CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 11 septembre 2014, n° 14/07214
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Union Technique de l'Automobile du Motocycle et du Cycle (Sasu)
Défendeur :
Matra Automobile Engineering (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Franchi
Conseillers :
Mme Picard, M. Boyer
Avocats :
Me Quinquet de Monjour, Me Etevenard, Me Rodriguez
MATRA était l'associé unique de la société Centre d'Essais et de Recherches Automobiles de Mortefontaine (CERAM), société dont le siège social est situé à Trappes, enregistrée sous le numéro d'immatriculation 393 684 717 au RCS de Versailles, gérant un centre d'études, de développement, de validation et d'essais de tout véhicule et de tout équipement de véhicules automobiles ainsi qu'un ensemble de circuits automobiles et de pistes d'essais et de démonstration.
MATRA décidait de céder la totalité du capital et des droits de vote de CERAM à la SASU Union Technique de l'Automobile, du motocycle et du Cycle (UTAC), société détenue par les constructeurs et équipementiers français de l'industrie automobile (PSA et RENAULT).
Monsieur Andrea PININFARINA, Président de CERAM décédait accidentellement le 7 août 2008 (Pièce n°5), soit avant la phase de négociation portant sur la cession de la société CERAM. Il était remplacé dans ses fonctions par Monsieur Silvio Pietro Angori.
Un protocole d'accord était signé entre MATRA et UTAC le 28 novembre 2008 (Pièce n°1) par lequel MATRA, en qualité de cédant, s'est notamment engagé, au titre de l'article 7 du Protocole, à indemniser UTAC :
- de l'intégralité de tout préjudice effectivement subi jusqu'à la date de réalisation par la société et/ou le Cessionnaire (y compris le montant des amendes, frais, dépenses quelconques encourus par le cessionnaire et/ou la société) résultant d'une inexactitude ou de la violation de l'un quelconque des engagements, déclarations et garanties ou d'une omission totale ou partielle de déclaration d'une information.
- de l'intégralité du préjudice subi par la société et/ou le cessionnaire résultant de toute diminution d'actif ou accroissement de passif desdites sociétés, et plus généralement de toute perte, indemnité, obligation, dommage, dépréciation, dépense, dette ou pénalité, en ce compris tout intérêt de retard, qui aurait son origine, sa source, ou sa cause soit dans des faits, circonstances ou évènements précédant la date des comptes sociaux clos au 31 décembre 2007 de la Société et qui n'auraient fait l'objet d'aucune provision ou d'une provision insuffisante dans ces comptes, soit dans des faits, circonstances ou évènements intervenus entre le 1er janvier 2008 et la Date de Réalisation et qui auraient pour effet de diminuer l'actif net social garanti comme dit au § 6.6.1.
Et l'article 7.3 du Protocole relatif à la durée de la Garantie précise que « L'obligation d'indemnisation du cédant au titre de la garantie s'appliquera à toute réclamation du cessionnaire notifiée au Cédant :
- pour ce qui concerne les garanties relatives aux droits de douane, impôts, taxes, droits d'enregistrement ou obligations sociales et parafiscales, jusqu'à la date d'expiration de la période de prescription de l'action de l'administration prévue par les lois et règlements en vigueur en matière d'impôt sur les sociétés, augmentée d'un délai d'un mois.
- pour ce qui concerne les autres garanties, dans le délai de vingt-quatre (24) mois à compter de la Date de Réalisation. »
Les opérations de cession ont été clôturées le 5 décembre 2008 par un document aux termes duquel les déclarations et garanties de MATRA étaient réitérées à l'article 3 en ces termes : « Conformément aux dispositions du Protocole, le cédant certifie que les déclarations et garanties figurant à l'article 6 du Protocole sont toujours exactes et sincères à la date de réalisation et qu'il n'y a pas lieu de modifier les annexes qui y sont attachées » (pièce 4 : certificat de closing du 5 décembre 2008)
La date de réalisation du protocole étant intervenue le 5 décembre 2008, la garantie que MATRA a accordé à UTAC est donc arrivée à échéance le 5 décembre 2010.
Depuis le début de l'exercice 2012, l'UTAC a entrepris une réflexion visant à optimiser ses structures et à se réorganiser autour de ses différents métiers et dans le cadre de cette concertation et de l'examen de ce que pourrait être le nouveau périmètre des responsabilités de chacun, Monsieur GUEDON, Directeur général du CERAM, a révélé à l'UTAC le 23 juin 2012, l'existence d'un avenant à son contrat de travail en date du 19 février 2008.
