Livv
Décisions

CA Metz, 1re ch., 19 septembre 2013, n° 12/00799

METZ

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Staechele

Conseillers :

Mme Ott, Mme Cunin-Weber

TGI Thionville, ch. civ., du 10 févr. 20…

10 février 2012

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 19 Septembre 2013.

Par convention de cession d'actions du 10 octobre 2005, M. Eric B. , auquel s'est substituée l'EURL B. Participations, a fait l'acquisition de la totalité des 7 000 actions de la famille P. composant le capital social de la société anonyme François P., sous la condition suspensive de transformation de la forme juridique de cette société de société anonyme SA en société par actions simplifiée SAS ce qui nécessite par application de l'article L-225-244 du Code de Commerce l'établissement par les commissaire aux comptes de la société d'un rapport attestant que les capitaux propres sont au moins égaux au capital social.

Le prix de cession a été fixé à 350 000 € sur la base de la situation au 31 décembre 2004 certifiée par le commissaire aux comptes mais il était prévu dans la convention que le prix définitif devait être fixé au vu d'une situation comptable intermédiaire à établir au 31 octobre 2005 et serait égal au prix provisoire, majoré ou diminué des capitaux propres entre le 31 décembre 2004 et le 31 octobre 2005.

Cette acquisition a été financée par un prêt de 310 000 € souscrit en octobre 2005 par l'EURL B. Participations auprès de la BPLC, dont M et Mme B. se sont portés cautions.

Le cédant et le cessionnaire ont fait établir chacun une situation comptable au 31 octobre 2005 et, face aux résultats divergents, ont eu recours à la procédure contractuelle prévue faisant intervenir un cabinet comptable désigné par le président de l'Ordre des experts comptables. Le cabinet ainsi désigné a conclu à un montant des capitaux propres de - 13 743 €. Les parties ont alors signé un protocole d'accord ramenant le prix de cession des actions de 350 000 € à 150 396 €.

Après des exercices déficitaires, la SAS P. a déposé son bilan de même que l'EURL B. Participations qui n'a pu faire face au remboursement du prêt contracté pour le financement de l'acquisition des actions. Ces deux sociétés ont été placées en redressement judiciaire par jugement rendu le 8 novembre 2007 par la chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de Thionville, procédures converties en liquidation judiciaire le 18 septembre 2008. M et Mme B. quant à eux ont été poursuivis en paiement en leurs qualités de cautions.

Par actes en date du 17 octobre 2008, l'EURL B. Participations, représentée par Maître Gérard N. agissant ès-qualités de liquidateur judiciaire, M. Eric B. et Mme Nathalie B. épouse B. ont assigné M. Gérald E. et la SARL Cabinet E. M. sur le fondement des articles L-822-10 et L-822-17 du Code de Commerce aux fins de :

- dire que M. Gérald E., commissaire aux comptes, et la SARL Cabinet E. M., société de commissariat aux comptes, ont commis une faute et engagé leur responsabilité contractuelle à l'égard de l'EURL B. Participations et de M et Mme B.,

- les condamner en conséquence in solidum à réparer le préjudice respectivement causé à l'EURL B. Participations et à M et Mme B.,

- condamner en conséquence M. Gérald E. et la SARL Cabinet E. M. à payer à Maître Gérard N., liquidateur judiciaire de l'EURL B. Participations, la somme de 304 796,91 €,

- les condamner à payer à M et Mme B. la somme de 116 061,82 € à parfaire au titre des cautionnements qu'ils ont souscrit au profit de la société P..

Ils ont fait valoir que les défendeurs comme signataires du rapport à la transformation de la société de SA en SAS ont commis une faute lourde en attestant que le montant des capitaux propres de la société P. François étaient au moins égal au montant du capital social à la date de cession des actions, alors que l'établissement de la situation comptable au 31 octobre 2005 par l'expert-comptable désigné par les parties démontre que les capitaux propres étaient en réalité déficitaires de 13 743 €, soit une différence négative de 120 457 € par rapport au capital social et de 278 637 € par rapport aux capitaux propres mentionnés au bilan arrêté au 31 décembre 2004 et alors que le commissaire aux comptes avait certifié qu'il n'y avait pas d'incidence des événements survenus entre la date des derniers comptes annuels et la date de son rapport sur la valeur comptable des éléments entrant dans la détermination des capitaux propres. Ils ont notamment mis en cause les provisions pour créances douteuses et repos compensateurs.

Selon les demandeurs, cette faute est en relation directe avec le préjudice : la créance de la BPLC déclarée au passif de la liquidation judiciaire de l'EURL B. Participations au titre de l'emprunt et les sommes pour lesquelles M et Mme B. sont poursuivis en leur qualité de cautions de cet emprunt et d'engagements de la société P. François, dès lors que la transformation de la société était prévue comme condition suspensive et qu'ils ne se seraient pas autant engagés s'ils avaient su que la situation de la société P. François était à ce point dégradée.

Les défendeurs ont conclu à l'irrecevabilité de la demande présentée à l'encontre de M. Gérald E. et ce par application de l'article L-822-9 du Code de Commerce, dans la mesure où M. Gérald E. n'a jamais été désigné à titre personnel comme commissaire aux comptes et commissaire à la transformation de la société P. François et n'a signé les rapports qu'en sa qualité de représentant de la SARL Cabinet E. M. seule désignée à ces fonctions.

Ils ont conclu à l'irrecevabilité de la demande à raison du protocole d'accord conclu entre l'EURL B. Participations, la société P. François et M. Eric B. comportant renonciation à agir du chef des conséquences de l'acquisition des actions.

