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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 24 mars 2022, n° 21/21745

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

RLDH (SAS), ICTUS GmbH

Défendeur :

PCAS (SA), Sirona Bidco (SAS), Seqens Group Holding (SAS), Seqens (SAS), SK Capital Partners LP, L'Autorité des Marchés Financiers

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Maitrepierre

Conseillers :

Mme Schmidt, Mme Tréard

AMF, du 7 déc. 2021

7 décembre 2021

FAITS ET PROCÉDURE

1.La société PCAS développe, fabrique et commercialise des produits de chimie de spécialité (chimie fine) et de synthèse pharmaceutique. S'agissant de ce second secteur, elle développe et produit des principes actifs pharmaceutiques de molécules et des intermédiaires pharmaceutiques vendus sous contrat exclusif de type CDMO (« contract development and manufacturing organization »), équivalent à un contrat de sous-traitance pharmaceutique.

2.Elle détient en France plusieurs sites de production et des centres de recherche et de développement (D&R), dont l'un est situé à Porcheville, ainsi que plusieurs filiales, cinq en France, six à l'étranger (Chine, Canada, Finlande, Allemagne) (pièce n° 15 des demandeurs au recours).

3.Ses titres sont cotés sur le marché B Euronext Paris depuis le 17 octobre 1995.

4.La société PCAS est devenue en 2017 une filiale de la société Seqens, anciennement dénommée Novacap, qui opère sur les mêmes secteurs qu'elle (production et commercialisation de principes actifs pharmaceutiques et d'ingrédients de chimie). La société Seqens est elle-même contrôlée par la société Seqens Group Holding (Seqens GH), anciennement Novacap Group Holding (Novacap GH).

5.L'entrée de la société PCAS dans le groupe Seqens est intervenue après la prise de contrôle de ce groupe en 2016 par la société Eurazeo, laquelle a été suivie le 20 juin 2017 de l'acquisition par la société Novacap, devenue Seqens, d'un bloc d'actions de la société PCAS auprès de plusieurs de ses actionnaires et du dépôt, le même jour, à l'AMF d'un projet d'OPA simplifiée au prix de 17 euros par action. L'offre a été déclarée conforme par l'AMF le 4 juillet 2017 et à l'issue de cette offre, la société Novacap, devenue Seqens en 2018, avait acquis 75,93% du capital et 74,76% des droits de vote.

6.L'acquisition de la société PCAS s'est inscrite dans une stratégie de croissance externe de la société Novacap, annoncée par la société Eurazeao, lors de sa prise de contrôle de cette société, d'autres entreprises opérant dans des secteurs voisins ayant été acquises au cours de l'année 2017.

7.Selon ses états financiers de l'exercice 2020, le groupe Seqens détient près de 24 filiales opérationnelles et opère sur 24 sites de production et 3 centres de recherche et de développement principalement en Europe, en Amérique du Nord, et en Asie (pièce n° 6 de Sequens).

8.Selon le rapport financier annuel 2020 de PCAS (pièce n° 7 des demandeurs au recours), le capital de PCAS est réparti comme suit, au 8 janvier 2021 :

' Seqens : 76,66%

' flottant : 14,09%

' autodétention : 9,25%

9.Le 25 août 2021, la société SK Capital, société d'investissement privé dans les secteurs des matériaux spéciaux, des produits chimiques et des produits pharmaceutiques, est entrée en négociations exclusives, via la société Sirona Bidco, avec des actionnaires de la société Seqens, dont les sociétés Eurazeao, Mérieux et Ardian, en vue d'acquérir leur participation.

10.Le 18 octobre 2021, la société SK Capital a annoncé la signature du contrat correspondant à cette acquisition. Dans son communiqué, elle a précisé qu'en cas de réalisation de cette opération, elle franchira indirectement le seuil de 30% du capital et des droits de vote de PCAS, déclenchant en principe l'obligation de déposer un projet d'offre publique obligatoire portant sur les actions PCAS non détenues par le groupe Seqens et annoncé qu'elle soumettra à l'AMF une demande de dérogation à cette obligation au motif que la société PCAS n'était pas un actif essentiel du groupe Seqens.

11.Elle a déposé sa demande à l'AMF le 7 décembre 2021.

12.Par une décision publiée le 10 décembre 2021, le collège de l'AMF a accordé la dérogation demandée sur le fondement de l'article 234-9, 8° du règlement général de l'AMF (ci-après « RGAMF »).

13.Postérieurement à cette décision, le 16 décembre 2021, la société SK Capital, via la société Sirona BidCo, a acquis l'intégralité du capital et des droits de vote de la société Seqens GH, et indirectement, pris le contrôle de la société PCAS. Elle a publié une déclaration de franchissement de seuil le 23 décembre 2021 aux termes de laquelle elle a indiqué qu'elle n'avait pas l'intention de modifier la stratégie de la société PCAS, ni de demander sa nomination ou celle d'une ou plusieurs personnes comme administrateur de la société PCAS, ni de procéder à aucune des opérations listées à l'article 223-17, I, 6° du RGAMF (fusion, réorganisation, liquidation, ou transfert d'une partie substantielle des actifs de l'émetteur ou de toute personne qu'il contrôle au sens de l'article L.233-3 du code de commerce ; modification de l'activité de l'émetteur, de ses statuts, radiation des négociations d'une catégorie de titres financiers de l'émetteur ; émission de titres financiers de l'émetteur).

