Cass. 2e civ., 15 avril 2021, n° 19-20.281
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Rapporteur :
Mme Dumas
Avocat général :
M. Aparisi
Avocats :
SCP Ghestin, SCP Marc Lévis
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon,18 juin 2019), la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (la CRCAM) de l'Aube et de la Haute-Marne, aux droits de laquelle se trouve la CRCAM Champagne Bourgogne, a agi en action paulienne contre Mme [B] et obtenu l'inopposabilité d'un apport d'un immeuble lui appartenant à une société civile immobilière, la demande de Mme [B], dans le cadre de cette procédure, de dommages-intérêts pour manquement de la CRCAM à son devoir de bonne foi et d'information ayant été rejetée alors, comme étant prématurée.
2. Sur le fondement de deux actes notariés de cautionnement conclus en 1990 et 1991, la CRCAM a fait délivrer le 27 janvier 2010 à Mme [B] un commandement valant saisie immobilière sur le bien réintégré dans le patrimoine de celle-ci par l'effet de l'action paulienne.
3. Par jugement du 6 juillet 2010, un juge de l'exécution a déclaré les demandes de la CRCAM irrecevables au fond en raison de la prescription, jugement infirmé par arrêt d'une cour d'appel du 10 mai 2011, disant que l'action de la CRCAM n'était pas prescrite et déboutant Mme [B] de sa demande de dommages-intérêts comme ayant été déjà définitivement tranchée par une décision antérieure.
4. Le bien a été vendu.
5. Par arrêt du 21 mars 2013 (2e Civ., 21 mars 2013, pourvoi n° 11-21.495), la Cour de cassation a cassé cet arrêt sauf en ce qu'il a infirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 juillet 2010 et dit que l'action en recouvrement forcé engagée par la CRCAM au moyen du commandement de payer valant saisie immobilière en date du 27 janvier 2010 n'était pas prescrite.
6. Par arrêt du 14 avril 2014, la cour d'appel de renvoi a confirmé le jugement en ce qu'il a dit irrecevables les demandes au fond et rejeté les autres demandes, arrêt cassé le 12 novembre 2015 (1re Civ., 12 novembre 2015, pourvoi n° 14-23.655), mais seulement en ce qu'il déclare prescrite la demande en dommages-intérêts fondée sur la faute de la banque et la demande de compensation de Mme [B] à l'encontre de la CRCAM de Champagne-Bourgogne.
7. Par arrêt du 4 avril 2017, la cour d'appel de renvoi a infirmé le jugement et déclaré irrecevables comme prescrites les demandes indemnitaires de Mme [B], arrêt cassé le 27 juin 2018 (1re Civ., 27 juin 2018, pourvoi n° 17-21.157).
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
9. Mme [B] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable les demandes indemnitaires présentées par elle à l'encontre de la CRCAM de Champagne Bourgogne alors :
« 1°/ que les exceptions de procédure, dont l'exception d'incompétence de la juridiction saisie, doivent être soulevées avant tout débat au fond, à peine d'irrecevabilité ; qu'en déclarant les demandes de Mme [B] irrecevables pour avoir été présentées devant le juge de l'exécution car celui-ci n'aurait pas compétence pour se prononcer sur les demandes indemnitaires formées à l'encontre de la caisse régionale de Crédit agricole mutuelle et en faisant ainsi droit à une exception d'incompétence soulevée en cause d'appel dans une instance ayant fait l'objet précédemment de trois arrêts de cassation et par suite après les débats au fond, la cour d'appel a violé les articles 73 et 74 du code de procédure civile ;
2°/ que le litige sur le point de savoir si le juge de l'exécution peut se prononcer sur une demande d'indemnisation présentée par le demandeur à raison des conséquences d'une saisie immobilière est une exception d'incompétence qui doit être soulevée avant toute défense au fond ; qu'en jugeant au contraire que la contestation de la compétence du juge de l'exécution pour se prononcer sur la demande de Mme [B], qui avait été invoqué pour la première fois par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel devant la cour d'appel, constituait une fin de non-recevoir pouvant être soulevée en tout état de cause, la cour d'appel a violé les articles 74 et 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
10. En application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, si le juge de l'exécution est compétent pour connaître de la contestation d'une mesure d'exécution forcée, il n'entre pas dans ses attributions de se prononcer sur une demande de condamnation à des dommages-intérêts contre le créancier saisissant, qui n'est pas fondée sur l'exécution ou l'inexécution dommageable de la mesure.
11. Dès lors qu'une telle demande ne constitue pas une contestation de la mesure d'exécution au sens du texte précité, le juge de l'exécution ne dispose pas du pouvoir juridictionnel de statuer sur celle-ci.
12. Or, le défaut de pouvoir juridictionnel d'un juge constitue une fin de non- recevoir, qui peut, dès lors, être proposée en tout état de cause en application de l'article 123 du code de procédure civile.
13. Après avoir relevé que l'action en responsabilité formée à titre reconventionnel par Mme [B] contre la CRCAM était fondée sur un manquement de la banque à son devoir de conseil et de mise en garde, un comportement dolosif de celle-ci, et pris d'une disproportion de ses engagements de caution, et que Mme [B] ne contestait pas la procédure de saisie immobilière elle-même, et qu'elle ne constituait dès lors pas une contestation se rapportant à la procédure de saisie immobilière ou une demande s'y rapportant directement, la cour d'appel en a exactement déduit, après avoir justement rappelé que les fins de non-recevoir peuvent être opposées en tout état de cause et que le moyen tiré du défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction saisie constituait une fin de non- recevoir, que le jugement entrepris devait être confirmé en ce qu'il avait déclaré irrecevables les demandes au fond de Mme [B].
14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.