Pour le cas où la responsabilité de la SARL Cabinet E. M. est recherchée en sa qualité de commissaire aux comptes, ils ont conclu au vu des articles L. 822-18 et L. 225-224 du Code de Commerce à l'irrecevabilité des demandes pour cause de prescription et subsidiairement au débouté en l'absence de toute faute au regard de l'obligation de moyens à laquelle est assujetti le commissaire à la transformation et de lien de causalité avec les préjudices allégués.

Ils ont réclamé à titre reconventionnel des dommages-et-intérêts pour procédure abusive et une indemnité pour frais irrépétibles.

Par jugement en date du 10 février 2012, le Tribunal de Grande Instance de Thionville, chambre civile, a :

- déclaré irrecevable l'action en responsabilité formée contre M. Gérald E., considérant pour cela que le mandat de commissaire aux comptes a été confié à la SARL Cabinet E. M. de sorte que les actes accomplis par M. Gérald E. l'étaient au nom et pour le compte de la société et qu'en l'absence de faute détachable de ses fonctions, seule la personne morale titulaire de la mission de commissariat aux comptes peut voir mise en cause sa responsabilité civile ;

- déclaré recevable l'action formée à l'encontre de la SARL Cabinet E. M., en écartant d'une part la prescription qui est ici de trois ans à compter du fait dommageable, dès lors que les parties n'invoquent aucune dissimulation par le commissaire aux comptes de faits dont il aurait eu connaissance et que le point de départ de la prescription doit être fixé à la date du rapport sur la transformation, soit le 19 octobre 2005, étant rappelé que l'action a été engagée par assignation en date du 18 octobre 2008 ;

en écartant d'autre part la fin de non-recevoir tirée de l'existence d'une transaction et en considérant pour cela que l'effet relatif des contrats n'interdit pas à un tiers d'invoquer la renonciation à un droit que renferme la transaction mais qu'à l'analyse de l'article 6 du protocole d'accord ' qui doit être interprété restrictivement ' la renonciation au droit dont peut se prévaloir la SARL Cabinet E. M. a un objet limité à la contestation du prix de cession des actions, de sorte que la transaction ne saurait être opposée à la présente action en responsabilité contractuelle qui, destinée à indemniser le cessionnaire du préjudice résultant de la mauvaise exécution par le commissaire aux comptes de ses obligations professionnelles, a un fondement juridique et un objet distincts des litiges opposant cessionnaire et cédant ;

- débouté l'EURL B. Participations représentée par Maître Gérard N. agissant en qualité de liquidateur et M et Mme B. de leurs demandes,

considérant pour cela qu'il résulte des articles L. 224-3, R. 224-3 et L. 225-244 du Code de Commerce que la transformation d'une SA en SAS suppose la rédaction d'un rapport, attestant que les capitaux propres sont au moins égal au capital social, sans que cette mission ne varie selon que le rapport est réalisé par un commissaire aux comptes spécialement désigné comme commissaire à la transformation lorsque la société est dépourvue de commissaire aux comptes, ou par le commissaire aux comptes de la société qui se transforme ; que la mission étant identique, les diligences à accomplir sont également identiques ; qu'il s'agit d'attester quant au montant des capitaux propres et non de vérifier la comptabilité et qu'il s'agit donc d'une mission distincte de la certification des comptes définie à l'article L-823-9 du Code de Commerce;

Que pour l'exercice de cette mission spécifique, le commissaire aux comptes doit s'assurer que des faits, intervenus entre la date d'arrêté des comptes sur lesquels a porté son contrôle et la date de son rapport en vue de la transformation, ne sont pas de nature à remettre en cause de manière significative le montant des capitaux propres et du capital social ;

Que la SARL Cabinet E. M. a certifié les comptes de l'exercice de la société P. François clos au 31 décembre 2004 et en octobre 2005 s'est référée aux données comptables saisies par le comptable de cette société en l'absence d'état intermédiaire, de sorte qu'au regard de la balance présentée par la société il a conclu à un résultat intermédiaire de -36K€ ce qui a eu pour effet de ramener les capitaux propres ( de 206 000 € à la clôture de l'exercice 2004) à 170 000 € au 31 août 2005 ce qui restait supérieur au capital social de 107 000 € ; que le commissaire aux comptes s'est fait communiquer le 17 octobre 2005 la balance comptable de la société P. François actualisée au 31 août 2005 dans sa version validée par l'expert-comptable de la société et que le rapport sur la transformation a été adressé au vu de l'ensemble de ces éléments le 19 octobre 2005 ;

qu'il ne saurait dans ces conditions être reproché au commissaire aux comptes un manque de diligence ni de ne pas s'être inquiété d'éventuels correctifs à apporter depuis le dernier exercice clos et jusqu'au 19 octobre 2005 ;

Que concernant les créances douteuses, le provisionnement à 100% des créances non réglées au 1er mai 2005 est le fruit de l'accord intervenu entre les parties et non pas d'un manquement par le commissaire aux comptes à ses obligations professionnelles, de sorte qu'il ne peut être reproché à ce dernier de s'être référé à la situation du dernier arrêté de comptes modifiée d'éventuels correctifs ;

Que concernant l'absence de provision pour risque s'agissant des repos compensateurs, le choix est justifié par référence aux dispositions de l'article R-123-19 du Code de Commerce et n'apparaît pas fautif en l'absence de preuve d'événements survenus ou en cours rendant probables les risques ou charges nettement précisés ;

Qu'il ne peut être reproché de ne pas avoir intégré aux provisions pour clients douteux une somme de 24 179 € datant de septembre 2005 sur une entreprise Prim Construction qui n'a été placée en redressement judiciaire qu'en février 2006 postérieurement au rapport critiqué ;

