CA Douai, ch. 1 sect. 2, 26 janvier 2023, n° 21/02355
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
K par K (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Courteille
Conseillers :
M. Poupet, M. Le Pouliquen
Avocat :
Me Millot
EXPOSE DU LITIGE
Selon bon de commande en date du 10 juillet 2017, [U] [W] a passé commande auprès de la société K par K de la fourniture et de la pose d'une baie vitrée.
Les travaux ont été réalisés en novembre 2017.
Se plaignant de désordres apparus après les travaux, notamment un affaissement partiel d'une véranda et des fuites en toiture, [U] [W] a sollicité l'intervention de la société en vain.
Par acte du 11 juillet 2018, [U] [W] a fait assigner la société K par K, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille, aux fins d'expertise.
Par ordonnance du 07 août 2018, M. [N] a été désigné en qualité d'expert, il a déposé son rapport le 3 décembre 2018.
Par acte d'huissier en date du 08 janvier 2019, [U] [W] a fait assigner la société K par K et a sollicité sa condamnation à payer diverses sommes en réparation des désordres.
[U] [W] est décédée le 16 novembre 2019, ses héritiers, MM. [K] et [E] [W], [T] et [P] [W], mineurs, représentés par leur père M. [K] [W] ont repris l'instance.
Par jugement en date du 08 avril 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :
- débouté MM [K] et [E] [W], ainsi que [T] et [P] [W] représentés par leur père, [K] [W],
- les a condamnés aux dépens en ce compris les frais d'expertise et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration en date du 23 avril 2021, les consorts [W] ont interjeté appel de la décision.
Par dernières conclusions du 02 août 2021, les consorts [W] demandent à la cour de :
-Infirmer le jugement ;
Statuant à nouveau,
-Déclarer la société K par K responsable de l'ensemble des désordres affectant l'habitation des concluants dans le prolongement de la pose et fourniture de la baie vitrée au droit du salon,
-Condamner la société K par K à verser aux ayants droits de Mme [W] la somme de 28 473,50 euros au titre des travaux de remise en état,
-Dire que cette somme pourra être réévaluée et réactualisée au terme de la réalisation effective des travaux sur la propriété des demandeurs et à compter de la suppression définitive de la cause des désordres,
-Condamner la société K par K à verser aux ayants droits de Mme [W] la somme Totale de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts et au titre de l'ensemble des préjudices subis en ce compris le préjudice de jouissance lors des travaux de reprise,
-Condamner la société K par K à verser aux ayants droits de Mme [W] la somme totale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées au siège de la société, le 1er juillet 2021 à la société K par K, l'arrêt sera réputé contradictoire.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1-sur les travaux et les réserves à la réception
Les appelants font grief au jugement de les avoir déboutés de toutes leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 1792-6 du code civil, au motif que le procès-verbal de réception communiqué n'était pas complété, alors qu'ils communiquent le procès-verbal sur lequel figurent les réserves formulées.
*
Selon l'article 1792-6 du code civil « la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné.
En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.
L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.
La garantie ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usure normale ou de l'usage. »
En l'espèce, les travaux commandés, suivant bon de commande du 10 juillet 2017, à la société K par K portaient sur la mise en place d'une baie vitrée, dans une véranda.
Les travaux ont été réalisés et les consorts [W] produisent le procès-verbal de réception des travaux en date du 27 novembre 2017 (pièce 4), signé de Mme [W] et comportant des réserves manuscrites ainsi libellées à la section 2 du document « installation non terminée avec réserves » :
« intervenue le 10/11- enlevé poteau de suspend, maintenant fuite toiture, placo coté et toiture décalés, finition extérieure soli, finition sur les deux côtés en bois, reste 1 volet à poser- porte cassée- les travaux devaient être terminés le 10/11- autres ouvriers intervenus le 24/11- travaux non terminés- le contrat n'a pas été respecté, attend un geste commercial de votre part ».
Il ressort de cette pièce, communiquée en appel que la réception a bien été prononcée avec réserves.
Il est également justifié de la lettre de mise en demeure en date du 22 février 2018, adressée à l'entreprise en recommandé avec accusé de réception, d'avoir à réaliser les travaux de reprises.
L'assignation en référé expertise délivrée le 10 juillet 2018 à la société K par K a interrompu le délai de prescription de l'action qui a recommencé à courir à compter du 07 août 2018.
Il est également justifié d'un projet de protocole transactionnel transmis à la société K par K resté sans réponse et l'action engagée porte sur la réparation des désordres objets des réserves, l'ensemble de ces éléments justifie bien de la volonté du maître de l'ouvrage d'obtenir réparation sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, l'action en réparation engagée par l'assignation au fond le 8 janvier 2019 a été engagée dans le délai de la garantie.
2- sur les désordres et la responsabilité encourue
Les consorts [W] sollicitent la condamnation de la société K par K à les indemniser des désordres constatés sur le fondement de la garantie de parfait achèvement et à défaut sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.
