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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 2, 26 janvier 2023, n° 21/01551

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Axa France Iard (SA)

Défendeur :

BCE (SAS), Fides (Selarl) (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Courteille

Conseillers :

M. Poupet, M. Le Pouliquen

Avocats :

Me Franchi, Me Dutat, Me Sabos, Me Devaux

TJ Dunkerque, du 22 déc. 2020, n° 18/016…

22 décembre 2020

Vu le jugement du tribunal judiciaire de Dunkerque du 22 décembre 2020 ;

Vu la déclaration d'appel de la société Axa France IARD reçue au greffe de la cour d'appel de Douai le 16 mars 2021 ;

Vu les conclusions de la société Axa France IARD déposées le 16 juin 2021 ;

Vu les conclusions de Mme [Y] [N] et M. [V] [Z] déposées le 09 septembre 2021 ;

Vu les conclusions de la société Fides en qualité de liquidateur de la société BCE déposées le 18 octobre 2021 ;

EXPOSE DU LITIGE

Par acte reçu le 12 août 2016, la société BCE a vendu à M. [V] [Z], dans un immeuble qui sera mis en copropriété situé [Adresse 10] :

- lot 10 [l'acte de vente indique n° 9, une attestation notariée de la même date indique n°10] : au rez- de- chaussée, sur l'avenue About, par une entrée privative, un garage et des tantièmes des parties communes

- lot 2 : au sous- sol sur la rue de Flandres, par le hall d'entrée commun, l'escalier, une cave et des tantièmes des parties communes

- lot 11 : au premier étage sur la rue de Flandres, par le hall d'entrée commun, l'escalier, un appartement et des tantièmes des parties communes.

Par acte reçu le 23 août 2016, la société BCE a vendu à Mme [Y] [N] dans un immeuble en copropriété situé [Adresse 10] :

- lot numéro 7 : au sous- sol, sur la rue de Flandres, par le hall d'entrée commun, l'escalier, une cave et des tantièmes des parties communes

- lot numéro 9 : au rez- de- chaussée, sur l'avenue About par une entrée privative, un garage et des tantièmes des parties communes

- lot numéro 12 : au 1er étage sur la rue de Flandres, par le hall d'entrée commun, un appartement et des tantièmes des parties communes.

M. [Z] et Mme [N] se plaignent de ce que la forme et les dimensions du garage vendu ne permettent pas le stationnement simultané de deux véhicules.

Par ordonnance du 22 juin 2017, le juge des référés du tribunal judiciaire de Dunkerque a ordonné une expertise à la demande de M. [Z] et Mme [N] et au contradictoire de la société BCE, la société Axa en qualité d'assureur de la société BCE, M. [S] [O] et la société Mutuelle des architectes français en qualité d'assureur de M. [S].

L'expert a déposé son rapport daté du 10 avril 2018.

Par acte signifié le 29 juin 2018, M. [Z] et Mme [N] ont fait assigner la société BCE devant le tribunal judiciaire de Dunkerque.

Par acte signifié le 05 octobre 2018 la société BCE a assigné la société Axa en garantie.

Les instances ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état du 17 décembre 2018.

La société BCE a été placée en liquidation judiciaire par ordonnance du tribunal de commerce du 04 mars 2020, la société Fides étant désignée en qualité de liquidateur.

Par courrier daté du 12 mars 2020, M. [Z] et Mme [N] ont adressé une déclaration de créance au liquidateur de la société BCE.

Par acte signifié le 25 mars 2020, M. [Z] et Mme [N] ont fait assigner la société Fides devant le tribunal judiciaire de Dunkerque.

Par jugement du 22 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Dunkerque a :

- condamné la SAS BCE et fixé la créance de M. [V] [Z] à l'encontre de la SAS BCE à la somme de 31 081,37 euros au titre des travaux de reprise et de 1'ensemble des préjudices.

- condamné la SAS BCE et fixé la créance de Mme [Y] [N] à 1'encontre de la SAS BCE à la somme de 23 461,37 euros au titre des travaux de reprise et de l'ensemble des préjudices.

