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Décisions

Cass. soc., 2 mai 1990, n° 87-17.060

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cochard

Rapporteur :

M. Waquet

Avocat général :

M. Gauthier

Avocats :

SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, Me Capron

Amiens, du 19 juin 1987

19 juin 1987

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu en référé (Amiens, 19 juin 1987) que du 10 au 13 février 1987 un certain nombre de salariés se sont mis en grève à l'entrepot de Maulnes de la société Scaex Inter Nord Picardie ; que par des ordonnances des 10 et 12 février 1987 le juge des référés a ordonné l'expulsion de grévistes nommément désignés, qui bloquaient les portes de l'entrepôt et interdisaient la circulation des camions ; que faisant valoir que des marchandises chargées sur ces camions avaient été endommagées, la SCAEX a assigné devant le juge des référés 58 salariés grévistes, et l'union régionale interprofessionnelle des syndicats CFDT de la région Picardie, à l'effet d'obtenir d'une part, une provision sur le préjudice subi, d'autre part, la désignation d'experts aux fins de déterminer l'importance exacte du préjudice ;

Attendu que les demandeurs au pourvoi font grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné une expertise, alors que, selon le moyen, d'une part, la demande d'expertise formée avait pour objet l'évaluation d'un dommage, dommage d'ores et déjà constaté par huissier, afin de préserver les droits de la société, dans le respect du contradictoire, et non une preuve dont pourrait dépendre la solution d'un litige ; qu'elle n'entrait donc pas dans les prévisions de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, ainsi violé par fausse application ; alors, surtout, que la demande de la SCAEX tendait à la désignation d'un expert en alimentation et d'un expert comptable aux fins d'évaluer le dommage subi ainsi qu'au paiement d'une provision ; que la cour d'appel a désigné ces experts avec pour mission de rétablir la chronologie des incidents intervenus au cours de la grève litigieuse, de fournir tous renseignements sur les conditions exactes dans lesquelles aurait été interrompue la libre circulation des véhicules et de préciser si un certain nombre de camions avaient été empêchés de quitter l'entrepôt, de rechercher les mesures qui avaient été prises ou auraient pu être prises avant et après le 13 février 1987 pour assurer la conservation des denrées périssables chargées sur lesdits véhicules et de fournir, de façon plus générale, tous renseignements utiles devant permettre à la juridiction qui serait éventuellement saisie de statuer en toute connaissance de cause, tant sur le problème des responsabilités encourues que sur l'importance du préjudice allégué par la société ; qu'ainsi, manifestement, la cour d'appel a excédé les limites de la demande dont elle était saisie, dénaturant l'objet du litige en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, il appartenait en tous cas, à la cour d'appel de caractériser le motif légitimant la demande de la SCAEX, l'utilité et la pertinence de la mesure d'expertise demandée ; qu'en se bornant à affirmer que la mesure d'expertise demandée apparaissait utile sans autre motif, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, surtout, qu'à cet égard, dans leurs conclusions demeurées sans réponse, en violation derechef dudit article 455, les demandeurs au pourvoi soulignaient l'inutilité de cette mesure, compte tenu des conditions dans lesquelles la SCAEX avait procédé jusqu'à la saisine du tribunal ; que sa demande d'expertise était, en effet, tardive et ce, bien que la société ait

saisi, antérieurement, à deux reprises, le juge des référés pour demander l'expulsion des grévistes, sans alors solliciter la désignation d'un expert aux fins de faire constater d'éventuels dommages ; qu'entre-temps, la société avait fait apposer sur une partie des marchandises des scellés et avait modifié, elle-même, les conditions de conservation de ces marchandises en les transportant d'entrepôts frigorifiques à un hangar servant habituellement de garage de sorte qu'il était inutile de constater au mois d'avril la détérioration de marchandises stockées depuis le mois de février dans les locaux impropres ;

Mais attendu que répondant aux conclusions dont elle était saisie et sans excéder les limites du litige, la cour d'appel a relevé qu'il apparaît utile, ainsi que le sollicite la société SCAEX dans le dernier état de ses conclusions, de désigner des experts chargés de recueillir toutes informations pour permettre à la juridiction qui sera éventuellement saisie de statuer sur les responsabilités encourues et l'importance des dommages subis à la suite des incidents survenus du 10 au 13 février 1987 à l'entrepôt de Chaulnes ; qu'ayant ainsi caractérisé l'existence d'un motif légitime elle a pu ordonner l'expertise sollicitée ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.