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Décisions

CA Paris, Pôle ch. 1, 19 octobre 2010, n° 08/13182

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Maître [G] [V], SOCIETE D'ETUDES ET DE REALISATIONS POUR LES INDUSTRIELS DU BOIS 'SERIBO'

Défendeur :

LA SOCIETE HAINAN YANGPU XINDADAO INDUSTRIAL CO/LTD, REPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur François GRANDPIERRE

Conseillers :

Mme Brigitte HORBETTE, Madame Dominique GUEGUEN

Avoués :

SCP PETIT LESENECHAL, SCP CALARN-DELAUNAY

Avocats :

Me Jean Yves VINCOT, Me Anne FITOUSSI

Paris, du 17 avr. 2008

17 avril 2008

La Cour,

Considérant que, le 24 mai 1999, la société de réalisations et d'études pour les industriels du bois, dite Séribo, et la

société Hainan Yangpu Xindadao industrial Co Ltd ont conclu un contrat stipulant la fourniture d'une usine de

production de parquet flottant, l'assistance technique pendant cinq ans et la coopération, l'approvisionnement et

le « buy back » (achat en retour) ; que, le 16 janvier 2003, le contrat était complété par un document d'application,

dit memorandum of understanding, précisant diverses lignes de coopération ;

Que, le 20 avril 2003, la société Hainan Yangpu Xindadai industrial Co Ltd a décidé de fermer son usine ;

Exposé du litige

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Que, le 23 juin 2003, la société Hainan Yangpu Xindadao industrial Co Ltd a saisi la Commission chinoise

d'arbitrage économique et commercial international, dite CIETAC (China international economic and trade

arbitration Commission), d'une demande portant sur les points suivants : la poursuite des obligations de la société

Séribo en matière de « buy back » et d'assistance technique, l'indemnisation de 25.360.000 yuan visant à couvrir

les frais et dépenses engagées à l'occasion de l'arrêt d'exploitation et la prise en charge des frais d'arbitrage et de

représentation des parties ;

Que, malgré la contestation de la société Séribo, le CIETAC, siégeant à Beijing (Chine), s'est déclaré compétent et, le

22 décembre 2004, a rendu une sentence arbitrale aux termes de laquelle :

- la défenderesse (la société Séribo) doit exécuter ses obligations contractuelles d'acheter tous les produits

certifiés conformes aux normes et fabriqués par la demanderesse (la société Hainan YangpuXindadao industrial

Co Ltd) selon les contrats et le memorandum d'accord, et fournir le service technique et l'assistance selon le

contrat,

- la défenderesse doit compenser à la demanderesse les pertes subies, dont le montant s'élève à 19.128.618,66

yuan renminbi (RMB),

- la défenderesse doit compenser à la demanderesse les frais d'honoraires des avocats et les dépens, dont le

montant est de 770.000 yuan RMB,

- les frais d'arbitrage de cette affaire sont de 401.914 yuan RMB ; la demanderesse doit en supporter 15%, soit

60.287,10 yuan RMB, et la défenderesse 85%, soit 341.626,90 yuan RMB ; la demanderesse a payé à l'avance la

totalité des frais d'arbitrage, la défenderesse doit donc lui rembourser la somme de 341.626,90 yuan RMB,

- les dépenses réelles estimées à 12.000 USD pour la désignation de l'arbitre par la défenderesse doivent être

supportées par elle,

- la défenderesse doit effectuer les paiements à la demanderesse dans un délai de trente jours à compter de la

date de la sentence et des intérêts au taux annuel de 5% s'ajouteront si les paiements ne sont pas effectués dans

les temps ;

Considérant que, par ordonnance du 17 avril 2008, l'un des vice-présidents du Tribunal de grande instance de

Paris, agissant par délégation de son président, a déclaré exécutoire la sentence arbitrale rendue par la

Commission chinoise d'arbitrage économique et commercial international ;

Considérant que Maître [G] [V], ès qualités de liquidateur de la société Séribo, qui poursuit l'infirmation de

l'ordonnance d'exequatur, demande qu'elle ne soit pas rendue exécutoire ;

Qu'à l'appui de son recours Maître [V], ès qualités de liquidateur de la société Séribo, expose que le CIETAC n'était

pas compétent dès lors que, selon la traduction du texte anglais de la convention liant les parties « les litiges

survenant à propos de l'exécution du contrat' seront réglés par concertation amicale », que « les litiges ne pouvant

se régler de cette façon, seront soumis »'à médiation ou arbitrage ou encore, de façon définitive « selon les règles

de conciliation et d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale' » et que « le lieu d'arbitrage sera

[Localité 5] » alors que, selon la traduction du texte chinois, « en cas de conflit' les parties s'efforceront de trouver

Moyens

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une solution à l'amiable » ; que « à défaut, ce conflit doit être remis d'abord au CIETAC » et que « le lieu d'arbitrage

sera à Beijing » ; qu'il soutient qu'en réalité, les négociations se sont déroulées en anglais, que le contrat a été

rédigé initialement en anglais et que la version chinoise, sur laquelle s'est fondé le CIETAC pour se déclarer

compétent, procède d'une traduction inexacte ;

Que l'appelant soutient donc que seule la version anglaise fait la loi des parties et que, stipulant une phase

préalable amiable et de médiation, la demande d'arbitrage était irrecevable tant que n'a pas été mise en œuvre la

procédure de conciliation obligatoire qui ne pouvait pas avoir lieu devant les arbitres ;

Que Maître [V] en déduit que la sentence critiquée est contraire aux dispositions de l'article V de la convention de