Aux termes de cet avenant, il était prévu que Monsieur GUEDON bénéficierait, en cas de licenciement pour quelque motif que ce soit (sauf faute lourde), « en plus de vos indemnités légales, congés payés et préavis, d'une indemnité égale à deux années de salaire calculée sur la base du salaire moyen des douze derniers mois de l'année en cours ».
UTAC a alors adressé à MATRA un courrier en date du 29 juin 2012 (Pièce n° 2), dans lequel UTAC :
- informait MATRA de l'existence d'un avenant au contrat de travail de Monsieur GUEDON, Directeur Général de CERAM, en date du 19 février 2008, ledit avenant prévoyant au profit de Monsieur GUEDON, le versement, en cas de licenciement pour quelque motif que ce soit (sauf faute lourde), en plus de ses indemnités légales, congés payés et préavis, d'une indemnité égale à deux années de salaire calculée sur la base du salaire moyen des douze derniers mois de l'année en cours (Pièce n°3).
- reprochait à MATRA de ne pas lui avoir révélé cet avenant dans le cadre des discussions préalables à la cession ;
- considérait que l'avenant n'avait pas été conclu dans l'intérêt social de la société CERAM.
- estimait que la simple existence de l'avenant justifiait le versement par MATRA d'indemnités pour réparer le « préjudice » lié à l'éventuel licenciement de Monsieur GUEDON.
Par courrier en date du 25 juillet 2012 (Pièce n°4), MATRA rappelait que la garantie étant arrivée à échéance le 5 décembre 2010, par application des dispositions de l'article 7.3 du Protocole, aucune indemnisation ne saurait être versée à UTAC au titre de l'existence ou des conséquences de l'avenant.
Par assignation en date du 11 septembre 2012, UTAC assignait MATRA en réparation du préjudice subi du fait de l'existence de l'avenant.
Une fusion -absorption du CERAM par UTAC était réalisée et approuvée le 31 décembre 2012 et par l'effet de cet accord l'UTAC est venue aux droits du CERAM.
Par courrier en date du 4 janvier 2013, soit plus de trois mois après son assignation, la société UTAC notifiait à Monsieur Olivier GUEDON son licenciement économique (pièce n°12).
Par acte sous seing privé en date du 14 janvier 2013, soit moins de 10 jours après la réception de la lettre notifiant le licenciement, la société UTAC et Monsieur Olivier GUEDON signait un protocole transactionnel aux termes duquel la société UTAC versait à Monsieur Olivier GUEDON une somme de 151 428,80 € à titre d'indemnité forfaitaire, transactionnelle et définitive, du fait de l'avenant (pièce n°13).
Dans ses écritures, UTAC demandait au tribunal de commerce de Paris réparation du préjudice subi du fait de la dissimulation de l'existence de l'avenant dans le cadre de la négociation du protocole de cession de CERAM.
Par jugement du 18 octobre 2013, le Tribunal de commerce de Paris déboutait UTAC de l'ensemble de ses demandes, disant n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et condamnant UTAC aux dépens.
UTAC a interjeté appel du jugement.
UTAC demande à la Cour de :
- Infirmer en l'ensemble de ses dispositions le jugement prononcé le 18 octobre 2013 par le Tribunal de commerce de Paris ;
Statuant à nouveau :
- Condamner la société MATRA à payer à l'UTAC la somme de 211 691,40 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la dissimulation d'informations dont la société MATRA s'est rendue coupable,
- Condamner la société MATRA à payer à l'UTAC la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la société MATRA aux entiers dépens.