- condamné la compagnie d'assurances AXA à garantir la SAS BCE, prise en la personne de son liquidateur Maître [D] [E], des condamnations prononcées à son encontre, sous réserve de la déduction d'une somme de 1 500 euros au titre de la franchise d'assurance ;

- condamné in solidum la SAS BCE prise en la personne de Me [D] [E] agissant en qualité de liquidateur et la compagnie d'assurances Axa à payer à M. [V] [Z] et Mme [Y] [N] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la SAS BCE prise en la personne de Me [D] [E] agissant en qualité de liquidateur et la compagnie d'assurances Axa aux entiers dépens de l'instance y compris ceux du référé et les frais d'expertise judiciaire ;

- rejeté toutes les autres demandes des parties plus amples ou contraires ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

La société Axa France IARD a formé appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions susvisées, elle demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement dont appel rendu le 22 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Dunkerque en ce qu'il a énoncé :

- condamne la compagnie Axa France IARD à garantir la SAS BCE prise en la personne de son liquidateur Maître [D] [E] des condamnations prononcées à son encontre sous réserve de la déduction d'une somme de 1 500 euros au titre de la franchise d'assurance ;

- condamne in solidum la SAS BCE prise en la personne de Maître [D] [E] agissant en qualité de liquidateur et la compagnie Axa à payer à M. [V] [Z] et Mme [Y] [N] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne in solidum la SAS BCE prise en la personne de Maître [D] [E] agissant en qualité de liquidateur et la compagnie Axa aux entiers dépens de l'instance y compris ceux du référé et les frais d'expertise judiciaire ;

- rejette toutes les autres demandes des parties plus amples ou contraires

statuant de nouveau,

- mettre la société Axa France IARD hors de cause ;

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société Axa France IARD ;

- eu égard aux frais irrépétibles que la société Axa France IARD aura dû engager du fait de la présente instance, frais qu'il serait inéquitable de lui laisser intégralement supporter, il reviendra à la cour de condamner la société BCE prise en la personne de son liquidateur Maître [D] [E] à lui verser une indemnité de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec droit pour la SCP Processuel de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs conclusions susvisées, Mme [Y] [N] et M. [V] [Z] demandent à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement du 22 décembre 2020 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il arrête le préjudice subi par Monsieur [Z] au mois de février 2020,

statuant à nouveau,

- fixer le montant de la créance de Monsieur [Z] au passif de la SAS BCE à la somme de 22 921,37 euros augmenté de 180 euros par mois au titre du préjudice subi depuis le 1er septembre 2016 et jusqu'au terme des travaux de reprise,

- condamner SAS BCE à payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.

Aux termes de ses conclusions susvisées, la société Fides en qualité de liquidateur de la société BCE demande à la cour d'appel de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a accueilli les demandes des consorts [N] [Z].

- statuant de nouveau,

- débouter les consorts [Z] [N] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.

- si la juridiction de céans accueillait le principe des demandes des consorts [Z] [N],

- ramener le préjudice de M. [Z] à une somme de 30,00 euros par mois à compter du 1er septembre 2016.

- dire et juger que le préjudice de Mme [N] s'établira à 90,00 euros.

- par conséquent,

- fixer la créance au passif de la SAS BCE comme suit :

- au profit de M. [Z] sur la base de 30,00 euros par mois à compter du 1er septembre 2016 jusqu'au 04 mars 2020 date de la mise en liquidation judiciaire de la SAS Bce

- au profit de Mme [N] à 90,00 euros.

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la compagnie Axa à relever et garantir toute condamnation prononcée au profit des consorts [Z] [N] déduction faite de la franchise.

- y ajoutant,

- condamner tout succombant à verser à la Selarl Fides une somme de 2 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

EXPOSE DES MOTIFS

I) Sur les demandes de M. [Z] et de Mme [N] à l'encontre de la société BCE

Les demandes de M. [Z] et Mme [N] sont formées sur le fondement d'une part des dispositions des articles 1792 et 1792- 6 du code civil et d'autre part sur le fondement du manquement du vendeur à son obligation de délivrance.

A) Sur les demandes formées sur le fondement des articles 1792 et 1792- 6 du code civil

Aux termes des dispositions de l'article 1792 du code civil : « Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère. »

Aux termes des dispositions de l'article 1792- 1 du code civil : « Est réputé constructeur de l'ouvrage :

1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;

2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire ;

3° Toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage. »

Aux termes des dispositions de l'article 1792- 6 du code civil : « La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès- verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.

Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné.

En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.

L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.

La garantie ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usure normale ou de l'usage. »

En l'espèce l'acte de vente mentionne que « Bien que la construction de l'immeuble soit achevée depuis plus de 10 ans, divers travaux ont été effectués depuis moins de 10 ans.

A ce sujet le vendeur déclare :

- qu'un permis de construire a été accordé le 22 mai 2014 à la SCI « Au rivage » sous le n° PC 059 183 14 0 0002.