*
La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
Si la garantie de parfait achèvement constitue pour l'entrepreneur une obligation de réparation en nature, elle laisse subsister la responsabilité de droit commun des constructeurs.
L'expert judiciaire a confirmé l'existence de désordres et les a décrits :
-Affaissement de la toiture de la véranda à la suite de la dépose d'un poteau,
-Défaut d'étanchéité de la toiture,
-Dégradation du placoplâtre du plafond en lien avec des infiltrations en toiture,
-Griffures sur peintures,
-Huit lames du volet roulant posé sont à changer,
-Les vantaux de la baie coulissante ne sont pas jointifs et ne permettent pas une bonne étanchéité,
-Absence de deux joints sur le rail de la baie,
-Défaut de serrage des poignées,
-Absence de cabochons d'obturation des trous de vissage,
-La cornière n'a pas été posée,
-Des baguettes d'habillage mal fixées,
-Dysfonctionnement des volets roulants,
-Plaques de finition des volets roulants partiellement décollées,
-Le coffre de volet roulant est mal posé,
-Infiltration d'eau entre le volet et la baie vitrée,
-Vitrage cassé.
Aucun de ces désordres et non façons signalés à la réception n'a fait l'objet de reprises par l'entreprise.
L'article 1231-1 du code civil dispose qu'en cas d'inexécution d'un contrat, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Dans le cadre de l'exécution d'un contrat de louage d'ouvrage, l'entrepreneur est tenu envers le maître de l'ouvrage d'une obligation de résultat.
En l'espèce, il ressort des pièces communiquées et notamment du procès-verbal de réception en date du 27 novembre 2018 que les travaux ont été inachevés et entachés de désordres, décrits par l'expert judiciaire et analysés ci-avant, les constats opérés caractérisent les manquements et fautes de la société K par K dans l'exécution du contrat, dont elle sera déclarée responsable, le jugement étant infirmé sur ce point.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté les consorts [W].
3 - Sur les réparations et leur coût
Les appelants sollicitent la condamnation de la société K par K au paiement de la somme de 28 473,50 euros avec actualisation au jour de la réalisation des travaux au titre des travaux de reprise, outre 10 000 euros en réparation du trouble de jouissance.
La réparation doit permettre de remédier aux désordres mais également aux troubles annexes provoqués par les désordres et le maître de l'ouvrage doit être replacé dans la situation qui aurait été la sienne si le désordre ne s'était pas produit.
L'expert envisage trois solutions pour réparer les désordres ; la première solution consistant en la réalisation des travaux de reprise par la société K par K, cette solution s'est avérée impossible, la société n'ayant pas répondu à la mise en demeure adressée le 22 février 2018 par Mme [W] et ne s'est pas présentée aux opérations d'expertise, cette solution ne peut être envisagée.
Dans le cours de l'expertise, Mme [W] a fourni un devis de reprise de la véranda d'un montant de 28 473,50 euros TTC consistant en une démolition et reconstruction de la véranda, l'expert indique que cette solution permet de remédier aux désordres, mais constitue une amélioration.
Une troisième solution est proposée par l'expert qui a également chiffré des travaux de remise en état partielle estimés à 13 000 euros consistant en changement des menuiseries, avec changement des menuiseries défectueuses reprise d'étanchéité de la véranda et changement de la vitre cassée, ces travaux étant de nature à remédier aux désordres constatés, c'est à cette somme que sera arrêtée le montant de la réparation des désordres.
L'expert a également relevé dans son rapport que les désordres liés aux travaux, notamment du fait des infiltrations en toiture, avaient provoqué des désordres aux embellissements, l'expert a estimé à 1 000 euros le coût de ces travaux, cette somme sera accordée.
Tenant compte de la remise commerciale de 1 000 euros opérée par la société K par K lors de la réception des travaux, le montant de l'indemnisation sera en conséquence fixé à 13 000 euros pour la réparation des désordres, avec actualisation en fonction de l'indice BT 01 au jour du présent arrêt en prenant pour base l'indice applicable le 03 décembre 2018, les condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt.
S'agissant des troubles de jouissances liés aux désordres qui ont empêché les consorts [W] d'utiliser normalement la baie installée, les a contraints à laisser les volets fermés depuis 2018, puis en raison des troubles de jouissances liés aux travaux de remise en état, ceux-ci seront justement indemnisés par l'allocation d'une somme de 5 000 euros.
4- frais irrépétibles et dépens
La société K par K succombant sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront les honoraires de l'expert ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 08 avril 2021,
Déclare la société K par K responsable des désordres affectant les menuiseries et la véranda des consorts [W],
Condamne la société K par K à payer à M. [K] [W] en son nom et en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs [T] et [P] [W] ainsi que M. [E] [W] la somme de 13 000 euros au titre de réparation des désordres,
Dit que cette somme sera actualisée au jour de l'arrêt en fonction de l'indice BT 01 de la construction, avec pour base l'indice en vigueur le 03 décembre 2018,
Condamne la société K par K à payer aux consorts [W] la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,
Condamne la société K par K à payer aux consorts [W] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société K par K aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les honoraires d'expertise.