Cass. crim., 19 novembre 2008, n° 08-82.403
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dulin
Rapporteur :
Mme Nocquet
Avocat :
SCP Ghestin
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3, L. 654-1 et L. 654-2 du code de commerce et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit que Gérard X... était le gérant de fait de la société Europ Autos et l'a déclaré en conséquence coupable du délit de banqueroute par défaut de comptabilité de cette société et d'abus de biens sociaux au préjudice de cette société ;
"aux motifs qu'il apparaît que si Nadine X... était gérante de droit de la Sarl Europ Autos, son mari Gérard X... en était le gérant de fait au delà de la simple qualité de vendeur ou de commercial qu'il revendique ; que la preuve en est rapportée si l'on sait que Gérard X... a signé les statuts de cette Sarl ; que si elle avait deux associés à parts égales, Nadine X... et Jean-françois Z..., ce dernier qui ne se souvenait plus des conditions de sa signature des statuts se révélait être un associé de paille ; qu'il expliquait avoir été associé à 50% à la demande de Gérard X... qui le lui avait demandé comme un service ; qu'il n'a jamais versé de sommes pour l'acquisition des 250 parts qu'il détenait et n'avait pas participé à l'activité de la société ; qu'ainsi que le confirme Jean-François Z... la création de la société International Transactions l'avait été à l'initiative de Gérard X... afin d'apporter de l'argent à la société Europ Autos ce qui témoigne de l'intérêt porté par Gérard X... à ladite société au delà de ce qui est concevable pour un simple salarié ; que l'encaissement sur le compte personnel de Gérard X... ou sur celui de sa soeur de chèques destinés à cette société témoigne des intérêts et du rôle qu'il avait ; qu'enfin et surtout comment expliquer si ce n'est par sa qualité de gérant de fait de la Sarl Europ Autos que Gérard X... puisse établir des reconnaissances de dettes à caractère personnel en faveur des créanciers de cette société ;
"alors que le dirigeant de fait est celui qui dirige et contrôle effectivement la société aux lieu et place du dirigeant du droit ; que la direction de fait s'entend exclusivement de l'exercice, direct ou indirect, de la direction, l'administration ou la gestion de la société aux lieu et place de ses représentants légaux ; qu'en se bornant à relever que Gérard X... avait signé les statuts sociaux, que Jean-François Z... était un associé de paille, que la création de la société International Transactions était due à une initiative de Gérard X..., qu'il avait encaissé sur son compte personnel des chèques destinés à la société Europ Autos et des reconnaissances de dette en faveur de créanciers de la Sarl, sans constater aucun acte positif de direction ou de gestion, la cour d'appel n'a pas caractérisé la qualité de dirigeant de fait du prévenu en violation des textes susvisés" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6, L. 654-1 et L. 654-2 du code de commerce et de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit que Nadine X... avait la qualité de dirigeante de fait de la société International Transactions et l'a déclaré en conséquence coupable du délit de banqueroute par défaut de comptabilité de cette société et d'abus de biens sociaux au préjudice de cette société ;
"aux motifs que, les époux X... ont dirigé tous deux la société International Transactions même si officiellement elle n'avait pour dirigeant de droit que Gérard X... ; qu'il ne faut pas oublier que cette société constituée dans les locaux de la société Europ Autos avec le même objet social n'est qu'une émanation d'Europ Autos ; qu'en mai 1998 les époux X... ont adressé à d'anciens clients ou relations une invitation à participer à une réunion au cours de laquelle leur seraient exposées les conditions de création d'une structure financière dont ils pourraient devenir actionnaires ; que dans ce document Gérard X... se présentait comme dirigeant de la société Europ Autos et faisait miroiter à des futurs investisseurs la possibilité de participer à la création d'un groupe nouveau garanti par la caution d'un important cabinet d'expertise et de commissaires aux comptes et de réaliser un placement sûr leur assurant un excellent rapport financier ; que la lecture de ce document et l'audition des associés dupés par les époux X... permettent d'établir que ces derniers avaient soigneusement dissimulé le fait que cette nouvelle structure avait pour seul objet de continuer l'activité déficitaire de la société Europ Autos alors en redresement judiciaire et dont la situation financière était catastrophique ; que cette opération permettait aux époux X... de se procurer 351 500 francs ; que le tribunal a considéré à juste titre que la participation de Nadine X... à la constitution et à l'activité de la société International Transactions permettait de la déclarer gérante de fait de cette société ;
