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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 23 novembre 2022, n° 21/01317

ROUEN

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Edwige WITTRANT

Conseillers :

M. Jean-François MELLET, Mme Magali DEGUETTE

Avocats :

SCP PONCET DEBOEUF BEIGNET, SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES

T. prox. Bernay, du 20 nov. 2020

20 novembre 2020

M. [J] [T] et Mme [L] [O], son épouse ont confié à M. [D] [M], artisan du bâtiment, divers travaux concernant leur habitation principale située à [Localité 3] suivant devis du 31 juillet 2017. Le ravalement de façade a été facturé le 31 août 2019 au prix de 6 073,65 euros payé par M. et Mme [T].

En raison de fissures affectant la façade, ils ont saisi leur assureur qui a provoqué une expertise amiable en juin 2020 : le rapport a décrit des malfaçons.

Par acte d'huissier du 28 août 2020, M. et Mme [T] ont fait assigner M. [M] afin de le voir condamné, sur le fondement de l'article 1792-6 du code civil et subsidiairement, sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, au paiement de la somme de 5 005 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 juillet 2020, outre les dépens et ce avec exécution provisoire.

Par jugement réputé contradictoire du 20 novembre 2020, le tribunal de proximité de Bernay a débouté M. et Mme [T] de leur action en responsabilité à l'encontre de M. [M], les a condamnés aux dépens de l'instance.

Par déclaration reçue au greffe le 26 mars 2021, M. et Mme [T] ont formé appel du jugement.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par premières et dernières conclusions notifiées le 22 avril 2021, M. [J] [T] et Mme [L] [O], son épouse demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

à titre principal, sur le fondement de l'article 1792-6 du code civil, subsidiairement de l'article 1231-1 du même code,

- condamner M. [M] à leur payer la somme de 5 005 euros au titre des travaux de reprise avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 juillet 2020, 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [M] aux dépens de première instance et d'appel, comprenant le coût du constat d'huissier du 1er mars 2021 pour 309,20 euros,

à titre infiniment subsidiaire, vu les articles 103 et 104 du code de procédure civile,

- ordonner une expertise, la mission étant précisé, des travaux effectués et des désordres, remèdes et préjudices subis,

- réserver les dépens.

Ils font valoir que les travaux commandés ont été effectués en août 2019 et payés sur facturation du 31 août 2019 ; qu'en octobre 2019, sont apparues des fissures ; que l'expert amiable a organisé une expertise démontrant les insuffisances de la prestation, notamment un détachement de l'enduit de son support en raison du mauvais dosage de l'enduit de finition, d'une pose défectueuse ; que les mises en demeure des 12 juin 2020 et 23 juillet 2020 à l'intention de M. [M] n'ont pas été suivies d'effet.

Ils invoquent le bénéfice de la garantie de parfait achèvement en soutenant que les travaux ont été réceptionnés et que l'expertise amiable démontre suffisamment la réalité et la cause des désordres ; que pour traiter les objections tirées de la preuve insuffisante formées par la juridiction pour rejeter leur demande, ils ont fait établir, le 1er mars 2021, un constat d'huissier de justice corroborant les constatations de l'expert.

Subisidiairement, ils fondent leur demande sur la responsabilité contractuelle et enfin, sollicitent, de façon infiniment subsidiaire, la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire.

Les premières et dernières conclusions de M. [D] [M], notifiées le 14 février 2022, ont été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état du 31 mai 2022.

MOTIFS

Sur la garantie de parfait achèvement

L'article 1792-6 du code civil dispose que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.

M. et Mme [T] justifient du paiement, effectué le 7 septembre 2019, de la facture du 31 août 2019, établie conformément au devis du 31 juillet 2017, à hauteur de 6 073,65 euros au titre des travaux extérieurs réalisés sur les façades de leur maison. C'est ainsi à juste titre que le premier juge a retenu l'existence d'une réception tacite constituant le point de départ des garanties susceptibles d'être mobilisées. L'acte introductif d'instance a été délivré avant expiration de l'année suivant la réception, le 28 août 2020.

Dans l'année qui a suivi le paiement, soit avant le 7 septembre 2020, M. [M] a été convoqué, pièce à l'appui, pour participer à la réunion d'expertise organisée amiablement par l'assureur de M. et Mme [T] visant l'existence du sinistre du '14/04/2020" et 'des fissures au niveau de l'enduit'.

A la date fixée, le 8 juin 2020, l'expert mandaté a pris des photographies versées aux débats démontrant l'existence des fissures alléguées entre les colombages de l'enduit appliqué par M. [M] dans le cadre du ravalement commandé. Le professionnel sollicité a préconisé le piquetage et la reprise totale des surfaces endommagées en trois couches après avoir relevé que la facture de l'artisan faisait une description insuffisante de la prestation pour être efficace : 'la facture ne mentionne qu'un dégrossi et une reprise d'enduit à la chaux' alors qu'un tel ravalement nécessite 'un gobetis ou couche d'accrochage ; un dégrossi qui imperméabilise et rectifie les inégalités de surface ; et enfin la finition de l'enduit à la chaux'.

L'expert a évalué le prix de réfection des travaux à la somme de 5 005 euros.

Par lettres recommandées du 12 juin 2020 comprenant une réclamation circonstanciée de l'assureur de M. et Mme [T], puis du 23 juillet 2020, les demandes de ces derniers ont été notifiées à M. [M] qui s'est abstenu d'apporter des réponses.

Le premier juge ayant rejeté la demande d'indemnisation pour insuffisance de preuves en considérant les éléments du dossier insuffisants, M. et Mme [T] ont fait dresser un constat d'huissier le 1er mars 2021 qui démontre l'aggravation du sinistre au regard des premières constatations effectuées en 2020 : des fissures à la fois plus nombreuses et plus larges, un décollement de l'enduit à plusieurs endroits effectif ou à venir compte tenu de l'état de l'enduit. La mauvaise qualité de l'enduit, à la fois dans sa constitution et dans sa pose, est parfaitement caractérisée.

Compte tenu de ces éléments, il convient de retenir la responsabilité de M. [M] au titre de la garantie de parfait achèvement. M. et Mme [T] demandent sa condamnation à leur payer le montant fixé par l'expert amiable soit 5 005 euros, somme inférieure au prix de la prestation réalisée et adaptée au préjudice au regard de son importance. La somme est allouée avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 juillet 2020. Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé.

Sur les frais de procédure

M. [M] succombe à l'instance et supportera les dépens de première instance, par infirmation de la décision, et d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [M] à payer la somme de 2 000 euros à laquelle s'ajoute quant aux frais, la somme de 309,20 euros au titre du constat d'huissier, improprement qualifiée de dépens par les appelants.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne M. [D] [M] à payer à M. [J] [T] et Mme [L] [O], son épouse :

- la somme de 5 005 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2020 au titre de la reprise des travaux,

- la somme de 309,20 euros au titre des frais de constat d'huissier,

- la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [D] [M] aux dépens de première instance et d'appel.