Cass. crim., 15 mai 2008, n° 07-85.023
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dulin
Avocats :
Me Spinosi, SCP Waquet, Farge et Hazan
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l' homme, préliminaire, 76, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d' appel a rejeté l' exception de nullité présentée par Jean- Marie X... ;
" aux motifs qu' est sollicitée la nullité de la saisie le 6 mai 2006 de divers documents volontairement produits par Simon Y... ; qu' il est soutenu que la partie civile n' avait pas accepté expressément la remise des documents ayant déclaré qu' elle ne pouvait s' y opposer, qu' auraient été violées les dispositions de l' article 76 du code de procédure pénale prévoyant que la personne saisie doit être libre de refuser celle- ci et que ce grief porterait atteinte aux intérêts de Jean- Marie X... ; que sans qu' il y ait lieu de s' interroger sur les dires de Simon Y... lors de la saisie, il y a lieu de constater que selon l' article 802 du nouveau code de procédure pénale seule la partie concernée peut se prévaloir d' une nullité de forme si la nullité porte atteinte à ses intérêts ; que Simon Y... pouvait seul se prévaloir de la nullité de la saisie portant sur des documents en sa possession puisqu' il était seul en vertu de l' article 76 du code de procédure pénale à pouvoir s' opposer à cette saisie ; que Simon Y... n' a formé aucune demande de nullité de la saisie ; que dès lors les demandes de nullité de la saisie et par suite la nullité de l' ensemble de la procédure résultant selon le prévenu de cette nullité prétendue de saisie doivent être rejetées » ;
" alors que, en rejetant l' exception de nullité du procès- verbal de saisie présentée par Jean- Marie X... aux motifs inopérants que seul Simon Y... pouvait, en application de l' article 76 du code de procédure pénale, se prévaloir de la nullité de la saisie, lorsqu' il résulte des pièces de la procédure que la citation directe délivrée à l' encontre du prévenu a pour support nécessaire le procès- verbal de la saisie opérée le 6 mai 2006 et les pièces saisies, opération dont la régularité était expressément contestée par la défense, la cour d' appel a porté une atteinte disproportionnée aux droits de la défense de Jean- Marie X... " ;
Attendu que, pour écarter l' exception de nullité, présentée par le prévenu, relative à la saisie de documents remis par Simon Y..., partie civile, lors de l' enquête préliminaire, l' arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu' en statuant ainsi, et dès lors qu' il résulte de l' arrêt et du jugement qu' il confirme que ces documents ont été volontairement remis par ce dernier, et qu' il a donné son assentiment à la saisie, le tribunal supérieur d' appel a justifié sa décision ;
D' où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 341- 1, L. 341- 3, L. 341- 4 du code monétaire et financier, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d' appel a déclaré Jean- Marie X... coupable du chef d' activité de démarchage bancaire ou financier en violation des dispositions du code monétaire et financier ;
" aux motifs que Jean- Marie X... soutient qu' il n' a effectué aucun acte de démarchage et que quand bien même l' élément matériel aurait existé l' élément intentionnel fait défaut ; qu' il résulte de l' enquête de gendarmerie que Simon Y... a fait la connaissance de Jean- Marie X... lorsque ce dernier assurait la direction du centre de gestion de la chambre de commerce, des métiers, de l' industrie et de l' agriculture (CACIM) de Saint- Pierre et Miquelon et que lui- même y assurait la représentation des commerçants miquelonnais " ; que Simon Y... a admis qu' il désirait prendre des actions et en confier la gestion à Jean- Marie X... qui paraissait avoir des connaissances en la matière ; que Jean- Marie X... lui avait proposé de déposer sur son propre compte les 200 000 euros que Simon Y... se proposait de placer, une réunion des valeurs permettant de meilleures gestions ; qu' il est établi que Jean- Marie X... a proposé à Simon Y... un mandat de gestion date du 13 mai 2004 ; qu' en effet, si Jean- Marie X... prétend que c' est Simon Y... qui lui a fait cette proposition, il apparaît que la rétribution de Jean- Marie X... prévu sur cette proposition est de 0 à 10 % 1 % du montant des plus values- de 11 à 20 % 5 % du montant de celles- ci- de 21 à 30 % 8 % de leur montant- de 31 à 50 % 10 % de celles- ci- de 51 % et plus 15 % de ces plus values ; que sur le mandat effectivement signé, daté du 12 août 2004, la rétribution de Jean- Marie X... est réduite de 11 à 20 % à 3 % des plus values- de 21 à 30 % à 6 % des plus values- de 31 % à 50 % à 9 % des plus values- de 51 % et plus à 12 % des plus values ; que dès lors, il apparaît que c' est Jean- Marie X... qui a fait une première proposition