"alors que le dirigeant de fait est celui qui dirige et contrôle effectivement la société aux lieu et place du dirigeant du droit ; que la direction de fait s'entend exclusivement de l'exercice, direct ou indirect, de la direction, l'administration ou la gestion de la société aux lieu et place de ses représentants légaux ; qu'en se bornant à relever un fait unique antérieur à la création de la société anonyme, à savoir que Nadine X... avait invité d'anciens clients de la Sarl Europ Autos à participer à une réunion destinée à la création de la SA International Transactions dont ils pourraient devenir actionnaires et que cette nouvelle société avait pour objet de continuer l'activité déficitaire de la Sarl Europ Autos pour en déduire que Nadine X... avait participé à la constitution et à l'activité de la SA International Transaction sans constater l'existence d'une activité effective de direction ou de gestion de cette société, la cour d'appel n'a pas caractérisé la qualité de dirigeant de fait du prévenu en violation des textes susvisés" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3, L. 242-6 et L. 654-2 code de commerce, de l'article 121-3 du code pénal et de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les époux X... coupable du délit d'abus de biens sociaux et de banqueroute par détournement d'actif au préjudice des sociétés Europ Autos et International Transactions ;
"aux motifs que les époux X... ont utilisé leurs comptes bancaires personnels ou des comptes de tiers pour recueillir des fonds générés par l'activité des deux sociétés ; qu'ils plaident vainement leur bonne foi en faisant croire que de telles pratiques ont été rendues nécessaires par l'interdiction d'émettre des chèques prononcés à l'encontre de la société Europ Autos ; qu'en effet cette société était titulaire après la mise en redressement judiciaire d'un compte ouvert à la Banque Populaire ; que l'encaissement des chèques émis à l'ordre des sociétés a commencé à intervenir fin 1998 pour se poursuivre en 1999 alors que l'interdiction d'émettre des chèques date de fin 1997, ce qui démontre que ces pratiques ne sont pas en lien avec l'interdiction bancaire mais se développent au moment des difficultés financières pour échapper au contrôle des organes de la procédure collective ; que ces agissements permettaient de contourner l'interdiction bancaire et de gérer dans leur intérêt et dans la plus grande opacité des fonds qui n'apparaissaient pas dans les comptes des sociétés ; que les agissements des prévenus sont susceptibles de revêtir des qualifications pénales différentes ; que dans le cadre de la société International Transactions les faits consistent dans le dépôt sur les comptes personnels ou de tiers de deux chèques de 65 000 francs et 34 000 francs constituent des abus de biens sociaux dans la mesure où la remise des chèques a eu lieu avant le redressement judiciaire ; que s'agissant des encaissements des chèques destinés à Europ Autos le ministère public demande de requalifier ces agissements en banqueroute par détournement d'actif ; que selon les dispositions de l'article L. 654-2 en cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire sont coupables les dirigeants qui ont détourné ou dissimulé une partie de l'actif du débiteur ; que tel est le cas en l'espèce puisque les encaissements effectués des chèques destinés à Europ Autos sur leurs comptes personnels ou de tiers ont eu pour objet et pour effet de soustraire ces sommes à l'actif de la société (arrêt attaqué p. 17 alinéa 7, 8, p. 18 alinéa 1 à 9) ;