14.Par une déclaration déposée au greffe le 17 décembre 2021, les sociétés RLDH, Ictus et MM. L. et L., ainsi que Mme L., actionnaires minoritaires de la société PCAS, ont formé un recours contre la décision du collège de l'AMF ayant accordé la dérogation précitée.

15.La déclaration de recours a été suivie du dépôt d'un exposé des moyens le 31 décembre 2021 aux termes duquel les auteurs du recours demandent à la Cour de :

' annuler ou réformer la décision précitée ;

' rejeter la demande de la société SK Capital, pour le compte de Sirona BidCo, de dérogation à l'obligation de déposer une offre publique d'achat ;

' contraindre la société SK Capital, pour le compte de Sirona BidCo, à déposer une offre publique portant sur les actions PCAS à des conditions équivalentes à celles dans lesquelles l'actionnaire majoritaire a cédé ses titres ;

' condamner la société SK Capital aux entiers dépens.

16.Dans leur mémoire récapitulatif, les demandeurs au recours ont abandonné leur prétention tendant au rejet de la demande de dérogation et à contraindre la société SK Capital à déposer une offre publique sur les actions de la société PCAS, et ont ajouté une demande tendant à la condamnation in solidum des sociétés SK Capital, Sirona BidCo, Seqens, Seqens GH et PCAS à leur payer la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

17.Les sociétés Seqens, Seqens GH, SK Capital Partners et Sirona BidCo (ensemble, ci-après désignées « les entités Seqens ») ainsi que la société PCAS concluent à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement, au fond, à son rejet et à la condamnation in solidum des demandeurs au recours à leur verser la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

18.L'AMF considère que le recours doit être rejeté.

19.Le ministère public invite la Cour à rejeter le recours.

I. SUR LA RECEVABILITÉ DU RECOURS

20.PCAS et les entités Sequens font valoir que le recours est irrecevable en application de l'article R.621-46, I du code monétaire et financier dès lors que ses auteurs n'ont pas justifié, dès leur déclaration de recours, de leur qualité d'actionnaire minoritaire et partant de leur qualité à agir. Elles soutiennent qu'aucune régularisation n'est possible au motif que les pièces justificatives au soutien du recours auraient dû être déposées au plus tard dans le délai de l'exposé des moyens, conformément aux exigences du texte précité.

21.Les demandeurs au recours répondent que le délai invoqué par les défendeurs ne s'applique pas lorsque les pièces nouvelles sont déposées en vue de répondre à des moyens soulevés devant la Cour.

22.Le ministère public est d'avis que le recours est recevable.

Sur ce, la Cour,

23.L'article R.621-46, I, du code monétaire et financier dispose :

« Le recours devant la cour d'appel de Paris est formé par une déclaration écrite déposée en quadruple exemplaire au greffe de la cour d'appel de Paris contre récépissé. À peine d'irrecevabilité prononcée d'office, elle comporte les mentions prescrites par l'article 648 du code de procédure civile et précise l'objet du recours. Lorsque la déclaration ne contient pas l'exposé des moyens invoqués, le demandeur doit, sous la même sanction, déposer cet exposé au greffe dans les 15 jours qui suivent le dépôt de la déclaration. La déclaration de recours mentionne la liste des pièces et documents justificatifs produits. Ces pièces et documents sont remis au greffe de la cour d'appel en même temps que la déclaration. Le demandeur au recours joint à la déclaration une copie de la décision attaquée. ».

24.Il ne ressort ni de ce texte ni de l'article 648 du code de procédure civile auquel il renvoie que la déclaration de recours doit être accompagnée, à peine d'irrecevabilité, des pièces justifiant de la qualité à agir de la partie qui y procède.

25.Les règles et délais prévus par l'article R.621-46, I, précité, ont pour objet de régir la procédure à suivre lors de l'introduction du recours mais ne peuvent faire obstacle au droit pour tout requérant de défendre utilement aux exceptions de procédure ou fin de non-recevoir susceptibles de lui être opposées par ses contradicteurs, dans un délai nécessairement postérieur à l'expiration du délai de quinze jours qui lui est accordé pour finaliser son recours.

26.En l'espèce, concernant le délai dans lequel doit être justifié la qualité à agir de celui qui exerce un recours, les demandeurs au recours ont déposé au greffe le 17 décembre 2021, en même temps que leur déclaration, un tableau de synthèse de leur participation détenue dans la société PCAS, mentionné dans la liste des pièces jointe à leur déclaration (pièce n° 20).

27.PCAS et les entités Seqens ayant soulevé, par mémoire du 26 janvier 2022, une fin de non-recevoir, au motif que ce tableau ne permettait pas de justifier de la qualité d'actionnaires des demandeurs au recours dans les délais impartis par l'article R.621-46, I, précité, ces derniers sont recevables, pour défendre utilement à la fin de non-recevoir qui leur a été opposée, à justifier de cette qualité, sans être tenus par les délais précités.

28.Concernant la qualité à agir requise par l'article 31 du code de procédure civile, les demandeurs au recours ont produit, en annexe de leur mémoire récapitulatif en réplique, les attestations de détention délivrées par les différents établissements gestionnaires de leur compte qui établissent, qu'à la date de décision attaquée, ils étaient détenteurs de titres PCAS.

