Livv
Décisions

Cass. crim., 29 janvier 1998, n° 96-86.412

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schumacher

Rapporteur :

M. Challe

Avocat général :

M. Geronimi

Avocats :

SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Pradon

Fort-de-France, ch. corr., du 14 nov. 19…

14 novembre 1996

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 425-3° de la loi du 24 juillet 1966 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré que les éléments constitutifs de l'infraction d'abus de biens sociaux sont réunis à l'encontre de Manuel X... et condamné ce dernier à des dommages-intérêts au profit de Jacques X... ;

"aux motifs que Manuel X... a engagé la Slomat dans le seul intérêt de la Someg, dont les bénéfices étaient, pour l'année considérée, quatre fois supérieurs à ceux de la première société, distincte de la seconde ; que les liens financiers des deux entreprises dépendaient du seul pouvoir de Manuel X... ; que l'intention fautive est superfétatoirement démontrée par la volonté exprimée du prévenu de considérer comme personnelles les deux sociétés, la révocation du gérant, Jacques X..., en étant une manifestation supplémentaire ;

"alors, d'une part, que le tribunal correctionnel, pour relaxer Manuel X... des fins de la poursuite, avait relevé que les sociétés Someg et Slomat étaient imbriquées l'une dans l'autre et avaient un objectif commun ; qu'en effet, échappent aux prévisions de l'article 425-4° de la loi du 24 juillet 1966, les concours financiers entre sociétés d'un même groupe, lorsqu'ils sont dictés par un intérêt économique, social ou financier commun ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, pourtant fondement de la décision des premiers juges, avant d'infirmer celle-ci, la cour d'appel, qui constate par ailleurs que les sociétés concernées dépendaient d'une direction unique, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et privé sa décision de tout motif ;

"alors, d'autre part, que le fait que les bénéfices de la société Slomat étaient inférieurs à ceux de la société Someg ne suffit pas à établir que les dépenses engagées au nom de cette société dans l'intérêt de la société Someg étaient contraires à l'intérêt social ; qu'en effet, le délit d'abus de biens sociaux n'est constitué que s'il est constaté que ces dépenses étaient, au moment de leur engagement, de nature à compromettre l'intégrité de l'actif social de la société ; que, dès lors, faute d'avoir relevé que Manuel X... avait fait courir à la société Slomat un risque anormal, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"alors, enfin, que le délit d'abus de biens sociaux est un délit intentionnel, qui suppose que le mandataire social a eu conscience du caractère abusif de l'acte reproché et de l'avantage qu'il devait en retirer ; que dans ses conclusions en appel, le demandeur fait valoir qu'étant porteur de plus des trois quarts du capital des deux sociétés Someg et Slomat, il ne pouvait vouloir déséquilibrer l'une au profit ou au détriment de l'autre ; qu'en omettant de se prononcer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de motifs" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 52 et 425-3° de la loi du 24 juillet 1966, 2, 464 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Manuel X... à payer à Jacques X... la somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs qu'en sa qualité d'associé minoritaire, Jacques X... peut légitimement prétendre à être indemnisé à hauteur de 100 000 francs ;

"alors que la partie civile ne peut obtenir de dommages-intérêts qu'à condition que soit établie la réalité d'un préjudice actuel, personnel et direct ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué, qui se borne à constater la qualité d'associé minoritaire de Jacques X..., n'a pas établi en quoi le délit reproché à Manuel X... aurait porté atteinte au patrimoine personnel de la partie civile ; que, dès lors, c'est en violation des textes susvisés que la cour d'appel lui a accordé des dommages-intérêts" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte du jugement et de l'arrêt que Manuel X... était gérant de droit d'une société Someg, ayant pour activité le négoce de matériel de travaux publics, et dirigeant de fait d'une société Slomat, ayant pour objet la location de ce même genre de matériel, dont son frère Jacques X... était le gérant et qu'à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile déposée contre lui par ce dernier au vu des factures d'acquisition de matériel pour la Someg qui avaient été payées par la Slomat, le demandeur a été renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'abus de biens sociaux ;

Que le tribunal l'a relaxé, aux motifs que, les deux sociétés ayant un objectif commun et l'une faisant des avances de fonds à l'autre, l'élément intentionnel de l'infraction fait défaut ;

Attendu que, pour infirmer le jugement, sur le seul appel de la partie civile, et condamner le demandeur à des réparations civiles, l'arrêt attaqué relève que Manuel X..., qui a prétexté une simple négligence pour expliquer le paiement, sur le compte de la Slomat, de l'acquisition de deux grues, ne peut justifier les prestations fournies en contrepartie par la Someg, dont les bénéfices ont été, pour l'année considérée, quatre fois supérieurs à ceux de la Slomat ; que les juges ajoutent que l'intention coupable du prévenu est démontrée par sa volonté exprimée de considérer comme personnelles les deux sociétés, dont les liens financiers dépendaient de son seul pouvoir ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exclusives de l'existence d'un groupe de sociétés donnant une cause licite aux prélèvements faits sur la trésorerie de l'une au profit de l'autre, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié le préjudice découlant directement des faits dont elle a reconnu le prévenu responsable, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Qu'ainsi les moyens ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.