"1°) alors que les délits d'abus de biens sociaux et de banqueroute par détournement d'actif ne sont pas établis en l'absence d'élément intentionnel ; que les époux X... avaient soutenu dans leurs conclusions d'appel qu'ils s'étaient servis de leurs comptes bancaires personnels ou de tiers pour régler l'intégralité des charges, impôts, salaires, cotisations sociales et les fournisseurs de la société Europ Autos et qu'ils n'avaient donc pas agi, en encaissant les chèques remis par les clients, pour détourner ou dissiper l'actif social et encore moins en vue d'un enrichissement personnel, mais pour continuer l'activité de la société nonobstant l'interdiction d'émettre des chèques qui privait la société de la possibilité de gérer normalement sa trésorerie ; qu'en passant sous silence cet élément essentiel permettant de comprendre les agissements litigieux et de démontrer l'absence d'intention délictueuse, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2°) alors que la cour d'appel n'a en toute hypothèse pas constaté que l'utilisation des comptes bancaires personnels ou de tiers pour les encaissements et les dépenses de la société EUROP AUTOS auraient été faite à l'insu des organes de la procédure de redressement judiciaire ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés" ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 314-1 du code pénal de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les époux X... coupable du délit d'abus de confiance et les a condamnés au paiement de dommages et intérêts au profit des parties civiles ;
"aux motifs que la société Europ Autos avait pour objet la réalisation de mandats de recherche de véhicules passés par les particuliers ; que l'importance de la remise était proportionnelle au montant de l'acompte remis par les acheteurs ce qui explique que les acomptes étaient considérables et souvent du montant total du prix du véhicule ; qu'entre décembre 1999 et juillet 2000 au moins sept particuliers ont versé des sommes d'argents sans obtenir le véhicule promis et trois particuliers ont remis en dépôt vente des véhicules sans en obtenir le prix de vente ; que la société Europ Autos mise en redressement judiciaire le 1 er juillet 1998 et qui se trouvait dans une situation catastrophique n'a bénéficié d'un plan de continuation qu'en raison de la création dans des conditions particulièrement critiquables de la société International Transactions ; que ce montage établi l'acharnement des époux X... à poursuivre au mépris des intérêts des créanciers une activité dont ils tiraient bénéfice depuis de nombreuses années ; qu'il est établi que les sommes versées par les clients considérés n'ont pas été affectées par les époux X... à l'achat du véhicule pour lequel ils avaient été mandatés ; que le fait d'avoir obtenu des reconnaissances de dettes ne fait qu'établir la matérialité des détournements constatés ; que par ailleurs l'absence de commande de véhicules concernés permet d'affirmer que la mise en liquidation n'est pas à l'origine de l'incapacité dans laquelle se sont trouvés les époux X... à honorer leurs engagements ; qu'en affectant ces sommes à d'autres usages au surplus non justifiés, et alors que la société ne disposait d'aucune trésorerie propre ou concours bancaire qui aurait permis de les représenter les époux X... se sont rendus coupables de détournements caractérisant les délits d'abus de confiance retenus par la prévention (arrêt attaqué p. 18 al. 10, ll p.l9al.1,2,3) ;
"alors que le délit d'abus de confiance n'existe que si le détournement a été commis avec une intention frauduleuse ; que cette intention doit exister au moment du détournement ; que le fait pour le prévenu de n'avoir pas pu livrer la chose commandée et payée par le client en raison d'une circonstance postérieure rendant impossible l'exécution du contrat ou la restitution des fonds est exclusive de toute intention frauduleuse ; que les époux X... avaient soutenu que c'est la mise en liquidation judiciaire de la société Europ Autos en septembre 2000 qui avait empêché l'exécution des contrats de vente ou la restitution des acomptes aux clients ; qu'en affirmant le contraire au motif que les acomptes avaient été affectés à d'autres usages que l'achat des véhicules commandés à un moment où la société ne disposait pas d'une trésorerie ou de concours bancaire permettant de représenter les fonds, sans rechercher si, au moment où les époux X... avaient utilisé la trésorerie résultant de l'encaissement des acomptes à d'autres dépenses, ceux-ci avaient conscience qu'ils ne pourraient pas honorer leurs engagements, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, après avoir justifié, sans insuffisance ni contradiction, la qualité de dirigeant de fait, respectivement, de Gérard X... pour la société Europ autos et de Nadine Y... pour la société International transactions, a caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits d'abus de biens sociaux, banqueroute et abus de confiance dont elle a déclaré ces prévenus coupables ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.