29.La fin de non-recevoir est rejetée.

II. SUR LE FOND

30.Dans la décision attaquée, pour accorder la dérogation demandée, l'AMF a analysé, d'une part, les parts contributives de la société PCAS aux actifs du groupe Seqens au cours des exercices 2019 et 2020 et a considéré qu'il résultait de ces données quantitatives que « (...)seule une part contributive s'établit au-delà du seuil de 40%, (...) lequel seuil peut être considéré comme décisif lorsqu'il est atteint sur plusieurs critères pertinents (...) ».

31.Elle a, d'autre part, analysé les motifs de l'opération d'acquisition ayant conduit à la prise de contrôle indirecte de la société PCAS, en particulier l'objectif annoncé par la société SK Capital « d'acquérir un groupe industriel équilibré dans ses différentes composantes, sans être motivée spécifiquement par la seule acquisition de PCAS dont les caractéristiques de profitabilité et les besoins en investissements ne sauraient lui donner un caractère plus attractif que les autres actifs de Seqens » et la déclaration de SK Capital selon laquelle « PCAS ne représente pas d'enjeu pour la stratégie de développement du requérant [SK Capital], PCAS n'apparaissant par ailleurs pas dans la communication de la stratégie du requérant relative à l'acquisition de Seqens ». Elle a considéré que ces données qualitatives ne permettaient pas de faire ressortir que PCAS constituait un actif essentiel de Seqens.

32.Les demandeurs au recours soutiennent, en premier lieu, que l'acquisition de Seqens par SK Capital met en évidence une différence de traitement entre les actionnaires majoritaires parties à l'accord de cession entre SK Capital et les actionnaires minoritaires de Seqens, quant à la valeur du titre PCAS. Ils soutiennent, au regard de la valorisation des parts de Seqens à 2 milliards d'euros dont la presse s'est fait l'écho, et de la déclaration d'Eurazéo selon laquelle la cession à SK Capital lui permettra de réaliser « un retour de 1,8 fois son investissement initial », que les actionnaires majoritaires ont vocation à percevoir un prix fondé sur une valeur de 30 euros par titre de PCAS (17x1,8) alors que les minoritaires ne peuvent sortir du capital que sur le marché, où le titre est valorisé à 8 euros.

33.Ils font valoir, en second lieu, que l'appréciation de la demande de dérogation présentée par Seqens à son obligation de déposer une OPA des titres PCAS doit nécessairement tenir compte du niveau de participation de Seqens dans PCAS, laquelle représente près de 90% du capital soit, un niveau très proche du seuil de déclenchement d'une offre publique de retrait obligatoire alors que le seuil de déclenchement d'une offre publique d'acquisition est de 30% : l'obligation de se porter acquéreur de 70% des titres d'une société cotée du fait du franchissement du seuil de 30% n'a pas la même portée ni le même coût que l'achat d'un reliquat de 10%.

34.En troisième lieu, s'agissant de l'analyse des données quantitatives, les demandeurs au recours soulignent d'abord que le seuil de 40% mentionné dans la décision attaquée ne peut être considéré comme une référence absolue comme en témoignent d'autres décisions de l'AMF en la matière.

35.Ensuite, ils ne contestent pas les niveaux des contributions de PCAS dans Seqens retenus dans les décisions attaquées mais font valoir que les données fournies à l'AMF sur la situation juridique, commerciale et financière de PCAS lui ont été présentées de manière biaisée. Il est ainsi soutenu que PCAS est fortement intégrée dans Seqens, qu'elle a perdu toute autonomie de gestion et que Seqens en a profité pour dégrader artificiellement les résultats de PCAS par le biais de prix de transfert, de non-refacturations internes, de sous-traitance et d'allocation de frais inégalitaires, en l'absence de toute convention réglementée. Sur ce dernier point, ils soulignent l'indigence de la communication de Seqens sur les conventions mentionnées dans les rapports spéciaux des commissaires aux comptes, ce qui a conduit l'assemblée générale des actionnaires à refuser de les approuver. Ils font encore valoir que la dégradation des marges et des résultats sont également imputables à des investissements substantiels dans l'outil de production par Seqens (près de la moitié des dépenses du groupe), comme le met en évidence l'évolution du montant des immobilisations de PCAS, et dont profitera à terme l'acquéreur.

36.Les demandeurs au recours soulignent par ailleurs que tant les données financières publiques que les textes fiscaux applicables révèlent que l'activité de recherche et développement de PCAS pour son compte propre est tout à fait substantielle contrairement à ce que soutiennent PCAS et les entités SK Capital, et que cette activité de recherche, en particulier au sein du site de Porcheville, présenté par les dirigeants de PCAS, dans le rapport financier annuel comme étant devenu le centre de recherche de Seqens et renommé Seqens'Lab, démontre en quoi PCAS est un actif stratégique majeur du groupe Seqens et constitue un relais de croissance stratégique.