Qu'il apparaît que ce n'est qu'à la suite du changement de dirigeant que M. B. s'est aperçu que des salariés de la société P. François avaient effectué des travaux pour le compte d'une SCI, où M. P. était intéressé comme associé et gérant, sans passation de facture en comptabilité alors que M. P. n'avait pas signalé ces conventions au commissaire aux comptes en violation de l'article L-225-40 alinéa 2 du Code de Commerce ; qu'il n'est donc pas établi que la SARL Cabinet E. M. a commis une faute dans l'appréciation comptable des éléments qui étaient portés à sa connaissance ;

- débouté M. Gérald E. et la SARL Cabinet E. M. de leur demande d'indemnité pour procédure abusive;

- condamné l'EURL B. Participations, représentée par Maître Gérard N. agissant en qualité de liquidateur, ainsi que M et Mme B. à payer à M. Gérald E. et à la SARL Cabinet E. M. la somme totale de 2 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- laissé les dépens à la charge de l'EURL B. Participations, représentée par Maître Gérard N. agissant en qualité de liquidateur, ainsi que M et Mme B. et dit qu'ils seront recouvrés par Me Anne-Sophie J.-A. dans les conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration enregistrée le 21 mars 2012, l'EURL B. Participations, représentée par son liquidateur judiciaire Maître Gérard N., ainsi que M et Mme B. ont régulièrement interjeté appel du dit jugement.

Par ordonnance en date du 12 novembre 2012, le conseiller de la mise en état a :

- dit qu'il n'appartient pas à la compétence du conseiller de la mise en état de se prononcer sur la recevabilité de la demande de l'EURL B. Participations, représentée par Maître Gérard N. ès-qualités de liquidateur, et de M et Mme B. en ce qu'elle est dirigée contre M. Gérald E. ;

- débouté en conséquence les appelants de ce chef de leur incident ;

- déclaré les appelants irrecevables en leur demande de sursis à statuer par application de l'article 74 du Code de Procédure Civile ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- condamné les appelants aux frais et dépens de l'incident.

Par leurs dernières écritures du 8 février 2013, l'Eurl B. Participations représentée par Maître Gérard N. ès-qualités de liquidateur judiciaire, et M et Mme B. demandent à la Cour,

Vu les articles L. 822-10 et L. 822-17 du Code de Commerce,

Vu l'article L. 225-244 du Code de Commerce,

en infirmant le jugement entrepris et en statuant à nouveau, de :

Sur la faute :

- Dire et juger que la mission qui incombe au commissaire aux comptes dans le cadre de l'article L 225-244 du Code de commerce est suffisamment précise pour que son inexécution soit présumée fautive,

En conséquence, en l'espèce,

- constater que Monsieur Gérald E., Commissaire aux Comptes, et la Sarl Cabinet E.-M., société de Commissariat aux Comptes, inscrite près la Cour d'Appel de Metz, ne rapportent pas la preuve qui leur incombent qu'ils n'auraient pas commis de faute ou qu'ils pourraient se prévaloir d'une cause exonératoire de leur responsabilité,

- en conséquence, dire et juger qu'ils sont présumés avoir commis une faute de nature à engager leur responsabilité dans le cadre des dispositions de l'article L 822-17 du Code de commerce et qu'ils doivent réparer le préjudice causé par leur faute à Maître Gérard N., Liquidateur Judiciaire de l'Eurl B. Participations,

- Subsidiairement, dire et juger que la preuve est rapportée que Monsieur Gérald E., Commissaire aux Comptes, et la Sarl Cabinet E.-M., société de Commissariat aux Comptes, inscrite près la Cour d'Appel de Metz, ont commis des fautes ou, à tout le moins des négligences, et qu'ils ont engagé leur responsabilité à l'égard de l'Eurl B. Participations et de Monsieur et Madame B. au visa de l'article L 822-17 du Code de commerce.,

- les condamner en conséquence in solidum à réparer le préjudice respectivement causé à l'Eurl B. Participations et à Monsieur et Madame B.,

Sur le préjudice :

- condamner Monsieur Gérald E. et la Sarl E.-M. à payer à Maître Gérard N., Liquidateur Judiciaire de l'Eurl B. Participations, à titre de dommages et intérêts, la somme de 304.796,91 € correspondant à la créance déclarée par la BPLC au passif de l'Eurl B. Participations, outre les intérêts contractuels produits par cette somme jusqu'à complet règlement de la BPLC,

- les condamner en outre à payer à Monsieur et Madame B., la somme de 36.300 € au titre du cautionnement qu'ils ont souscrit au profit du Crédit Mutuel,

- donner acte à Monsieur et Madame B. qu'ils ne sont pas en mesure de chiffrer le solde de leur préjudice en raison des recours exercés par le CIC EST et la BPLC,

en conséquence

- donner acte à Monsieur et Madame B., au vu de l'arrêt de la Cour d'Appel de Metz à intervenir, qu'ils saisiront le Tribunal de Grande Instance de Thionville d'une demande d'indemnisation de leur préjudice complémentaire sur le fondement des décisions de justice qui seront rendues dans les litiges les opposant à la BPLC et au CIC Est,

- condamner enfin Monsieur Gérald E. et la Sarl E.-M. à payer la somme de 6.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile à chacune des parties appelantes ainsi qu'aux entiers dépens.

