Cass. soc., 26 juillet 1984, n° 81-41.760
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mac Aleese
Rapporteur :
M. Le Gall
Avocat général :
M. Ecoutin
Avocat :
Me Le Prado
Sur le moyen unique, pris de la violation des articles L. 521-1 et suivants du Code du travail, 4 et suivants, 145 et 455 du nouveau Code de procédure civile et 1134 du Code civil :
Attendu que l'arrêt confirmatif attaqué, rendu en référé à la demande de l'Union locale des syndicats CGT de Saint-Brieuc et de l'Union départementale CFDT des Côtes-du-Nord, a ordonné une expertise, en application de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, en vue de recueillir tous renseignements sur l'ampleur et l'origine d'une grève affectant l'établissement de Saint-Brieuc de la société Le joint français, ainsi que sur les moyens d'y mettre fin ;
Attendu que la société fait grief à la Cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors que, d'une part, en matière de conflits collectifs de travail, des règles spéciales de procédure étant aménagées par les articles L. 521-1 et suivants du Code du travail, le juge judiciaire est incompétent tant au fond que pour ordonner, en référé, une mesure d'instruction, alors que, d'autre part, si le juge judiciaire avait éventuellement au fond, en la matière, quelque compétence, la Cour d'appel ne pouvait, sans excéder les limites du débat et dénaturer les écritures des demandeurs à l'action, en déduire la compétence du juge des référés pour ordonner une mesure d'instruction, aucun litige relevant de la compétence du juge judiciaire n'ayant été invoqué par les demandeurs, et alors, enfin, que la Cour d'appel s'est fondée sur une motivation hypothétique en prenant en considération des contestations purement éventuelles qui n'avaient pas été davantage formulées par les demandeurs ;
Mais attendu, d'une part, qu'un conflit collectif de travail est susceptible d'avoir des répercussions sur les droits individuels des intéressés et sur les litiges soulevés de ce chef devant les tribunaux judiciaires que, d'autre part, selon l'article 146 du nouveau Code de procédure civile, la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige peut être ordonnée avant tout procès, que la Cour d'appel, qui a retenu que les renseignements recueillis au cours de l'expertise pouvaient être utiles pour le juge judiciaire, notamment en ce qui concernait la violation d'accords existants qui aurait pu être à l'origine de la grève ou d'éventuelles atteintes au droit des salariés protégés, n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient du texte susvisé en ordonnant, sans dénaturation et par des motifs non hypothétiques, la mesure d'instruction sollicitée, après avoir relevé l'existence d'un motif légitime ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 4 juin 1981 par la Cour d'appel de Rennes.