UTAC souligne que parmi les déclarations faites par le Cédant, il était prévu à l'article 6.10 « Social », s'agissant des salariés du CERAM (Pièce 2 précitée page 11) :
« L'annexe 6.10.1 comporte une liste de l'ensemble des personnes employées par la société ' ci-après désignés collectivement « les Salariés » - à la Date de la Réalisation et comporte pour chaque Salarié, les informations suivantes :
- Nom, date de naissance, statut cadre ou non cadre et rémunération mensuelle brute,
- Toutes les rémunérations et avantages en nature réellement fournis ou que la Société est tenue de fournir (actuellement ou pour l'avenir), en ce compris toutes les révisions, heures supplémentaires, commissions, primes (contractuelles ou discrétionnaires)
- et tout système de motivation des Salariés mis en place par la Société, incluant une liste de toutes les personnes qui sont en droit de bénéficier de ces avantages et les informations relatives à leurs droits, à ce titre, ainsi que le détail de système de motivation, primes et arrangements mis en place pour tout ou partie des Salariés, anciens Salariés de la Société et les ayants-droits, qu'ils soient juridiquement contraignants ou non pour la Société (') »
A l'article 6.11. « Gestion de la Société », il était également prévu (Pièce 2 précitée page 12) :
« Depuis le 1er janvier 2008, la Société a été gérée en bon père de famille, en conformité avec les méthodes et pratiques employées au cours des exercices précédents. Depuis le 1er janvier 2008, aucune mesure n'a été prise par la Société entraînant : (')
Une augmentation ou un avantage aux Salariés, ou aux mandataires sociaux, en dehors des accords collectifs et contrats de travail applicables et des augmentations annuelles habituelles ».
Enfin, à l'article 6.16 « Caractère complet des informations fournies » du même contrat, la société MATRA a garanti « le caractère complet des informations fournies » (Pièce 2 précitée pages 16 et 17)
Le Tribunal a à juste titre jugé que la « réticence de MATRA était susceptible de causer préjudice à l'UTAC si elle décidait de licencier Monsieur GUEDON ».
Toutefois, c'est à tort que le Tribunal n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a débouté l'UTAC de sa demande après avoir retenu que celle-ci n'aurait pas démontré que « si elle avait eu connaissance de ce document, elle n'aurait pas acquis au prix convenu ; qu'en effet, la charge supplémentaire fixée par l'avenant au contrat de travail de Monsieur GUEDON n'était ni certaine, ni inéluctable puisqu'elle dépendait de la décision du CERAM de le licencier, décision qu'il n'a pris que plus de trois années après la décision. »
Sur la garantie de passif
UTAC soutient que :
- cette garantie de passif n'avait vocation à s'appliquer que dans le cadre de la survenance d'un événement non connu à la date de la signature de l'acte de cession et de nature à générer une diminution d'actif ou un accroissement de passif du CERAM.
- il s'agit d'un argument imaginé par MATRA pour échapper à sa responsabilité, d'autant que le délai de mise en oeuvre est expiré et ne pouvait ainsi qu'être rejeté.
Sur le préjudice
UTAC rappelle qu'afin d'éviter un contentieux prud'homal dans lequel Monsieur GUEDON menaçait de se prévaloir de l'avenant à son contrat de travail, un protocole transactionnel a été conclu au terme duquel il a été versé à Monsieur GUEDON une indemnité forfaitaire transactionnelle et définitive de 151 428.80 euros. En outre le CERAM a réglé à titre de charges patronales une somme de 60 262, 60 euros (Pièce 19 : Bulletin de salaires de Monsieur GUEDON).
Il s'agit donc bien d'un préjudice direct et certain que l'UTAC subit en sa qualité d'ayant droit du CERAM.
Et ce préjudice correspond précisément au montant des sommes qui ont été payées par l'UTAC à Monsieur GUEDON à titre d'indemnité transactionnelle augmenté des charges sociales réglées à ce titre, soit une somme totale de 211 691,40 euros.
En effet il est certain que si l'UTAC avait eu connaissance de cet avantage octroyé à Monsieur GUEDON juste avant que ne débutent les opérations de cession de parts, elle aurait demandé à la société MATRA de prendre à sa charge le règlement de cette indemnité sans limitation de temps ou d'en tenir compte afin de diminuer le prix de cession des actifs du CERAM.
