Cass. com., 21 janvier 2014, n° 12-27.193
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (troisième chambre civile, 9 septembre 2009, pourvois n° 08-12.866 et n° 08-13.154), que le GAEC Riez à la vie (le GAEC) a obtenu le 21 août 1991 un permis de construire pour l'édification d'un bâtiment destiné à accueillir des bovins ; qu'une étude réalisée le 9 mai 1992 a révélé que l'état du bâtiment et des installations justifiait leur renouvellement selon une technologie permettant d'améliorer la productivité ; que pour réaliser ce projet, le GAEC s'est adressé notamment à la société à responsabilité limitée Y... dont Guillaume Y... était le gérant ; que des constats d'huissier ont révélé que les travaux n'étaient pas achevés, que les systèmes d'alimentation et de traite étaient défectueux et que les installations avaient occasionné des blessures graves aux animaux ; qu'après expertise, la société Y... a fait assigner le GAEC en paiement d'un solde sur factures ; que le GAEC a fait assigner la société Y..., Guillaume Y..., décédé en cours d'instance, et leurs assureurs, en paiement de dommages-intérêts ; que devant la cour d'appel de renvoi, il a fait valoir que Guillaume Y... avait engagé sa responsabilité personnelle et sollicité la condamnation des consorts Y... au paiement d'une certaine somme ;
Sur le second moyen :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de constater qu'ils viennent aujourd'hui aux droits de Guillaume Y... en leur qualité d'héritiers, sans aucun motif au soutien de ce chef du dispositif, alors, selon le moyen :
1°/ que les juges doivent respecter l'objet du litige tel que déterminé par les prétentions respectives des parties et ne peuvent statuer sur ce qui ne leur est pas demandé, si bien qu'en constatant, dans son dispositif, que les consorts Y... viennent aujourd'hui aux droits de Guillaume Y... décédé le 5 octobre 2008, en leur qualité d'héritiers, cependant, d'une part, qu'elle n'était saisie d'aucune demande en ce sens par une quelconque partie au litige et, d'autre part, que les pièces de la procédure établies aux noms des consorts Y... réservaient expressément leur option successorale en précisant qu'ils composaient « potentiellement » la succession de Guillaume Y..., la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en méconnaissance des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en toute hypothèse, le fait de défendre à une action intentée par un prétendu créancier de la succession n'a, par lui-même, qu'un caractère conservatoire et n'implique pas l'intention d'accepter cette succession, de sorte qu'en constatant, dans son dispositif, que les consorts Y... viennent aujourd'hui aux droits de Guillaume Y... décédé le 5 octobre 2008, en leur qualité d'héritiers, cependant que ceux-ci, en se bornant à défendre à l'action engagée par le GAEC, qui avait saisi la cour d'appel de renvoi notamment d'une demande tendant à engager la responsabilité civile personnelle de Guillaume Y..., n'agissaient qu'à titre conservatoire, excluant ainsi toute intention d'accepter la succession du défunt, la cour d'appel a violé les articles 782, 784 et 805, alinéa 1er, du code civil ;
Mais attendu que dès lors que le GAEC avait fait assigner les consorts Y... en leur qualité d'héritiers de Guillaume Y... en réparation du préjudice causé par les fautes invoquées à l'encontre de ce dernier, et qu'il ne résulte ni des motifs ni du dispositif de leurs conclusions que les consorts Y... aient expressément contesté cette qualité, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a statué comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :
Attendu que le moyen, qui est de pur droit, est recevable ;
Et sur le moyen :
Vu les articles L. 223-22 du code de commerce et 1382 du code civil ;
Attendu que pour dire que Guillaume Y... a engagé sa responsabilité personnelle dans la conception et la réalisation de l'installation de production laitière, l'arrêt retient qu'en sa qualité de gérant unique de la société Y..., Guillaume Y..., qui a été le seul interlocuteur du GAEC, a multiplié les erreurs et fautes de conception dont l'ensemble présente une exceptionnelle gravité ; qu'il ajoute que cet ensemble de fautes doit être analysé comme détachable des fonctions de gérant qu'il a exercées, de nature à engager, outre la responsabilité de la société Y..., sa responsabilité personnelle ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la faute intentionnelle d'une particulière gravité, détachable des fonctions de gérant, de nature à engager la responsabilité personnelle du gérant d'une société à responsabilité limitée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que Guillaume Y... avait engagé sa responsabilité personnelle dans la conception et la réalisation de l'installation de production laitière, l'arrêt rendu le 17 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.