37.Enfin, les demandeurs au recours reprochent à l'AMF de n'avoir considéré que les parts contributives les plus faibles et les plus susceptibles d'être altérées par l'imbrication de PCAS dans le groupe Seqens et par les décisions prises par ce dernier, et d'avoir négligé des données moins sujettes à déformation ou altération comme : les effectifs de PCAS qui représentent 36% des effectifs du groupe, les dépenses d'investissement « CAPEX » de PCAS qui représentent 42% des investissements du groupe, le nombre de sites « recherche et développement » (50% de sites mondiaux, 100% des sites en France), le nombre des sites commerciaux en France (100%) et de sites de production en France (41,6%).

38.S'agissant de l'analyse des données qualitatives, les demandeurs au recours reprochent à l'AMF de s'être bornée à enregistrer les déclarations de convenance de SK Capital alors qu'il résulte de sa pratique décisionnelle que l'appréciation du caractère essentiel d'une participation s'effectue au regard du caractère stratégique ou structurant de cette participation dans la société.

39.Ils font valoir que l'imbrication extrême de PCAS et de Seqens caractérise une fusion de fait qui « fait obstacle à l'élimination du caractère essentiel de PCAS pour Seqens » : PCAS est organiquement intégrée au groupe, tous les éléments de communication de la marque PCAS ont disparu au profit de la marque Seqens, la communication de PCAS intègre également l'image de Seqens, laquelle présente dans sa communication les sites industriels de PCAS comme ses propres sites, le site R&D de Porcheville comme le seul site de pointe de Seqens ; les deux entités sont dirigées par les mêmes personnes, partagent les mêmes locaux, les mêmes équipes et les même sites internet.

40.L'AMF, en réponse, expose qu'elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation du caractère essentiel d'un actif au sens de l'article 234-9, 8° de son RGAMF, qu'elle exerce en procédant à une analyse in concreto des demandes de dérogation qui lui sont soumises. Son appréciation s'établit sur la base de critères quantitatifs au travers de l'étude des parts contributives d'agrégats pertinents corroborée ou non, le cas échéant par des critères qualitatifs, au vu de la stratégie mise en œuvre notamment par l'acquéreur vis à vis de la société dont le contrôle est acquis.

41.En l'espèce, s'agissant du grief pris de la présentation biaisée des données quantitatives, elle souligne qu'elle a procédé à une analyse multi-critères à partir des données figurant dans les comptes consolidés de chacune des deux entités certifiées par les commissaires aux comptes.

42.S'agissant du grief pris d'absence de distance critique dans son analyse des données qualitatives, elle soutient qu'au vu des réponses apportées par le demandeur à la dérogation, et notamment s'agissant de l'objectif poursuivi par SK Capital par son opération d'acquisition de Seqens, elle a pu considérer que PCAS n'était pas un actif structurant voire stratégique pour SK Capital, et ce d'autant que, le changement de contrôle indirect de la société PCAS procède d'un investissement effectué par SK Capital, fonds d'investissement, dont il est attendu un retour via une revente à bref échéance, de sorte qu'un investissement dans une société comme PCAS dont l'activité est la fabrication de principes actifs dans les médicaments, ne représente qu'un intérêt relatif s'agissant d'un actif à faible profitabilité et consommateur de flux de trésorerie.

43.Elle ajoute que si les activités de la société PCAS sont intégrées au groupe Seqens, la société PCAS est néanmoins une entité autonome dont l'unicité se constate également pour les autres entités du groupe au sein duquel les dirigeants ont créé, en termes d'organisation « des ponts organisationnels et fonctionnels », permettant à PCAS dans le cadre de son développement de « bénéficier de l'apport de nombreux services centralisés et partagés du groupe Seqens », selon les dires de l'un de ses directeurs généraux.

44.S'agissant de l'argument tenant au nombre de sites et de salariés, elle fait valoir qu'il n'est pas opérant dès lors que, d'une part, la société PCAS appartient à un groupe mondial qui exerce ses activités sur trois continents et dont elle bénéficie en termes « d'innovation et de R&D dans le cadre d'un dispositif industriel global et complet », selon les propos d'un dirigeant ; d'autre part, ces critères présentent une pertinence limitée, le nombre de salariés n'étant pas homogène d'une unité de production à une autre, les unités les plus modernes étant les moins dotées en personnel, et le nombre de sites constituant une donnée relativement subjective reflétant le simple degré de morcellement de ceux-ci.

45.La société PCAS et les entités Seqens font valoir, en premier lieu, que contrairement à ce qui est soutenu par les demandeurs au recours, il n'existe ni confusion de patrimoines, ni aucun flux occulte ou anormal entre la société PCAS et les autres entités du groupe Seqens, ces flux étant décrits, d'une part, dans la note annexe « Transaction avec les parties liées » qui fait partie intégrante des états financiers consolidés publiés par la société PCAS et, d'autre part, pour ceux que le conseil d'administration de la société PCAS a décidé de soumettre à la procédure des conventions réglementées, ils figurent dans le rapport spécial de ses commissaires aux comptes, publié et soumis à l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires chaque année. Les entités Seqens ajoutent que l'approbation par l'assemblée générale ne constitue aucunement une condition de validité des conventions réglementées, ainsi que cela résulte tant de l'article L.225-41 du code de commerce que de la jurisprudence constante de la Cour de cassation.