Par conséquent la Cour condamnera MATRA à réparer le préjudice subi par l'UTAC du fait des dissimulations opérées au cours des négociations, ce préjudice pouvant être chiffré à la somme de 211.691,40 euros
Sur les frais irrépétibles exposés
UTAC expose qu'il serait inéquitable de lui faire supporter les frais irrépétibles exposés dans le cadre de la présente instance et qu'il convient de condamner la société MATRA à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Matra demande à la Cour de :
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 18 octobre 2013 en ce qu'il a débouté UTAC de toutes ses demandes et donc :
- dire et juger qu'UTAC n'apporte pas la preuve de manoeuvres dolosives par MATRA ;
- débouter en conséquence UTAC de l'intégralité de ses demandes et de toutes demandes plus amples ;
- dire et juger que la preuve de la mauvaise foi contractuelle de MATRA n'a pas été prouvée ;
- débouter en conséquence UTAC de l'intégralité de ses demandes et de toutes demandes plus amples ;
- dire et juger qu'UTAC n'apporte pas la preuve d'une faute délictuelle de MATRA ;
- débouter en conséquence UTAC de l'intégralité de ses demandes et de toutes demandes plus amples ;
Subsidiairement,
- dire et juger que seule la garantie trouve à s'appliquer à la demande d'indemnisation d'UTAC, et constater que la Garantie est arrivée à échéance le 5 décembre 2010 ;
En toute hypothèse, MATRA demande reconventionnellement à la Cour de :
- Condamner UTAC à payer à MATRA la somme de 15 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamner UTAC aux entiers dépens.
Matra soutient que :
La présentation de l'avenant par UTAC est pour le moins orientée car elle néglige de rappeler que l'avenant est justifié par l'ancienneté et l'implication de Monsieur GUEDON dans le développement du CERAM depuis sa création en 1994, ainsi que par son accord pour rester à son poste en une année difficile. Dès lors, la conclusion de l'avenant était tout à fait justifiée au regard de l'intérêt social propre du CERAM. Elle l'était d'autant plus que Monsieur GUEDON avait mené la recherche sur un éventuel nouvel actionnaire ce qui n'était pas néfaste à l'intérêt social de CERAM puisqu'il était donc dans l'intérêt propre de CERAM de s'adosser à un nouvel associé afin de poursuivre son activité et son développement.
Monsieur Silvio Pietro Angori n'a jamais eu connaissance de l'existence de l'avenant. Cela est d'ailleurs admis par la société UTAC dans ses conclusions dans la mesure où Monsieur GUEDON a appris au CERAM, son employeur, l'existence de l'avenant en 2012 dans le protocole transactionnel, il est fait mention d'un courrier du directeur des ressources humaines de la société CERAM lequel précise qu'il « ignorait l'existence de cet avenant qui avait été consenti par Monsieur PININFARINA juste avant la cession du CERAM, et qui ne figure d'ailleurs pas dans votre dossier personnel RH au CERAM ».
Par ailleurs, Matra expose que UTAC croit pouvoir engager la responsabilité de MATRA, et ce, sur divers fondements, non clairement formulés ni étayés, que MATRA a tenté d'analyser pour y répondre :
- le dol ;
- la responsabilité contractuelle issue de l'article 1134 du Code civil ;
- la responsabilité délictuelle issue de l'article 1382 du Code civil ;
- et invoque de façon désordonnée et non justifiée des articles du Code civil qui n'ont aucun lien avec ses demandes.
Sur le dol
MATRA observe que les manoeuvres dolosives invoquées sont une réticence dolosive lors de la conclusion du protocole de cession, laquelle supposerait une tromperie par laquelle l'un des contractants provoque chez l'autre une erreur qui le détermine à contracter. Or, les éléments constitutifs d'un dol ne sont pas réunis.
Non seulement UTAC ne justifie pas des manoeuvres dolosives auxquelles se serait livrée MATRA mais elle ne démontre pas que cette dernière avait connaissance de l'avenant et qu'elle l'avait sciemment dissimulé lors de la signature du Protocole.
Matra souligne à ce titre que dans le cadre de la gestion de CERAM, elle avait nommé, conformément à la loi et aux statuts, un président, en la personne de Monsieur Andrea PININFARINA, lequel, en tant que représentant de la Société, disposait des pouvoirs qui lui étaient conférés par les statuts et les textes du Code de commerce. C'est donc en cette qualité que Monsieur Andrea PININFARINA a signé l'avenant et le fait pour le Président d'avoir signé un tel document n'implique pas automatiquement que l'associé unique de la société CERAM, MATRA, en ait eu connaissance. En effet, les statuts de la société applicables au moment des faits (Pièce n°6) ne prévoient aucune autorisation préalable de l'assemblée générale des associés pour que le représentant légal de la société puisse signer l'avenant.
