CA Toulouse, 2e ch., 15 juin 2022, n° 22/00424
TOULOUSE
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme. Salmeron
Conseillers :
M. Delmotte, M. Martin de la Moutte
Avocats :
Me Quesada, Me Cantaloube-Ferrieu
Exposé du litige
Par déclaration du 26 janvier 2022, M. [E] a relevé appel du jugement du 13 janvier 2022 qui lui a été notifié le 18 janvier 2022, aux termes duquel le tribunal de commerce de Toulouse
- l'a débouté de sa demande d'ouverture d'un rétablissement professionnel, introduite le 5 janvier 2022
- a ouvert sa liquidation judiciaire,
- a fixé au 6 décembre 2021 la date de cessation des paiements,
- a désigné la Selarl Benoît et associés en qualité de liquidateur.
Avis de fixation à bref délai a été délivré par le Greffe le 14 février 2022.
La signification de la déclaration d'appel a été effectuée le 18 février 2022 entre les mains du liquidateur lequel n'a pas constitué avocat.
Par ordonnance du 20 avril 2022, le magistrat délégué du Premier président de cette cour a arrêté l'exécution provisoire du jugement du 13 janvier 2022.
Vu les conclusions récapitulatives du 25 avril 2022 de M. [E] demandant à la cour
- de déclarer recevable son appel
- de débouter le ministère public et le liquidateur de leurs demandes
- d'infirmer le jugement déféré
- d'ouvrir la procédure de rétablissement professionnel à son profit
Vu l'avis du 28 avril 2022 du ministère public, transmis via le RPVA, estimant que le jugement doit être infirmé et que M. [E] peut bénéficier d'un rétablissement professionnel.
Motifs
L'appel formé par M. [E] dans le délai de 10 jours courant à compter de la notification du jugement du 13 janvier 2022 est recevable.
Au fond, il résulte de l'article L.645-1 , alinéa 1er, du code de commerce qu'il est institué une procédure de rétablissement professionnel sans liquidation ouverte à tout débiteur, personne physique, mentionné au premier alinéa de l'article L.640-2, en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible, n'a pas cessé son activité depuis plus d'un an, n'a employé aucun salarié au cours des six derniers mois et dont l'actif déclaré à une valeur inférieure à un montant fixé par décret en Conseil d'Etat(soit 5000¤ article R.645-1 du code de commerce).
L'ordonnance 2021-1193 du 15 septembre 2021, entrée en vigueur le 1er octobre 2021, a modifié cet article en ajoutant à l'alinéa 1er de l'article précité la disposition suivante : 'les biens que la loi déclare insaisissables de plein droit ne sont pas pris en compte pour déterminer la valeur de l'actif'. L'article L.645-1, alinéa 1er, du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 1er octobre 2021 était applicable à la date où le tribunal de commerce a statué.
La loi 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante, , entrée en vigueur le 15 mai 2022, a modifié les alinéas 2 et 3, de l'article L.645-1 mais pas l'alinéa 1er.
En l'espèce, il est justifié que M. [E] exerce en son nom personnel une activité de ravalement de façades depuis le 6 août 1997.
Il n'a jamais cessé son activité et n'a jamais employé de salarié.
Son chiffre d'affaires en 2020 s'est élevé à 19668¤ tandis que son résultat net s'est élevé à 6030¤. Il déclare que son résultat net s'élève approximativement au même montant tous les ans.
Son actif disponible est composé du solde créditeur d'un compte bancaire ouvert auprès de la banque populaire occitane lequel s'élevait, au 31 janvier 2022 à la somme de 1448, 91¤ tandis que le passif exigible s'élève à la somme de 41 075, 21 ¤ dont la somme de 37 919, 21¤ (principal, intérêts et article 700 du code de procédure civile) résultant d'un arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 6 décembre 2021.
Il détient par ailleurs du matériel professionnel dont il estime qu'il est dénué de toute valeur.
A la date du 6 décembre 2021, il disposait de liquidités à concurrence de 3737, 02¤ (solde compte bancaire du 30 novembre 2021) ne lui permettant pas de faire face au passif exigible et, notamment, à la condamnation prononcée le même jour par la cour de céans.
Son état de cessation des paiements est donc avéré dès le 6 décembre 2021.
Ne pouvant dégager par son activité plus de bénéfices que ceux figurant aux bilans successifs de 2017 à 2020, ne pouvant bénéficier d'aucune aide particulière et ne proposant aucune solution, le redressement de M. [E] apparaît manifestement impossible.
Enfin, M. [E] est propriétaire avec son épouse de sa résidence principale, sise [Adresse 4], l'existence de cette résidence principale étant justifiée par l'avis de taxe foncière pour l'année 2021.
Or, cette résidence principale constitue un bien insaisissable de plein droit par application de l'article L.526-1 du code de commerce.
Contrairement à ce qu'a retenu le jugement, qui n'a pas mis en oeuvre les dispositions de l'article L.645-1 du code de commerce dans sa version alors applicable, cette résidence principale ne pouvait pas être prise en compte pour déterminer la valeur de l'actif de M. [E] qui justifie, dès lors, d’un actif inférieur à 5000¤.
M. [E] est donc éligible à la procédure de rétablissement professionnel.
Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions et d'ouvrir le rétablissement professionnel de M. [E] pour une durée de quatre mois.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable l'appel de M. [E] ;
Infirme le jugement déféré dans tous ses dispositions ;
Ouvre le rétablissement professionnel de M. [L] [E], né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 5](Maroc), demeurant [Adresse 4] pour une période de quatre mois à compter du présent arrêt ;
Fixe la date de cessation des paiements au 06 décembre 2021 ;
Désigne la Selarl Benoît et associés, prise en la personne de Mme [K], en qualité de mandataire judiciaire ;
Renvoie la procédure devant
- le tribunal de commerce de Toulouse aux fins de désignation d'un juge commis et de suivi de ladite procédure,
- le greffier en chef du tribunal de commerce de Toulouse pour effectuer les publicités au BODACC et délivrer le document prévu par l'article R.645-5, 1°, du code de commerce.
Dit que le présent arrêt sera notifié par le Greffe dans le délai de huit jours à compter du présent arrêt par lettre recommandée avec avis de réception ;
Ordonne l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de la procédure de rétablissement professionnel.