46.Elles exposent, en second lieu, que le poids relatif de la société PCAS dans le groupe Seqens, par rapport aux autres activités du groupe Seqens, en termes de chiffres d'affaires, d'EBITDA, de résultat opérationnel courant (ROC) et capitaux propres, a sensiblement diminué entre 2017 et 2020, et ce en raison, d'une part, des opérations de croissance externes réalisées par le groupe Seqens, concomitamment ou après l'acquisition de la société PCAS, et d'autre part, des moindres performances de la société PCAS par rapport aux autres filiales du groupe, lesquelles s'expliquent essentiellement par des difficultés opérationnelles de la société PCAS en particulier un défaut de fiabilité de l'outil industriel due à des années de sous-investissements avant son acquisition par Seqens en 2017, et que depuis, la société PCAS a réalisé entre 2018 et 2019 des investissements pour un montant total de 96,7 m€ représentant chaque année entre 14,6% et 17,8% du chiffre d'affaires consolidé, financés essentiellement par des avances en compte courant de Seqens. Elles précisent que ces investissements ont pour partie consister en une remise à niveau de plusieurs sites, en particulier celui de Limay et non en des investissements de croissance, et que l'autre partie a été dédié au développement de nouveaux produits initié depuis 2018 dont une nouvelle unité de production sur le site de Villeneuve-la-Garenne. Seqens ajoute que cet investissement dans cette nouvelle unité fait partie intégrante de sa stratégie de croissance organique et représente 30,9% de CAPEX de croissance du Groupe Seqens sur la période 2018-2020.

47.Elles font valoir, en troisième lieu, que l'AMF a exactement caractérisé le fait que la société PCAS ne représentait pas un actif essentiel du groupe Seqens au terme d'une analyse multicritères tenant compte, conformément à sa pratique décisionnelle, de plusieurs critères quantitatifs et des raisons ayant amené l'acquéreur à prendre le contrôle du groupe Seqens. Elle souligne que sur les sept critères quantitatifs retenus, deux seulement sont au-dessus de 30% (les effectifs et CAPEX), dont un seul au-dessus de 40% (CAPEX) mais que ces deux critères ont une pertinence très relative dès lors que les activités de la société PCAS, dont les unités de productions sont polyvalentes et peu automatisées, nécessitent sensiblement plus de ressources humaines que les autres unités du groupe Seqens, qui sont mono-produits et automatisées, et que le niveau d'investissement s'explique pour une large part par le sous-investissement de la période antérieure. Seqens ajoute que les demandeurs au recours ne démontrent pas en quoi le nombre de sites occupés par la société PCAS serait un indicateur pertinent.

48.Elles observent que les demandeurs au recours ne critiquent pas la pertinence ou la mise en œuvre des critères quantitatifs retenus par l'AMF mais le fait qu'elle les a appréciés sur les base de comptes qui ne refléteraient pas la réalité en invoquant des flux occultes et anormaux entre les deux entités, ou encore une confusion de leur patrimoine, sans toutefois produire le moindre commencement de preuve tout en se contredisant en affirmant, d'un côté, que la dégradation de ses résultats est liée à des investissements substantiels dans l'outil de production, et de l'autre, que cette dégradation résulte d'une politique délibérée de Seqens de mettre à défaut la rentabilité de PCAS par le biais de flux financiers occultes et anormaux.

49.Elles font valoir, qu'en toute hypothèse, de telles allégations, outre qu'elles sont fausses, sont inopérantes dès lors qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la cour d'appel de Paris que ni l'AMF ni la Cour ne sont compétentes « pour se prononcer sur les violations d'obligations dont les sanctions de droit privé n'entrent pas dans les mesures que l'AMF est habilitée à prendre par application des dispositions du code monétaire et financier et de son règlement général » (CA Paris, 13 juillet 1988, Aff.Holophane ; CA Paris, 13 nov. 2001, Aff. Expand ; CA Paris, 16 septembre 2003, RG n° 03/6260, Com. 5 juillet 2017, n° 15-25121)

50.Elles affirment, en dernier lieu, que les éléments tenant à l'étroitesse du flottant, à l'augmentation de l'auto-détention et au niveau de détention majoritaire n'avaient pas à être pris en compte pour déterminer le poids de PCAS dans le groupe Seqens et que c'est à tort qu'est invoquée une rupture d'égalité de traitement des actionnaires minoritaires au profit de Seqens ou d'Eurazo dès lors que ces derniers n'ont pas cédé de titre PCAS.

51.S'agissant de l'analyse qualitative, les entités Seqens font valoir que la société PCAS ne constitue pas à elle seule un actif stratégique pour le groupe Seqens, mais fait partie d'un ensemble plus vaste, équilibré auquel elle a été intégrée comme entité indépendante et autonome, complémentaire avec les autres divisions opérationnelles. Elles ajoutent que depuis son acquisition en juin 2017, la société PCAS n'a jamais été un vecteur de croissance pour le groupe Seqens mais n'a représenté qu'une étape de la stratégie de croissance externe entamée par le groupe depuis plusieurs années, les autres opérations de croissance externe ayant en outre toujours été réalisées par l'intermédiaire de Seqens. Elles précisent que si PCAS et les autres entités du groupe Seqens réalisant des activités dites « CDMO » engagent des dépenses de recherche et développement, la majeure partie de ces dépenses est réalisée dans le cadre de projets de développement spécifiques pour les besoins de leurs clients à qui la propriété intellectuelle est cédée. Elles soulignent que la société PCAS n'a pas constitué un élément déterminant de l'acquisition du Groupe Seqens par Sirona BidCo, cette acquisition constituant un investissement dans un groupe industriel et non dans un actif en particulier. Sur ce point, elles précisent qu'en tant que fonds d'investissement procédant à des opérations de rachat avec effet de levier (LBO), financées majoritairement par endettement, l'objectif de la société SK Capital est de réaliser des investissements immédiatement profitables et générateurs de trésorerie, afin notamment de servir les intérêts de la dette et de rembourser la dette d'acquisition et que la situation de la société PCAS, au regard de ses contributions au groupe, ne permettrait en aucun cas de participer à la réalisation de cet objectif.