New-York du 10 juin 1958 aux termes duquel la reconnaissance et l'exécution de la sentence doit être refusée sur

requête de la partie contre laquelle elle est invoquée si celle-ci démontre que la constitution du tribunal arbitral ou

la procédure d'arbitrage n'a pas été conforme à la convention des parties dès lors qu'en l'espèce, l'incompétence

du tribunal arbitral a été soulevée dès sa saisine et que, par voie de conséquence, il est fondé à s'opposer à

l'exequatur en vertu des dispositions des articles 1502 et suivants du Code de procédure civile ;

Considérant qu'intimée, la société Hainan Yangpu Xindadao industrial Co Ltd conclut à la confirmation de

l'ordonnance d'exequatur qui n'est pas manifestement contraire à l'ordre public ;

Que la société fait d'abord observer que la phase de conciliation amiable a existé ; qu'elle fait encore valoir que

l'arbitrage, prévu par la convention, tant en sa version anglaise qu'en sa traduction chinoise, a eu lieu à la suite de

la demande de la société Séribo et que la procédure suivie devant les arbitres est régulière ;

Que l'intimée soutient, en particulier, que le tribunal arbitral a statué sur sa compétence après un débat sur cette

question et conformément aux règles d'arbitrage du CIETAC et aux dispositions contractuelles qui prévoient,

quelle que soient les nuances dans les versions, une phase d'arbitrage devant le CIETAC de Chine et, le cas

échéant, à Paris ; qu'elle expose également que le CIETAC était compétent en qualité de médiateur et d'arbitre et

que l'arbitrage a été précédé d'une phase de conciliation amiable que le CIETAC est légalement habilité à tenter ;

qu'elle ajoute que, contrairement à ce que soutient Maître [V], il n'y a pas lieu de donner la priorité au texte anglais

sur le texte chinois, les deux versions ayant, de convention expresse, la même force juridique ;

Considérant que le dossier a été communiqué à M. le procureur général ;

SUR CE :

Considérant que, selon la traduction du texte anglais de l'article 20 de la convention liant les parties « les litiges

survenant à propos de l'exécution du contrat entre les parties seront réglés par concertation amicale » ; que « les

litiges ne pouvant se régler de cette façon, seront soumis à la Commission d'arbitrage de l'économie et du

commerce extérieur du Conseil pour la promotion du commerce international de la Chine pour mener une

médiation et un arbitrage » ; que « s'il s'avère impossible de conclure un arrangement par les moyens ci-dessus,

tous les litiges survenant du ou en relation avec le présent contrat seront réglés de façon définitive selon les règles

de conciliation et d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale par un ou plusieurs arbitres(s) nommé(s)

Motivation

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conformément auxdites règles.. » ; que « le lieu d'arbitrage sera [Localité 5] » ;

Que, selon la traduction du texte chinois, « En cas de conflit' les parties s'efforceront de trouver une solution à

l'amiable » ; que « à défaut, ce conflit doit être remis d'abord au CIETAC (China international economic and trade

arbitration Commission), pour trancher » ; que « le lieu d'arbitrage sera à Beijing ; si les deux parties sont

consentantes, il peut être tranché par la Chambre de commerce international' le lieu d'arbitrage sera à [Localité

5]' » ;

Considérant qu'il ressort de ces deux versions qu'en cas de litige, les parties devaient s'efforcer de trouver une

solution « par concertation amicale » ou « à l'amiable » au cours d'une phase préalable à la procédure d'arbitrage

proprement dite ;

Que, toutefois, cette « procédure » destinée à rapprocher les parties et à favoriser la conclusion d'un accord

amiable n'est, ni dans la traduction du texte anglais, ni dans la traduction du texte chinois, stipulée comme étant

une formalité préalable et obligatoire dont l'omission serait de nature à les priver du droit de saisir l'arbitre ; que,

laissée à leur bon vouloir, elle ne saurait être regardée comme étant prévue par une clause de conciliation

obligatoire dont la violation entraîne, en droit interne, une fin de non-recevoir qui s'impose au juge lorsque l'une

des parties s'en prévaut ;

Considérant que la règle invoquée par Maître [V] n'étant pas prescrite à peine d'irrecevabilité ou d'incompétence

du tribunal arbitral, il n'y a pas lieu de rechercher si la sentence rendue par le CIETAC, habilité à mener une

tentative de conciliation, est contraire à l'ordre public international ;

Qu'il convient, en conséquence, de confirmer l'ordonnance frappée d'appel ;

Et considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions de l'article 700 du

Code de procédure civile ; que, succombant en ses prétentions et supportant les dépens, Maître [V], ès qualités de

liquidateur de la société Séribo, sera débouté de sa réclamation ; qu'en revanche, il sera condamné à payer à la

société Hainan Yangpu Xindadao industrial Co Ltd les frais qui, non compris dans les dépens, seront arrêtés, en

équité, à la somme de 3.000 euros ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance rendue le 17 avril 2008 par l'un des vice-présidents du Tribunal de grande instance de

Paris, agissant par délégation de son président, qui a déclaré exécutoire la sentence arbitrale rendue par la

Commission chinoise d'arbitrage économique et commercial international (CIETAC) au profit de la société Hainan

Yangpu Xindadao industrial Co Ltd ;

Déboute Maître [G] [V], ès qualités de liquidateur de la société de réalisations et d'études pour les industriels du

bois, dite Séribo, de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure

civile et le condamne, par application de ce texte, à payer à la société Hainan YangpuXindadao industrial Co Ltd  la

Dispositif

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somme de 3.000 euros ;

Condamne Maître [V], ès qualités de liquidateur de la société Séribo, aux dépens qui seront recouvrés par l'avoué

de la société Hainan Yangpu Xindadao industrial Co Ltd  conformément aux dispositions de l'article 699 du Code

de procédure civile.