Par leurs dernières écritures du 25 février 2013, M Gérald E. et la SARL Cabinet E. M. demandent à la Cour de :

Vu I'article L. 822-9 du code de Commerce,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable la société B. Participations, représentée par son liquidateur judiciaire Maître N., et les époux B., à agir à l'encontre de Monsieur Gérald E.,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a écarté l'irrecevabilité tirée du protocole d'accord,

Et statuant à nouveau,

- constater que la société B. Participations, représentée par son liquidateur judiciaire Maître N. et les époux B. ont renoncé à agir du chef des conséquences de l'acquisition de la société P. François, et les déclarer irrecevables en leur action,

Au cas où la responsabilité de la société CABINET E.-M. soit recherchée en sa qualité de commissaire aux comptes, vu les articles L. 822-18 et L. 225-224 du Code de Commerce,

- déclarer la société B. Participations, représentée par son liquidateur judiciaire Maître N. et les époux B. irrecevable à agir pour cause de prescription,

Vu les articles L. 224-3, R. 224-3, L. 225-244, L. 823-l et suivants du code de commerce,

- dire que la mission de commissaire à la transformation est distincte de la mission légale de commissaire aux comptes,

- dire que le commissaire à la transformation n'est tenu qu'à une obligation de moyens et n'est donc soumis à aucune présomption de responsabilité,

- dire qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de la société Cabinet E.-M. et de Monsieur E.,

Plus subsidiairement,

- dire que l'EURL B. Participations, représentée par Maître Gérard N. son liquidateur judiciaire , M et Mme B. ne justifient pas de préjudices certains, nés et actuels,

- dire que les fautes reprochées sont sans lien de causalité avec l'acquisition de la société FRANÇOIS P. et sa liquidation judiciaire,

En tout état de cause,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle n'a retenu aucune faute à l'encontre du CABINET E.-M., et débouter la société B. PARTICIPATIONS, représentée par Maître N., son liquidateur judiciaire,

Monsieur Eric B. et Madame Nathalie B. épouse B. de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société CABINET E.-M. et de Monsieur Gérald E.,

- les déclarer mal fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société CABINET E.-M.,

Vu I'article 32-1 du code de procédure civile,

- recevoir la SARL Cabinet E. M. et M. Gérald E. en leur demande reconventionnelle et condamner solidairement la société B. PARTICIPATIONS, représentée par Maître Gérard N. liquidateur judiciaire, et les époux B., à leur payer à chacun une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour appel abusif, ainsi qu'une somme de 6.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'EURL B. Participations et M et Mme B. en tous les dépens tant de première instance que d'appel, ces derniers dont distraction au profit de Maître Philippe K., avocat aux offres de droit.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 avril 2013.

SUR CE :

Vu les dernières écritures des parties auxquelles la Cour se réfère ; vu les pièces ;

sur la recevabilité de la demande à l'égard de M. Gérald E. :

Attendu que les appelants critiquent le jugement entrepris qui a déclaré leur demande recevable uniquement à l'encontre de la SARL Cabinet E. M. alors que la responsabilité de M. Gérald E., signataire du rapport à la transformation, peut également être recherchée en vertu des articles L822-9 et L-822-17 du Code de Commerce et 1382 du Code Civil ;

Que les intimés répliquent que M. Gérald E. n'a jamais été à titre personnel commissaire à la transformation de la société François P. et n'a fait que signer le rapport ès-qualités de représentant du Cabinet E. M., de sorte que sa responsabilité personnelle ne peut être recherchée ;

Mais attendu que conformément à l'article L-822-17, les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l'égard de la personne ou de l'entité que des tiers, des conséquences dommageables des fautes commises par eux dans l'exercice de leurs fonctions ;

Attendu que le commissaire aux comptes mandaté par la société François P. était la SARL Cabinet E. M. dont il n'est pas contesté que M. Gérald E. est associé ;

Qu'en l'espèce le rapport du commissaire aux comptes à la transformation de la société SA P. François en société SAS P. François a été établi le 19 octobre 2005 sur papier à entête de la SARL Cabinet E. M., signé de 'G. E. commissaires aux comptes' ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles L-822-17 et L-822-9 du Code de Commerce et 1382 du Code Civil que le commissaire aux comptes agissant en qualité d'associé, d'actionnaire ou de dirigeant d'une société titulaire d'un mandat de commissaire aux comptes répond personnellement des actes professionnels qu'il accomplit au nom de cette société, quelle qu'en soit la forme ;

Qu'il s'ensuit que les appelants sont recevables à rechercher la responsabilité tant de la SARL Cabinet E. M. que de M. Gérald E., le jugement entrepris devant en conséquence être réformé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande dirigée à l'encontre de M. Gérald E. ;

sur la recevabilité au regard du protocole d'accord :

Attendu que les intimés, formant appel incident sur ce point, font valoir que la demande se heurte à la renonciation expresse des demandeurs à poursuivre l'indemnisation du préjudice résultant de la cession d'actions du 10 octobre 2005 en vertu du protocole d'accord comportant en son article 6 une clause de renonciation à recours prévue en des termes généraux, dont ils sont en qualité de tiers fondés à se prévaloir ;

Que les appelants répliquent que la renonciation à un droit doit s'interpréter de manière stricte en tenant compte de l'objet de la transaction l'incluant ;

Attendu certes que si l'effet relatif des contrats interdit aux tiers de se prévaloir de l'autorité d'une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus, ces mêmes tiers peuvent néanmoins invoquer la renonciation à un droit que renferme cette transaction ;

Que cependant toute renonciation à un droit ne peut se présumer et doit résulter de dispositions claires dépourvues de toute équivoque ;

Attendu qu'en l'espèce, le protocole d'accord a été conclu entre d'une part l'EURL B. Participations, la SAS François P. et M. Eric B., d'autre part M. François P. ;

Que le protocole, après avoir rappelé la genèse des relations entre les parties, précise que:

- C'est dans ces conditions que les parties ont initié les procédures ci-après:

- selon assignation du 4 septembre 2006, l'EURL B. Participations a saisi M. le président du tribunal de commerce de NANCY statuant en référé d'une demande tendant à obtenir la condamnation de M. P. au paiement d'une somme de 83 437 €, trop perçu sur prix de cession par référence à la situation comptable telle qu'établie par l'expert-comptable personnel de M.P., se réservant ensuite et au fond, la fixation du prix de cession et du trop perçu par référence aux conclusions de M.L..