52.Elles exposent que la place de de la société PCAS et son intégration dans l'organisation fonctionnelle du groupe Seqens, qui s'explique par le niveau de détention capitalistique, n'en fait pas pour autant un actif essentiel pour le groupe ; que le site de Porcheville, bien que significatif, ne jouit pas d'un rayonnement stratégique plus significatif que les autres sites et que le changement de marque Novacap au profit de Seqens ou l'intégration de l'image de Seqens dans la communication de la société PCAS visent à réunir l'ensemble des unités opérationnelles sous une marque cohérente permettant de les rattacher à un même ensemble. Elles font valoir, au demeurant, qu'il est tout à fait possible pour une entité d'être fortement imbriquée dans un groupe sans en être un actif essentiel et, inversement, une entité qui aurait maintenu une gouvernance distincte, une communication externe spécifique, et une activité autonome pourrait parfaitement être un actif essentiel pour son groupe au regard de sa rentabilité et/ou de son importance stratégique.

53.Le ministère public considère que les moyens ne sont pas fondés et que l'AMF a vérifié par une analyse quantitative adaptée et pertinente, conforme à sa pratique décisionnelle, que les données financières du groupe Seqens reflètent la faible part contributive de la société PCAS et qu'elle a confortée par une analyse qualitative tout aussi adaptée et pertinente.

Sur ce, la Cour,

54.L'article 234-2 du RGAMF fait obligation à toute personne qui vient à détenir directement ou indirectement plus de 30% du capital ou des droits de vote d'une société cotée de déposer un projet d'offre publique, en ces termes :

« Lorsqu'une personne physique ou morale, agissant seule ou de concert au sens de l'article L.233-10 du code de commerce, vient à détenir, directement ou indirectement, plus de 30 % des titres de capital ou des droits de vote d'une société, elle est tenue à son initiative d'en informer immédiatement l'AMF et de déposer un projet d'offre publique visant la totalité du capital et des titres donnant accès au capital ou aux droits de vote, et libellé à des conditions telles qu'il puisse être déclaré conforme par l'AMF ».

55.L'article 234-9, 8° du RGAMF autorise à déroger à cette obligation lorsque la filiale cotée n'est pas un actif essentiel de sa société mère, directe ou indirecte :

« Les cas dans lesquels l'AMF peut accorder une dérogation sont les suivants : (...)

8° Sans préjudice du III de l'article L.433-3 du code monétaire et financier, acquisition du contrôle, au sens des textes qui lui sont applicables, d'une société détenant, directement ou indirectement, plus de 30 % du capital ou des droits de vote d'une société dont les titres de capital sont admis aux négociations sur un marché réglementé d'un État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, y compris la France, et qui ne constitue pas un actif essentiel de la société dont le contrôle est acquis. ».

56.Ce texte ne définit pas la notion d'actif essentiel ni ne précise les éléments permettant d'en dessiner les contours, laissant ainsi une grande marge d'appréciation à l'autorité de régulation afin déterminer, au cas par cas, les critères pertinents permettant d'apprécier les parts contributives d'une filiale aux éléments d'actifs du groupe auquel elle appartient.

57.En l'espèce, l'AMF a retenu, en premier lieu, plusieurs indicateurs de patrimoine et d'activité que sont la valeur des fonds propres (valeur comptable et valeur de marché), le chiffre d'affaires, le niveau de rentabilité d'un cycle d'exploitation (EBITDA, acronyme de Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization, soit en français bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement), le résultat opérationnel et les dépenses d'investissement dites « CAPEX », afin d'établir les parts contributives, pour chacun de ces indicateurs, de la société PCAS dans la société Seqens.

58.L'AMF a relevé que ces parts contributives s'établissaient au cours des exercices 2019 et 2020 :

' pour le chiffre d'affaires : entre 20% et 21% ;

' pour l'EBITDA : entre 7% et 14% ;

' pour le résultat opérationnel : d'une valeur négative au résultat positif de Seqens ;

' pour les fonds propres : 21% de la valeur de marché, 28% de la valeur comptable, étant précisé que cette valeur n'a pas été dépréciée depuis 2017 en dépit de la baisse du cours constatée ;

' pour les dépenses d'investissement dites « CAPEX » : entre 42 et 43%.

59.Ces ratios ont été établis indépendamment du niveau de participation de la société Sequens dans le capital de la société PCAS et auraient donc été les mêmes quel que soit ce niveau de participation. En outre, contrairement ce que soutiennent les demandeurs au recours, l'AMF n'avait pas à prendre en considération le fait que ce niveau était proche du seuil de déclenchement de l'obligation du dépôt d'une offre publique de retrait, cette circonstance étant sans pertinence pour apprécier la place de la société PCAS au sein du groupe Seqens en termes de patrimoine et d'activité, et déterminer si cette dernière constituait un actif essentiel au sens de la réglementation précitée.