Autrement dit, UTAC tente de créer une confusion entre MATRA, la personne morale, associée unique de CERAM, et Monsieur Andrea PININFARINA, personne physique représentant légal de la société, comme s'ils ne formaient qu'une seule et même personne ou comme si, dès lors qu'il agissait en qualité de représentant légal d'une société, il agissait également pour l'autre.
Or, juridiquement, il existe un principe d'autonomie de la personnalité morale.
Aucune preuve d'un acte positif de la part de la société MATRA n'a été apporté par UTAC qui se contente de lui reprocher d'avoir "sciemment" communiqué une information incomplète. Or en l'absence de manoeuvre dolosive, MATRA ne peut se voir reprocher d'avoir vicié le consentement d'UTAC dans le cadre de la signature du Protocole
Et si UTAC tente de justifier sa position en précisant que, à la date de signature de l'avenant, Monsieur Andrea PININFARINA était à la fois représentant légal de CERAM et de MATRA, donc «'MATRA avait parfaitement connaissance des documents signés au sein du CERAM », il est rappelé que :
- Monsieur Andrea PININFARINA décédait tragiquement le 7 août 2008, alors que les discussions et négociations du protocole de cession de la Société n'ont pas encore commencé entre les parties.
- les opérations d'audit du CERAM par UTAC ont débuté en septembre 2008,
si la data room a bien été ouverte à partir du mois de mars 2008, les éléments sont mis en ligne progressivement, et donc le fait que l'avenant ne soit pas en data room dès le début ne constitue pas la preuve d'une tentative de tromperie de MATRA, sachant que:
. celle-ci a été ouverte jusqu'à la fin du mois d'octobre 2008, soit après le décès de Monsieur Andrea PININFARINA et que ce n'est qu'à l'issue de ses audits (septembre 2008) que la société UTAC a formulé une offre pour acquérir la Société le 3 octobre 2008.
. les premiers commentaires des avocats de la société UTAC sur le projet de protocole ont été communiqués en date du 31 octobre 2008 (Pièce n°7).
- les pièces soumises au débat montre que les discussions décisives sur la rédaction du protocole ne sont intervenues qu'à compter du mois d'octobre 2008 au moment où Monsieur Andrea PININFARINA était d'ores et déjà décédé.
Sur la mauvaise foi contractuelle de MATRA
MATRA considère que pas plus qu'elle ne l'a fait précédemment pour le dol, UTAC ne rapporte les preuves d'une mauvaise foi de MATRA se contentant d'affirmer que MATRA a livré des informations incomplètes.
UTAC ne justifiant pas de la mauvaise foi de la société MATRA, elle sera déboutée de l'intégralité de ses demandes sur ce fondement.
Sur la responsabilité délictuelle de MATRA
UTAC supposant que MATRA avait connaissance de l'avenant, sans en apporter encore une fois la moindre preuve, en tire comme conclusion que MATRA aurait commis une faute délictuelle en cachant sciemment sa connaissance de l'avenant à UTAC. Mais elle ne démontre à aucun moment la faute qui aurait été commise par la société MATRA.
A l'inverse,
- il est constant que l'avenant a été conclu par Monsieur Andrea PININFARINA, Président de CERAM et décédé accidentellement le 7 août 2008.
- le représentant légal de la société au moment des opérations d'audit préalables à l’acquisition et de la signature du Protocole était Monsieur Silvio Pietro Angori.
UTAC n'apporte pas la preuve de la connaissance par MATRA de l'avenant ou même de d'un échange d'informations sur cet élément.
il est admis par UTAC que Monsieur GUEDON a porté à la connaissance d'UTAC et de CERAM l'avenant seulement en 2012 (cf conclusions d'UTAC) et si l'employeur de Monsieur GUEDON n'a pas connaissance de l'avenant, comment MATRA et son nouveau Président pouvaient-ils en avoir connaissance au jour de la signature du Protocole '
En conséquence, la Cour ne pourra que débouter UTAC de l'intégralité de ces demandes sur ce fondement, la seule possibilité pour UTAC étant d'agir sur le fondement de la garantie.
Sur l'application de la garantie
Matra rappelle que la garantie est arrivée à échéance le 5 décembre 2010 et qu'ainsi la demande d'indemnisation de la société UTAC était hors délai.
Sur les frais irrépétibles
Au regard de tout ce qui précède, MATRA considère qu'il serait inéquitable de lui faire supporter les frais engendrés par les dépens liés à la présente procédure et sollicite qu'UTAC soit condamnée à payer la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et soient condamnées à régler les entiers dépens.