- selon assignation du 4 septembre 2006, la SAS François P. a saisi M. le président du tribunal de commerce de NANCY statuant en référé d'une demande tendant à obtenir la condamnation de M. P. au paiement de la somme de 35 478,38 € ttc pour les éléments de stock rachetés.

- selon assignation du 7 septembre 2006, M. François P. a a saisi M. le président du Tribunal de Grande Instance de Thionville, statuant en référé, pour, dans ses rapports avec M. B., après avoir constaté le désaccord des parties sur la fixation du prix de cession des actions de la SA P. François, voir désigner tel expert afin de «statuer» (SIC) sur ledit prix.'

En cet état, les parties se sont rapprochées et pour mettre fin au litige qui les oppose, il a été décidé ce qui suit :'

Que suivent les articles 1 : 'fixation du prix de cession', 2 'remboursement du trop perçu', 3 'paiement des éléments de stock rachetés', 4 'restitutions' et 5 'compte des parties';

Que l'article 6, intitulé 'clause de renonciation à recours et de désistement', prévoit que:

- En contrepartie de l'exécution des présentes, les parties se déclarent intégralement satisfaites de tous leurs droits à raison de l'ensemble des difficultés nées à ce jour de l'exécution de la convention sous seing privé de cession d'actions du 10 octobre 2005 et ayant donné lieu à aux trois procédures susvisées.

Elles se désistent :

- pour l'EURL B. Participations de l'instance actuellement pendante (en délibéré) à l'encontre de M. François P. devant M. le président du tribunal de commerce de NANCY statuant en référé,

- pour la SAS François P. de l'instance actuellement pendante (en délibéré) à l'encontre de M. François P. devant M. le président du tribunal de commerce de NANCY statuant en référé,

- pour M. François P. de l'instance actuellement pendante devant M. le président du Tribunal de Grande Instance de Thionville statuant en référé, à l'encontre de M. Eric B..

Il est convenu expressément que les désistements qui seront notifiés dans le cadre desdites procédures à l'initiative des demandeurs seront acceptés par les défendeurs, chacune des parties conservant à sa charge les frais par elle avancés et renonçant à toute demande formulée à titre de dommages-et-intérêts ou sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Enfin, les parties au présent protocole renoncent expressément dans leurs rapports à toutes actions du fait desdites difficultés et de leurs conséquences.' ;

Attendu qu'il résulte de ces stipulations que ce protocole s'inscrit dans un cadre restreint et que la renonciation aux droits a un objet limité à ce qui est expressément prévu dans le protocole par référence explicite à trois procédures judiciaires alors en cours, parmi lesquelles n'était pas citée la présente procédure introduite par assignation du 17 octobre 2008 ; qu'il ne peut en être tiré par extrapolation une renonciation générale à toute action hors du champ délimité par le protocole, d'autant plus que les parties ont transigé sur l'exécution de la convention de cession d'action alors que le présent litige naît directement, non pas de l'exécution de cette convention, mais de l'établissement du rapport à la transformation de la société de SA en SAS ce qui est un acte parfaitement distinct ;

Qu'au surplus Mme Nathalie B. n'a pas participé à la conclusion de ce protocole de sorte que les intimés ne peuvent en aucun cas prétendre à une quelconque renonciation de la part de celle-ci ;

Attendu qu'il s'ensuit que les intimés ne sont pas fondés à opposer ce protocole d'accord, la demande tant du liquidateur de l'EURL B. Participations que de M et Mme B. étant parfaitement recevable ainsi que l'ont décidé à juste titre les premiers juges dont la décision sera en conséquence confirmée de ce chef ;

sur la prescription :

Attendu que les intimés excipent de la prescription s'il s'avérait que les appelants mettent en cause leur responsabilité du chef de la certification par le commissaire aux comptes des comptes clos au 31 décembre 2004 ;

Que les appelants répliquent que ces développements des intimés sont hors de propos dès lors qu'ils recherchent la responsabilité des intimés dans le cadre de la mission spécifique résultant des dispositions de l'article L-225-244 du Code de Commerce ;

Attendu que les premiers juges ont rappelé que conformément aux articles L-822-18 et L-225-254 du Code de Commerce les actions en responsabilité à l'encontre du commissaire aux comptes se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ;

Qu'en l'espèce la responsabilité des intimés est recherchée uniquement à raison de la faute qu'ils auraient commise dans l'établissement du rapport à la transformation le 19 octobre 2005 et n'est nullement mise en cause à l'occasion de la certification des comptes clos au 31 décembre 2004 ;

Que la prescription est dès lors en vain évoquée par les intimés, aucune cause d'irrecevabilité n'affectant la présente action introduite par assignation du 18 octobre 2008 relativement à la responsabilité susceptible de découler de l'établissement du rapport à la transformation ; que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé également de ce chef ;

au fond :

sur la nature de la responsabilité

Attendu que si les demandeurs en première instance se sont fondés sur la responsabilité contractuelle recherchée de la SARL Cabinet E. M. et M. Gérald E., ils invoquent leur qualité de tiers à l'égard de la mission légale confiée à un commissaire aux comptes par l'article L-225-244 du Code de Commerce au cas de transformation de la société ; qu'ils ont par ailleurs invoqué les dispositions de l'article 1382 du Code Civil dans leurs développements consacrés à la recevabilité de leur demande envers M. Gérald E. ; que dès lors le fondement de la responsabilité délictuelle est un moyen nécessairement mis dans les débats ;