60.Ces ratios, dont le montant n'est pas contesté, ont été calculés à partir des données comptables et financières toutes issues des états financiers consolidés des sociétés PCAS et Seqens, établis pour les exercices 2019 et 2020, et qui ont été certifiés sans réserve par des commissaires aux comptes.

61.C'est donc en vain que les minoritaires, qui n'offrent aucune preuve au soutien de leurs allégations, invoquent des transferts d'actifs de PCAS vers Seqens par le biais de flux commerciaux entre les deux entités et de la facturation, par la société Seqens, de « management fees » douteux d'un montant exorbitant et inégalitaire à l'origine, selon eux, d'une dégradation artificielle des résultats de PCAS.

62.Au demeurant, la circonstance, à la supposer établie, que la dégradation financière de PCAS, et en particulier la diminution de ses résultats et de ses marges, soit le résultat d'une politique délibérée de Seqens de pratiquer des flux financiers, ou autres transferts d'actifs, anormaux et/ou occultes, est étrangère à l'appréciation par l'AMF de la notion d'actif essentiel au sens de l'article 234-9, 8° du RGAMF, qui implique de déterminer, à la date de la prise de contrôle de la société Seqens par SK Capital, le niveau de contribution de la société PCAS à la société Seqens et non si cette contribution était due à d'éventuelles fautes de gestion ou abus de biens sociaux. Il sera rappelé à cet égard qu'il n'appartient ni à l'AMF, ni à la Cour statuant sur les recours formés contre ses décisions, de se prononcer sur la violation éventuelle d'obligations dont les sanctions de droit privé ne relèvent pas des mesures que l'autorité de régulation est habilitée à prendre.

63.Les ratios précités font ressortir la faiblesse des parts contributives de la société PACS dans les actifs de la société Seqens, en particulier s'agissant du chiffre d'affaires, de la rentabilité (EBITDA), des résultats opérationnels et des fonds propres qui sont tous inférieurs à 30%.

64.Si le ratio des dépenses d'investissement excède 40% pour s'établir entre 42% et 43%, ce niveau de contribution ne saurait à lui seul, eu égard à la faiblesse des autres ratios, faire de la société PCAS un actif essentiel de la société Seqens, et ce d'autant qu'il s'explique, pour une large part, par le sous-investissement de la période antérieure à l'origine de difficultés de production industrielle comme il résulte des rapports financiers annuels de la société PCAS pour les exercices 2018 et 2019 inclus dans la documentation qu'elle a déposée à l'AMF en qualité de société cotée. En outre, les sociétés Seqens et PCAS font valoir, sans être contredites sur ce point, que les dépenses d'investissement dites de croissance de PCAS n'ont représenté que 31% des dépenses du groupe Seqens sur la période 2018-2020. Enfin, la circonstance que la société Seqens ait financé, par avance en compte courant, l'ensemble des dépenses d'investissement, démontre certes la volonté de la société Seqens de soutenir l'activité de sa filiale, mais ne saurait suffire à démontrer que PCAS constitue un actif essentiel du groupe Seqens.

65.S'agissant du nombre de salariés invoqué par les demandeurs au recours, pour lequel la contribution de la société PCAS dans le groupe Seqens est de 36%, cette donnée n'apparaît pas être un critère pertinent pour apprécier le caractère d'actif essentiel de la société PCAS, sauf à démontrer une homogénéité des besoins en effectifs entre les unités de production du groupe Seqens, ce que les demandeurs au recours ne font pas. Sur ce dernier point, PCAS et Seqens soulignent, sans être contredites, que les unités de production de PCAS sont polyvalentes et peu automatisées et nécessitent sensiblement plus de ressources humaines que les autres unités du groupe Seqens qui sont mono-produits et automatisées.

66.Quant au nombre de sites, les demandeurs au recours n'expliquent pas en quoi cette donnée constituerait un critère pertinent étant observé, comme le fait l'AMF, qu'il peut refléter le degré de morcellement de l'activité de la société PCAS. En outre, les demandeurs au recours ont limité leur comparaison du nombre de sites de production et commerciaux aux seuls sites situés en France alors que le groupe Seqens, qui a une dimension internationale, comprend de nombreux sites situés à l'étranger.

67.S'agissant des sites R&D, s'il n'est pas sérieusement contestable que l'activité de recherche et de développement revêt une importance stratégique pour la société PCAS, les demandeurs au recours ne versent aucun élément de nature à établir que ces sites, en particulier celui de Porcheville, présentent au niveau du groupe Seqens une telle importance stratégique, laquelle ne saurait résulter de la mise en avant de ses performances et de son niveau d'excellence dans la politique de communication de Seqens ou du niveau de crédit d'impôt recherche dont bénéficie la société PCAS. Ce dernier ne permet pas de déterminer la propriété intellectuelle générée par les activités de ces sites R&D. Sur ce dernier point, il n'est pas contesté que l'essentiel de l'activité de la société PCAS est de fournir des prestations de recherche et de développement pour la fabrication de molécules, qu'elle n'a pas elle-même créées et, qui sont ensuite développées et brevetées par ses clients auxquels le processus d'industrialisation est cédé, étant observé que nombre de ses clients, établis à l'étranger, ne bénéficient pas du crédit d'impôt recherche, lequel profite à la société PCAS. Il s'en déduit que ces prestations de recherche et de développement, au regard de l'offre de services de la société PCAS, sont peu génératrices de propriété intellectuelle pour la société Seqens.

