 7],s'agissant de la réalisation d'un programme immobilier sur la parcelle pour cause d'insuffisance du réseau viaire, alors qu'elle savait que cette information était déterminante de son consentement.
Enfin, la Snc George V Atlantique s'oppose à la demande de publication de la décision et sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré qu'il s'agissait d'un litige privé n'intéressant pas le public.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 7 avril 2021 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, la Sci Scipav 2 demande à la cour de :
-Confirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Nantes le 29 septembre 2020 en ce qu'il a :
dit et jugé que l'offre d'achat émise le 21 octobre 2016, réitérée le 2 novembre 2016 par la Snc George V Atlantique et acceptée le 21 novembre 2016 par la Sci Scipav 2 vaut conclusion du contrat de vente,
Condamné la Snc George V Atlantique à payer à la Sci Scipav 2 la somme de 1.100.000 € avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2017, ceux-ci pouvant eux-mêmes être capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du Code Civil,
Dit que la publicité de la décision auprès du deuxième bureau du service de la publicité foncière de Nantes sera réalisée par la partie la plus diligente,
Condamné la Snc George V Atlantique à payer à la Sci Scipav 2 la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens qui comprendront la taxe de publicité et les frais afférant à la vente et qui pourront être recouvrés directement par la SELARL CDK Avocats (Maître Marc Delalande) conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.
-Y ajoutant, dire et juger que la Snc George V Atlantique, société du groupe Nexity, a manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution de ses engagements contractuels,
-En conséquence, ordonner, aux frais de la Snc George V Atlantique, la publication du dispositif de la décision à intervenir dans la revue « Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment» ainsi que dans le supplément immobilier du journal «Ouest France »,
-Condamner la Snc George V Atlantique à payer à la Sci Scipav 2 la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
-Condamner la Snc George V Atlantique à payer à la Sci Scipav 2 les entiers dépens de l'instance,
-Dire et juger que les demandes reconventionnelles de la Snc George V Atlantique sont irrecevables comme étant nouvelles,
-Subsidiairement, dire et juger qu'elles sont mal fondées et l'en débouter.
En réplique, la Sci Scipav 2 fait valoir que la Snc George V Atlantique ne peut sérieusement en cause d'appel, remettre en cause la qualification juridique des deux courriers des 21 octobre et 2 novembre 2016 qu'elle a elle-même intitulés « offre d'acquisition foncière» et dont elle a ensuite cherché à obtenir la nullité en alléguant un vice du consentement. Selon elle, ces deux courriers matérialisaient une offre d'achat dénuée de toute ambiguïté, qui a été acceptée le 21 novembre 2016, de sorte que les parties étant d'accord sur la chose et sur le prix, la vente devait être considérée comme parfaite, en l'absence de toute condition suspensive tenant à l'obtention d'un permis de construire.
Conformément au principe de l'estoppel et arguant de l'existence d'un aveu judiciaire en première instance, elle ajoute que la Snc George V Atlantique ne peut faire valoir en appel un fait contraire à celui qu'elle a reconnu en première instance, à savoir qu'elle avait donné son consentement ferme et définitif à l'acquisition de l'immeuble. Elle rappelle que la cour devra statuer en se référant à l'intention réelle des parties.
La Sci Scipav 2 expose par ailleurs que la Snc George V Atlantique ne démontre par aucune pièce, l'existence d'une servitude d'urbanisme liée à l'insuffisance du réseau viaire et à la supposer établie, qu'une telle servitude empêcherait la réalisation de son projet de construction.
La Sci Scipav 2 conteste encore toute l'argumentation qu'elle qualifie de « fallacieuse » tenant à l'identité incertaine de l'acquéreur.
Enfin, elle considère que la demande de dommages et intérêts, formée à titre reconventionnel par la Snc George V Atlantique, est irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel et qu'elle est en tout état de cause totalement infondée dans la mesure où la Snc George V Atlantique était parfaitement informée des refus opposés par la mairie d'[Localité 7] aux précédents projets de promotion immobilière.
MOTIVATION DE LA COUR
1°/ Sur la qualification juridique des courriers du 21 octobre 2016 et 2 novembre 2016 adressés par la Snc George V Atlantique à la Sci Scipav 2
L'article 1114 du code civil dispose que « l'offre faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation ».
Par ailleurs, aux termes de l'article 1124 du code civil, « la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.
La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis.
Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l'existence est nul. »
En l'espèce, la Snc George V Atlantique fait grief au tribunal d'avoir dénaturé la nature de son engagement contractuel en analysant le courrier du 2 novembre 2016 comme une offre d'achat, l'ayant définitivement engagée à acquérir le bien immobilier par l'effet de l'acceptation de la Sci Scipav 2 intervenue le 21 novembre 2016.
Il est certain que tant le courrier du 21 octobre 2016 que celui du 2 novembre 2016, sont intitulés « offre d'acquisition foncière ». Par ailleurs, si la Snc George V Atlantique conteste désormais tout engagement contractuel, celle-ci a néanmoins poursuivi en première instance, la nullité de son « offre d'achat du 2 novembre 2016 acceptée le 21 novembre 2016 » sur les fondements du dol et subsidiairement de l'erreur sur la substance.
Pour autant, contrairement à ce que soutient la Sci Scipav 2, l'aveu judiciaire ne concerne que des éléments de fait et non des éléments de droit. En l'occurrence, la qualification juridique des courriers tant du 21 octobre 2016 que du 2 novembre 2016 relève d'une question de droit. Il ne peut donc être considéré que la nature de l'engagement de la Sci Scipav 2 résulterait d'un aveu judiciaire effectué en première instance.
En outre, la cour constate qu'elle n'est saisie d'aucune demande d'irrecevabilité tirée du principe de l'estoppel.
Dès lors, au-delà de la qualification juridique qu'ont pu en donner les parties, il convient de s'attacher au contenu de l'engagement pris par la Snc George V Atlantique aux termes de ses courriers des 26 octobre et 2 novembre 2016, afin de déterminer l'étendue de ses obligations.
Or, dans ces deux courriers rédigés en termes identiques, M. [F] [H] responsable développement immobilier chez Nexity, indiquait :
« Nous pourrions valoriser le bien à 1.100 000 € frais d'agence inclus. Ce prix s'entend d'un terrain libre de toutes occupations, charges réelles, servitudes empêchant la réalisation de l'opération et exempt de pollution et de contraintes archéologiques. Comme convenu, notre proposition n'est soumise à aucune condition de financement, de permis de construire ou de pré-commercialisation.
Dès lors que cette proposition vous agrée, nous engagerons la mise au point d'une promesse de vente dans les meilleurs délais, acte dont les frais, droits et émoluments seront supportés par la société Nexity-George V. Cette promesse de vente d'une durée de validité de 8 mois comportera les clauses et conditions suspensives d'usage. »
Outre l'emploi du conditionnel, il ressort clairement de ces courriers que si l'offre comportait un accord sur la chose et sur le prix, la volonté de la Snc George V Atlantique d'acquérir de manière ferme et définitive le bien immobilier n'est nullement clairement exprimée. En effet, le seul engagement pris par la Sci Scipav 2 est celui de régulariser une promesse de vente, et non pas d'acheter le bien.
Il s'avère qu'au surplus ce n'est pas une promesse synallagmatique de vente qu'il était prévu de régulariser mais une promesse unilatérale de vente, ainsi qu'il résulte du projet d'acte rédigé par Me [Z], notaire au sein de la SCP [N]-Faÿ mandatée par la Sci Scipav 2.
Par définition, la promesse unilatérale de vente n'engage que le promettant, alors que le bénéficiaire demeure libre de donner ou non son consentement à la vente en levant l'option.
En l'occurrence, la seule partie qui aurait été fermement et définitivement engagée aux termes de cette promesse unilatérale de vente aurait donc été la Sci Scipav 2 qui s'obligeait à vendre tandis que la Snc George V Atlantique n'aurait disposé que d'une simple « faculté d'acquérir si bon lui semble ». A cet égard, le projet d'acte précisait en page 2 que « l'acquéreur accepte la présente promesse de vente en tant que promesse, se réservant la faculté d'en demander ou non la réalisation, selon qu'il en avisera ».
Il se déduit de l'existence même de cette promesse unilatérale de vente, l'absence totale d'engagement ferme et définitif de la Snc George V Atlantique quant à l'acquisition du bien immobilier de la Sci Scipav 2.
C'est par conséquent à tort que le tribunal judiciaire de Nantes a considéré que le courrier émis par M. [H] daté du 2 novembre 2016 constituait une offre d'achat ferme et définitive et que le contrat de vente avait été valablement formé par l'acceptation de la Sci Scipav 2 le 21 novembre 2016.