de rémunération, réduite en fonction du refus de Simon Y... ; que comme il vient d' être spécifié un mandat établi par Jean- Marie X... daté du 12 août 2004 a été signé entre les parties ; qu' il est incontesté que Jean- Marie X... a placé sur son propre compte Symphonis, 200 000 euros confiés par Simon Y... ; que le mandat a été reconduit le 9 mars 2006 avec un terme fixé au 30 décembre 2006 ; que Jean- Marie X... a prétendu avoir établi des comptes rendus semestriels remis à Simon Y... mais qu' il n' en justifie pas ; que Jean- Marie X... a admis avoir adressé par mail à Simon Y... en décembre 2005, un tableau Excel reprenant les prétendus actifs de Simon Y... ; que Simon Y... a produit un mail imprimé sur son propre ordinateur le 6 mai 2006 ; que Jean- Marie X... a adressé à Simon Y... un mail du 20 avril 2006 déclarant qu' il avait demandé au groupe Symphonis un relevé d' opération du 12 août 2004 au 20 avril 2006 pour procéder à la clôture du compte et au virement des sommes devant revenir à Simon Y... ; que le 3 mai 2006, il a adressé à Simon Y... un nouveau mail disant qu' à réception des comptes Symphonis, il lui adresserait le relevé Symphonis et le montant du solde ; que Jean- Marie X... entendu par les gendarmes le 13 mai 2006 a reconnu qu' il n' avait aucune accréditation en matière de démarchage financier et reconnu l' infraction de démarchage financier sans y être autorisé ; que Jean- Marie X... a remis à son conseil en première instance un document contestant toute infraction et donc ses aveux sans aucun explication ou justification de ses revirements et qu' en appel il maintient ses contestations sans verser aux débats aucun document nouveau ; que selon l' article L. 341- 1, 2° du code monétaire et financier et quelle que soit la personne à l' initiative de la demande constitue un acte de démarchage le fait de se rendre physiquement dans des lieux non destiné à la commercialisation de produits, instruments et services financiers aux fins de réalisation d' une opération sur des instruments financiers, d' une opération de banque ou d' un service commercial, d' un service d' investissement ou d' un service commercial ; qu' il résulte des éléments ci- dessus sans être contesté par Jean- Marie X..., qu' il a effectué pour Simon Y... des opérations sur des actions ou autres titres au sens de l' article L. 211- 1 du code monétaire et financier et consenti à celui- ci, la fourniture d' un service d' investissement ou service commercial au sens des articles L. 3211 et 321- 2 du code monétaire et financier ; que Jean- Marie X... ne s' est pas contenté d' un acte isolé mais a bien exercé une activité par ses multiples interventions (projet de mandat, mandats, lancement sur son propre compte, envoi de relevé d' opérations, courriels) ; que l' activité de Jean- Marie X... n' a pas été effectuée dans un lieu destiné à la commercialisation de produits instruments et services financiers mais notamment au siège de la CACIM ; que c' est en toute connaissance de cause que Jean- Marie X... a exercé ce démarchage interdit faute de qualité pour le faire, le fait qu' il ait prétendu ignorer toutes les règles en la matière ne pouvant constituer une cause d' exonération mais au contraire établissant le danger tout particulier de cette activité de sa part ; qu' il y a donc lieu de confirmer la culpabilité de Jean- Marie X... du chef d' activité de démarchage bancaire ou financier en violation des dispositions du code monétaire et financier » ;
" alors que d' une part, en application de l' article L. 341- 1, alinéa 2, du code monétaire et financier, le déplacement physique de l' auteur du démarchage dans un lieu non destiné à la commercialisation de produits, instruments et services financiers est un élément constitutif de l' infraction ; qu' en se bornant à indiquer que Simon Y... a fait la connaissance de Jean- Marie X... lorsque ce dernier assurait la direction du centre de gestion de la chambre de commerce, des métiers, de l' industrie et de l' agriculture (CACIM) de Saint- Pierre et Miquelon, sans préciser en quoi Jean- Marie X... s' était, selon la lettre du texte, physiquement rendu dans un des lieux prohibés pour obtenir l' accord de Simon Y... sur le mandat de gestion critiqué, la cour d' appel a privé sa décision de toute base légale ;
" alors que d' autre part, la cour d' appel ne pouvait entrer en voie de condamnation de ce chef à l' encontre de Jean- Marie X... sans répondre au moyen péremptoire de défense qu' il développait et selon lequel il ne s' était jamais rendu physiquement au domicile de Simon Y..., sur le lieu de travail de ce dernier, ou dans des lieux non destinés à la commercialisation de produits financiers " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 353- 2, L. 353- 3 du code monétaire et financier, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d' appel a déclaré Jean- Marie X... coupable du chef de réception de fonds par personne se livrant à l' activité de démarchage ;
