Livv
Décisions

Cass. 1re civ., 17 février 1998, n° 95-19.305

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

M. Bouscharain

Avocat général :

M. Roehrich

Avocats :

SCP Célice, Blancpain et Soltner, Me Baraduc-Bénabent, Me Choucroy

Paris, du 10 mai 1995

10 mai 1995

Attendu que M. B..., ancien agent général des Assurances générales de France (AGF), créancier de l'indemnité compensatrice statutaire, a, par actes des 28 juin et 16 juillet 1991, signés par son mandataire, délégué dans sa créance M. Y... et la société Republic National Bank of New York (RNB), respectivement à concurrence de 1 000 000 de francs et de 1 900 000 francs ; que la société RNB, qui avait expressément réservé les cautionnements garantissant sa créance sur M. B..., a obtenu, à l'échéance, paiement par les cautions, M. X... et Mme Z..., qu'elle a subrogés dans le bénéfice de la délégation ;

Attendu que se prétendant créancière de M. B..., la banque Veuve Morin-Pons, devenue banque Part-Dieu, a fait procéder entre les mains des AGF à deux saisies-arrêts, l'une, le 17 juillet 1991, à concurrence de 1 146 964,30 francs, l'autre, le 2 août suivant, à concurrence de 11 697 632,11 francs ; que, sur la demande en paiement provisionnel présentée en référé par MM. X..., Y... et A... Z..., le sequestre de la somme correspondant au montant de l'indemnité a été ordonné sur proposition des AGF ; que, saisi au fond, l'arrêt confirmatif attaqué, retenant que la délégation avait produit son effet le 16 juillet 1991, a condamné les AGF à payer diverses sommes à MM. X..., Y... et à Mme Z..., ainsi que les intérêts de ces sommes à compter de diverses dates, ordonnant au sequestre de leur remettre les sommes dues à concurrence de la somme sequestrée, et condamnant les AGF à leur verser le solde ;

Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches, du pourvoi principal de la banque Veuve Morin-Pons :

Attendu, d'abord, que l'arrêt retient que, par actes du 28 juin 1991, acceptés le 2 juillet et formellement le 16, réitérés les 24 et 30, M. B... a obtenu des AGF qu'elles s'obligent au paiement de la dette au bénéfice de la société RNB et de M. Y... qui l'ont déchargé tout aussi formellement de ses obligations par lettres des 28 juin et 3 juillet ; qu'il a ainsi constaté l'acceptation expresse de la délégation ;

Attendu, ensuite, qu'il résulte des articles 1278 et 1281, alinéa 3, du Code civil, que, lorsque le créancier délégataire a réservé le cautionnement assortissant l'ancienne créance, si les cautions du délégant acceptent le nouvel arrangement, l'ancienne créance est éteinte ; que, dès lors qu'ils ont constaté que M. X... et Mme Z..., cautions de dettes de M. B... envers la société RNB qui avait subordonné son consentement à la décharge de son débiteur au maintien des garanties de sa créance, avaient accepté de garantir la dette des AGF, les juges du fond ont, à bon droit, considéré que la délégation faite au profit de la société RNB avait un effet novatoire ; qu'ayant relevé qu'aucune des obligations n'est contestée par ceux qui les ont contractées, l'arrêt est légalement justifié ;

Attendu, enfin, que la ratification, souverainement appréciée par les juges du fond, valide rétroactivement les actes accomplis par le mandataire, même au-delà de son pouvoir ; qu'ayant constaté que les délégations consenties par son mandataire avaient été ultérieurement ratifiées par M. B..., l'arrêt a exactement considéré que la discussion relative à la preuve du mandat donné par ce dernier était dépourvue d'objet ;

Attendu, par suite, que le moyen, qui est inopérant en ce qu'il attaque des motifs surabondants et qui n'est pas fondé en ses autres griefs, ne peut être accueilli ;

Mais, sur le moyen unique du pourvoi provoqué des Assurances générales de France :

Vu l'article 1961.3° du Code civil ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que lorsqu'il remet au sequestre désigné par justice les choses qu'il a offertes pour sa libération, le débiteur est libéré ;

Attendu que, pour condamner les AGF à payer à M. X..., à M. Y... et à Mme Z... des intérêts au taux légal jusqu'à complet paiement, l'arrêt attaqué retient que le sequestre dont les AGF prétendent faussement avoir pris l'initiative, ne saurait tenir lieu de paiement ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le sequestre de la somme due par cet assureur avait été ordonné par justice et que la somme avait été versée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné les AGF à payer à M. Y..., à M. X... et à Mme Z... les intérêts sur le principal des sommes dues jusqu'au complet paiement, l'arrêt rendu le 10 mai 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.