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Décisions

Cass. 3e civ., 22 mars 1995, n° 93-12.049

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

M. Boscheron

Avocat général :

M. Baechlin

Avocats :

Me Cossa, SCP Delaporte et Briard

Paris, du 25 nov. 1992

25 novembre 1992

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 novembre 1992), statuant en référé, que M. Y..., preneur à bail de locaux à usage commercial, appartenant aux consorts X..., a cédé son fonds de commerce à la société Emir ; que les consorts X... ont délivré à cette société un commandement de payer des loyers visant la clause résolutoire ; qu'une ordonnance de référé du 27 août 1991, après avoir donné acte à M. Y... de son intervention volontaire en qualité de créancier inscrit, a constaté l'acquisition de la clause résolutoire et qu'un jugement du tribunal de commerce du 2 juillet 1991, devenu irrévocable à la suite de l'acquiescement de la société Emir, a déclaré résolue la vente du fonds de commerce ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'appel interjeté par M. Y... de l'ordonnance du 27 août 1991, alors, selon le moyen, que le changement de qualité entre le premier et le second degré équivaut à un changement de partie et rend l'appel irrecevable ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que M. Y... est intervenu volontairement en première instance en qualité de créancier inscrit, et qu'en appel, compte tenu du jugement en date du 2 juillet 1991, devenu définitif, qui a déclaré résolue la vente du fonds de commerce consentie à la société Emir, il avait un intérêt évident à interjeter appel, ce dont il résultait que cet intérêt était fondé sur la qualité de locataire et que l'intéressé avait changé de qualité entre le premier et le second degré ; qu'en déclarant néanmoins l'appel recevable, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences juridiques qui s'en évinçaient nécessairement au regard de l'article 546 du nouveau Code de procédure civile qu'elle a ainsi violé ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. Y..., intervenu volontairement devant le premier juge, était partie à l'instance, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant qu'il avait intérêt à interjeter appel ;

Sur le second moyen

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de décider qu'il n'y a pas lieu à référé sur la demande en acquisition de la clause résolutoire en suite du commandement délivré à la société Emir, alors, selon le moyen, 1° que, selon les propres constatations de l'arrêt attaqué, d'une part, le commandement de payer, délivré le 25 janvier 1991 à la société locataire, visait et reproduisait la clause résolutoire ainsi que les dispositions de l'article 5 du décret du 30 septembre 1953 en vertu duquel une telle clause produit effet un mois après un commandement de payer demeuré infructueux, d'autre part, que la société locataire n'a pas respecté le délai de grâce que lui a accordé l'ordonnance du 26 février 1991 qui a suspendu, pendant ce délai, les effets de la clause résolutoire ; qu'il en résulte que celle-ci doit être regardée comme ayant produit tous ses effets dès le 25 février 1991, l'ordonnance du 27 août 1991 n'ayant eu ni pour objet ni pour effet de prononcer la résolution du bail, mais seulement de constater l'acquisition de la clause résolutoire ; qu'il s'ensuit que celle-ci était acquise plusieurs mois avant que le jugement du 2 juillet 1991 prononce la résiliation de la vente du fonds de commerce entre M. Y... et la société Emir ; que, dès lors, en déclarant le commandement du 2 janvier 1991 inopérant, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient au regard tant du texte susvisé que de l'article 1134 du Code civil qu'elle a ainsi violés ; 2° que, subsidiairement, du fait de la résolution de la vente du fonds de commerce prononcée par le jugement du 2 juillet 1991, M. Y... est réputé n'avoir jamais cédé son fonds et n'avoir donc jamais perdu sa qualité de locataire des consorts X..., et se trouve ainsi substitué dans les droits et obligations envers eux de la société Emir ; que, dès lors, en déclarant inopérant à l'égard de M. Y... le commandement délivré à la société Emir, la cour d'appel a violé les articles 1183 et 1184 du Code civil ; 3° que, dans leurs conclusions d'appel, les consorts X... avaient fait valoir que M. Y..., représenté à l'audience de référé au cours de laquelle la société Emir avait sollicité des délais de paiement, à la suite du commandement visant la clause résolutoire, avait une parfaite connaissance de ce commandement et pouvait, dès cette époque, se préparer à en régler les causes en cas de défaillance de la cessionnaire ; qu'en déclarant inopérant à l'égard de M. Y... le commandement délivré à la société Emir sans répondre au moyen tiré de la nécessaire connaissance du commandement par le cédant, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que, par l'effet du jugement du 2 juillet 1991 déclarant résolue la vente du fonds de commerce, la société Emir était réputée n'avoir jamais été cessionnaire de ce fonds et, par voie de conséquence, du droit au bail, la cour d'appel a retenu, à bon droit, répondant aux conclusions, que le commandement délivré à cette société ne pouvait servir de fondement à une procédure en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.