Attendu que par application de l'article L-225-244 du Code de Commerce, la décision de transformation est prise sur le rapport des commissaires aux comptes de la société, ce rapport attestant que les capitaux propres sont au moins égaux au capital social ;

Attendu que la discussion des parties relative aux rôles du commissaire à la transformation selon que la société qui modifie sa forme juridique est ou non dotée d'un commissaire aux comptes manque de pertinence, dès lors que l'établissement du rapport à la transformation est une mission spécifique qui en aucun cas ne peut se confondre avec la mission légale du commissaire aux comptes de certification des comptes telle qu'elle est prévue à l'article L-823-9 du Code de Commerce, lequel énonce que 'les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la personne ou de l'entité à la fin de cet exercice' ;

Qu'il appartient au commissaire à la transformation, conformément à l'article L-225-244, de 'attester que les capitaux propres sont au moins égaux au capital social' ;

Que cette mission spécifique ne s'apparente pas à un audit financier et ne peut se substituer à l'étude qu'il appartient à l'acquéreur d'actions de la société en cours de transformation de provoquer s'il veut s'assurer de la santé financière de la société dont il prend le contrôle ;

Qu'il s'ensuit que ne pèse sur le commissaire à la transformation qu'une obligation de moyens de sorte qu'il appartient aux demandeurs de rapporter la preuve de la faute qui aurait été commise par les intimés dans l'exercice de leur mission spécifique ;

Qu'il ne peut être question de présomption de faute contrairement à ce que soutiennent les appelants ; que ceux-ci ne sauraient sérieusement prétendre que la mission du commissaire à la transformation ne laisse place à aucun aléa, le postulat des appelants étant suffisamment démenti au vu des divergences de résultats obtenus par les trois experts comptables intervenus successivement ( celui de chacune des parties puis celui désigné sur procédure conventionnelle) alors cependant que leurs taches comportant l'établissement des comptes sont bien plus exigeantes et différentes de la mission spécifique et limitée des intimés ;

Que la faute ne peut résulter du seul constat d'un niveau des capitaux propres inférieur au 31 octobre 2005 au capital social, mis en évidence bien postérieurement à l'établissement du rapport litigieux ;

sur la faute :

Attendu que les demandeurs doivent donc démontrer que les intimés n'ont pas accompli leur mission avec toute la diligence normalement requise ;

Attendu que le rapport litigieux du 19 octobre 2005 énonce :

-En notre qualité de commissaire aux comptes de la société SA P. François, et en application des dispositions des articles L-224-3 et L-225-244 du Code de Commerce, nous avons établi le présent rapport afin de vous faire connaître notre appréciation sur la valeur des biens composants l'actif social et sur les avantages particuliers stipulés et de nous prononcer sur le montant des capitaux propres par rapport au capital social.

Nous avons effectué nos travaux selon les normes de la compagnie nationale des commissaires aux comptes. Ces normes requièrent la mise en oeuvre de diligences destinées à contrôler les éléments constitutifs du patrimoine de la société en termes d'existence, d'appartenance et d'évaluation, à analyser les avantages particuliers stipulés et à vérifier que le montant des capitaux propres est au moins égal du capital social. Cette vérification a notamment consisté à apprécier l'incidence éventuelle sur la valeur comptable de éléments entrant dans la détermination des capitaux propres, des événements survenus entre la date des derniers comptes annuels et la date de notre rapport.

Nous n'avons pas d'observations à formuler sur la valeur des biens composant l'actif social.

Sur la base de nos travaux, nous attestons que le montant des capitaux propres est au moins égal au montant du capital social.' ;

Qu'il sera observé que le commissaire à la transformation a attesté d'un niveau de capitaux propres et non de l'exactitude de leur montant ;

Attendu que les diligences accomplies par les intimés doivent être appréciées à l'époque de l'établissement du rapport litigieux en fonction des éléments alors connus ; qu'à cet égard force est de relever au vu du rapport de M. L., désigné le 16 juin 2006 par le président de l'Ordre dans le cadre de la procédure conventionnelle ' rapport sur lequel insistent les appelants dans leur tentative de démonstration ' que celui-ci, dans son rapport daté du 25 juillet 2006, a pris en compte des événements qui se sont produits postérieurement au 19 octobre 2005 et ne pouvaient en aucun cas être décelés par les intimés, notamment le placement en redressement judiciaire le 9 février 2006 d'une entreprise Prim Construction mentionné dans la discussion des provisions clients ou la saisine du conseil des prud'homes par une salariée, Mme M., le 7 novembre 2005 dans la discussion des provisions ;

Attendu que pour accomplir leur mission de commissaire à la transformation, les intimés sont partis des comptes annuels de l'exercice 2004 clos au 31 décembre 2004, certifiés par la SARL Cabinet E. M. et approuvés lors de l'assemblée générale du 30 juin 2005 ; qu'il en ressortait un montant de capitaux propres de 264 894 € pour un capital social de 106 714 € ;

Que lors d'un entretien avec le dirigeant M. P. le 13 octobre 2005, il a été demandé, à défaut de situation intermédiaire disponible, un état comptable le plus récent possible et l'entretien s'est poursuivi au vu des éléments tirés de la balance au 31 août 2005 qu'a pu fournir la salariée de la SA P. chargée de tenir en interne la comptabilité ;

