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Décisions

Cass. com., 21 février 1995, n° 93-10.754

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Dumas

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Vier et Barthélémy, SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde

Versailles, 13e ch., du 24 nov. 1992

24 novembre 1992

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Versailles, 24 novembre 1992), que M. Ferhat X..., qui exploite à l'enseigne "Spectacles X..." une entreprise organisant des spectacles et festivités, a engagé le 7 octobre 1985 son cousin, M. Sadi X... en qualité de représentant commercial ;

que, le 15 décembre 1989, ce dernier a donné sa démission et a créé avec d'autres associés une entreprise concurrente, la société Meghan Organisation ;

qu'ayant constaté au début de l'année 1990 la baisse de son chiffre d'affaires et, estimant que cette baisse provenait d'actes déloyaux commis à son égard par M. Sadi X... et par la société qu'il avait créée, M. Ferhat X... les a assignés en dommages et intérêts devant le tribunal de commerce pour concurrence déloyale ;

Sur la fin de non recevoir soulevée par la défense :

Attendu que M. Ferhat X... fait valoir que le pourvoi formé par son cousin et la société Meghan Organisation serait irrecevable, l'arrêt attaqué ayant seulement ordonné une expertise et octroyé une provision ;

Mais attendu que l'arrêt a tranché une partie du principal en retenant que M. Ferhat X... et la société Meghan Organisation s'étaient rendus coupables de détournement de clientèle et a réformé, dans son dispositif, la décision du tribunal de commerce qui l'avait débouté de son action en dommages et intérêts ;

d'où il suit que par application de l'article 606 du nouveau Code de procédure civile, le pourvoi doit être déclaré recevable ;

Sur le moyen unique pris en ses trois branches :

Attendu que M. Sadi X... et la société Meghan Organisation font grief à l'arrêt de les avoir déclarés coupables de concurrence déloyale et de les avoir condamnés à titre provisionnel au paiement d'une provision, une expertise étant en outre ordonnée pour fixer l'étendue du préjudice, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en l'absence de toute clause contractuelle de non-concurrence, le salarié peut s'installer librement dans l'exercice d'une activité concurrente de celle de son ancien employeur et donc s'adresser à la même clientèle et aux mêmes prestataires de services que nécessairement il connaît ;

que seule une manoeuvre caractérisée peut faire dégénérer ce droit en abus; qu'en retenant, en l'espèce, à l'encontre de la société Megham Organisation le fait que M. Sadi X... ait conservé par devers lui ses agendas personnels de rendez-vous et d'autres documents qui en tout état de cause ne contenaient d'autres informations que celles qu'il possédait déjà du seul fait de l'exercice de sa profession, la Cour d'appel qui n'a caractérisé aucune manoeuvre fautive, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

alors, d'autre part, que la démarche de clientèle et la pratique de prix compétitifs est de l'essence même de toute activité commerciale ;

qu'en se bornant à constater pour caractériser les faits de concurrence déloyale allégués, que la société Meghan Organisation avait prospecté des clients de l'entreprise Spectacles Temal et avait conclu avec quelques uns d'entre eux seulement des contrats à des prix inférieurs à ceux pratiqués par Spectacles X... que, nécessairement, il connaissait, la Cour d'appel a derechef privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1382 et 1383 précités du Code civil ;

alors, enfin, qu'en se bornant à affirmer que M. Sadi X..., cousin de M. Ferhat X..., avait joué de mauvaise foi de son homonymie, la Cour d'appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard de ces mêmes articles ;

Mais attendu que, si, en l'absence de toute clause contractuelle de non-concurrence le salarié peut exercer une activité concurrente de celle de son ancien employeur, cette activité doit être exercée de façon loyale ;

qu'en l'espèce l'arrêt a constaté que M. Sadi X... avait quitté l'entreprise "Spectacles X..." en emportant avec lui le répertoire des artistes et des prestations de service ainsi que les agendas des rendez-vous des clients, ce qui lui avait permis de démarcher la clientèle de son ancien employeur ;

qu'il a également relevé qu'il avait contacté cette clientèle en lui proposant "en connaissance de cause" des prix inférieurs à ceux de l'entreprise "Spectacles X..." ;

que par ces seuls motifs, la cour d'appel a caractérisé les agissements fautifs de M. Sadi X... et de la société qu'il avait créée et a légalement justifié sa décision ;

que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE RECEVABLE le pourvoi formé par M. Sadi X... et la société Megan Organisation ;

LE REJETTE.