" aux motifs que Jean- Marie X... ne peut que reconnaître avoir reçu de Simon Y... (par virement à son ordre) la somme de 200 000 euros le 12 août 2004 en vue de son placement sur le marché des actions et qu' il a placé cette somme sur son propre compte ; que dès lors, il a commis le délit de réception de fonds en vue d' exécution d' ordre sur le compte de tiers par personne se livrant à un démarchage bancaire ou financier ; que sa culpabilité de ce chef sera donc confirmée " ;
" alors que le fait, pour toute personne se livrant à l' activité de démarchage bancaire ou financier, de recevoir des personnes démarchées des espèces, des effets de commerce, des valeurs ou chèques au porteur ou à son nom ou tout paiement par un autre moyen est subordonné à la caractérisation du délit de démarchage prévu à l' article 341- 1 du code monétaire et financier ; que, n' ayant pas caractérisé le délit de démarchage en tous ses éléments constitutifs, la cour d' appel ne pouvait déclarer Jean- Marie X... coupable du délit de réception de fonds par personne se livrant à l' activité de démarchage " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer Jean- Marie X... coupable de démarchage financier illicite et de réception de fonds en violation des dispositions du code monétaire et financier, l' arrêt énonce que Jean- Marie X..., qui n' avait pas qualité pour le faire, a établi et fait signer par Simon Y..., dans un lieu non destiné à la commercialisation de produits et services financiers, un mandat de gestion, aux fins de réalisation d' opérations sur des actions ou d' autres titres, et a placé, sur son propre compte, la somme de 200 000 euros remise par ce dernier ; que l' arrêt ajoute que le prévenu a exercé, en toute connaissance de cause, cette activité illicite ;
Attendu qu' en l' état de ces énonciations, qui caractérisent en tous leurs éléments constitutifs, les infractions retenues à l' encontre du prévenu, le tribunal supérieur d' appel a justifié sa décision ;
D' où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 441- 1, 441- 9, 441- 10 et 441- 11 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d' appel a déclaré Jean- Marie X... coupable du chef de faux et usage ;
" aux motifs qu' il ne peut être contesté que Jean- Marie X... a envoyé par mail à Simon Y... un tableau sur support Excel courant janvier 2005 ; que si ce tableau a été imprimé par Simon Y... le 06 mai 2006, il ne peut être sérieusement soutenu que ce tableau avait été modifié, Jean- Marie X... ayant reconnu le 14 mai 2006 que ce document était le feuillet n° 4 du scellé 1 sans expliquer par la suite pour quelle raison cette reconnaissance serait inexacte ; que Jean- Marie X... a parfaitement reconnu le 14 mai 2006 que ce document mentionnait de faux résultats financiers à Simon Y... ; que les dénégations postérieures de Jean- Marie X... non assorties de pièces ou explications précises ne sauraient être retenues alors que selon les écritures figurant sur le tableau celui- ci ne concernerait que les avoirs de Simon Y... qui seraient de 150 000 euros en décembre 2004 alors qu' en fait, il résulte d' un examen du compte Symphonis que la valeur totale du compte était de 154 126, 97 euros comprenant les actifs de Simon Y... et ceux de Jean- Marie X... qui avaient été déposés à hauteur de 96 214, 92 euros ; que la culpabilité de Jean- Marie X... du chef de faux et usage de faux sera donc confirmée » ;
" alors que le faux doit avoir pour support un document ayant pour objet ou pour effet d' établir la preuve d' un droit ou d' un fait ayant des conséquences juridiques ; qu' ainsi, la cour d' appel ne pouvait déclarer Jean- Marie X... coupable de ce chef sans répondre au chef péremptoire de défense qu' il articulait et selon lequel les informations nominatives se trouvant dans le tableau Excel constituaient des objectifs espérés au 30 juin, et ainsi, des perspectives supposées d' évolution, et en aucun cas une garantie de résultat " ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de faux et usage, l' arrêt confirmatif énonce que celui- ci a établi et adressé, par message électronique, à Simon Y..., un tableau mentionnant de faux résultats financiers, incluant aux actifs propres de ce dernier, les fonds personnels du prévenu, dans le but de faire apparaître l' achat d' actions qui n' a été réalisé que cinq mois après la réalisation dudit tableau ;
Attendu qu' en l' état de ces énonciations, le tribunal supérieur d' appel a caractérisé les délits de faux et usage dont elle a reconnu le prévenu coupable ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l' arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.