68.Il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est à juste titre que l'AMF, au terme d'une analyse multi-critéres pertinente, a retenu que les données quantitatives ne permettaient pas de faire ressortir le caractère d'actif essentiel de la société PCAS dans le groupe Seqens.

69.En second lieu, l'AMF a complété son analyse par des critères qualitatifs, en tenant compte des motifs de l'opération d'investissement de la société SK Capital afin de déterminer s'ils étaient de nature à remettre en cause ou au contraire conforter les données quantitatives.

70.À cette fin, elle a pu se fonder sur les déclarations d'intention de la société SK Capital, laquelle a indiqué qu'elle poursuivait « l'objectif d'acquérir un groupe industriel équilibré dans ses différentes composantes, sans être motivée spécifiquement par la seule acquisition de PCAS dont les caractéristiques de profitabilité et les besoins en investissements ne sauraient lui donner un caractère plus attractif que les autres actifs de Seqens ».

71.Cette déclaration est en effet conforme au communiqué publié par la société SK Capital le 18 octobre 2021 qui annonce l'opération d'acquisition du groupe Seqens sans mentionner la société PCAS si ce n'est pour indiquer qu'en cas de réalisation effective de l'opération, elle dépassera de manière indirecte le seuil de 30% et qu'elle demandera une dérogation à l'obligation de déposer une offre publique.

72.L'absence de référence à la société PCAS comme élément stratégique du groupe est également compatible avec les déclarations d'intentions du groupe Seqens lors de sa prise de contrôle en 2017, telles que reprises dans sa note d'information déposée auprès de l'AMF, d'acquérir une entité dont l'activité est complémentaire à celles d'autres divisions du groupe. Ainsi, la société Seqens n'a pas acquis la société PCAS dans l'objectif de déployer un nouveau segment du marché ou développer grâce à cette dernière une branche d'activité déjà exploitée par la société Seqens.

73.En outre, ainsi que le souligne à juste titre l'AMF dans ses observations, une société comme PCAS dont l'activité est la fabrication de principes actifs dans les médicaments, est un actif à faible profitabilité et consommateur de flux de trésorerie de sorte qu'il ne représente qu'un intérêt relatif pour un fonds d'investissement tel que la société SK Capital.

74.Quant aux éléments invoqués par les demandeurs au recours, tenant à l'unicité de siège social, de marque, de dirigeant des deux entités, à l'inclusion des produits PCAS dans l'offre globale de la société Seqens, loin de caractériser une fusion de fait, ils suggèrent une forte intégration de la société PCAS au sein du groupe Seqens. Une telle intégration, qui peut s'expliquer par le niveau de détention de la société PCAS par la société Seqens, ne saurait faire de la première un élément stratégique de la seconde.

75.Enfin, les demandeurs au recours font valoir que la dérogation accordée à la société SK Capital constitue une violation des droits des actionnaires minoritaires en raison de la différence de prix entre les titres vendus par le bloc d'actionnaires et ceux du flottant. Ils se fondent sur le communiqué des sociétés Eurazéo et Mérieux du 26 août 2021, ce dernier indiquant réaliser, par la cession de sa participation dans la société Seqens au profit de la société SK Capital « un retour de 1,8x son investissement initial ». Or, une telle déclaration vise l'investissement dans le groupe Seqens et non la seule acquisition indirecte des titres PCAS de sorte qu'il ne peut en être déduit, comme le font à tort les demandeurs au recours, que le titre PCAS a été cédé au prix de 30,6 euros (17 x 1,8), supérieur à la valeur du marché du titre de l'ordre de 8 euros.

76.Il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est à juste titre que l'AMF a retenu que l'analyse des données quantitatives, confortée par celle des données qualitatives, ne faisaient pas ressortir le caractère d'actif essentiel de la société PCAS dans le groupe Seqens.

77.Le recours mal fondé, est rejeté.

78.Les demandeurs au recours succombent en leurs prétentions. Il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner in solidum à verser la somme de 5 000 euros à la société PCAS et celle globale de 5 000 euros aux sociétés SK Capital, Sirona BidCo, Seqens et Seqens GH.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement :

DÉCLARE recevable le recours formé par madame L., messieurs L. et L. et les sociétés RLDH SAS et Ictus GmbH ;

Au fond, le rejette ;

CONDAMNE in solidum madame L., messieurs L. et L. et les sociétés RLDH SAS et Ictus GmbH à verser la somme de 5 000 euros à la société PCAS sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum madame L., messieurs L. et L. et les sociétés RLDH SAS et Ictus GmbH à verser la somme globale de 5 000 euros aux sociétés Sirona BidCo, SK Capital Partners LP, Seqens Group Holding et Seqens sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum madame L., messieurs L. et L. et les sociétés RLDH SAS et Ictus GmbH aux dépens.