Qu'il en ressort que les intimés n'ont pas purement et simplement entériné la présentation faite par le dirigeant mais ont apporté des correctifs compte-tenu de la balance ; que les appelants critiquent en vain la forme de la balance produite en pièce n°5 par les intimés dès lors qu'il s'agit de la balance au 31 août 2005 établie par le cabinet d'expertise comptable SOLOGEST, transmise par télécopie du 17 octobre 2005 aux intimés, ce qui montre qu'ils ne se sont pas contentés des chiffres produits en interne mais ont exigé un traitement par le cabinet d'expertise comptable assistant l'entreprise ; que les appelants peuvent encore moins prétendre écarter ces pièces des débats que, sans elles, ils ne disposeraient d'aucun élément utile à l'appréciation des diligences du commissaire à la transformation, selon eux défaillantes et insuffisantes ;

Que les intimés ont estimé dans leur document de travail en pièce n°6, critiqué par les appelants, que le résultat est négatif d'environ 36 000 €, ce qui ramène les capitaux propres à 170 000 € restant ainsi supérieurs au capital social de 106 714 € ; que si certes dans le calcul final, ainsi que le font observer les appelants, le montant des capitaux propres mentionné de 206 000 € au 31 décembre 2004 est erroné ( au lieu de 264 894 €), cette erreur reste sans incidence dès lors que cela réduisait, et non pas augmentait, l'écart entre capitaux propres et capital social ;

Attendu que les appelants font spécialement grief aux intimés de s'en être tenu à l'état des stocks détaillé au 31 décembre 2004 sans procéder à de vérifications ; mais attendu qu'il n'entre pas dans la mission du commissaire à la transformation de dresser un inventaire des stocks alors même que cela n'entre pas dans les taches du commissaire aux comptes procédant par sondages pour parvenir à la certification des comptes annuels ; que par ailleurs la convention de cession d'actions prévoyait l'établissement au 31 octobre 2005 (soit postérieurement à la date à laquelle a été établi le rapport litigieux) d'un inventaire physique de façon contradictoire des matières premières, encours de production et marchandises en stock, inventaire qui ne pouvait être donc disponible pour un quelconque examen lors de l'élaboration du rapport querellé ; qu'il n'est donc établi aucune défaillance ou négligence de ce chef ;

Attendu que les appelants mettent encore en cause les vérifications qui n'auraient pas été selon eux suffisantes des provisions ;

Mais attendu qu'il a déjà été rappelé que des correctifs plus importants apportés par M. L. sont tirés d'événements postérieurs au 19 octobre 2005 qui ne peuvent donc aucunement asseoir le grief formulé à l'encontre des intimés ;

Que la convention de cession d'actions prévoyait expressément que les créances clients datant de plus de six mois seront provisionnées à 100% ; que les appelants ne peuvent sérieusement faire grief aux intimés de s'y être référé alors que M. L., dans le rapport sur lequel ils insistent pourtant, a admis et retenu ce même taux de provisonnement à 100% pour les créances clients datant de plus de six mois ; que la durée de six mois de non-paiement peut être considérée comme un 'événement rendant probable' le risque au regard des dispositions de l'article R-123-179 du Code de Commerce définissant les principes de passation des provisions et amortissements ; qu'au surplus, prendre en compte une provision à concurrence de 100 % ne pouvait conduire qu'à dégrader la situation et non à en donner une présentation plus favorable ; qu'il n'est donc établi aucune défaillance ou négligence de ce chef ;

Attendu que les appelants invoquent la provision qui aurait du être passée au titre de repos compensateurs compte-tenu de l'activité de l'entreprise dans le bâtiment et les travaux publics ;

Mais attendu que la provision de 47 213 € retenue dans son rapport par M. L. au titre des repos compensateurs fait suite à une vérification des fiches de paie puisqu'il y est indiqué que 'les fiches de paie font apparaître des heures supplémentaires excédant d'une part 41 heures hebdomadaires et d'autre part le contingent annuel' ;

Qu'il n'est pas contesté qu'aucune provision de la sorte n'avait été antérieurement opérée dans les comptes de la SA P. ;

Qu'il n'appartenait pas au commissaire à la transformation de se livrer à une telle vérification et les appelants ne sauraient faire un amalgame avec la mission de certification des comptes en reprochant aux intimés de ne pas l'avoir antérieurement relevé, dès lors que cela tomberait alors sous le coup de la prescription triennale courant à compter de la certification desdits comptes ; qu'il ne peut donc être retenu aucune défaillance ou négligence dans la mission de commissaire à la transformation ;

Qu'en outre, à supposer même qu'il eût fallu tenir compte d'une telle provision, cela n'aurait eu pour effet que de réduire les capitaux propres de 264 894 € à 264 894 € -36 000 € - 47 213 € = 181 681 €, ce qui restait toujours supérieur au capital social de 106 714 € et n'était donc pas de nature à remettre en cause l'attestation du montant de capitaux propres au moins égal au montant du capital social ;

Attendu enfin que les appelants ne peuvent tirer aucun élément pertinent du refus de certification des comptes opposé ultérieurement par les intimés s'agissant de l'exercice 2005 et des procédures d'alerte qui s'en sont suivies, puisqu'ont été pris en compte pour cela des événements survenus postérieurement au 19 octobre 2005 dont il n'y a dès lors pas lieu de davantage discuter ;

Attendu qu'en conséquence en l'absence de faute démontrée commise par les intimés, leur responsabilité ne peut être engagée ;

sur le lien de causalité:

Attendu qu'au surplus force est de relever que ne peut être retenu aucun lien de causalité entre les fautes que les appelants entendent imputer aux intimés et les préjudices allégués;