SUR CE,
Sur la garantie de passif
La cour considère que si aux termes du Protocole, « tout préjudice (') résultant (') d'une omission totale ou partielle de déclaration d'une information » doit être traité par application de l'article 7 du Protocole, la dissimulation d'une information dans le cadre des pourparlers contractuels n'entre pas dans le cadre de la garantie de passif.
Sur le dol
S'agissant de l'information retenue
La cour considère que la décision de rémunération d'un directeur général et donc mandataire social relève des décisions nécessairement prises par le président de la société sous le contrôle des actionnaires, étant rappelé en l'occurrence qu'il y avait un actionnaire unique et que le président de CERAM était le président de MATRA, cet actionnaire unique.
Dès lors, MATRA ne peut prétendre avoir ignoré l'existence de l'avenant.
Au surplus, elle considère que c'est d'autant plus le cas que l'avenant accordait à Monsieur GUEDON une somme équivalente à deux années de salaires, engagement dérogatoire et exorbitant du droit commun d'une part, représentant d'autre part en 2008 deux fois le résultat du CERAM (+310.000 € en 2008) et près de 10% du chiffre d'affaires réalisé par le CERAM en 2008 (9.700 k€ en 2008).
S'agissant de la rétention de cette information
La cour rappelle que :
1- l'audit d’acquisition s'est déroulé en deux phases :
- une première phase, entre le 25 mars 2008 et 10 avril 2008, au cours de laquelle un certain nombre de documents ont été mis à disposition de l'UTAC en data room électronique,
- une deuxième phase, entre le 15 octobre 2008 et le 22 octobre 2008, consacré aux aspects bilanciels et financiers.
2 - l'avenant du 19 février 2008 a été signé avant l'ouverture de l'audit,
3 - cet avenant ne figurait pas dans les documents fournis en data room lors de l'audit d’acquisition
Elle considère que la société MATRA a bien retenu cette information dès lors que :
- d'une part, l'information ne figurait pas dans l'annexe 6.10.1 comportant pour chaque salarié « toutes les rémunérations, avantages, système de motivation, primes et arrangements mis en place pour chaque salarié »,
- d'autre part, la société MATRA a indiqué sur le contrat de cession que la société CERAM n'avait pris aucun engagement depuis le 1er janvier 2008 conférant un avantage complémentaire à ses salariés, alors qu'une indemnité conséquente de départ venait d'être allouée au Directeur général du CERAM.
Elle observe d'ailleurs que si l'avenant au contrat de travail de Monsieur GUEDON ne figurait pas dans l'annexe 6,10,1, le contrat de travail d'origine de celui-ci y était mentionné, ce qui conduit à induire une rétention volontaire d'information, au-delà d'une désorganisation de service.
Sur le préjudice
Il apparaît à la cour évident que si cet avenant avait été connu de UTAC au moment des négociations, ce dernier aurait soit négocié un autre prix soit négocié pour que MATRA s'engage à prendre en charge le montant de l'indemnité en question puisque l'avenant rémunérait un service rendu non à CERAM mais à MATRA.
Le préjudice est donc né au moment de la signature du contrat, moment du dol.
La cour relève qu'il importe peu que les conséquences financières du dol soient survenues postérieurement, puisque le préjudice ne se mesure pas au prix versé dans le cadre de la transaction passé avec Monsieur GUEDON, mais au coût caché de l'avenant accordé à Monsieur GUEDON, soit une somme équivalente à deux années de salaires, engagement dérogatoire et exorbitant du droit commun d'une part, représentant d'autre part en 2008 deux fois le résultat du CERAM (+310.000 € en 2008) et près de 10% du chiffre d'affaires réalisé par le CERAM en 2008 (9.700 k€ en 2008).
Constatant que UTAC limite donc sa demande à la somme de de 211 691,40 euros, elle y fera droit.
Sur les frais irrépétibles et les dépens il ne sera fait droit qu'à la demande de UTAC au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens seront mis à la charge de MATRA ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement rendu le 18 octobre 2013 par le Tribunal de commerce de Paris statuant à nouveau
Condamne la société MATRA à payer à l'UTAC la somme de 211.691,40 euros à titre de dommages-intérêts,
Condamne la société MATRA à payer à l'UTAC la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la société MATRA aux entiers dépens de l'instance.