Il convient de débouter la Sci Scipav 2 de ses demandes.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit que l'offre d'achat émise le 21 octobre 2016, réitérée le 2 novembre 2016 par la Snc George V Atlantique et acceptée le 21 novembre 2016 par la Sci Scipav 2 vaut conclusion du contrat de vente, en ce qu'il condamné la Snc George V Atlantique à payer à la Sci Scipav 2 la somme de 1.100.000 € avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2017 en précisant que ceux-ci pouvaient eux-mêmes être capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du Code Civil et en ce qu'il a dit que la publicité de la décision auprès du deuxième bureau du service de la publicité foncière de Nantes sera réalisée par la partie la plus diligente.
2°/ Sur la demande de publication du dispositif de la décision
La Sci Scipav 2, bien qu'ayant été déboutée de cette demande, n'a pas formé d'appel incident . Elle réitère néanmoins sa demande de publication en cause d'appel. La Snc George V Atlantique a quant à elle relevé appel de tous les chefs du jugement, y compris celui relatif au rejet de la demande de publication. Dans le cadre de sa demande de réformation de l'entier jugement, elle sollicite que la Sci Scipav 2 soit déboutée de toutes ses demandes.
Comme l'a parfaitement retenu le tribunal, la demande de publication du dispositif de la décision dans la revue « Le moniteur des travaux publics et du bâtiment » ainsi que dans le supplément immobilier du journal Ouest France n'est pas justifiée s'agissant d'un litige privé n'intéressant pas le public.
En tout état de cause, cette demande apparaît désormais sans objet compte tenu du fait que la Sci Scipav 2 a été déboutée de sa demande principale tendant à voir reconnaître le caractère parfait de la vente.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
3°/ Sur la demande reconventionnelle de la Snc George V Atlantique
a. Sur la recevabilité
Il résulte de l'article 565 du code de procédure civile que « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».
En première instance, la Snc George V Atlantique avait sollicité la condamnation de la Sci Scipav 2 à lui régler la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subséquent au dol dont elle se prétendait victime.
En cause d'appel, la Snc George V Atlantique sollicite la somme de 50.000 euros au titre du manquement de la Sci Scipav 2 à ses obligations d'informations et de bonne foi contractuelle.
Bien qu'étant fondées sur des moyens différents, ces deux demandes présentent la même finalité, à savoir obtenir des dommages-et-intérêts. La demande est par conséquent recevable.
b. Sur le manquement de la Sci Scipav 2 à son obligation pré contractuelle d'information et à son obligation de bonne foi contractuelle
La Snc George V Atlantique reproche à la société intimée d'avoir sciemment tu lors de la réunion du 17 novembre 2016 le fait que son projet de promotion immobilière n'avait aucune chance d'aboutir, compte tenu du refus systématique de la mairie d’[Localité 7] de densifier ce secteur au regard de l'insuffisance du réseau viaire. Elle précise que c'est au cours du rendez-vous organisé avec les services de l'urbanisme de la commune d’ [Localité 7] le 8 décembre 2016 qu'elle a eu la confirmation de la mauvaise foi de la société venderesse, laquelle était parfaitement informée de la position de la commune, compte tenu de l'échec de précédents projets de promotion immobilière sur la parcelle.
L'article 1112-1 code civil relatif au devoir général d'information précontractuelle dispose que : « Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie. Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.»
En l'espèce, il ressort des pièces produites que la Snc George V Atlantique a été informée des échecs des précédents projets de promotions immobilières, notamment en raison des refus opposés par la mairie d'[Localité 7].
Cela résulte notamment du courriel que la Snc a adressé à la Sci Scipav 2 le 24 novembre 2016 (soit après la réunion du 17 novembre 2016) aux termes duquel M. [F] [H] écrivait : « Nous vous assurons de notre mobilisation afin d'obtenir dans les meilleurs délais une orientation positive de la collectivité sur la mutation du site ''.
Comme le souligne à juste titre l'intimée, s'il a été fait mention dans ce courriel de la nécessité d'obtenir « une orientation positive de la collectivité sur la mutation du site », c'est que la possibilité d'un refus de la mairie d'[Localité 7] avait été évoquée par les parties.
Ce que corrobore M. [A] de l'agence Arnold Immobilier dans son attestation du 12 septembre 2018, aux termes de laquelle il se se souvient que lors de la réunion du 17 novembre 2016, le représentant de la Sci Scipav 2 (M. [S]) avait «évoqué les précédents refus essuyés par plusieurs promoteurs par la mairie d'[Localité 7] sur ce type de projet, malgré tout M. [E] et M. [F] [H] ont précisé avoir des relations privilégiées avec la mairie (...) ».
