Cass. 2e civ., 3 septembre 2015, n° 14-22.182
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Flise
Avocats :
Me Copper-Royer, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 15 mai 2014) qu'une ordonnance sur requête a autorisé la SCEA Lou Mistraou (la SCEA) à inscrire une sûreté judiciaire conservatoire sur une propriété agricole pour garantir une créance dont elle se prévalait à l'encontre de Mme Y... ; que Mme Y... a assigné la SCEA pour obtenir la mainlevée de cette sûreté ;
Attendu que la SCEA fait grief à l'arrêt d'ordonner cette mainlevée ainsi que la radiation de l'hypothèque judiciaire provisoire prise le 3 octobre 2012 à la conservation des hypothèques d'Avignon, alors, selon le moyen :
1°/ que l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire n'exige pas une créance certaine, liquide et exigible mais une apparence de créance fondée en son principe ; que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'il ressortait des conclusions d'appel de Mme Y... qu'elle se bornait à invoquer le prétendu défaut de principe de créance de la SCEA Lou Mistraou en contestant, d'une part, la fiabilité du rapport d'audit du 6 mars 2012 et en prétendant, d'autre part, que les détournements effectués l'auraient été au profit du couple ; que la SCEA Lou Mistraou établissait elle précisément que sa créance à l'encontre de Mme Y... était fondée en son principe ; qu'en ordonnant dès lors la mainlevée de la sûreté judiciaire autorisée par l'Ordonnance du 25 juillet 2012 motifs pris de ce que la créance n'était pas constatée, en son existence, par le jugement, rendu le 27 mars 2013 par le tribunal de grande instance de Carpentras lequel « (¿.) n'a pas jugé suffisamment probants ces éléments (produits par la SCEA Lou Mistraou) pour retenir (¿que) cette dernière (Mme Y...) avait été la seule bénéficiaire de détournements au profit de la société.. », la cour d'appel a relevé un moyen d'office en méconnaissance des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire n'exige pas une créance certaine, liquide et exigible mais une apparence de créance fondée en son principe ; que la créance n'a pas à être reconnue dans son existence par une décision de justice ; qu'en ordonnant la mainlevée de la sûreté judiciaire autorisée par l'Ordonnance du 25 juillet 2012 motifs pris de ce que le jugement rendu le 27 mars 2013 par le tribunal de grande instance de Carpentras « (¿.) n'a pas jugé suffisamment probants ces éléments (produits par la SCEA Lou Mistraou) pour retenir (¿que) cette dernière (Mme Y...) avait été la seule bénéficiaire de détournements au profit de la société.. », la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution par ajout d'une condition qui n'y figurait pas, tirée de la constatation de la créance par une décision de justice ;
3°/ que l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire n'exige pas une créance certaine, liquide et exigible mais une apparence de créance fondée en son principe ; qu'il ressortait des propres constatations de la cour d'appel que le tribunal de grande instance de Carpentras, dans son jugement en date du 27 mars 2013, « (¿) n'a pas jugé suffisamment probants ces éléments (produits par la SCEA Lou Mistraou) pour retenir qu'au-delà de la matérialité des écritures comptables non déniées par Mme Gisèle Y..., cette dernière avait été la seule bénéficiaire de détournements au préjudice de la société¿ » ; qu'en ordonnant dès lors la mainlevée de la sûreté judiciaire autorisée par l'Ordonnance du 25 juillet 2012 cependant que le jugement avait ainsi retenu l'existence de détournements de fonds appartenant à la SCEA Lou Mistraou, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des dispositions de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
4°/ que l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire n'exige pas une créance certaine, liquide et exigible mais une apparence de créance fondée en son principe ; que les sociétés jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation ; qu'il ressortait des propres constatations de la cour d'appel que le tribunal de grande instance de Carpentras, dans son jugement en date du 27 mars 2013, avait retenu l'existence de détournements de fonds appartenant à la SCEA Lou Mistraou, matérialisés par «(¿) des écritures comptables non déniées par Mme Gisèle Y... » ; qu'elle a cependant ordonné la mainlevée de la sûreté judiciaire autorisée par l'Ordonnance du 25 juillet 2012 au motif que visant M. Z..., le tribunal a considéré qu'il n'était pas établi que Mme Y... « (¿) avait été la seule bénéficiaire de détournements au préjudice de la société¿ » ; qu'en statuant ainsi cependant qu'en tout état de cause, la SCEA Lou Mistraou était juridiquement autonome et indépendante de ses associés ou gérants, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble celles des articles 1842 et suivants du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'un jugement du 27 mars 2013 rendu entre les mêmes parties avait considéré qu'une expertise était nécessaire pour déterminer les auteurs et les bénéficiaires des détournements allégués par la SCEA Lou Mistraou et que celle-ci ne produisait aucun élément nouveau de nature à remettre en cause cette appréciation, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, qui n'a pas exigé que la créance soit reconnue dans son existence par une décision de justice, a, sans violer le principe de la contradiction, retenu que la SCEA Lou Mistraou n'établissait pas le principe de la créance dont elle se prévalait ;
Et attendu que la cour d'appel n'a pas constaté qu'il résultait du jugement du 27 mars 2013 que Mme Y... avait bénéficié des détournements dont la SCEA était victime ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait dans ses deux dernières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.