Qu'en effet, les appelants insistent certes sur la condition suspensive prévue à la convention de cession d'actions 'pour écarter tout doute sur la bonne santé économique et financière de la société François P.' (page 2 de leurs conclusions), 'pour obtenir la garantie que la situation comptable à la date de la cession était sincère, puisque cette transformation impliquait la certification obligatoire par le commissaire aux comptes de la situation nette' (page 29 de leurs conclusions), tout en précisant expressément (page 31 de leurs conclusions ) que 'il sera rappelé en effet que M. B. a rencontré des difficultés pour obtenir les éléments comptables de la société';

Mais attendu que l'établissement du rapport à la transformation découle en premier lieu de la concentration du capital social entre les mains d'un seul associé, de sorte que la forme juridique de la société en société anonyme imposant un minimum de 7 actionnaires en vertu de l'article L-225-1 du Code de Commerce devenait inadaptée, ce qui rendait inéluctable la transformation de la société ;

Qu'à cet égard, il faut relever que la convention portait sur l'intégralité des 7 000 actions de la société P. en exigeant, au titre des conditions suspensives, l'acquisition par le cédant, M. François P., de la totalité des actions inscrites au nom des six autres actionnaires afin de les céder intégralement à M. Eric B. ou à la personne que celui-ci se substituait, ainsi que la convocation par le cédant, M. P., des réunions sociales nécessaires à l'effet de statuer sur la transformation de la société en société par actions simplifiées ;

Attendu, ainsi que précédemment rappelé, que le rapport du commissaire à la transformation ne s'apparente pas à un audit financier et ne peut se substituer à l'étude qu'il appartient à l'acquéreur des actions de diligenter s'il veut s'assurer de la santé financière de la société dont il prend le contrôle, d'autant plus qu'il rencontre, selon les termes mêmes des appelants, 'des difficultés pour obtenir les éléments comptables de la société'; que les appelants ne sauraient donc reporter sur les intimés les conséquences d'une négligence ou d'un défaut de prudence de l'acquéreur ;

Que surtout le montage d'un optimisme immodéré, choisi par M. Eric B., était d'emblée particulièrement périlleux dès lors qu'il reposait entièrement sur le remboursement du prêt, contracté par l'EURL B. Participations pour financer l'acquisition des 7 000 actions, au seul moyen des dividendes servis par la société P. et ce alors même que le prêt de 310 000 € contracté par l'EURL B. Participations auprès de la BPLC supposait un remboursement de 52 317,87 € pour la première échéance tandis que les dividendes dégagés au titre de l'exercice 2004 n'étaient que de 21 000 € ainsi que cela ressort du procès-verbal d'assemblée générale du 30 juin 2005 ayant approuvé les comptes ; que les différents engagements de caution contractés par M et Mme B. ne sont que la conséquence de ce choix premier ;

Qu'il s'ensuit que les demandeurs ne peuvent donc qu'être déboutés de leurs demandes particulièrement mal fondées ;

Attendu que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté tant le liquidateur de l'EURL B. Participations que M et Mme B. de leurs demandes à l'encontre de la SARL Cabinet E. M., les appelants étant déboutés également de leurs demandes à l'encontre de M. Gérald E. ;

sur les autres demandes :

Attendu que les appelants qui succombent sur leur appel doivent être condamnés aux entiers dépens de première instance et d'appel ; que les dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile quant au recouvrement direct des dépens ne s'appliquent pas en Alsace-Moselle de sorte que le jugement entrepris sera sur ce point réformé et la demande faite par les intimés dans le même sens rejetée ;

Attendu qu'ester est un droit qui ne peut donner lieu à dommages-et-intérêts que s'il dégénère en abus ;

Qu'il ne peut être retenu à la charge des appelants de faute dans l'exercice du droit à user d'une voie de recours, alors que l'appel est accueilli partiellement quant à la recevabilité des demandes ; que les intimés seront en conséquence déboutés de leur demande en dommages-et-intérêts pour appel abusif ;

Attendu qu'il est inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais exposés à hauteur de Cour et non compris dans les dépens ; qu'il convient d'allouer à la SARL Cabinet E. M. et M. Gérald E., chacun, la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre le montant alloué en première instance au titre des frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS :

la Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Déclare les appels, principal et incident, réguliers en la forme ;

Réforme le jugement du Tribunal de Grande Instance de Thionville, chambre civile, en date du 10 février 2012 en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en responsabilité formée contre M. Gérald E. ;

Statuant à nouveau dans cette limite :

Déclare recevable l'action en responsabilité exercée à l'encontre de M. Gérald E.;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions à l'exception des dépens;

Y ajoutant :

Vu les articles 1382 du Code Civil, L-225-244 du Code de Commerce,

Dit que M. Gérald E. n'a pas commis de faute engageant sa responsabilité ;

Dit que le liquidateur de l'EURL B. Participations et M et Mme B. ne rapportent pas la preuve d'un lien de causalité entre les fautes qu'ils prétendent imputer à la SARL Cabinet E. M. et M. Gérald E. et les préjudices invoqués ;

Déboute Maître Gérard N. ès-qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de l'EURL B. Participations, ainsi que M. Eric B. et Mme Nathalie B. épouse B. de leurs demandes à l'encontre de M. Gérald E.;

Déboute la SARL Cabinet E. M. et M. Gérald E. de leurs demandes en dommages-et-intérêts pour appel abusif ;

Condamne l'EURL B. Participations en liquidation judiciaire et M et Mme B. à payer, en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, la somme de 5 000 € à la SARL Cabinet E. M. et de 5 000 € à M. Gérald E. ;

Condamne l'EURL B. Participations en liquidation judiciaire et M et Mme B. aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.