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Décisions

Cass. com., 3 novembre 2004, n° 00-15.725

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Lyon, 1re ch., du 16 mars 2000

16 mars 2000

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 16 mars 2000), que par actes du 28 juillet 1988, M. Jacques X..., son épouse Mme Y... et leurs enfants MM. Christophe et Guillaume X... ont cédé à M. Z... la totalité des parts composant le capital de la société Plastiques de Torcieu, laquelle a elle-même acquis la totalité des parts de la société JAB Services détenues par les consorts X... et par un tiers ; que les deux sociétés ont été mises en redressement judiciaire le 27 avril 1989 puis en liquidation judiciaire le 19 novembre 1990, M. A... étant désigné représentant des créanciers puis liquidateur des deux sociétés ;

que par actes des 28 et 29 juin 1989, M. Z... et M. A... , invoquant des manoeuvres dolosives, ont demandé l'annulation des cessions de parts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Christophe X... fait grief à l'arrêt d'avoir indiqué le nom du greffier sous la mention de la composition de la cour d'appel lors des débats et du délibéré alors, selon le moyen, qu'il ressort de ces énonciations que le greffier, qui fait partie de la cour d'appel, a assisté au délibéré des magistrats, en violation des articles 447, 448, 457 et 458 du nouveau Code de procédure civile et R. 811-1 et R. 811-4 du Code de l'organisation judiciaire ;

Mais attendu que la participation du greffier au délibéré ne saurait résulter de la seule mention de son nom, précédé de sa qualité, à la suite du paragraphe indiquant les noms et qualités des magistrats présents lors des débats et du délibéré ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. Christophe X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé l'annulation de la cession des parts des sociétés et de l'avoir en conséquence condamné à rembourser le prix qu'il avait perçu alors, selon le moyen, que l'existence dans la promesse de cession du 24 mai 1988 d'une garantie d'actif et de passif, aux termes de laquelle le promettant garantissait le cessionnaire de toute diminution d'actif ou de tout passif nouveau qui pourrait se révéler, ayant une origine antérieure à la date de réalisation des cessions et qui n'aurait pas été provisionné ou inscrit au bilan établi à la date du 31 mars 1988, impliquait que le cessionnaire avait accepté le risque d'une dissimulation, volontaire ou non, de passif ; qu'en se garantissant contractuellement contre ce risque, il avait nécessairement renoncé à l'exercice d'une action en nullité de la cession pour un motif lié à la réalisation de ce risque ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a dénaturé la promesse du 24 mai 1988, et violé les articles 1134 et 1116 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant exactement énoncé que les garanties contractuelles d'actif et de passif s'ajoutent aux dispositions légales garantissant les acheteurs et n'interdisent nullement aux acquéreurs dont le consentement a été vicié d'invoquer au principal la nullité de l'acte de vente qui constitue une protection légale à laquelle ils n'ont pas renoncé, c'est à bon droit et sans dénaturation que la cour d'appel a statué comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. Christophe X... fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1 ) qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que la provision pour redressement fiscal figurait dans les documents remis à M. Z... le jour de la cession, que les factures correspondant au matériel avaient été comptabilisées en avril 1988, et celles correspondant aux travaux d'aménagement le 1er avril 1988 ; qu'il en résulte que M. Z... disposait le 28 juillet 1988, jour de la signature des actes de cession, d'une information sincère sur la situation financière de la société ;

qu'en se bornant à retenir que la promesse de cession avait été établie sur la base de la situation comptable au 31 mars 1988, sans rechercher si M. Z..., qui s'était entouré de conseils juridiques spécialisés en matière de cession d'actions, n'avait pas commis une négligence coupable en ne procédant pas, avant la signature, à la vérification de la situation financière de la société à la lumière des documents comptables émis postérieurement au 31 mars 1988, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;

2 ) qu'il en est d'autant plus ainsi que la dette litigieuse ayant fait l'objet d'une inscription au bilan sous la rubrique "provisions", elle ne pouvait échapper à M. Z... ;

3 ) qu'il appartient à celui qui se prévaut d'un dol de le prouver ; qu'en retenant, en l'espèce, que rien n'indiquait que M. Z... savait que les travaux d'aménagement des locaux occupés par la société JAB Services lui seraient facturés, et que l'expert avait fait état d'une "forte présomption" de double comptabilisation des stocks pour la société Plastiques de Torcieu, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et violé les articles 1116 et 1315 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé que les documents comptables auxquels se réfère la première branche du moyen n'avaient été remis à M. Z... que le jour même de la signature des actes définitifs et que celui-ci n'avait pu sérieusement analyser des documents informatiques représentant 120 pages pour la société JAB Services et 73 pages pour la société Plastiques de Torcieu, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise ;

Et attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé que les travaux d'aménagement des locaux occupés par la société JAB Services avaient fait l'objet d'une facture dont la date avait été surchargée manuellement afin qu'ils ne figurent pas dans la situation comptable arrêtée au 31 mars 1988, l'arrêt retient que rien n'indiquait que M. Z... savait que ces travaux seraient facturés à cette société ; que de la même façon, après avoir relevé que l'expert avait fait état d'une forte présomption de surévaluation des stocks de la société Plastiques de Torcieu, l'arrêt retient que les consorts X... n'apportaient pas d'élément décisif pour contredire cette analyse ; qu'ayant souverainement apprécié la portée de l'ensemble des éléments de fait ainsi constatés, c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a statué comme elle a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que M. Christophe X... fait enfin grief à l'arrêt d'avoir refusé d'ordonner la restitution en valeur des parts sociales aux cédants alors, selon le moyen :

1 ) que l'annulation d'une cession d'actions confère au vendeur le droit d'obtenir la remise de celles-ci en nature ou en valeur, sans qu'aucune réduction ne puisse affecter le montant de cette restitution, à l'exception des dépenses nécessaires ou utiles faites par l'acquéreur pour la conservation des titres ; qu'en se bornant en l'espèce, pour refuser toute restitution aux cédants, à retenir que les deux sociétés avaient été placées en liquidation judiciaire, de sorte que leurs parts avaient une valeur nulle, sans rechercher quel avait été le résultat des opérations de liquidation, et si celles-ci n'avaient pas permis de dégager un actif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;

2 ) qu'en tout état de cause, la perte de valeur d'une chose acquise en exécution d'un contrat ultérieurement annulé ne dispense l'acquéreur de son obligation à restitution que si cette perte n'est pas due à son fait, de sorte qu'en dispensant M. Z... et M. A... de leur obligation à restitution en nature ou en valeur au seul motif que la liquidation des sociétés émettrices des titres avait fait perdre toute valeur à ceux-ci, sans aucunement s'expliquer sur les causes de cette liquidation et sur son éventuelle imputabilité au cessionnaire des parts qui en avait pris la direction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant souverainement estimé que la valeur des parts était nulle, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder d'office à la recherche non demandée visée par la seconde branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.