M. [R] [S] et M. [W] confirment cet échange dans leurs attestations respectives du 24 septembre 2018.
M. [H] lui-même, en tant que responsable développement de la Snc George V Atlantique, admet dans son attestation datée du 19 décembre 2018 avoir été informé « que d'autres promoteurs avaient déjà travaillé sur le site mais sans parvenir à un résultat probant. (') le motif était lié à la présence d'une association de riverains très active dans le quartier ».
Par conséquent, l'attention de la Snc George V Atlantique a été attirée sur la difficulté de faire aboutir un projet de promotion immobilière dans le secteur, nonobstant les dispositions du PLU de la commune.
Par ailleurs, la Snc George V Atlantique ne peut sérieusement reprocher à la Sci Scipav 2 de lui avoir caché de mauvaise foi l'existence d'une servitude d'urbanisme liée à l'insuffisance du réseau viaire, qui ne pouvait que l'exposer à un refus de la mairie.
A titre liminaire, contrairement à ce que soutient la Snc George V Atlantique, l'insuffisance du réseau viaire ne saurait être constitutif d'une servitude d'urbanisme grevant le fonds objet de la vente.
En outre, il n'est justifié par aucune pièce que la Sci Scipav 2 était informée des raisons pour lesquelles les précédents projets immobiliers n'avaient pu aboutir, à savoir principalement en raison d'une desserte insuffisante pour les véhicules.
En effet, dans son courrier du 26 janvier 2017, la commune indique seulement que la position de la commune avait déjà été précisée à certains promoteurs ayant précédemment travaillé sur ce foncier. Il ne saurait s'en déduire que la Sci propriétaire était informée des raisons des motifs opposés par la commune et qu'elle les aurait sciemment dissimulés.
Par ailleurs, la Snc George V Atlantique peine à démontrer le caractère déterminant pour elle de l'information prétendument dissimulée dès lors qu'elle a accepté le risque d'un refus d'autorisation de construire en renonçant à la condition suspensive d'obtention d'un permis de construire avant même d'avoir présenté son projet de construction à la mairie d'[Localité 7].
En outre, si cette information était réellement rédhibitoire, la Snc George V Atlantique n'aurait pas manqué de mettre immédiatement fin aux relations contractuelles avec la Sci Scipav 2 au lieu d'entretenir celles-ci, ainsi qu'il résulte des échanges entre les parties et le notaire, dans la perspective d'une signature de la promesse de vente, allant même jusqu'à solliciter par courriel du 20 décembre 2016, un report de la date de signature afin que de permettre à son service juridique d'étudier le projet d'acte transmis la veille. Ce n'est finalement que le 4 janvier 2017, soit la veille de la signature de l'acte authentique et près d'un mois après la réunion du 8 décembre 2016 au cours de laquelle elle dit avoir appris qu'elle ne pourrait pas obtenir l'autorisation de construire, que la Snc George V Atlantique a fait savoir qu'elle ne régulariserait pas la promesse.
En définitive, la faute de la Sci Scipav 2 n'est pas caractérisée et au surplus, la Snc George V Atlantique ne justifie d'un quelconque préjudice financier.
Pour l'ensemble de ces motifs, elle ne pourra qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
4°/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il convient d'infirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Succombant en appel, la Sci Scipav 2 sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Il n'est pas inéquitable de condamner celle-ci à payer à la Snc George V Atlantique la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, elle-même étant déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement rendu le 29 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nantes sauf en ce qu'il a :
Débouté la Sci Scipav 2 de sa demande de publication du dispositif de la décision
Débouté la Snc George V Atlantique de sa demande de dommages-et-intérêts fondée sur le dol
Statuant de nouveau des chefs du jugement infirmés :
Déboute la Sci Scipav 2 de toutes ses demandes relatives au caractère parfait de la vente, au versement du prix de vente avec intérêts capitalisés et à l'effet translatif de propriété ;
Déclare recevable la demande de dommages et intérêts formée par la Snc George V Atlantique en cause d'appel ;
Déboute la Snc George V Atlantique de ladite demande de dommages et intérêts ;
Déboute la Sci Scipav 2 de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Sci Scipav 2 à payer à la Snc George V Atlantique la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Sci Scipav 2 aux dépens de première instance et d'appel.