- une demande de transfert de permis de construire a été formulée par la société BCE le 11 mai 2016 sous le n° PC 59183 14 00002 T01.

La déclaration d'achèvement des travaux a été effectuée le 11 août 2016. ».

Il résulte des explications de la société BCE lors des opérations d'expertise et devant la cour d'appel que la société BCE a réalisé elle- même les travaux avant la vente de l'immeuble.

La société BCE est réputée constructeur de l'ouvrage en application des dispositions de l'article 1792- 1 du code civil.

La garantie de parfait achèvement de l'article 1792- 6 du code civil n'est applicable qu'à l'entrepreneur. Elle n'est pas applicable au vendeur ayant construit ou fait construire l'ouvrage. De même, l'immeuble ayant été vendu après achèvement, les dispositions de l'article 1642- 1 du code de la construction ne sont pas applicables au litige.

Les dispositions de l'article 1792 du code civil sont susceptibles de recevoir application.

Le caractère apparent ou caché des désordres s'apprécie en la personne du maître de l'ouvrage constructeur et au jour de la réception, qui correspond pour celui- ci à l'achèvement des travaux.

Il résulte du rapport d'expertise que le garage est de forme trapézoïdal. La largeur de l'entrée est de 4,64 mètres tandis que la largeur du fond au garage est de 4,13 mètres. Les deux côtés mesurent respectivement 5,23 m et 4,91m.

L'expert conclut que tant la forme que les dimensions du garage empêchent deux véhicules de stationner normalement de manière simultanée. Le garage destiné au stationnement de deux véhicules est en conséquence impropre à sa destination.

Les dimensions et la forme du garage étaient apparents au moment de l'achèvement des travaux. La société BCE constructeur et vendeur de l'ouvrage avait la capacité d'appréhender les difficultés de stationnement causées par la forme et les dimensions de l'immeuble.

Le désordre étant apparent à la réception, les dispositions de l'article 1792 du code civil ne sont pas applicables.

B) Sur les demandes formées sur le fondement du défaut de délivrance conforme

Aux termes des dispositions de l'article 1604 du code civil : « La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur. »

En l'espèce, M. [V] [Z] a acquis le lot n° 10 : « au rez- de- chaussée, sur l'avenue About, par une entrée privative, un garage et des tantièmes des parties communes ».

Mme [Y] [N] a acquis le lot numéro 9 : « au rez- de- chaussée, sur l'avenue About par une entrée privative, un garage et des tantièmes des parties communes ».

Un plan annexé aux compromis de vente signés par les acquéreurs présentait un garage de forme rectangulaire. Cependant, le plan annexé aux actes de vente conclus par les acquéreurs matérialisait un garage de forme trapézoïdale.

En signant les actes de vente auxquels étaient annexés un plan matérialisant un garage de forme trapézoïdal, les acquéreurs ont accepté la modification de la forme du garage par rapport à celle figurant sur le plan annexé aux compromis.

Selon l'expert, le plan annexé aux actes de vente est à l'échelle. En conséquence, la forme et la dimension du garage est conforme au plan annexé aux actes de vente.

Ainsi qu'il a été indiqué au A), tant la forme que les dimensions du garage empêchent deux véhicules de stationner normalement de manière simultanée. Le garage destiné au stationnement de deux véhicules est en conséquence impropre à sa destination.

Les défauts rendant la chose impropre à l'usage auquel elle est destinée constituent des vices cachés de la chose vendue et non un manquement à l'obligation de délivrance. Les dispositions de l'article 1604 du code civil ne sont dès lors pas applicables au litige.

M. [Z] et Mme [N] ne forment pas leurs demandes sur le fondement de la garantie des vices cachés. Ils seront en conséquence déboutés de leur demande.

Le jugement sera infirmé.

II) Sur la demande en garantie formée par la société BCE à l'encontre de la société Axa France IARD

Mme [Y] [N] et M. [V] [Z] étant déboutés de leurs demandes, la demande en garantie de la société BCE est devenue sans objet.

III) Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Succombant à l'appel, M. [N] et Mme [Z] seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

Les parties seront déboutées de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

- INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Dunkerque en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

- DÉBOUTE Mme [Y] [N] et M. [V] [Z] de leurs demandes formées à l'encontre de la société BCE ;

- CONSTATE que la demande en garantie formée par la société BCE à l'encontre de la société Axa France IARD est sans objet ;

- DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE in solidum Mme [N] et M. [Z] de leurs demandes aux dépens de première instance et d'appel en ce compris le coût de l'expertise judiciaire.